Note : Cette histoire n'est pas terminée. Pour le moment, j'ai écrit 14 chapitres sur 37… Il y aura une coupure dans la publication au dixième chapitre (je vous jure il n'y aura pas de cliffhanger) pour que je puisse continuer d'avancer. Cette histoire a été mise en pause pendant des années mais je me suis remise à l'écrire grâce à vos commentaires donc faites vivre cette histoire, s'il vous plait, pour qu'elle puisse avoir une fin un jour !

Disclaimer : Rien ne m'appartient, ni Harry Potter, ni Hannibal (série), tout est à JK Rowling, Thomas Harris et Bryan Fuller.

Bêta-Reader : Chipuliara !

Série : Quelqu'un pour qui… Tome 3 : Quelqu'un pour qui revenir.

/ ! \ AVERTISSEMENTS / ! \ : Cette histoire est réservée à un public averti. Elle contient du slash (relations entre hommes). Il y a plusieurs sous-entendus sexuels et des relations sexuelles explicites. C'est un Dark!Harry et un Dark!A-peu-près-tout-le-monde. Les personnages sont donc OOC et plutôt timbrés. Présence de Violences physiques et morales, Cannibalisme, du gore, du drame, de l'humour noir (voir très noir…) et d'un langage vulgaire.

Il n'y a pas besoin d'avoir vu la série Hannibal pour comprendre la fiction PAR CONTRE IL EST NÉCESSAIRE D'AVOIR LU LE TOME 1 et le TOME 2 POUR COMPRENDRE CETTE HISTOIRE !

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Chapitre 2

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1er mai 2005, Manoir Potter

- Pitié ! Pitié, Ron, ne fais pas ça ! Je t'en prie !

Tu supplies. Tu supplies parce que tu ne peux faire que cela. Tu supplies parce que tu ne veux pas mourir. Tu supplies parce que tu as peur et parce que ce type, là, qui se dresse devant toi, ne peut pas être le frère qui te serrait dans ses bras, vingt ans plus tôt. Tu supplies pour qu'une force divine vienne t'aider, pose gentiment sa main gracieuse sur ta tête et te happe loin d'ici. Loin de cette horreur. Loin de ce cauchemar.

- Supplier ne te servira à rien. Le seul dieu qui aurait pu te sauver était Harry et maman l'a tué. Dis adieu à ce monde, petite sœur.

Tu sais qu'il n'y a aucun espoir mais tu veux y croire quand même. Pourquoi pas ? Ta mère a bien réussi à tuer le sorcier le plus puissant du monde depuis des générations, alors pourquoi tu ne pourrais pas croire que le vent va tourner pour toi aussi ? A tes pieds, George et Charlie agonisent dans leur propre hémoglobine, tentant vainement d'arrêter l'écoulement carmin – mais c'est impossible. Il y a du sang partout – vraiment, vraiment partout. Il s'étale sur le sol, lèche tes pieds, embrasse ta peau. Des sillons rouges se dessinent dans les membranes du marbre et honnêtement, tu pourrais trouver ça beau si tu n'étais pas en face de la mort elle-même.

Tu frissonnes, tu hurles intérieurement – tu as peur, tu es paralysée. Tu ne sais pas quoi faire, surtout quand Ron se rapproche de toi, sourire malsain accroché aux lèvres, l'air un peu fou. Tu recules à chaque pas qu'il fait vers toi, tentant de mettre autant de distance que tu le peux entre vous deux. Mais bientôt, un mur bloque ta retraite. Tu te retrouves piégée comme un boursouffle pris dans le Lumos d'une baguette. Perdue, tu halètes quand ton frère lève son couteau.

Tes doigts s'enroulent autour de ton propre cou – vaine protection contre la lame meurtrière qui te menace. Tu penses que ça suffira, tu espères que ça te sauvera. Mais… Mais tu le sais, au fond de toi que tu n'y échapperas pas. Tu ne peux pas… Ron a déjà égorgé Charlie, et George, et Merlin seul sait ce qu'il a fait à ta mère. Tu ne veux pas y penser parce que… merde, ça te fait déjà suffisamment mal, là, dans ton ventre – comme un lointain souvenir, une ancienne sensation qui n'a pas sa place ici.

Ron plonge en avant, totalement indifférent à ta piètre tentative pour te protéger de sa danse macabre. Le couteau s'enfonce dans ton ventre, transperce ta peau comme du beurre. Tes yeux s'écarquillent de surprise. Ta bouche s'ouvre et se ferme sans qu'un seul mot ne sorte. Tu ne t'attendais pas à ça. A beaucoup de chose mais bizarrement pas à ce qu'il te poignarde aussi bassement. Et puis… Il n'y a aucune douleur. Etrange. Tu aurais pourtant cru que la souffrance serait insoutenable. Mais il n'y a rien à part l'étonnement et la peur. Tu vas mourir, tu le sais. Ce n'est plus qu'une question de temps maintenant. Il y a peu de chance que tu survives à cette attaque – avec ta chance, ce con a certainement touché un organe vital.

Puis, aussi soudainement que le poignard s'est enfoncé dans ton corps, la douleur éclate. Elle est là. Partout. Dans chaque cellule qui te constitue. Dans chaque inspiration que tu prends pour essayer bêtement de rester en vie. Elle envahit ta tête, ta chair. Elle devient toi – et tu deviens elle. Tu suffoques, tu halètes. Pitié, un peu d'air, un peu de répit. La souffrance est atroce. Au-delà de l'imaginable. Tu penses que ton corps va abandonner, comme le bon petit lâche qu'il est mais non ! Ce traitre reste conscient – il survit pour que tu aies mal, pour que tu embrasses la véritable douleur.

Tes doigts coulent le long de ta gorge, empoignent le manche du couteau qui dépasse de ton ventre. Que crois-tu faire comme ça ? L'enlever ? Oui… Oui, ça peut être une bonne idée. Extraire le corps étranger, virer la source de cette souffrance intolérable. Vas-y, tire-le avec le peu de forces qu'il te reste. La sueur coule sur ton front. Allez ! Tire !

Mais tu ne peux pas le faire. Tes yeux ancrés dans ceux bleus de ton frère, tu le vois secouer la tête de droite à gauche, sourire vicieux sur le visage. Il appuie de tout son poids sur lame et tu sens – tu sens vraiment – la lame s'enfoncer un peu plus loin dans ta chair. Un hoquet t'échappe, la douleur te paralyse et puis… Sincèrement, ce n'est pas agréable comme sensation. Tu te sens violée – désagréablement, dépouillée de ta dignité. T'as envie de pleurer.

Le poids de Ron pousse le poignard vers la droite et la lame fend ton ventre. Un grand sourire ouvre ton corps de part et d'autre, et il vomit un flot impressionnant de sang qui éclabousse tes pieds. L'arme tombe et tu t'écroules – personne ne peut t'en vouloir parce que, putain, tu viens de te faire éventrer, ma fille ! Tes genoux se fracassent contre le marbre dur, tes yeux écarquillés regardant Ronald comme si tu ne le reconnaissais pas. Qui est-il ? Qui est ce jeune homme qui t'ôte la vie aussi sommairement ? Ce n'est pas ton frère. Ce n'est pas le Ron que tu as aimé, qui était ton ami, ton confident. Il est loin, ce temps où tu étais insouciante.

Maintenant tu baignes dans ton propre sang, tes organes se frayant un chemin hors de ton propre corps, maculant le sol normalement blanc. Tu convulses, désespérée et ta main se crispe sur ton ventre, essayant vainement de retenir ce précieux liquide qui devrait couler dans tes veines et pas sur le sol de ce Manoir des Cauchemars. Ton frère te regarde – pas si indifférent que cela, si c'est vraiment de la satisfaction que tu arrives à voir dans ses yeux de glaces, avant qu'il ne les ferme.

Oh Merlin… Tu dois respirer. Tu dois te calmer. Mais tu ne peux pas parce que tu as mal, putain. Tu as mal et tu as peur. Tu ne veux pas mourir, tu es trop jeune – tu es vierge ! Tu ne veux pas… Pitié, que quelqu'un te sauve, que quelqu'un vienne t'aider. Tu n'oses même pas lever les yeux, trop fatiguée que tu es, et tout ce que tu peux voir c'est le bas de la cape dorée de ton frère qui nage dans une marre de sang – celui de Charlie, de George et le tien.

Tu sens une sorte de caresse sur ta peau froide – un frisson te parcourt et ce n'est pas de la délectation. C'est de la magie, tu la sens se détacher de la porte pour entourer son maître et bientôt, devant tes yeux las, Ron disparait dans un tourbillon de cape ensanglantée. Voilà. Il est parti. Il t'a laissée mourir à ses pieds, il a disparu dans la nature. Même si Harry est mort – Ron, lui, est bien vivant et il va sans doute emmerder le monde sorcier encore longtemps.

L'espoir a fui. Il a disparu, il s'est écoulé de toi comme le sang coule de ta blessure. Tu sais, maintenant, que tu vas mourir, et même si tu n'as pas envie, même si tu as peur, tu sais que tu ne peux pas y échapper. C'est ton destin. C'est triste mais c'est comme ça. On ne survit pas à ce genre de lésions – tu as survécu à la Bataille de Poudlard, tu sais ce qu'il advient des gens éventrés.

