Bonjour ou Bonsoir ! Enfiiiin je parviens à poster ce chapitre ! Entre les fêtes et tout le bazar qu'engendrent les soldes, mon métier ne me laisse que peu de répit :) Mais le voici ! J'ai d'ailleurs modifié l'orthographe du prénom de l'héroine après m'être rendue compte que ce prénom existait bel et bien et que c'est un prénom masculin !

Moi qui pensait l'avoir inventé de toutes pièces, c'est loupé ... !

Bonne lecture et à très vite !

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, ça fait toujours plaisir !


POV NAYËLLE

« - Un correspondant Écossais ? Comme c'est fabuleux ! Je suis rassurée de te savoir un petit peu plus sociable, Nay' ! »

Alya, s'exclame en les regardant à tour de rôle. Ses mains, soigneusement manucurées sont jointes sous la joie. Nayëlle s'est toujours demandé comment son amie pouvait supporter des ongles si longs et si rouges.

Debout près du feu, la concernée sautille pour se débarrasser de son écharpe qu'elle dépose sur une chaise avant de se diriger vers la cuisine.

Nayëlle la regarde du coin de l'œil, elle a toujours eu de grandes difficultés à mentir. Son corps ne s'est jamais prêté au jeu. Elle est trop … Pas assez …

Et de toute manière, elle déteste ça. La roue tourne toujours et même le secret le mieux gardé au monde peut être découvert. Dénudé de ses voiles mystérieux, il peut faire l'effet d'un cataclysme sur la vie d'autrui. Ou pas. Quoi qu'il en soit, rien n'est caché éternellement.

Mais Alya a toujours été particulièrement naïve, pour le grand plaisir de la jeune mage. Ainsi, pas besoin d'être une grande actrice pour la convaincre. Il suffit d'un sourire. Ce qu'exécute donc Nayëlle, malgré l'air courroucé de son Servant qui la fusille du regard. Elle essaie de l'ignorer, se laissant tomber dans le canapé, les bras croisés. Mais l'esprit la rejoint quelques secondes après, sifflant entre ses dents :

« - Un écossais ? Tu te moque de moi ?!
- Chuuut … J'ai improvisé comme j'ai pu. Puis c'est en partie grâce à une écossaise que tu sais utiliser ton cerveau.
- Tu aurais pu trouver mieux quand-même. »

Les allés retours d'Alya mettent finalement fin aux remontrances de Caster, qui n'a pas d'autre choix que celui de jouer le jeu.

Au fond, Nayëlle sait qu'elle va avoir le droit à des reproches, une fois son amie partie. Mais elle ne regrette rien, bien trop rancunière. Elle est presque amusée de la réaction de l'Irlandais. Evidemment, que le faire passer pour un Ecossais et donc nier ses véritables origines, allaient le rendre furieux. Il était bien trop fier de ce qu'il était !

Mais au moins, Alya a sauté à pieds-joints dans le mensonge qu'elle n'a pas pris la peine d'étudier Armée d'un tablier, elle se plante devant le duo de conspirateurs.

Nayëlle relève le menton, toujours affalée dans le canapé. La jeune femme aux cheveux caramel secoue un manche de casserole sous leurs yeux. La mage, sachant pertinemment ce que cela signifie, jure intérieurement et commence à se relever :

« - Où est l'autre morceau ?!
- Tu n'es pas obligé Alya, je t'assure, je suis une grande personne. Je peux cuisiner pour deux.
- L'autre morc-
- Tout en haut de l'étagère, soupire Nayëlle, lourdement. »

Elle abandonne rapidement. Alya est bien trop têtue et Nayëlle n'a pas envie de déblatérer. Elle est préoccupée par autre chose. Comme par exemple : La Guerre du Saint Graal. La sienne. Celle qu'elle va vivre, envers et contre tout. Avec une pensée amère pour sa famille, elle pouffe. Les O'Neill étaient connus pour leur magie variée et puissante, certes. Mais la jeune femme savait ô combien ses pairs étaient des êtres coincés et raidis par une éducation de fer.

