[ Chapitre 2 de Diamant Noir ! Je l'ai légèrement modifié, rien d'extraordinaire ! En espérant qu'il soit plaisant ! :D ]
La nuit est claire. Le froid, vif.
Nichée là au creux des bois, une petite maison en pierre.
La cheminée fonctionne et de gros nuages blancs s'en échappent. La lumière est éteinte et la porte verrouillée. De petits mammifères se faufilent sous les clôtures de bois repeintes en gris. Le portail ne sort à présent plus de ses vieux gonds. La maison a eu le droit à une seconde vie, dorlotée par sa nouvelle propriétaire.
Propriétaire qui marche dans la forêt depuis une dizaine de minutes. Nayël, en seulement deux années, a réussi à en faire une habitation digne de ce nom, douillette et agréable. Elle a également appris à se retrouver dans les bois qui entourent son minuscule domaine. Maintenant, ces paysages de hautes cimes et de roches n'ont plus aucun secret pour elle. Elle s'est reconstruite, petit à petit, morceau par morceau. Elle s'est fabriquée, par petits bouts, un agréable train de vie. Elle s'en est accommodée, et en est venue à aimer ça.
Et aujourd'hui, elle a décidé que toutes les choses, même les plus douillettes, avaient une fin.
Il est temps.
Malgré les températures relativement basses, la mage n'a pas froid. Elle se déplace avec agilité sur le sol de la forêt sans pour autant cacher sa présence : Il n'y a rien ici, hormis des animaux. Enveloppée dans un manteau noir, elle porte à bout de bras un petit sceau. Un sac de tissu en bandoulière sur son épaule droite. Elle cherche un endroit bien particulier, qu'elle a repéré des jours, voir, des semaines auparavant. Elle sait que cet endroit-là sera parfait pour ce qu'elle veut accomplir. Ses bottes lacées la protègent des roches coupantes lorsqu'elle enjambe un petit ravin. Elle renverse maladroitement un peu du contenu du sceau par terre et jure entre ses dents lorsqu'une fleur liquide écarlate apparaît sur le sol : chaque goutte en est précieuse. Elle a mis tellement de temps à en trouver qu'il serait dommage de tout gâcher. Qui plus est, sacrifier une bête comme elle l'a fait, lui a véritablement brisé le cœur.
Un chien errant, en plus. Hors de question de recommencer.
Secouant la tête pour chasser les mauvaises pensées et la culpabilité qui l'assaillent, Nayël continue de marcher. Elle ne sent bientôt plus les épines de pins qui formaient un tapis moelleux sous sa semelle. Une herbe fraîche et grasse les remplace. Et Nayël s'arrête pour reprendre son souffle en regardant autour d'elle : Les arbres forment un immense cercle, une splendide clairière. Ils penchent leurs branches délicates au-dessus d'elle, comme s'ils étaient en pleine réunion et qu'ils s'écoutaient les uns les autres avec attention. Le sol est plat, dégagé de toute roche. A quelques mètres, il se dérobe, il n'y a plus qu'un vide vertigineux et une vue pittoresque sur le paysage à l'horizon. Il n'y a que de la terre et des fleurs sauvages, courbées sous un ciel gorgé d'étoiles qui se reflètent dans le gris des yeux de la jeune femme :
« - On voit la voie lactée, pense-t-elle, un sourire sur les lèvres »
Puis elle redevient sérieuse, brutalement. Ses cheveux châtains tombent devant son visage lorsqu'elle se penche pour poser le petit sceau. S'ensuit une étrange panoplie de gestes et de paroles murmurées à la terre. Le sang dans le sceau est apposé à même le sol par la magicienne, avec minutie. Elle s'applique et achève sa tâche en silence. Puis elle observe les marques sur le sol, en reculant de quelques mètres. Elle admire son œuvre, un air impassible sur le visage. Un cercle magique, voilà ce qu'elle vient d'inscrire à même la terre. Un cercle magique, pour une guerre de Magie. Pour la guerre du Saint Graal. Elle pense à ses parents, qui désapprouveraient totalement son comportement à ce jour. Puis elle hausse les épaules : Nayël s'en fiche bien de ce que les O'Neill peuvent penser. Elle a quelque chose à accomplir, ici et maintenant.
Il est temps.