Doucement, tu sanglotes, lâchant les bords de ta plaie pour tendre la main vers George – pour le toucher, pour le rassurer, pour le sentir, lui qui t'a tant manqué pendant toutes ces années de captivité. George… Tu as envie de l'appeler, de te blottir contre lui pour mourir paisiblement – loin de ce monde de douleur. Mais ta voix se fane avant qu'un seul son n'aie le temps de franchir tes lèvres et tes yeux se ferment tout seuls. Ça y est. C'est la fin. Ton cœur bat lentement mais la douleur, elle, ne faiblit pas – elle reste aussi forte, la salope, et tu as envie de l'étrangler, de sombrer dans l'inconscience pour ne plus rien ressentir. Surtout pas cette sensation désagréable de ton sang s'écoulant hors de ton corps fatigué.

Tu pars, tu le sens, et puis d'un coup, il y a ce bruit qui fait sursauter ton âme. Difficilement, tu ouvres tes paupières. La porte s'ouvre violemment comme si on cherchait à l'enfoncer depuis des heures. Tu te demandes combien de temps vient de s'écouler depuis que Ron est parti… Trois heures ? Deux secondes ? Peu de temps, sans doute, sinon tu serais vraiment morte maintenant. Tu veux parler, appeler à l'aide mais ta voix reste bloquée dans ta gorge comme dans un mauvais rêve et tu restes impuissante, prostrée sur le sol.

Ta vision est floue mais tu vois Dean avancer rapidement vers toi, s'arrêter brièvement auprès des autres pour constater leurs pouls avant de venir vers toi, presque défaitiste. Pourquoi n'essaie-t-il pas de sauver George, de sauver Charlie ? Une partie égoïste de toi s'impatiente pour qu'il vienne t'aider, toi. Et tu te détestes presque pour ce moment égocentrique. Presque. Parce que quand les mains de Dean se posent sur toi, tu as envie de pleurer de joie, de soulagement.

- Je suis désolé, tellement désolé…

Il gémit, il sanglote, la panique dans sa voix le fait ressembler à un petit enfant affolé. Tu as presque envie de tendre la main vers lui pour le rassurer mais tu n'as plus de force et puis – hey ! – il fait partie du Cercle d'Harry Potter, tu ne peux pas lui faire confiance. Sa baguette est soudainement dans sa main et il commence à te soigner avec des gestes tremblants, visiblement peu sûr de lui. Et il continue… Il continue de parler, de supplier et toi, allongée sur le sol froid, tu ne peux faire qu'écouter alors que ce sauveur inopiné répare ton corps défaillant.

- Je suis tellement, tellement désolé… Je voulais pas… Je te jure… J'ai fait tout, tout ce que je pouvais…

Mais il te sauve… Il te sauve d'une mort plus-si-certaine-que-ça maintenant alors tu es prête à lui pardonner tout ce qu'il voudra. Il te sauve… Merlin ! Une vague de douleur déferle sur toi avec la puissance d'un tsunami et tu te le prends de plein fouet, sans y être préparée. Tout le mal que tu as ressenti quand il t'a éventrée reprend possession de ton corps, puissance vingt. La souffrance est totale – et alors que toutes tes forces te manquaient jusque-là, tu réussis à crier pour extérioriser tout ce qui te bouffe de l'intérieur. Tes cordes vocales sont à l'agonie. Et tu cries encore…

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4 septembre 2017, Poudlard, Ecosse, 4h45

Le cri résonna dans la chambre alors que Ginny se redressait sur le lit, la sueur perlant sur sa peau. Ses longs cheveux roux collaient à son front et, d'un geste fébrile, elle les rejeta en arrière. Le souffle court, le cœur battant la chamade dans sa poitrine, elle tenta de se calmer. Sa bouche restée ouverte par le hurlement qu'elle avait poussé dans son rêve, elle observa les alentours, à la recherche d'un indice qui lui prouverait qu'elle ne se trouvait plus dans cette chambre angoissante du Manoir Potter.

Elle put difficilement discerner les bruits que faisaient les instruments de son bureau, un peu plus bas, et sa respiration s'apaisa progressivement. Elle avait l'habitude de ce cauchemar – elle le faisait depuis onze ans maintenant et elle ne pensait pas qu'elle arrêterait de le faire avant un bon demi-siècle. Ce n'était pas qu'un simple rêve, plutôt un souvenir qui revenait la hanter – pas toutes les nuits, heureusement, mais suffisamment pour qu'elle n'oublie jamais ce qui s'était passé dans sa vie.

Péniblement, elle attrapa sa baguette qui se trouvait sur sa table de chevet et elle lança un Tempus4h45. Fantastique. Elle soupira avant de reposer doucement sa baguette, puis elle se rallongea. Elle pouvait encore grappiller deux heures de sommeil. Ce n'était pas rien, deux heures, quand on en manquait déjà. Elle allait essayer de se rendormir, de rappeler Morphée pour qu'il vienne la serrer dans ses bras. Ses yeux se fermèrent et elle essaya de ne pas penser à la douleur et aux images cauchemardesques de sa presque-mort qui se peignaient sur ses paupières closes.

Elle pouvait le faire… Après tout, elle était une survivante. La seule Weasley qui s'était sortie vivante après la prise de pouvoir d'Harry Potter. Ron… Ça faisait bien longtemps que Ron ne faisait plus partie de leur famille et, dès qu'elle le pourrait, elle comptait bien l'enfermer à perpétuité, comme tous les autres membres du Cercle de Potter. Tout, absolument tout pour protéger son fils et pour venger la mémoire de ses frères et de sa chère mère.

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4 septembre 2017, Poudlard, Ecosse, 10h30

Les garçons étaient cools. Josh, Riley, Gordo – les gars du dortoir. Ils étaient tous sympas, pas comme Andreas mais plutôt gentils aussi. Ils avaient un peu parlé, la veille, après le festin de bienvenue – ils avaient appris à se connaitre parce que, quand même, ils allaient vivre et dormir ensemble pendant sept ans. C'était long, sept ans, si on ne s'entendait pas bien avec ses camarades. Mais Tim les aimait bien alors tout était parfait.

Gordo était un peu hautain mais il avait rapidement baissé sa garde quand ils avaient discuté, riant avec eux et plaisantant facilement. Riley était un peu maladroit, il avait failli tomber deux fois en trois heures et il était vraiment, vraiment, timide – mais il avait souri à Tim, avec un geste de la main pour se présenter et Tim avait trouvé ça mignon ! Et Josh… Josh n'avait pas beaucoup parlé, n'avait pas beaucoup ri, s'était à peine présenté en deux mots. Cependant, le signe de tête qu'ils avaient eu en échange de leur salutation n'avait pas été dédaigneux ou dégouté, simplement prudent. Ses yeux avaient suivi chacun de leurs gestes et ses oreilles avaient capté le moindre de leur parole – Tim pensait qu'il pourrait s'ouvrir davantage quand il aurait appris à les connaître. Lui-même n'avait pas beaucoup discuté avec eux parce qu'il n'avait pas facilement confiance et il pouvait reconnaître ce trait commun de caractère chez Josh. Peut-être qu'un jour, ils pourraient être amis !

Le dortoir était extraordinaire. Ils pouvaient voir le lac de leur chambre, c'était magnifique. Tim avait réussi à prendre le lit près de la fenêtre – ce qui n'avait pas été bien compliqué parce que les autres avaient un peu peur de voir subitement apparaître une créature aquatique. Ça ne dérangeait pas Tim – ça aurait dû, surement, mais ce n'était pas le cas. Bizarrement, il avait tout de suite voulu s'asseoir sur le matelas qui semblait moelleux et regarder pendant des heures le fond du lac, le nez collé à la vitre. Il n'avait jamais été attiré par les fonds marins ou par l'eau en générale mais ici… Ici, il voulait observer, toucher, sentir. Ça prenait naissance dans le creux de son ventre, une envie presque douloureuse de se rapprocher, de venir – où exactement ? Tim ne le savait pas mais tant qu'il était près de la fenêtre, il pouvait dormir tranquillement alors ça lui allait.

Le château était énorme, bien plus grand que tout ce qu'il avait pu imaginer. Il n'avait pas eu le temps de tout visiter mais il comptait bien emmener Andreas et Orphy dans une virée découverte, le week-end suivant. Il y avait tellement de choses à voir, tellement de choses à apprendre. Mais il y avait déjà un truc que Tim avait remarqué : il n'était pas facile de se repérer dans ce grand bâtiment. Le matin même, en ce premier jour de la rentrée, il se serait perdu pour son premier cours de Métamorphose avec le Professeur Cho Chang-Neil – heureusement pour lui, Andreas avait presque grandi dans ce château alors il connaissait l'emplacement de toutes les salles de classes, même si certaines changeaient de place, comme si l'école était vivante…

Le professeur Chang-Neil était une femme asiatique, pas très grande mais elle imposait le silence d'un simple regard. Elle était la directrice des Serdaigles et elle leur avait expliqué l'importance de la métamorphose, sa dangerosité si elle n'était pas bien employée ou maîtrisée. Tim avait eu un peu d'appréhension, vite remplacée par de l'admiration quand elle avait transformé son bureau en cochon avant de lui redonner sa forme originelle. C'était trop cool ! Lui aussi voulait savoir faire ça. Changer des choses en d'autres choses, c'était trop bien. Impressionnant et génial.