Lorsqu'elle entend des bruits de vaisselle que l'on cogne, puis des rires, elle est expulsée de ses rêveries. La voix grave de son Servant la ramène à la réalité et elle se traîne jusque dans la cuisine, pour assister à une scène relativement étonnante :

Caster, assis sur l'un des tabourets du bar, discute avec Alya. Cette dernière a l'air ravie et a les joues roses à force de rire. Le Servant arbore un sourire enjôleur, appuyé sur l'un de ses coudes. Il déporte son visage vers sa Master sans se départir de son air charmeur. Le sang de Nayëlle ne fait qu'un tour. S'il croit pouvoir se venger en faisant tourner la tête d'Alya … Il rêve tout éveillé !

Elle le pince discrètement en passant à côté de lui. Il jure entre ses dents, se frottant le bras. Satisfaite, Nayëlle lui tire la langue, en bonne peste, profitant qu'Alya soit dos tourné, concentrée sur le frigidaire. Caster ne répond pas, se contentant de la fixer :

« - Tu peux allumer le gaz sous la poêle, Nayëlle ? »

Opinant du Chef, la brune tourne le dos au Servant. Ce n'est que lorsqu'elle reçoit quelque chose sur la tête, qu'elle comprend son erreur. Se frottant le crâne en soupirant, elle voit le paquet de cigarettes vide à ses pieds. Elle se tourne alors en furie vers Caster, qui l'observe, tout sourire, lui envoyant un baiser silencieux.

Puis il se détourne d'elle, pour observer de nouveau Alya. La mage voit rouge, fulminant intérieurement. Ils se préparent à faire la guerre et lui, il se rince l'œil ! Elle sursaute lorsque son amie dépose de la viande dans l'huile chaude, bien trop plongée dans ses pensées. Reculant de quelques pas, elle porte ses doigts fins à son visage. Signe évident qu'elle et son esprit sont agacés. L'odeur même de la nourriture l'écœure légèrement.

Elle se dirige alors d'un pas lent vers la salle de bain, ignorant sciemment le Servant.


POV CuChulainn

Vraisemblablement, sa Master est dotée d'un caractère remarquablement flamboyant. Et possessif.

Pourtant si CuChulainn semble détendu et agréable, c'est une tempête qui se déchaine dans sa tête. Son cerveau est en train d'évaluer à grande vitesse toute la situation qui se déroule sous ses yeux. Contrairement à Nayëlle, il sait mentir. Contrairement à elle, il n'est pas aussi impétueux. Ou du moins il a une vision nouvelle et neutre de la situation. Il ne connaît pas Alya.

Ou plutôt, il ne connaît pas celle qui dit s'appeler « Alya ».

Nayëlle si. Le poids affectif entache donc son jugement.

Son sixième sens a tiré la sonnette d'alarme, dès lors qu'elle a commencé à parler. Envoûtant son monde de par sa jolie bouche.

Pour l'Irlandais, cette Alya n'est pas ce qu'elle veut paraître être.

Il s'est donc décidé à l'amadouer, la faire parler. Elle est sûre d'elle. Certaine de sa couverture. Et CuChulainn décide de s'y jeter. Il plonge dans son tissu de mensonges. Enfin, ce ne sont que des suppositions. Mais il sent quelque chose autour d'elle. Comme une aura. Une aura empestant la pourriture et le miel à la fois. Il continue donc son numéro de charme pour tenter de récolter une ou deux informations.

Jusqu'à ce que sa Master lui pince le bras.

Quelle petite peste !

Il a envie de fumer, mais son paquet est vide. Tant qu'à faire … Discrètement, il le roule en boule dans sa poche.

« - Tu peux allumer le gaz sous la poêle Nayëlle ? »

Lorsque la concernée lui tourne le dos, il ne se gêne pas pour lui envoyer la boite dans la tête. Pleinement satisfait de sa réaction.

Brusquement, un frisson le parcoure. Instinctivement, son regard grenat se déporte sur Alya. Il en est certain à présent. Quelque chose émane d'elle. Et il n'aime pas ce qu'il ressent. Il fait tout pour conserver un visage calme et mielleux, comme il sait si bien le faire. Ses muscles se tendent imperceptiblement et il s'apprête à se lever.

