Chapitre 1 : Au commencement
« Allons, mon enfant, essaye d'écrire quelque chose... »
La gamine dévisageait son précepteur avec un regard sans expression, puis se détourna alla s'asseoir sur son lit pour se remettre à la contemplation passive du mur blanc et immaculé de sa petite cellule...
-Alors?
-Cela n'avance pas professeur, l'enfant ne veut pas apprendre...
-Et bien, insistez, M. Higgins...»
Il y avait une once d'exaspération dans la voix du professeur...Il contemplait avec appréhension cette fillette au caractère déjà trop déterminée pour ses dix ans. Une découverte fantastique néanmoins...
« Allons, comprends-tu ce que je te dis au moins, Esthée? »
Oui, une jeune créature découverte dans une des mines du site de fouilles archéologiques de Bone Village...Il se souvenait encore de cet étrange sarcophage en verre, dans lequel se trouvait ce petit corps blanc et inanimé...Il avait passé une année entière à essayer de déchiffrer les signes répertoriés dans le disque qui s'y trouvait.
« Esthée, regarde ces images, tu sais ce que c'est? »
Il avait finit par la sortir…. un liquide blanchâtre et visqueux s'en était échappé, laissant découvrir le visage blême de l'enfant...et un petit corps abîmé… depuis combien de temps dormait-elle ainsi?
« C'est un char...un char militaire...tu comprends? »
Elle avait sursauté légèrement, inspirant douloureusement comme le ferait un nouveau né… elle avait ouvert les yeux, des yeux rouges sang embrumés par la souffrance. Et il avait mis tant de temps à réparer ce spécimen...
« Regarde, ça se prononce comme ça...Char, répète... »
Le professeur observait Esthée… qui aurait pu croire qu'elle eut autant de capacités?...Son séjour dans le mako avait été révélateur, mais il restait beaucoup de zones d'ombres...Mais la toute récente décision du Président d'éduquer l'enfant, afin de l'utiliser l'avait pris de cours...
C'était trop tôt...il avait tant à découvrir...
« Oui! C'est bien! CHAR! vas-y répète Char ! »
On frappa à la porte de la cellule, une jeune femme en blouse entra, elle tenait à la main un dossier épais,
« Professeur, on vous demande...
-Dites leur que je suis occupé Fanny...
-Mais...professeur...ce sont des Turks...ils ont insisté… »
Il soupira, décidément, le gouvernement ne le lâcherait jamais...Il sortit et se dirigea vers son bureau…il s'agissait d'une petite pièce encombrée de papiers divers, débordant des étagères et du bureau comme une imposante avalanche de feuilles et de mots…ses 'invités' se trouvaient déjà devant la porte en bois vieillie et semblaient de fort mauvaise humeur….
Le professeur salua brièvement, et leur fit signe de le suivre….Il prit une pile de dossier qui se trouvaient sur une des chaises et la posa à terre :
« Je n'ai qu'une chaise, entrez donc… »
Puis, il enjamba les divers cartons, fit un peu de place sur son bureau, dégageant ainsi un vieil ordinateur, et s'assit.
« Professeur Lingbourg, nous sommes venus pour une raison bien précise….vous devez vous en douter…Le Président s'impatiente…
-Mais nous, avançons ! Esthée a fait des progrès immenses….
-Le Président, coupa le Turk, s'impatiente, il vous a donné un délai plus que suffisant pour essayer d'éduquer l'enfant…
-Eduquer une gamine qui n'a jamais parlé notre langue est bien plus long que vous ne le croyiez ! trois mois sont insuffisants !
-Le Président considère cela suffisant…..maintenant, veuillez nous emmener à l'enfant…. »
Il aurait voulut les envoyer au diable, il aurait voulut leur claquer la porte au nez, mais cela lui était impossible, il le savait….
Le professeur se leva, chancelant, enjamba les cartons, et mena ces hommes qu'il méprisait dans la cellule de sa plus grande découverte…celle qui aurait dû le faire reconnaître aux yeux du monde comme un grand scientifique…
«Merci M.Higgins, vous pouvez disposer…. »
Celui-ci n'osa rien dire, il décelait dans le regard de son collègue une certaine résignation, et une once de colère….Il rangea rapidement ses affaires dans son cartable de cuir noir usé, salua discrètement le professeur, et sortit…
La petite fille observait la scène, elle semblait avoir comprit ce qui l'attendait…L'un des Turks s'avança, pris la couverture qui se trouvait sur le lit, y enroula Esthée et la pris dans ses bras…
« Elle est pas bien costaud, fit-il remarquer, faudra p't'être la remplumer…
-Son dossier, Lingbourg, l'autre Turk tendit la main impérieusement, nous voulons tout…. »
Il eut un instant d'hésitation , bien sûr, il s'était attendu à une telle demande, mais quelque part, on lui volait le fruit de son dur labeur, labeur qui lui avait pris sa famille et son temps libre….Il sortit une disquette et la posa avec humeur dans la main tendue…
Puis, tout s'enchaîna si vite, il vit le Turk la ranger, puis embarquer dans la voiture noire, avec leur précieux fardeau, pour disparaître en même temps que ses rêves de gloire…
Cela faisait deux jours qu'elle était arrivée au quartier général du SOLDAT. On l'avait habillée d'un uniforme bleu trop grand, mise dans une chambre petite aux murs jaunis, où l'on pouvait deviner l'endroit où son prédécesseur avait collé des affiche, de femmes sans doute… Pour la première fois depuis son réveil, elle avait le droit de sortir de sa chambre, aussi, avait-elle entreprit, le troisième jour après un repas peu goûteux, de visiter la base, pour se rendre compte de son nouvel environnement….