Tim soupira en s'asseyant à côté d'Andreas dans l'espèce d'amphithéâtre qui tenait lieu de salle de classe. Histoire de la magie. Il espérait que ce serait aussi bien que le cours précédent mais il ne se faisait pas trop d'illusions… Rien que le titre semblait ennuyeux – l'histoire de la magie promettait une heure de théorie rébarbative sur tout ce qu'on leur avait déjà enseigné à l'orphelinat. Ça n'allait pas être aussi impressionnant, aussi incroyable que la Métamorphose. Pour le moment, le professeur n'était pas encore arrivé – il savait qui il était et le Professeur Dean Thomas était bien le seul point positif que Tim arrivait à voir dans cette matière qui ne semblait pas aussi prometteuse que les Sortilèges, les Potions, la DCFM ou les cours de vol.

Regardant tout autour de lui, il remarqua que tous les élèves de premières années étaient présents dans l'amphithéâtre – il n'y avait qu'en cours de pratique où ils étaient séparés en deux, comme en Métamorphose où les Serpentards avaient été regroupés avec les Gryffondors. Ce n'était pas habituel, avant, de ce qu'il en avait compris – mais la guerre contre le Mage Noir Potter avait fait tellement de dégâts qu'ils étaient tellement peu nombreux qu'ils pouvaient tous suivre les cours théoriques sans problème.

Ouvrant la bouche pour demander à Andreas pourquoi le professeur Thomas n'était pas encore là, Tim la referma brusquement quand un mouvement soudain au coin de son œil attira toute son attention. Il se tourna vers le haut de l'amphithéâtre et ses sourcils se haussèrent quand il vit qui exactement se trouvait là – il donna un coup de coude à son voisin pour qu'il se tourne, lui aussi, vers où l'arrière de la salle. Le Professeur Thomas se tenait droit, un regard narquois balayant la pièce devant lui. La plupart des élèves ne l'avait pas vu et ils chuchotaient entre eux – d'un coup de baguette magique, Thomas ferma tous les volets de la salle, instaurant le silence et lorsqu'il se racla la gorge le son résonna entre les murs, attirant tous les regards d'un seul coup.

- Il n'y aura ni baguette magique, ni incantations idiotes dans ce cours, dit-il de sa voix grave aux relents sarcastiques.

D'un pas majestueux, il descendit prestement les marches, sa cape noire flottant autour de lui comme une profonde aura noire qui ne lui allait pas du tout – surtout que son visage était éclairé d'un petit sourire ironique. Inconsciemment, Tim retint son souffle quand il se retourna brusquement, sa robe léchant ses chevilles à son mouvement.

- Je pourrais vous apprendre à ensorceler un homme et à lui emprisonner les sens. Je pourrais vous apprendre à mettre la gloire en bouteille et à distiller la grandeur. Et même à enfermer la mort dans un flacon.

Merlin ! Tim pouvait sentir son cœur palpiter dans sa poitrine. Ce n'était pas qu'il était attiré par ce que venait de dire le Professeur Thomas – la grandeur, la gloire, l'immortalité. Mais c'était juste… terriblement impressionnant. Il se demanda si le sorcier qui se mit soudainement à sourire gentiment à la classe entière était vraiment capable de faire cela ou si, juste, il frimait pour impressionner ses élèves et imposer le respect.

- Mais je ne le ferai pas, se moqua-t-il. Vous verrez cela avec le Professeur Greengrass qui vous enseignera l'art rigoureux et la science subtile de la préparation des potions.

Prestement, il se déplaça devant le bureau, sautant avec grâce sur la surface lisse et immaculée de toute paperasse. D'un coup de baguette magique, il tapa sur le projeteur jusqu'à ce que le vieil objet semblable à une relique de l'ancien temps se mette en marche dans un bruit sourd.

- Je vous entends d'ici : l'Histoire de la Magie ça va être nulle, on va s'ennuyer, qu'est-ce qu'on en a à faire de l'histoire. Eh bien, jeunes gens, l'histoire est ce qui façonne notre avenir, votre avenir. C'est en étudiant notre passé que nous pourrons garantir que les erreurs commises ne seront pas refaites. Je vous assure, mes chers élèves, que mon cours peut être tout aussi intéressant que l'art délicat des potions ou la pratique subtile de la Métamorphose.

Un nouveau coup de baguette magique sur la machine permit de projeter une image sépia sur le tableau derrière lui. Tim hésita à détourner les yeux de son professeur qui semblait beaucoup trop s'amuser en ce début d'année scolaire – aucun prof n'aurait dû être aussi content le jour de la rentrée. Même si, il devait bien l'avouer, c'était une introduction à l'Histoire de la Magie qu'il n'oublierait pas de sitôt.

- Ici, vous apprendrez le pourquoi du comment qui a conduit Henri Froster, l'ambassadeur britannique, à rencontrer Mondsar le Roi des Géants des Glaces, et qui l'a conduit à avoir les deux jambes dévorées. Tout comme vous écouterez l'histoire d'Amilus Hantaï, un potionniste révolutionnaire qui a continué de vivre alors même qu'on l'avait décapité. Ou encore, celle de Vanille Arris, une brillante médicomage qui a découvert les premiers cas d'Obscurus en 1085 et qui a permis à une unique enfant britannique de survivre en tant qu'Obscurial.

Tim sentit son souffle se bloquer dans sa gorge face à tant de connaissance qu'il ne détenait pas, face à tant d'histoire dont il n'avait jamais entendu parler. Il voulait tout savoir, tout voir, tout apprendre. Ça avait l'air passionnant – tout ce que disait le professeur Thomas, tout ce qu'il racontait lui donnait envie d'étudier encore et encore. Peut-être aurait-il dû aller à Serdaigle après tout.

- Vous découvrirez pourquoi les elfes noirs ont été exterminés. Vous verrez l'histoire cruelle des Vélanes et de leurs descendants. Vous comprendrez les modalités subtiles des élections des êtres de l'eau, les règles très strictes qui pèsent sur les meutes de loups-garous et l'importance incommensurable d'avoir une famille pour les vampires. Vous saisirez les erreurs de nos ancêtres à travers le temps et vous aurez toutes les cartes en main pour concevoir ce qui s'est passé, jadis, et appréhender ce qui constituera l'avenir.

Thomas sauta au sol et, d'un mouvement de baguette magique, il ensorcela sa cape pour qu'elle voltige jusqu'à un porte-manteau dans un coin de la salle de cours puis il sembla danser autour du rétroprojecteur et le morceau de bois tapa une nouvelle fois la machine pour qu'elle fasse défiler plusieurs images sur le tableau. Tim se demanda si à la fin de l'heure il allait devoir attraper sa mâchoire sur le sol pour la remettre à sa place tant il était fasciné par les photos en sépia projetées devant eux. C'était une illustration de tout ce dont le professeur leur avait parlé et bien plus encore. C'était… Wouah !

Placé un peu en retrait pour les laisser voir ses diapositives, le professeur Thomas avait un sourire en coin horriblement fier quand il les observait – Tim le comprenait. En quelques phrases lancées avec un air théâtral, il avait réussi à les ensorceler suffisamment pour attirer toute leur attention vers lui et son cours. Tim ne doutait pas un seul instant que ses camarades viendraient avec enthousiasme à chaque cours d'Histoire de la Magie – et même si ce n'était pas une généralité, il savait que lui viendrait à chaque cours d'Histoire avec exaltation. Le programme était alléchant et ce qu'il sous-entendait l'était tout autant.

Tous savaient que lorsqu'il parlait de saisir les erreurs de leurs ancêtres à travers le temps, il parlait des différents mages noirs qui avaient essayé de conquérir le Royaume-Unis – des guerres, des morts, de la rébellion qui s'était à chaque fois créée pour faire face à la tyrannie. Il leur parlerait des idéologies de Grindelwald, de la mégalomanie de Voldemort et du fanatisme de Potter. Tim était aussi impatient que craintif de parler des Seigneurs des Ténèbres – parce que, mince, c'était à cause de Potter que Weasley avait tué ses parents ! Comment un homme aussi horrible, accompagné de personnes aussi cinglées, avait-il pu prendre le monde sorcier ? Comment avait-il fait pour assujettir des milliers de gens en un claquement de doigts ? Comment était-ce même possible ? Tim ne comprenait pas – et il doutait de le pouvoir un jour. Même avec le meilleur professeur d'Histoire de la Magie que la terre n'eut jamais porté.

- Par les caleçons sales de Merlin, chuchota Andreas en se penchant vers lui, ça a l'air trop cool !

- Trop !