Elle n'a pas de catalyseur. Elle n'a pas pris la peine d'en rechercher. Elle a toujours jugé, de manière quelque peu orgueilleuse que le Saint Graal lui donnerait un Servant qui lui correspondrait. Néanmoins, elle a étudié chaque paramètre d'invocation, pour être sûre de tomber sur une Classe qu'elle désire.
Un Berserker, ou un Saber. Elle espère, en tout cas. Elle veut de la force brute !
La mage fronce les sourcils, s'attache les cheveux, et recule encore un petit peu. D'un petit coup de canif qu'elle a récupéré dans son sac, elle s'entaille la main. Une grimace de douleur froisse son visage. Puis, elle tend le bras, la paume orientée en face d'elle. Son cœur bat si fort ! Pour la première fois depuis des lustres, elle se sent en vie. Pleine d'une euphorie sans nom. Le sang coule, lui caressant le bras, jusqu'au coude :
« - C'est parti ! »
Sa voix claire résonne avec force. Elle ne bégaye pas, n'hésite pas. Elle connait sa formule sur le bout des doigts et la psalmodie avec ferveur :
« - Argent et fer comme éléments, La pierre et l'archiduc des pactes comme fondation, Alors que les quatre portes se ferment, Sors de la couronne, Et tourne par la croisée des chemins menant au Royaume, Emplis-toi, Emplis-toi, Emplis-toi, Emplis-toi, Emplis-toi… »
L'atmosphère change brutalement. Le cercle commence à s'illuminer. Il scintille d'une lueur argentée. Nayël se sent transportée. Elle regarde devant elle, sans même cligner des yeux tout en continuant son invocation, ses cheveux virevoltent dans les airs :
« -… Tu t'en remettras à moi et mon destin s'en remettra à ta lame. Si tu acceptes l'appel du Graal et que tu te soumets à sa volonté répond à mon appel. Que le serment prenne forme ici, je suis l'incarnation du bien dans ce monde éternel. Je suis la chasseuse du mal dans ce monde éternel. Aux noms des sept divinités liées par les trois mots de pouvoir … A présent sors du cercle et viens à moi … Ô gardien de l'équilibre ! »
Une onde de choc fait soudainement trembler toute la terre. Les arbres se courbent, la terre voltige, le cercle ne brille plus : il éclate de lumière et ébloui l'invocatrice. Elle sent sa Mana être aspirée par une paille invisible :
« - Ouah ! »
La force émise par le cercle et la puissance magique la font tituber et tomber sur les fesses. Elle se protège le visage de l'avant-bras pour éviter de se prendre des petites pierres dans les yeux. Un sifflement aigu lui écorche les oreilles, jusqu'à devenir insupportable. Puis d'un seul coup, le calme revient, comme s'il ne s'était jamais passé quoi que ce soit. Nayël, recroquevillée sur le sol se décide à rouvrir les yeux. Elle tousse un peu à cause de la poussière et de l'étonnement qui lui a fait perdre son souffle. Instinctivement, elle regarde sa main.
Une marque rouge en trois parties y est gravée.
Les sceaux de commandements.
Elle a réussi ?!
Encore sonnée, la mage se redresse en s'appuyant à un tronc. Elle regarde autour d'elle : le cercle magique a disparu. Le sceau d'acier, balayé par l'invocation s'est retrouvé derrière elle. Oui, tout a l'air d'avoir fonctionné.
Mais il manque quelque chose.
La brunette plisse les yeux. Si l'invocation a marché, où est son Servant ?!
Brutalement, elle se retourne, et son rythme cardiaque s'accélère.
Là où le sol se dégrade et plonge, il y a un homme. Dos à elle, il observe les alentours, les bras croisés. Nayël s'en approche avec méfiance et constate que ses habits viennent d'une autre époque, il se retourne vers elle, son visage masqué par une capuche ourlée de fourrure :
« - Dis, gamine …
- … Hu ?