Les autres SOLDATS la dévisageaient avec curiosité, elle était de loin le plus jeune élément de l'organisation, mais c'était surtout son aspect physique peu commun qui intriguait…
Certes, on avait déjà vu des personnes avec des cheveux blancs, mais cette gamine avait des yeux rouges et une peau si blanche qu'on eu dit qu'elle était morte, ce qui lui conférait une apparence belle et effrayante, presque inhumaine….Aussi murmurait-on souvent sur son passage…
Esthée haussait les épaules, à l'évidence, ils n'avaient jamais vu une petite fille…
Elle longea un couloir au hasard, plutôt sombre, mais elle avait toujours aimé ce genre d'escapades, elle se souvenait des parties de cache-cache avec sa sœur et ses cousins, pendant les vacances, c'est vrai, elle était la plus forte !
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas le grand homme qui avançait rapidement dans sa direction, la chute la tira de sa rêverie… Assise sur les fesses, elle leva des yeux exorbités, elle n'aurait jamais pu faire bloc contre cette masse….
« Tu pourrai faire attention où tu vas….. », il semblait exaspéré, et observait la gamine avec froideur. Un frisson parcourut le long de la colonne d'Esthée, il avait des yeux d'un vert pâle brillant, et une pupille fendue comme un chat…elle se contenta de le fixer avec humeur…combien de temps dura cette contemplation, aucun des deux ne le savait, lui était impressionné par sa blancheur et ses yeux trop rouges pour être humains, trop fixes pour son jeune age, et elle contemplait avec appréhension les yeux de chat et la taille impressionnante du jeune homme…
« Ha ! te voilà ! ça fait une heure que je te cherche ! »
Un jeune homme brun essoufflé arriva, regarda la petite fille, puis l'homme,
« Ho….ho…excusez-la capitaine ! elle est jeune, elle court un peu partout, vous savez ce que c'est ,
il était mal à l'aise….mais l'homme se contenta de jeter un rapide coup d'œil à Esthée puis continua son chemin…
-Esthée, tu ne dois pas partir toute seule comme ça ! Aller, viens… »
Elle se leva, comme si de rien était et suivit le jeune SOLDAT.
« Non ! mais c'est une catastrophe ! ça suffit ! ça suffit je t'ai dis !
-Alors sergent ? Comment cela avance-t-il ?….
Le sergent fit un signe dépité à son supérieur, celui-ci regarda avec attention la scène, certes, c'était fort inhabituel : la gamine se tenait au milieu d'un groupe de SOLDAT de seconde classe, tous à terre, certains gémissaient douloureusement, d'autres étaient inconscients, alors que trois d'entre eux ne se relèveraient probablement jamais…L'enfant se secouait les mains avec détachement…
« Sans arme…ajouta le sergent.
-Parfait, pourquoi semblez vous si atterré ?
-Elle n'obéit pas….si elle se met à attaquer nos unités, je ne vois pas l'intérêt…, l'homme notait quelque chose sur son calpin, visiblement intéressé…
-Nous allons trouver une solution…. »
« Oui ! Je réussirais ! »
Face à l'imposante montagne, un adolescent brun, il brandissait son poing, les yeux brillants de défit et de rêves. A ses côtés , une jolie petite brune tenait son chapeau en souriant.
« Tu sais Tifa, j'attend avec impatience le jour de mes 15ans ! et là, j'irai à Midgard et je deviendrai SOLDAT ! »
Tifa se contenta de sourire, elle le savait tout cela, elle savait qu'un jour il partirait, et laisserait tomber tout ce qu'il avait connut ici….elle contempla la montagne avec une certaine appréhension, cette montagne représentait beaucoup , mais surtout, elle sentait la mort…La jeune fille se souvenait du jour où sa mère était partie, quand elle s'était aventurée, par on ne sait quelle folie, dans ces sombres chemins, quand Zack était venu la chercher, et l'avait ramenée, lui promettant que tout irait bien…une promesse que le futur serait plus beau…
« Tifa…ça va ?