Il ne pouvait qu'espérer que ça serait effectivement le cas, que Thomas ne leur avait pas vendu de la poudre aux yeux et que les autres cours seraient tout aussi intéressants que celui-là. Tim misait beaucoup sur la Défense et les Potions, ça avait l'air génial ! Il espérait simplement que les profs seraient aussi sympas que le Directeur adjoint.

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4 septembre 2017, Poudlard, Ecosse, 13h32

- Bonjour à tous.

La voix était à l'image de l'homme – douce, mystérieuse, calme. Tim n'arrivait pas à cerner son professeur. Il se tenait là, simplement – le dos droit mais le menton un peu baissé pour contrebalancer avec sa stature impressionnante. Ses yeux d'un marron terne balayèrent l'assemblée de premières années qui l'observaient, dans l'expectative.

- Je suis le professeur Jin Molnar. Je viens de Hongrie, bien que ma mère soit Japonaise et j'ai vécu au Japon pendant de longues années. Enfin… Vous vous en fichez certainement, sourit-il nerveusement, les mains se tordant devant lui. Tout comme vous, je suis nouveau cette année et je vais vous enseigner la Défense contre les Forces du Mal.

Il y eut un petit silence, comme si le professeur pesait le pour et le contre de continuer à blablater sur sa vie. Tim échangea un regard avec Andreas, se demandant si son ami sentait que Molnar était aussi mal-à-l'aise qu'eux. C'était sans doute le trac de la première fois – il espérait qu'au fur et à mesure de l'année, il se détendrait, deviendrait plus calme et plus pédagogique. Parce que survivre à une année complète et les six autres qui suivraient ne seraient pas de tout repos – lui qui avait hâte de découvrir la Défense, sentait maintenant qu'il allait être bien déçu de ce que le professeur Molnar allait leur proposer.

Molnar prit une profonde inspiration, détendant ses épaules déjà basses et contourna le bureau pour venir appuyer ses fesses contre le bord en bois. Ses bras épais vinrent se croiser sur sa poitrine et ses yeux dérivèrent brièvement par la fenêtre avant de se poser sur eux à nouveau. Tim suivit son regard, observant le parc de l'école qui s'étendait à perte de vue et le lac noir qui coupait l'étendue verte sans la moindre honte. Tim sentit sa gorge se serrer quand il fixa l'eau, ressentait au plus profond de lui un… truc dans son ventre qui lui donnait envie de se rapprocher du bord de l'étang. Il aurait tellement préféré être dehors, plutôt qu'enfermé dans cette salle de classe avec un professeur qui semblait se demander lui-même ce qu'il faisait ici.

- Je dois vous avouer que je n'ai pas beaucoup de pratique niveau enseignement mais je vous assure que j'ai appris énormément de choses concernant les Forces du Mal aux côtés de personnes exceptionnellement douées. Par exemple, j'ai eu la chance de suivre l'année dernière le champion du monde de sortilège, Monsieur Edward Stuart – pendant peu de temps, certes, mais cela a été très instructif.

- Tu parles, chuchota quelqu'un derrière Tim. Ce type ment, Stuart est mort, l'année dernière.

S'il l'entendit, le professeur Molnar ne fit aucune remarque pour répondre à l'importun – cependant, il ne put retenir un rictus carnassier, loin de son visage fermé de tout à l'heure. C'était un sourire sans pitié, un peu fier aussi. Un frisson désagréable remonta le long de la colonne vertébrale de Tim quand il croisa, sans le vouloir, le regard féroce de l'enseignement. Où était passé le calme, le doux, le mystérieux hongrois ?

Les sourcils froncés, il se tourna brièvement vers la fenêtre, se perdant un instant sur la surface lisse du lac noir de l'école et lorsqu'il se retourna, Molnar était redevenu lui – comme si ça n'avait été que le fruit de son imagination. Pouvait-on imaginer une telle réaction spontanée ? Non. Au contraire. Tim pensait qu'une émotion impulsive était impossible à cacher – alors peut-être que Molnar avait été horriblement fier de lui. Pour… Tim pensait – espérait – que cela n'avait rien à voir avec la réflexion morbide de son camarade dans son dos. Ce serait très déplacé et affreusement terrifiant.

- Bref ! dit le professeur en claquant brusquement dans ses mains. Cette année, nous allons surtout nous concentrer sur la théorie, bien qu'il y aura un peu de pratique. Nous allons nous concentrer sur le sortilège de protection, entre autres – vous allez voir, nous allons bien nous amuser.

Mouais… Et alors que Tim récupérait son livre pour l'ouvrir page 4, il en doutait quand même vachement. Ça promettait tout sauf d'être amusant ou intéressant, enfin… Il se débrouillerait pour prendre un peu d'avance dans cette manière de façon autonome et il se prouverait que la matière pouvait être trop cool, si seulement le prof pouvait être à la hauteur de ses espérances – à la hauteur du professeur Thomas, plutôt.

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6 septembre 2017, Poudlard, Ecosse, 12h43

Tim se précipita dehors, le cœur au bord des lèvres. Il ne prit pas le temps de ralentir – il sauta les quelques marches qui menaient au parc et il courut sur l'herbe comme un fou. Ou comme un chiot. Il avait besoin de ça – besoin de sentir le vent sur son visage, besoin de respirer l'air pur que lui offrait la campagne écossaise, besoin de se shooter à la délicieuse odeur d'herbe coupée. Merlin, c'était grisant. Grisant et apaisant.

Il avait eu ce truc dans le ventre qui ne le quittait pas vraiment depuis la rentrée – ce désir qui le poussait vers le lac et qui s'apaisait à l'instant même où il pouvait voir la surface noir et paisible de l'eau. Doucement, alors que son souffle était court et difficile, Tim se laissa tomber sur la rive, écoutant avec délice le doux clapotis de l'eau – ça lui rappelait le soir, dans le dortoir. C'était bien. Juste.

Il avait réussi l'ardue tâche de s'échapper de la Grande Salle discrètement, se subtilisant à l'attention accrue d'Andreas et d'Orphy. Et c'était compliqué, Merlin seul savait à quel point. Ils avaient presque tout le temps les yeux vissés sur lui et il avait été complexe de trouver une parade pour qu'ils ne le voient pas partir à la française, pour aller se ressourcer dehors, à l'air libre.

Se laissant tomber sur le dos, Tim remercia le ciel d'avoir été clément en ce début septembre – permettant à l'herbe sous lui d'être sèche et belle. Le soleil n'était pas très fort mais il était présent, suffisamment pour qu'il caresse de ses rayons de miel le visage de Tim, créant une délicieuse bulle de chaleur autour de lui et l'empêchant de s'enfuir comme un lâche. Un profond soupir lui échappa. Il était bien là. Vraiment, vraiment bien.

Et la solitude… Merlin, elle lui faisait du bien aussi. C'était une notion plutôt éphémère dans un collège où les élèves dormaient dans des dortoirs de trois, quatre ou cinq personnes. Il n'y avait plus beaucoup de tranquillité, à peine de l'intimité. Et c'était plutôt cool la plupart du temps – mais Tim avait besoin d'un peu de temps au calme, seul, dans un silence reposant. Il ne pouvait pas survivre, ni s'épanouir dans un environnement trop bruyant, trop plein d'effervescence. A l'orphelinat, il s'était débrouillé pour passer plusieurs heures dans sa chambre quand Orphy se greffait à un groupe de garçons plus âgés pour jouer au foot – ou il-ne-savait-quoi-exactement. Aujourd'hui, il devait feinter pour réussir à échapper à la vigilance d'Andreas.

Un petit sourire sur les lèvres, Tim ferma les yeux pour profiter des doux rayons du soleil qui caressaient sa peau, semblables à l'effleurement d'une maman aimante. Son ventre, qui était noué depuis le début de la journée – depuis qu'il avait quitté le dortoir, en réalité – commençait doucement à se calmer maintenant qu'il était au bord du lac. Il aurait aimé plonger directement dans l'eau, se faire engloutir par sa noirceur et se laisser aller au rythme paisible des légers courants. Il en avait envie… non, il en avait besoin.

C'était un désir vraiment étrange parce que, bien qu'il sache barboter pour ne pas se noyer, il n'était pas vraiment à l'aise pour nager et toute sa vie, il s'était tranquillement tenu à l'écart des plans d'eau. Mieux vaut prévenir que guérir. Alors pourquoi ? Pourquoi se mettrait-il ainsi en danger ? Pourquoi se sentait-il aussi bien près de ce lac ? Il y avait quelque chose. Tim ne savait pas encore quoi mais il était persuadé qu'il y avait quelque chose qui clochait. Il ne restait plus qu'à découvrir quoi. Etait-ce un sort qui l'attirait irrémédiablement vers le lac noir ? Etait-ce un enchantement ? Une malédiction ? Peut-être qu'il devrait en parler avec Andreas et Orphy… Peut-être qu'il le ferait si jamais ça ne s'améliorait pas.

C'était un bon compromis.