Apparemment, cela ne plaît pas à Nayëlle, qui décide de sortir de la pièce à ce moment précis. Le servant la voit se diriger dans la salle de bain et décide de ne pas réagir. Il reporte son attention sur Alya qui vient de remarquer l'absence de son amie :

« - Roh, celle-là alors ! Elle n'a aucun humour, il faut l'excuser ! »

Cuchulainn lui sourit, les bras croisés sur le bar :

« - Vous-vous connaissez depuis longtemps ?
- Oh ! Depuis le berceau ! Nos deux familles sont très liées. J'ai deux ans de plus que Nayëlle mais elle a toujours été bien plus vive … Nous sommes très proches. Oui, très proches. »

Le dernier mot semble crisser dans les oreilles de l'Esprit Héroïque. Il se relève, se grattant l'arrière du crâne. Puis adresse un clin d'œil à Alya. Il va profiter que sa Master soit en train de le bouder, dans la salle de bain pour lui parler :
« - Je vais voir si elle va bien.
- Elle ira bien, c'est une caractérielle, voilà tout. »

Lorsqu'il arrive devant la porte de la salle de bain, il entend l'eau couler. Haussant les épaules, il se contente de toquer tout en ouvrant. La mage, en train de se rincer le visage, sursaute et avale de travers. Elle se tourne vers lui, fulminant du haut de ses 1m60 tandis qu'il trace discrètement un signe sur le bois de la porte :

« - Et si j'étais en train de me doucher, imbécile ?! »

Il lève les yeux au ciel, l'air désabusé, fermant derrière lui :

« - Le bruit du débit de la douche est différent de celui du lavabo, harangue-t-il, sous le regard médusé de sa Master. »

Elle renifle, acerbe et s'essuie le visage dans une serviette épaisse tout en parlant, la tête dans le tissu :

« - Tu viens là pour contempler la mosaïque ? »

L'Irlandais soupir, et attrape la demoiselle par les épaules. Elle manque de crier de surprise, mais il lui plaque la main sur la bouche. Puis, il se penche jusqu'à être en face d'elle, plantant ses yeux dans l'anthracite des siens :

« - Ton amie, elle ne m'inspire pas confiance, avoue-t-il, l'air sérieux.
- Pas confiance ? Alya est la seule personne qu'il me reste. Elle a toujours … En quoi est-ce qu'elle ne t'inspire pas confiance, bon sang ? Tu viens à peine de la rencontrer ! »

Elle se dégage de son étreinte, méfiante. Ses yeux dévient vers la porte. Elle vient de remarquer la petite rune qui scintille sur la peinture. Haussant les sourcils, elle pointe le symbole du doigt, bouche entrouverte :

« - Peux-tu m'expliquer ?
- Je ne veux pas être entendu. Répond-t-il, naturellement. »

Les bras de Nayëlle lui retombent mollement le long du corps. CuChulainn, se laisse glisser sur le sol pour s'asseoir mais elle le retient par le pull. Il grommelle, se redressant :

« - De quoi tu te méfie, Caster ? Pourquoi tu doutes d'Alya ? »

Elle a beau être frêle, cette petite est bien tumultueuse. Mais ce qu'il lui dit n'a pas l'air de lui plaire. Eh bien, tant pis ! Une guerre ne se gagne pas en faisant plaisir. Sa voix est ferme :

« - Je pense qu'Alya a un lien avec la magie. Je le sens. »


POV Nayëlle

Une bombe.
Voilà ce que son Servant vient de déposer dans son thorax.

Une infâme bombe de lave.

La jeune femme, la bouche grande ouverte, le regarde. Il semble horriblement sérieux. Ses prunelles se sont durcies. La mage peut apercevoir pour la deuxième fois de la journée, qu'elle a affaire à un être spécial. A un guerrier extrêmement vif et intelligent. Le cœur au bord des lèvres, elle secoue la tête négativement :

« - Impossible. Je connais Alya depuis que je suis née. Elle n'a jamais développée de capacités magiques. Je le saurais.
- Et moi je te dis que cette fille n'est pas celle qu'elle te dit être.
- Sottises ! »

La voix brisée sous la colère, Nayëlle se râcle la gorge, s'approchant de la porte pour l'ouvrir. La rune disparaît immédiatement lorsque la mage quitte la pièce, sous le regard embêté et froid de son Servant.