-Oui, je respire juste l'air frais du crépuscule…. » Elle devait profiter au maximum du temps qu'il lui restait à vivre avec son ami….Celui-ci lui sourit.
Une jolie jeune femme blonde se pencha sur Tseng avec un large sourire,
« Monsieur vous attend, veuillez me suivre s'il vous plait »
Il se leva, la jeune secrétaire ondulait des hanches comme une dinde, ce qui lui conférait une démarche particulièrement vulgaire et contrastait avec son visage aimable.
Elle ouvrit la lourde porte sculptée, fit signe au Turk de passer, puis, referma celle-ci derrière elle et alla s'asseoir à une petite table, les doigts prêts écrire.
Un homme d'age mûr, habillé d'un costume vert particulièrement hideux était assis, vautré devrais-je dire. Il fit un signe impérieux au Turk d'avancer, alluma un cigare avec nonchalance.
« Alors, M.Tseng, qu'en est-il de la jeune fille ? Quelles sont vos observations ?
-Elle crée pas mal de problèmes, dernièrement, elle aurait fait explosé une salle d'entraînement….elle fait preuve de grands pouvoirs psychiques, sans arme….
-Sans arme ? avait-elle un matéria sur elle ?
-Non, elle a été fouillée et refouillée…ils ont dû l'isoler, car elle est sujette à des crises de colère…nous l'avons changée trois fois d'unité, malheureusement, le résultat est toujours le même…. »
Heidegger laissa échapper un épais filet de fumée dont l'odeur âcre vint bientôt envahir toute la pièce. Il était plongé dans une profonde réflexion, décidément, cette gamine posait plus de problèmes que prévu…Il signe au Turk de sortir….
Esthée couchée sur le dos, regardait avec une attention toute particulière le plafond de sa petite chambre, des taches oranges d'humidité formaient des dessins : un lapin, une coccinelle…Dehors, une pluie légère martelait inlassablement la fenêtre sale, parfois, une voiture passait et faisait danser un rectangle de lumière jaune dans la pièce sombre.
Elle était fatiguée, et les pas des SOLDATS passant de temps à autre devant sa porte résonnaient douloureusement dans sa tête.
Elle ferma les yeux, la serrure grinça bruyamment, la porte s'ouvrit, une vive lumière l'aveugla, on avait allumé cette fichue ampoule ! Quelqu'un s'avança.
« Aller, debout. »
Les yeux d'Esthée commencèrent à s'habituer, à entrevoir une silhouette sombre et grande, puis, elle reconnut le jeune homme qui l'avait bousculée l'autre fois…
Elle s'assit et regarda son interlocuteur avec étonnement.
« Debout j'ai dis… »
Il ne semblait pas rigoler…et quelque part dans son crâne, une petite voix lui disait de ne pas désobéir….Elle se leva, mais son regard était désormais plein de défit. Elle évalua son 'adversaire' des yeux et décida de reporter cela à plus tard.
« Suis moi… » finit-il par dire avec une mauvaise humeur non dissimulée.
Ils longèrent le long couloir principal, puis descendirent un petit escalier sombre, qui débouchait sur un couloir tout aussi sordide, il s'arrêta devant une porte, l'ouvrit et poussa la gamine dans la pièce.
Une chambre plus grande que la précédente, mais celle-ci semblait plus propre et avait deux lits séparés par de grands rideaux grisâtres…. comprenant la situation, elle se tourna avec humeur vers son nouveau colocataire, mais ce dernier ne prêtait déjà plus attention à l'enfant et tira les rideaux, laissant Esthée dans ses pensées colériques…
Elle arpenta son coin de chambre, la fenêtre était basse ici, ça serait facile si…non, idée stupide, où irait-elle ?
Esthée finit par se coucher, et retournant ainsi dans sa contemplation de plafond…
« Vous pensez réellement qu'il pourra en venir à bout ? elle est très difficile à maîtriser….
-J' en suis certain, il est l'un de nos meilleurs éléments…
-Mais, il n'aurait pas mieux à faire ?
-Nous avons besoin d'une force de frappe comme elle …surtout avec les troubles récents ….
-…..
-Ne me regardez pas comme ça, le Président pense que c'est une idée constructive…. » Heidegger observa son officier qui hésitant, salua vivement et sortit…
Devant sa glace, Tifa essayait de coiffer sa lourde chevelure brune, elle en avait assez de cette coiffure qui lui donnait un air enfantin, elle voulait plaire….elle finit par les remonter en un léger chignon, qu'elle orna d'une fleur…elle regarda par la fenêtre, dehors, on préparait déjà la fête pour le mariage de Lyra et Marc…
Elle soupira, déjà, son esprit romanesque s'imaginait des scènes théâtrales, et à ce moment-là, elle ne sentait nullement la déception à venir…