Fier de sa bonne résolution, Tim soupira comme un bienheureux et il se laissa un peu plus aller, se demandant s'il avait le temps de faire une petite sieste avant que le cours commence. Ils avaient Sortilèges, Potions et DCFM – et autant, il avait hâte d'assister aux deux premiers, autant le dernier le faisait traîner des pieds. Molnar était… Bizarre. Les cours n'avaient commencé que depuis trois jours mais ce professeur ne lui inspirait pas vraiment confiance. C'était… C'était pas vraiment logique, c'était plus instinctif. Il sentait qu'il devait se méfier de lui, c'était là, dans ses tripes – tout comme il avait l'envie désespérée de venir près du lac constamment. Tim ne pouvait pas l'expliquer. C'était comme ça. Point.

Depuis le temps qu'il vivait à l'orphelinat, il avait appris à se fier à son instinct – s'il lui disait de se méfier de Jin Molnar, alors il y ferait attention. Peut-être qu'au final ce serait pour rien, mais Tim préférait être sur ses gardes, plutôt que de se faire avoir comme un bleu. Il était loin le temps où, à l'orphelinat, les gosses plus âgés s'en prenaient à lui à cause de sa petite taille – il n'était pas à Serpentard pour rien.

Il était en train de s'étirer en laissant sa conscience dériver quand il entendit des cris. Ils n'étaient pas bien forts, Tim les distinguait mais n'entendait pas ce qui se disait. Sourcils froncés, il se redressa dans l'herbe, observa les alentours. Que se passait-il ? Les voix devenaient plus fortes, plus moqueuses. Tim balaya les horizons du regard et il se figea quand il remarqua finalement le groupe de cinq élèves un peu plus loin. Comment avait-il pu les louper avant ? Il ne les avait pas remarqués, trop préoccupé qu'il était à essayer de calmer son cœur battant la chamade. Pourtant, habituellement, il n'aurait pas pu les rater.

Il y avait trois garçons et deux filles. Tim ne connaissait qu'une d'elles – la Serpentard. C'était la petite fille aux cheveux blonds qu'il avait entraperçue à la gare et qui avait été répartie à peine le Choixpeau posé sur sa tête, le soir du festin. Il ne se souvenait plus vraiment son nom et maintenant il regrettait de ne pas y avoir fait attention parce que, visiblement, elle était la cible des quatre autres. S'il avait su comment elle s'appelait, il aurait pu l'appeler pour la tirer de ce mauvais pas – ça marchait parfois, Orphy le faisait souvent à l'orphelinat quand un grand embêtait un petit.

Ils continuaient de se disputer – un des gars qui portaient une cravate jaune et noire poussa la blonde qui recula d'un pas sous la force du coup. Tim se leva, prêt à intervenir quand il vit que la fille répondait mais que cela semblait énerver un peu plus ses tortionnaires. Puis, aussi soudainement que brusquement, deux des garçons poussèrent violemment la fillette qui battit des bras comme un oisillon tombant du nid et elle bascula en arrière, directement dans le lac. Surpris, Tim resta figé sur place quand le petit groupe rigola comme des hyènes avant de partir précipitamment – quittant le lieu du crime comme des voleurs.

Merde… Qu'est-ce qu'il venait de se passer exactement ? Un instant il était tout seul, tranquille, puis la minute d'après, il assistait au plongeon de sa camarade. Putain… C'était presque surréaliste… Momentanément paralysé, Tim se demanda s'il ne rêvait pas. Comment pouvait-on être aussi méchant ? Qu'importait ce qu'avait fait la blonde, elle ne méritait pas de finir à l'eau. C'était dégoutant – surtout quand on voyait à quel point ils se moquaient tous d'elle. Tim aurait pu avoir pitié, s'il ne savait pas à quel point la pitié était plus blessant que les railleries.

Ses jambes retrouvèrent leur mobilité quand il remarqua que la fille remontait vaguement à la surface mais qu'elle coulait presque immédiatement après. Elle ne savait pas nager. Par Merlin, elle ne savait pas nager et ces quatre… ces quatre trolls l'avaient laissée toute seule, s'enfuyant avant de voir si elle s'en sortait toute seule.

Tim se mit à courir vers le petit ponton où s'était déroulée la dispute, sortant de la poche de sa robe sa baguette magique. Elle aurait pu mourir. Elle aurait pu se noyer. S'il n'avait pas été là, s'il ne l'avait pas vue, elle n'aurait jamais réussi à atteindre le bord – pas qu'elle était sortie d'affaire mais Tim allait tout faire pour l'aider, quitte à sauter lui-même la chercher. Il n'était pas à l'aise dans l'eau mais quoi ? Il ne pouvait simplement pas la laisser mourir devant ses yeux. Il était humain, il ne pouvait pas rester insensible à l'idée de regarder simplement quelqu'un se noyer.

Arrivé sur le ponton, Tim prit à peine le temps de respirer avant de lancer un Wingardium Leviosa un peu incertain. Ça avait été leur première leçon de Sortilèges et même s'il avait été un des seuls à réussir, il n'était pas certain d'y arriver maintenant pour sortir quelqu'un de l'eau. Dans la salle de classe, accompagné du professeur, il avait pu faire léviter une petite plume – une fille de onze ans ne faisait pas le même poids. Ça allait être plus compliqué. La main tremblante de stress, Tim refit le geste qu'il avait mémorisé. Quand son premier sort ne fonctionna pas, il laissa échapper entre ses dents un bruit de frustration. Respire, Tim. Finalement un soupir de soulagement lui échappa quand, la petite fille fut difficilement tirée des eaux troubles. Accrochée dans les airs par une force invisible, elle toussa, ses longs cheveux blonds barrant son visage.

Aussi doucement qu'il le put, Tim la mena sur la berge et la déposa sur l'herbe, le cœur au bord des lèvres. Il avait réussi. Putain ! Il avait vraiment réussi. Ça aurait pu être catastrophique mais il y était parvenu et il se sentait soulagé – vraiment, vraiment soulagé. Fébrile, il se dirigea vers la fillette allongée qui tentait tant bien que mal de reprendre son souffle, les cheveux mouillés repoussés en arrière pour pouvoir respirer plus facilement. Une de ses petites mains était posée sur sa poitrine comme si par ce simple geste, elle pouvait calmer son cœur palpitant.

Tim ne pouvait pas comprendre puisqu'il n'avait jamais failli se noyer mais il pouvait facilement imaginer la peur panique qu'elle avait du ressentir et qu'elle devait maintenant apaiser. Elle ne bougeait pas, à part sa poitrine qui s'élevait et s'abaissait à un rythme impressionnant et Tim se demanda si elle allait vraiment bien. Est-ce que quelqu'un pouvait aller mal même une fois qu'il avait été sauvé de la noyade ? Devait-il appeler de l'aide ? Ce serait sans doute pas une mauvaise idée, pensa-t-il en se retenant de frotter son menton sous la concentration. Mais appeler de l'aide signifiait aussi répondre à des questions dont il n'avait pas les réponses. Et peut-être que la fille, elle, les aurait mais si elle était comme lui, elle ne voudrait sans doute pas les donner.

Presque à reculons, ne sachant pas comment il allait être accueilli, Tim s'avança vers elle, ses mains jouant avec sa baguette magique pour s'empêcher de les tordre d'anxiété. Elle n'avait toujours pas bougé, les yeux fermés et, bien qu'un peu calmée, sa respiration était toujours un peu sifflante

- Est-ce que ça va ? demanda-t-il doucement quand il fut suffisamment proche d'elle.

C'était sans doute stupide comme question mais il avait besoin qu'elle lui parle, qu'elle le rassure. C'était déplacé comme désir parce que c'était elle qui avait failli se noyer, elle qui avait failli mourir mais c'était humain, comme comportement. Il devait juste s'assurer que tout allait bien maintenant qu'il l'avait sauvée.

- Est-ce que ça a l'air d'aller ?

Sa voix était rauque, un peu brisée, un peu abîmée par l'eau qui s'était frayée un chemin dans sa gorge avec la délicatesse d'un troll dans un magasin de boules de cristal. Mais elle était sarcastique, alors Tim en déduisit que ça allait quand même. Si elle avait été vraiment mal, elle aurait gémi, peut-être même demandé de l'aide, mais elle n'aurait pas été sarcastique comme maintenant.

Tim hésita puis, finalement, il se laissa tomber à côté d'elle. Il ne pouvait pas juste la laisser seule – même s'il savait maintenant qu'elle allait relativement bien. Ce serait horrible de l'abandonner alors qu'elle aurait pu mourir.

- Je n'ai pas besoin de ta pitié, dit-elle, du venin plein la voix.

- Je sais.

Elle ressemblait à un animal acculé, comme si elle avait peur qu'à son tour, il s'en prenne à elle et qu'elle se retrouve une nouvelle fois dans le lac, à lutter contre les courants vicieux. La pauvre. C'était triste comme façon de vivre – se sentait-elle constamment obligée de repousser les autres en ayant peur qu'ils l'attaquent par derrière si jamais elle baissait sa garde ? Par Merlin, c'était juste horrible. Alors Tim ne partirait pas. Il ne la laisserait pas seule et s'il arrivait à lui faire comprendre qu'elle n'avait aucune raison d'avoir peur de lui, alors il serait honoré de devenir son ami.