« - C'était sympa aujourd'hui. Fais attention à toi Nayëlle !
- Toi aussi Al', à la prochaine. »

Lorsque la porte se ferme derrière la visiteuse, le soleil est presque couché. Nayëlle a mangé sur le pouce à midi, prétextant des brûlures d'estomac. A présent, elle fixe les camaïeux orangés par la fenêtre. Il a cessé de neiger et seulement quelques centimètres de poudreuse tapissent le sol. Suffisamment pour scintiller sous le coucher du jour.

Recroquevillée dans un fauteuil, la jeune femme cherche son servant des yeux. Elle l'aperçoit finalement, dehors, à l'orée du bois. Il est resté silencieux tout le restant du repas et plus encore. Il s'est muré dans un état taciturne et calme et Nayëlle n'a pas réussi à lui décrocher un mot ou une taquinerie.

« Alya serait-une mage ?»

Ces mots résonnent encore dans son crâne, comme une mauvaise ritournelle. Elle en veut à Caster, terriblement. Douter de son seul contact avec la réalité, non, non et non. De toute manière il était impossible qu'Alya maitrise la magie sans que Nayëlle ne soit au courant. Elles se connaissaient depuis bien trop longtemps pour qu'un détail aussi visible ne lui échappe.

« Rien ne ressemble plus à un mensonge que la vérité. »

Tout cela n'a aucun sens.

Sa tête dodeline. Elle est fatiguée. Ses pensées s'égarent tandis que les dernières parcelles de soleil lui réchauffent la joue et les cheveux.

En quelques secondes à peine, elle s'endort sur le fauteuil en cuir rouge.


« Ne me faites pas de mal !
- C'est pour ton bien, Nayëlle.
- Non, ça fait mal ! Ça fait vraiment mal ! Je veux rentrer maintenant !
- Un jour tu seras une grande magicienne, ma fille.
- Chéri, quelque chose ne se passe pas comme prévu. Son corps, regarde son corps !
- On continue, tout va bien se passer. Elle sera parfaite. Mon adorable petit diamant … »

« - HA ! »

La jeune femme se redresse brutalement, comme un ressort. Quelques cheveux lui collent aux joues, ses yeux sont grands écarquillés. Sa respiration, sifflante, brise le silence de la nuit noire. Devant elle, se dessinent les silhouettes cimentées d'un laboratoire. Deux grandes ombres se penchent sur elle. Soudain, on lui attrape l'épaule. Nayëlle se recroqueville dans le fauteuil en gémissant :

« - Hey, gamine … »

Non, pas encore.

« - Hoy, ça va ? »

Plus jamais.

« - Nayëlle, reprend-toi, bon sang ! »

Cette voix lui est familière. Elle n'augure rien de négatif ou d'effrayant. Le timbre légèrement rauque et cassé la ramène brutalement à la réalité. Le visage de son Servant et les meubles du salon, plongés dans l'obscurité, remplacent à présent la vision cauchemardesque dans laquelle Nayëlle se trouvait.

Ce n'était qu'un cauchemar. Un idiot de cauchemar.

Un soulagement immense immerge alors sa poitrine. Elle se laisse retomber contre le dossier avec un lourd soupir, grommelant une excuse. Caster l'accepte, sans broncher.

Les yeux dans le vide, la mage peste contre elle-même Ce rêve, qu'elle n'arrive pas à expliquer, la hante depuis des lustres. Mais elle n'arrive pas à savoir de quoi il s'agit. Elle entend son prénom, sait que quelque chose de mauvais lui arrive, mais c'est tout. Rien d'autre, aucune indication. Elle ne sait même pas si c'est un souvenir, ou un tour de passe-passe concocté par son cerveau.

Son servant est retourné près du feu. Nayëlle distingue sa silhouette hachurée par les ombres des flammes. Il lui adresse un regard inquisitorial, la tête légèrement penchée. Il doit attendre des explications, mais la jeune femme n'est pas à même de lui en donner. Pour l'instant, elle a simplement envie de prendre l'air. Le froid devrait l'aider à se sentir mieux.