- C'est toi, qui m'as invoqué ? »
Il a léger accent. Et sous l'ombre de sa cape, la mage perçoit un sourire. La lumière de la lune laisse à Nayël, le temps de remarquer deux iris rouges aux pupilles en fente. Elle avale sa salive, la gorge serrée. C'est un Servant. Son Servant ! Elle a réussi ! Elle a devant elle un héros légendaire. Elle ne sait pas encore lequel, mais s'en est un ! Et vu la force de l'invocation, elle est quasiment certaine qu'il s'agit d'une de ses classes favorites ! Une joie sans pareil l'inonde. Elle tend sa main à l'Homme en face d'elle pour lui montrer les sceaux de commandes. Il s'empare de son poignet sans la moindre gêne et observe les marques sous toutes les coutures. Nayël, raidie par le contact, attend qu'il daigne la relâcher. Ce qu'il fait avant de se débarrasser de sa capuche dans un petit rire :
« - Je vois. C'est bien, parfait, même ! Enchanté, mademoiselle ! CuChulainn, pour te servir. »
Il s'incline en une fausse révérence amusée
CuChulainn … Un héros Irlandais. Comme quoi, chassez le naturel, il reviendra au galop. Elle ne peut échapper au sang d'Irlande qui coule en elle, pas vrai ? Elle connait l'histoire du grand héros d'Ulster, comme tous les membres de sa famille. Nayël ne peut s'empêcher de le dévisager. Il est grand, très grand. Les traits de son visage sont réguliers et fins. Elle remarque qu'il a de longs cheveux bleus, qui prennent une teinte argentée sous la lune. Les gens n'étaient pas moches avant, hé… Voir un homme comme lui en face d'elle l'impressionne et l'effraie en même temps. La magie est une chose extraordinaire ! Son regard est soudain accaparé par le grand bâton que son Servant tient en main. Elle fronce les sourcils. Non, elle était sûre de ce qu'elle avait fait, son rituel était parfait … ! Nayël relève la tête vers lui, il l'observe avec amusement, un sourire en coin sur le visage :
« - Je t'éblouie c'est ça ? Je peux comprendre.
- Dis-moi demande-t-elle avec précaution, De quelle classe fais-tu partie ?
- Hum ? Je pensais que la tenue et le bâton étaient parlants. Tu m'as convoquée sous ma forme Caster, jeune femme. Pas la classe que je préfère, il est vrai ma foi ! Je me demande quel catalyseur tu as utilisé d'ailleurs. »
Nayël ne répond pas, les bras lui en tombent. Elle l'observe, la bouche entrouverte sous la surprise. Il regarde autour de lui après avoir dématérialisé son bâton. Puis il pouffe de la réaction de son Master. Elle a l'air perturbée. Il s'approche d'elle, et se penche à hauteur de son visage :
« - Bah alors minette, ne me dis pas que tu n'as utilisé aucun catalyseur pour m'invoquer tout de même ?
- ... Je n'ai utilisé aucun catalyseur, mais mes calculs étaient les bons : Je devais tomber sur un Berserker ou un Saber, gémie-t-elle à contrecœur »
CuChulainn la regarde, les yeux ronds. Il éclate d'un rire grave et rocailleux en se tenant le front. Elle darde sur lui son plus mauvais regard et croise les bras sur sa poitrine, attendant qu'il se calme. Finalement, il s'arrête et soupir avant de lui tapoter sur l'épaule :
« - Ne t'inquiète pas Master, en tant que Caster, j'ai plus d'un tour dans mon sac ! Je reste CuChulainn, et je ne suis pas si idiot que j'en ai l'air ! On va faire une bonne équipe toi et moi ! A condition que tu arrêtes de calculer des choses, j'ai l'impression que ça ne te réussis guère… »
Il lui fait un clin d'œil pour clôturer sa moquerie. Elle se sent rougir de honte, mais ne dit rien. Ce qui est fait est fait. Elle va devoir s'en accommoder. Et supporter ce drôle de personnage sans gêne. Levant les yeux au ciel, elle pousse un profond soupir et lui tend la main en grognant :
« - La magie a de l'humour, Enchantée, CuChulainn, héros d'Ulster, je suis Nayël O'Neill, Grimace-t-elle »
Il approuve en hochant la tête, dévisage la main minuscule tendue devant lui, et s'en empare pour la serrer avec un grand sourire qui laisse découvrir deux canines aiguisées :
« - O'Neill ? Oh, Hé, quel hasard ! Eh bien, ma mignonne, ravi d'avoir une jolie demoiselle comme Master et partenaire ! »
Elle l'observe envelopper sa main dans la sienne, qui est trois fois plus grande, soit dit en passant. Puis elle pince les lèvres, blasée, à sa remarque. Pervers, moqueur, dragueur. Splendide !
Néanmoins, l'euphorie de cet événement si particulier la rattrape. Et elle se contente de lui sourire de tout son cœur en ignorant ses boutades :
« Hum ! »
Oui, il était vraiment temps.