Finalement, elle ouvrit les yeux et Tim tomba à pieds joints dans les orbes les plus intenses qu'il n'avait jamais vus. Leur couleur était impressionnante, presque surnaturelle. Le gris ressemblait à du mercure en fusion et le froid qui se dégageait de son regard aristocratique fit presque frissonner Tim. Presque.

- Si tu veux un merci de ma part, tu peux toujours attendre. Je ne t'ai rien demandé, j'aurais pu me débrouiller toute seule.

Ils savaient que c'était un mensonge. Tous les deux. Sans lui, elle n'aurait jamais pu revenir sur le bord sans finir totalement engloutie dans les profondeurs du lac noir. Mais Tim ne dit rien, haussant simplement les épaules dans un geste désinvolte. Il n'attendait pas de merci, il ne voulait pas qu'elle pense qu'il restait pour un quelconque profit ou par pitié. Il voulait juste lui tenir compagnie, l'empêcher de rester seule et lui offrir une oreille compatissante si elle se sentait d'âme bavarde. Il avait toujours su écouter – même s'il n'aimait pas particulièrement ça en général. Ça dépendait des gens – certains méritaient son attention, d'autres devaient apprendre à laisser le silence parler pour eux.

- Pourquoi tu restes ? demanda-t-elle plus doucement, comme si elle avait peur de le faire finalement partir.

- Parce que.

- C'est pas une réponse, ça.

Mais elle ne chercha pas plus loin. Elle accepta sa présence, aussi rapidement qu'un claquement de doigts. Tim ne savait pas si c'était parce qu'elle admettait pouvoir lui faire confiance après son sauvetage ou si elle était tellement en manque de relation aimable qu'elle se rabattait sur lui. Peut-être un peu des deux. Il ne se souvenait pas l'avoir vue traîner avec des gens de Serpentard. Les autres filles, sans l'ignorer, ne l'incluaient pas dans leurs plans – et ne parlons même pas des gars… C'était affligeant que ceux qui devaient être une famille pour sept ans, comme l'avait dit le professeur Thomas, mettaient volontairement une des leurs à l'écart.

Peut-être était-ce parce que l'année scolaire venait à peine de commencer. Peut-être était-ce elle qui ne voulait pas se mêler aux autres. Peut-être. Peut-être. Peut-être. Tim n'y croyait pas. Il était lui-même socialement handicapé et, pourtant, il avait réussi à se faire des amis. Et visiblement, elle ne voulait plus être toute seule, si Tim lisait bien en elle. Sa façon d'être détendue et silencieuse à ses côtés, lui jetant quelques regards en coin pour être sûre qu'il n'était pas parti ou qu'il n'allait pas se moquer d'elle – tout son comportement n'aurait pas pu être plus explicite qu'une grosse flèche clignotante avec écrit dessus : recherche des amis.

Ils restèrent là un long moment. Très long moment. Enfin, Tim n'avait pas de montre alors il ne savait pas vraiment depuis combien de temps ils restèrent là, assis sur la berge, en silence. Il ne connaissait toujours pas le nom de la fille et il avait peur de parler et de la faire fuir. Il avait l'impression qu'un soupir de sa part suffirait à la faire partir en courant, loin de lui. Alors il garda le silence, ses yeux ne quittant jamais la surface lisse du lac devant lui. Peut-être aurait-il dû dire quelque chose. Peut-être était-ce la bonne solution que de rester calme et muet. Tim n'était pas sûr de ce qu'il faisait, pas sûr d'avoir un résultat. Mais il était patient, il pouvait attendre et voir.

Et finalement, il fut récompensé pour son stoïcisme parce que sa camarade Serpentard se racla la gorge soudainement et Tim retint son souffle, plein d'espoir :

- Je m'appelle Hélia. Hélia Malfoy.

- Et moi, c'est Timothy Hamilton, dit-il en se tournant vers elle, la main tendue, un sourire sur le coin de ses lèvres.

Il avait réussi ! Une vague de fierté personnelle grandit en lui, emmenant avec lui un rictus éclatant d'une certaine arrogance qu'il réussit tant bien que mal à étouffer pour ne pas faire fuir Hélia. D'ailleurs, il sentit plutôt ses sourcils se froncer légèrement quand il ne sentit aucune paume contre la sienne. Hélia regardait sa main, la bouche plissée, le nez un peu retroussé. Qu'y avait-il encore ? Ne pouvait-elle pas simplement la lui serrer sans faire d'histoire ?

- Quoi ? Je n'ai pas la Dragoncelle, tu sais ? plaisanta-t-il à moitié.

- Je suis une Malfoy ! répéta-t-elle comme s'il n'avait rien dit.

Et il leva les yeux au ciel. Il ne savait pas pourquoi mais il se doutait que ce serait une habitude dont il devrait s'habituer s'il désirait être ami avec elle. C'était une sorte d'intuition qui le poussa à soupirer discrètement.

- Et alors ? Je suis un Hamilton, j'en fais pas toute une histoire…

- Tu plaisantes, n'est-ce pas ?

Bien sûr qu'il plaisantait. Il connaissait les Malfoy. Enfin… Un peu. Plus ou moins. Tim eut un haussement d'épaule mental. Tout le monde savait qui ils étaient. Surtout le patriarche. Uniquement le patriarche, en réalité. Tim avait vu le nom de Lucius Malfoy dans des journaux, l'avait entendu dans certaines leçons de Madame Marpple – une des dames de l'orphelinat. C'était un homme relié à la guerre. A toutes les guerres ! Mais Tim ne savait rien d'autre – ce n'était pas un sujet qu'il maîtrisait, pas encore du moins. Parce que ceux qui jusque-là subvenaient à leur éducation n'avaient que très peu abordé la guerre – et par « très peu », Tim entendait « presque jamais ».

Tim fut sorti de ses pensées par un coup de poing lancé dans son épaule. Il laissa échapper un « aïe » misérable et surtout diablement surpris alors que sa main se levait instinctivement pour masser la zone douloureuse. En face de lui, Hélia le fusillait du regard et Tim ne put que lui demander pourquoi elle avait fait ça.

- Tu te moques de moi ! Tu sais exactement qui nous sommes !

Il se contenta de hausser les épaules, un petit sourire sur le coin de ses lèvres. Elle secoua la tête, semblant exaspérée, mais Tim voyait bien qu'elle se sentait plus libre qu'elle ne l'avait été depuis le début de leur malheureuse rencontre. Elle se détourna, sa bouche légèrement recourbée dans un rictus amusé qu'elle essayait visiblement de cacher – ses yeux gris, étonnants, regardaient la surface du lac. Et Tim se demanda s'ils allaient encore rester dans le silence une nouvelle fois.

- Tu sais, dit-elle doucement – tellement que Tim dut tendre l'oreille pour l'entendre. Je m'en fiche de ce que les autres pensent. Je m'en fiche qu'ils disent que mon père est un traître, un Mangemort, une horrible personne. Je sais qui il est vraiment. Je sais que mon père est un héros, non pas d'une guerre mais de trois et je suis fière d'être sa fille.

Alors c'était ça le sujet de la dispute qui aurait pu coûter la vie d'Hélia. Son nom de famille n'avait simplement pas été le bon, du point de vue des autres. C'était de l'injustice pure et simple, comme lorsque les gens s'éloignaient d'Andreas quand ils pensaient qu'il était associé au mage noir Weasley. Il étouffa rapidement la voix qui lui chuchota qu'il avait lui aussi eu peur de leur lien de parenté. Ce n'était pas pareil ! Il avait une excuse, ses parents étaient morts par sa main, par Merlin ! Ça pouvait expliquer… certainement… sa première réaction… non ?

Enfin, il s'était rattrapé. Il avait su voir au-delà et heureusement parce que Andreas était aujourd'hui un ami sur lequel il savait qu'il pouvait compter. C'était lamentable qu'Hélia se sente obligée de se tenir à l'écart, même de ceux de sa maison, parce qu'elle avait peur de l'attitude négative des autres à la mention de son nom de famille. Tim savait à quel point le regard des autres pouvaient être terrible et méchant alors il eut envie de lui prouver, de lui montrer, qu'ils n'étaient pas tous aussi stupides que ceux qui l'avaient lâchement attaquée. Et puis, merde ! Son père avait quand même survécu à trois guerres, c'était trop cool ! Et diablement impressionnant. Tim se demanda comment il avait réussi cet exploit.

- Tu as raison d'être fière de qui tu es… Je le serais aussi, d'avoir un père comme le tien…

Il serait content d'avoir un père tout court, mais un père qui était parvenu à bafouer toutes les statistiques de survie en cas de guerre – et de ça par trois fois – c'était quand même plus classe. Il ne lui demanda pas plus de détails sur sa prouesse incroyable, presque surnaturelle – et elle ne lui en parla pas non plus. Peut-être qu'un jour, elle se sentirait suffisamment à l'aise pour le lui raconter. Il sentait qu'ils pourraient être amis – si elle le voulait suffisamment pour mettre de côté son arrogance protectrice.