Se laissant glisser hors de son cocon, elle s'empêtre les jambes dans ce qui lui semble être une couverture. Ce qu'elle confirme en ramassant un gros plaid polaire au sol il a dû glisser lorsqu'elle s'est redressée. Son regard va de l'édredon à Caster, plongé dans ses pensées et dos à elle. Finalement, elle se met à observer, comme elle le fait souvent, l'anneau argenté qu'elle porte à l'index droit. Elle le porte depuis si longtemps, qu'il fait maintenant partie d'elle. Il est une extension de son doigt. Relevant la main devant son visage, elle le contemple sans un bruit. Le métal reflète la lumière de la lune pâle. Nayëlle se souvient simplement d'une consigne à propos de cet anneau : Ne jamais l'ôter. Pourquoi, elle l'ignore. Mais elle n'a pas envie de savoir. Une petite voix dans sa tête lui dit que la meilleure chose à faire est de passer outre. Alors c'est ce qu'elle fait.

Un soupir filtre à travers les lèvres de Nayëlle qui s'emmitoufle dans la couverture et se dirige vers la porte d'entrée discrètement :

« - Où vas-tu comme ça poupée ? »

Il l'avait entendu ?!

Elle hausse les épaules en ouvrant la porte. Un courant d'air froid se plaque sur son visage, la faisant plisser légèrement les yeux :

« - Juste devant la maison. J'ai besoin de respirer un peu. »

Pas de réponse de la part du Servant qui se contente de lui adresser un signe sans changer de position.

Une fois dehors, la brunette s'avance dans le jardin. L'atmosphère est froide, l'air brûle sa plèvre à chaque inspiration. Le silence de la nuit est lourd et pourtant il la calme.

Nayëlle tord le cou pour observer le ciel piqué d'étoiles. Elle se sent plutôt apaisée, maintenant. Pourtant, transite de froid, elle continue de marcher sous la voûte nocturne. Elle se laisse bercer par les petits bruits de la nature, si particuliers dans les ténèbres. Tout est amplifié, même le plus ténu des sons. Elle entend les mulots qui courent sur les feuilles. Les feuilles qui tombent sur le sol. Le sol crissant de neige.

C'est dans ce silence soigné et travaillé de craquements, de crépitements, de bourdonnements, de bruissements qu'elle se noie pendant quelques minutes. Un cocon glacé de charivari nocturne.

Soudain, un bruit plus fort que les autres, éclate sa petite bulle confortable. Nayëlle sursaute, observant les alentours, comme une biche affolée. Elle connait chaque bruit de la nuit par cœur et celui-ci n'appartient pas à un animal ou un végétal. Il est bien trop pensant et pataud.

Son sang semble se glacer dans ses veines, l'espace d'un instant. Des instincts primitifs surgissent du plus profond de son être et chaque fibre de son corps se tend comme la corde d'un arc.
Des sillons magiques aux reflets sombres se profilent sur ses avant-bras tandis qu'elle observe le paysage devant elle. Plus rien ne se mouve. Elle a instinctivement cessé de respirer. Quelque chose approche. Elle le sent dans ses veines. Elle doit faire vite.

Une lame albâtre semble couler jusqu'à sa main. Elle s'en empare fermement.

Brusquement, elle se retourne, pour asséner un coup puissant derrière elle. Une main bloque aisément son poignet et elle se retrouve nez à nez avec Caster. Ses grands yeux gris, écarquillés par la surprise, elle titube et recule de quelques centimètres et secoue la tête pour reprendre ses esprits et son souffle :

« - Et bien, c'est comme cela que tu m'accueille…, grommelle l'Esprit.
- Excuse-moi, j'étais un peu ailleurs … J'avais l'impression qu'on me surveillait, et je ne m'attendais pas à te voir, s'excuse la mage, confuse. »

Mais à la place de lui répondre, l'Irlandais la saisit par le bras pour observer son arme étrange de plus près. Elle frémit, supportant le contact du mieux qu'elle le peut. Sa main est brûlante et l'inonde de sa chaleur. L'Esprit semble concentré et intrigué à la fois. Il approche son pouce de la lame. Cette dernière entaille la pulpe de son doigt à peine l'a-t-il frôlée. Le Servant fronce les sourcils en observant Nayëlle, puis il porte sa blessure à la bouche en se reculant tandis qu'elle fait disparaître l'objet sombre de sa main :