Du mieux qu'il le put, il bâillonna l'angoisse qui grandissait en lui face à son audace – il n'avait jamais cherché à se faire des amis et, en quelques jours à peine, il avait le cran de s'attacher à Andreas et il était prêt à le faire aussi avec Hélia. Il étrangla la petite voix qui lui chuchotait à l'oreille que toutes les personnes qu'il s'autorisait à aimer était quelqu'un qu'il prenait le risque de perdre – et qu'il finirait par souffrir, encore. Mais il était prêt à faire des sacrifices – Merlin ! – il ne s'était jamais aussi bien senti que lorsqu'il était avec Orphy et Andreas – enfin, si on oubliait les moments fantastiques qu'il passait quand il était seul face à ses pensées.

- Et toi ? Tes parents ?

- Oh… Euh…

Devait-il lui dire ? Ça avait tendance à mettre les autres mal-à-l'aise même si c'était simplement la vérité. Généralement, ils ne savaient pas comment réagir – et ils finissaient inlassablement par lui présenter leurs condoléances, alors qu'au fond d'eux-mêmes, ils s'en fichaient comme de leur première potion. Tim ne voulait pas qu'Hélia soit mal-à-l'aise mais il ne pouvait pas lui mentir – ce ne serait décidément pas une bonne base pour devenir amis.

- Ils sont morts.

- Oh…

Elle se tourna vers lui, les sourcils froncés, les traits du visage plissés – Tim aurait pu penser à de la pitié mais ça ressemblait plus à de la compassion. Doucement, il souffla. Il n'avait pas remarqué à quel point sa réaction avait été importante. Il haïssait la pitié et il abhorrait encore plus quand elle était dirigée vers lui. La compassion… il pouvait gérer.

- Est-ce que tu les as connus ?

- Ouais… Mais je me souviens pas d'eux… J'avais deux ans quand ils sont morts.

- Oh… répéta-t-elle.

Ses deux yeux gris s'adoucirent sensiblement alors qu'elle l'observait et Tim sut sans le moindre doute que c'était la première fois que quelqu'un se confiait à elle et l'écoutait aussi attentivement qu'il l'avait fait précédemment. Tim l'étudia plus soigneusement – elle était jolie avec son visage fin, à la peau pâle, son nez en trompette et ses cheveux blonds qui dégoulinaient sur ses épaules, toujours aussi mouillés après sa baignade improvisée.

- C'est triste…

- C'est la vie ! répliqua-t-il en haussant les épaules, un peu désabusé.

- C'est ce que je dis.

Un petit sourire glissa sur ses lèvres et elle y répondit aussi simplement – et Tim sentit qu'il n'y avait plus de malaise entre eux, plus aucun mur protecteur. La glace avait été brisée aussi simplement qu'avec un coup de baguette magique.

- Ton père a été content que tu sois répartie à Serpentard ?

- Pour sûr, rit-elle. Toute la famille a été à Serpentard, il aurait été très déçu si j'avais été à Serdaigle ou à Poufsouffle. Et ne parlons même pas de Gryffondor, il en aurait fait une syncope, à coup sûr.

Tim comprenait. S'il avait connu la maison de ses parents, il aurait voulu leur faire honneur en y allant à son tour – et surtout, il n'aurait pour rien au monde voulu intégrer Gryffondor sachant que Potter et Weasley venaient de cette maison. De son point de vue, ça aurait été horrible d'être dans la même chambre que le meurtrier de ses parents.

Au loin, une sonnerie retentit, signe universel pour prévenir les élèves que les cours allaient bientôt commencer. Tim se leva prestement, bien avant Hélia qui ne put qu'accepter sa main tendue pour s'aider à se relever – puis, d'un coup de baguette magique, il la sécha complètement, remerciant mentalement la dame de l'orphelinat qui utilisait cette formule sur eux quand il pleuvait beaucoup trop et qu'ils se retrouvaient trempés des pieds à la tête.

- Allez, Malfoy, dépêche, on va être en retard !

Et ça lui vint tellement naturellement que Tim n'eut même pas peur d'avoir vexé sa camarade. Sans attendre, il se dirigea vers le château – il manqua donc le petit sourire heureux et un peu surpris de la fillette qui, peu habituée à être aussi familière avec quelqu'un de son âge, prit une demi-seconde avant de courir rapidement vers son nouvel ami pour rejoindre la classe de Sortilèges.

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8 septembre 2017, Ecosse, Poudlard, 15h30

Le froid n'était pas encore arrivé, heureusement. Tim ne voulait même pas penser ce que ce serait en plein hiver. Cette heure, qui promettait fabuleuse, se révélerait sans doute être un calvaire quand le vent glacial rencontrerait les pluies austères du mois de novembre. Les cours de vol étaient le cours que Tim attendait avec impatience depuis la première fois qu'il avait tenu son emploi du temps entre ses mains. Et visiblement, s'il devait se fier à tous ses camarades qui dansaient d'un pied sur l'autre ou qui chuchotaient entre eux avec précipitation, il n'était pas le seul qui voulait que le cours commence. Genre, maintenant.

Mais le professeur n'était pas encore arrivé. Et personne ne connaissait son identité. Pas même Andreas qui, pourtant, était le mieux placé pour savoir de qui il s'agissait grâce à sa mère directrice. Cependant, il ne le connaissait pas, comme si le Professeur Weasley avait voulu garder la surprise, même pour son fils.

- Il est en retard, murmura Orphy à ses côtés.

Il avait été surpris de voir sur le tableau d'affichage que les cours de vol seraient eux aussi couplés avec les Gryffondors. Surpris et heureux de savoir qu'il partagerait cela avec son meilleur ami. En face de lui, Hélia regardait autour d'elle, visiblement blasée, mais Tim arrivait à lire en elle comme dans un grimoire ouvert et il savait qu'elle essayait de cacher son impatience et son excitation. Il se demandait parfois comment il pouvait aussi bien la comprendre alors qu'il ne la connaissait que depuis deux jours mais il avait fini par arrêter de se poser tant de questions. En la voyant toute seule, Tim se rappela qu'il allait devoir la présenter à Orphy et à Andreas pour qu'elle puisse traîner avec eux – et rapidement, ce serait mieux pour qu'elle ne soit plus rejetée par ses paires.

- J'ai trop envie de voler, marmonna Andreas en trépignant.

Lui aussi. Par Merlin, il en avait tellement envie, mais il avait peur aussi. Il n'avait jamais osé emprunter un des deux balais dont disposait l'orphelinat, souvent accaparés par les plus âgés – Tim n'avait jamais voulu s'élever dans les airs, sans entraînement, sans professeur pour lui apprendre. Non merci. Il n'était pas suicidaire – mourir écrasé au sol n'était une bonne façon de partir de ce monde.

Orphy, comparé à lui, avait déjà utilisé les balais de l'orphelinat. Andreas volait quotidiennement et il lui avait même expliqué en détail le magnifique balai que sa mère lui avait offert pour Noël, mais qu'il n'avait pas le droit d'emmener ici, malheureusement. Et Hélia… Du peu qu'ils en avaient parlé, Tim avait facilement compris qu'elle volait déjà comme une pro – et même si Tim en doutait parce qu'il pensait qu'elle exagérait pour la frime, il supposait qu'elle savait voler, suffisamment bien pour être toujours parmi eux aujourd'hui.

Un raclement de gorge soudain le sortit de ses pensées et toutes les conversations cessèrent presque immédiatement. Toutes les têtes se tournèrent vers le professeur, qui se tenait là, les mains dans le dos, les pieds bien plantés dans le sol. Tim sentit sa mâchoire tomber, sa bouche s'ouvrir de surprise.

- Par Merlin ! souffla Andreas, près de lui.

- C'est pas possible… répliqua Orphy.

Et putain, Tim ne pouvait être que d'accord avec eux. C'était… Par Merlin… C'était absolument géant. L'homme qui les observait avec un petit sourire moqueur devait certainement savoir ce qu'ils ressentaient à le voir là, prêt à leur enseigner le délicat art du vol. Il semblait très fier de lui et de son entrée – Tim pressentait qu'il avait tout organisé depuis le début. Il était là, silencieux, et eux – pauvres petits premières années – étaient tout bonnement bouche bée devant lui.

Tim se tourna vers Hélia qui, si on en croyait ses yeux écarquillés, connaissait parfaitement l'identité de leur futur professeur. Et si Tim lisait bien en elle, ses poings qui se serraient convulsivement à ses côtés ne prouvaient que son envie de frapper dans ses mains comme une hystérique. Elle se tourna à son tour vers lui, le regard toujours grand ouvert et elle mima, l'air émerveillé :

- C'est Olivier Dubois !

Et il ne put qu'hocher la tête en retour parce que, oui, c'était Olivier Dubois, le grand joueur de Quidditch. Il avait été le gardien du Club de Flaquemare pendant quelques années, puis il avait intégré les Pies de Montrose où il avait pu aider à de nombreuses victoires sous leur couleur. Son talent l'avait propulsé en équipe nationale – il avait participé à la Coupe du Monde de Quidditch de 2010 et de 2014. Les journaux n'avaient fait que parler de sa décision de prendre sa retraite pendant plus d'un mois. Tim avait été horrifié de savoir sur leur équipe nationale ne le compterait pas parmi ses membres en 2018. Avec lui et les bons éléments qui étoffaient l'équipe, ils auraient eu une chance de gagner.