« - Maintenant que j'y pense, je ne sais pas à quel type de mage j'ai à faire, mam'zelle. »

Elle s'assène une énième gifle mentale. Bon sang ! Elle avait complètement oublié de lui en parler. Tout en se pinçant l'arête du nez, elle se déporte à sa droite et se recroqueville dans la couverture :

« - Je suis une élémentaliste.
- Une élémentaliste ? Bien, on progresse. Et avec quel élément as-tu voulu me trancher la gorge précédemment, poupée ?
- Je ne voulais pas … Enfin bref. La terre. Je maîtrise un élément terre.
- La terre, sauf erreur de ma part, ça n'entaille pas une main, raille-t-il.
- Laisse-moi finir ! S'offusque-t-elle en se tournant vers lui, Je maîtrise un élément en rapport avec la terre, pas la terre en elle-même. Je… »

Elle n'a pas le temps d'achever sa phrase. Un éclair aveuglant la projette à terre, la séparant de son Servant. Dans un cri de surprise, elle se cogne contre le gravier et la neige. Elle ne sent brutalement plus le sol sous ses pieds pendant quelques instants, puis quelque chose l'y plaque sévèrement. De la poussière pénètre sous ses paupières et dans sa gorge et elle se met à tousser. Un bruit étrange la force à se boucher les oreilles. Elle a l'impression que l'on racle une craie sur un tableau. Un vent violent s'engouffre sous ses vêtements et balaye ses cheveux. Affolée, elle se recroqueville en gémissant. Elle est assommée de sensations. Bon dieu ! Ce vacarme incessant ! Ses tympans vont exploser !

Elle prie pour que cela cesse. La sensation est horrible et insoutenable pour la mage :

« - STOP ! »

Puis tout cesse aussi vite que cela a commencé, comme si l'événement lui obéissait. Nayëlle n'ose pas bouger, au départ, bien trop abasourdie et sonnée. Elle se retrouve à genoux, prise d'une quinte de toux violente à cause de la poussière. Essuyant ses yeux, elle inspire difficilement et parvient à ouvrir les paupières : Sa vue est intacte, heureusement. Elle tâtonne son corps pour vérifier si elle n'a rien de cassé. Tout semble aller. A part quelques écorchures. La colère prend rapidement le dessus sur l'étonnement :

« - Caster, je sais pas quelle idée tu as eu, mais si c'est une blague, elle est très mauvaise ! »

Aucune réponse.

Nayëlle se relève en expirant bruyamment. Elle regarde autour d'elle et se rend compte avec stupeur qu'elle ne connait pas les environs. Ici, il n'y a ni forêt ni maisonnette. La couverture d'épines des sapins qui bordent sa maison ne la protège plus non plus. Le sol est teinté de vert gazon et non de neige. Puis, son attention se fige sur un étrange bâtiment qui tranche dans le panorama Un manoir.

Elle sait exactement où elle se trouve. Mais elle ne veut pas y croire.

Raidie comme un bâton de bois, elle n'ose plus bouger.

« - Caster ? »

Elle entend un bruit de pas derrière elle. Mais son corps ne répond plus. Comment peut-elle se trouver ici ? A l'autre bout de la ville, tout en haut d'une colline ?! Son esprit sature, flambe. Il n'y a aucune logique dans ce qu'il se passe actuellement.

Quelqu'un applaudi dans son dos. C'est à ce moment-là qu'elle réagit, sursautant. Elle se tourne d'un seul mouvement vers le son et se retrouve face à un homme. Il est grand et légèrement rondouillard. Une moustache couvre sa lèvre supérieure, tordue en un sourire satisfait. Son crâne dégarni luit sous la sueur, causée sans doute par une certaine excitation. Nayëlle remarque une marque rouge sur sa main. Elle plisse les yeux et comprend avec un certain retard : Un master. Elle a un participant de la guerre en face d'elle.

Avec stupeur, elle remarque qu'il pointe un pistolet sur elle :

« - Bienvenue Mademoiselle, j'espère que le trajet n'a pas été trop difficile ! Oui, bienvenue dans cette guerre. A présent, meurs. »

Il appuie alors sur la détente, sous l'œil grand ouvert de Nayëlle.