Mais il avait décidé de prendre sa retraite, Merlin seul savait pourquoi, et il se retrouvait maintenant professeur dans la célèbre école de Sorcellerie de Poudlard – il était son professeur et Tim pouvait presque oublier sa déception de ne plus le savoir joueur professionnel.

Tim leva lentement les deux pouces vers Malfoy et elle secoua la tête comme si elle n'en revenait toujours pas. Olivier Dubois. Par Merlin, c'était quand même sacrément… waouh ! Il revint vers son professeur dont le petit sourire en coin fit couiner quelques filles – Tim fronça les sourcils, perplexe face à leur réaction pour le moins étrange. Mais déjà Dubois parlait d'une voix basse, mélodieuse, charmeuse même.

- Pour ceux qui ne sauraient pas qui je suis, je m'appelle Olivier Dubois et je serai cette année votre professeur de vol. J'essaierai de vous apprendre à tenir sur un balai, à l'utiliser au mieux et, surtout, à ne pas vous casser le cou quand vous oserez vous élancer dans les airs. Si vous êtes doués, vous pourrez intégrer l'équipe de Quidditch mais seulement l'année prochaine. Les premières années ne font jamais partie d'une équipe sauf…

Son visage jusque là souriant, ouvert et humble se ferma soudainement, devenant morose, et triste.

- Je n'ai vu qu'un seul élève de première année intégrer une équipe de Quidditch et il était vraiment… extraordinaire sur un balai.

Le mot – extraordinaire – sortit difficilement de sa bouche, comme s'il arracha sa gorge au passage. Tim se demanda de qui il parlait – peut-être qu'il pourrait trouver des réponses à la bibliothèque. Ça valait sans doute le coup d'aller voir si on parlait du seul élève de première année accepté dans une équipe depuis des années.

- Enfin, dit-il soudainement comme s'il sortait brusquement de ses pensées, aujourd'hui est le – je veux dire, votre premier pas vers l'expérience extraordinaire qu'est le vol. Allez ! Tendez votre main droite et dites « debout ! », on verra déjà ceux qui ont le gène et ceux qui ne l'ont pas, sourit-il en s'avançant parmi eux.

Tim s'empressa de suivre les instructions, pendant qu'Hélia, Andreas et Orphy faisaient de même et, d'une même voix, tous les élèves s'écrièrent :

- Debout !

Tim eut la surprise de voir le balai à ses pieds remonter directement dans sa main tendue. Waouh ! Il releva les yeux, impressionné et impatient de voir si son exploit avait été remarqué par ses camarades ou, même, par son professeur. Il rencontra le regard gris de Malfoy qui lui sourit, arrogante – et il vit qu'elle tenait son balai, elle aussi. Tout comme Orphy et Andreas qui avaient déjà volé et qui savaient se faire obéir.

- Bien ! Ceux qui ont réussi, allez vous mettre par là, indiqua Dubois en montrant un espace plus loin. Ceux qui n'y arrivent pas, continuez, soyez plus autoritaires et vous y arriverez. Chacun à son rythme.

Heureux et extrêmement fier de lui, Tim partit vers l'endroit montré, balai en main et la tête déjà dans les nuages. Il n'avait jamais voulu voler avant aujourd'hui mais maintenant il se demandait comment il se sentirait une fois dans les airs – ce devait être fantastique. Merveilleux. Et peut-être…

Peut-être qu'il serait doué pour ça !

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9 septembre 2017, Ecosse, Poudlard, 16h10

Hélia avait toujours su qu'elle n'était pas douée pour se faire des amis. En fait, elle avait essayé, une fois – mais ça ne s'était pas très, très bien passé. L'expérience l'avait meurtrie, plus qu'elle voulait bien l'admettre. C'était traumatisant pour une petite fille de six ans qui venait à peine de rentrer à l'école des petits sorciers. Etre rejetée par ses paires alors qu'on était tellement petite qu'on ne savait toujours pas lire. Traumatisant et extrêmement désagréable.

Elle se rappelait encore de cette journée affreuse où ses toutes nouvelles amies lui avaient tourné le dos parce que son nom n'était pas assez bien pour elles – parce qu'elle n'appartenait pas à une famille de Sangs-Mêlés ou de Nés-Moldus, parce qu'elle était une Sang-Pur, que son père était le grand Lucius Malfoy, qu'elle n'était pas assez… normale. Pétasses. Hélia ne jurait presque jamais mais ces filles-là, ces filles qui avaient fait de sa vie un enfer pendant près de cinq ans, qui avaient maintenu tous les autres à distance pour qu'elle soit seule – seule et désespérée dans sa solitude –, qui l'avaient injuriée, qui s'étaient moqué d'elle, elles… elles méritaient ses injures mentales.

Son père avait été concilient quand elle était allée le voir – haute comme trois pommes, les larmes coulant de long de ses joues, sa gorge serrée par les sanglots, l'esprit torturé par des milliers de questions qui commençaient presque toutes par « pourquoi ». Aujourd'hui encore, elle se rappelait de son visage grave, de ses yeux plissés et sa voix – Merlin ! sa voix avait été presque douce quand il lui avait parlé. Peut-être un peu triste aussi. Les préjugés ont la vie dure, lui avait-il dit. Mais ce n'est pas grave. Tu es une Malfoy, tu n'as pas besoin d'eux. Tu n'as besoin de personne d'autre que moi et ta mère. Tu n'as besoin de personne d'autre que toi. Le doigt avait été enfoncé dans sa poitrine avec délicatesse – et Hélia, la voix toujours enrouée, avait hoché la tête, ancrant ses mots justes dans sa mémoire.

Mais ça n'avait pas été plus facile pour autant. Même si les autres enfants étaient bêtes, même si elle n'avait besoin de personne d'autre pour réussir, elle avait été seule pendant près de six ans. C'était long, six ans. Surtout quand on était quotidiennement insultée, moquée, parfois même frappée – ça n'avait été que des coups de pieds, quelques baffes aussi, rien de bien méchant, mais assez traumatisant quand même. Son père… Son père n'était pas au courant de ça et, si elle jouait finement, il n'était pas censé en entendre parler. Jamais.

Elle avait cru qu'à Poudlard ça changerait, qu'elle se ferait des amis, qu'elle trouverait des gens pour l'accepter – elle et son nom de famille visiblement honteux. Mais ça n'avait pas été le cas, loin de là. Peut-être parce qu'elle ne savait pas s'y prendre avec les autres ? Peut-être parce qu'elle avait appris à enfermer ses émotions comme son père et que ça mettait mal-à-l'aise ? Peut-être parce qu'elle avait pris l'habitude de rejeter les autres, par peur de souffrir encore une fois ? Hélia ne savait pas… Elle ne savait pas mais elle était sûre d'une chose : se protéger ainsi ne soulageait rien. C'était même pire parce que – Merlin ! – la solitude était une sensation horrible, surtout quand elle pouvait voir, les jours durant, ses camarades évoluer en groupes.

C'était pour ça qu'elle avait hésité à sortir. Le temps était pourtant idéal pour se faufiler dehors, profiter des rayons du soleil. Cependant, elle n'avait pas envie de se retrouver en face de tous ces gens heureux. Toutes les premières années s'étaient regroupées dans le parc pour apprécier ce temps magnifique que leur offrait ce début de septembre. Les rires allaient la narguer aussi surement qu'une sucette secouée sous le nez d'un enfant en manque de sucre. Les voir s'amuser, les observer se chambrer gentiment, les contempler être heureux en meutes. Hélia n'avait jamais connu ce genre de choses – et elle ne savait pas si elle se sentait prête à se retrouver au milieu d'eux alors qu'elle était aussi seule qu'un chaton abandonné ?

Et pourtant, elle était là, postée sur le seuil des Grandes Portes de l'Ecole de Sorcellerie de Poudlard. Son regard gris, impassible, glissa sur le parc qui se dessinait devant elle, aussi beau que les jours précédents mais beaucoup plus rempli qu'elle n'avait eu le loisir de le voir jusqu'à présent. Elle était une Malfoy. Elle était une guerrière. Son père était un héros – son héros – il avait survécu non pas à une mais à trois guerres. Et s'il avait réussi l'exploit extraordinaire de continuer à vivre après toutes les horreurs qu'il avait vues et vécues, alors elle pouvait trouver la force intérieure pour affronter le regard des autres – même s'ils étaient pleins de haines, ou totalement impassibles, ou au contraire remplis de pitié.

Menton relevé dans une attitude plus fière qu'elle ne se sentait en réalité, Hélia se demanda où elle allait bien pouvoir se poser pour profiter de son premier vendredi après-midi libre. Sous un chêne ? Près du lac ? Un petit frisson désagréable la parcourut des pieds à la tête et elle s'empressa de serrer les mains en poings pour s'empêcher de fuir aussi vite que possible. Le souvenir de l'eau froide l'entourant, l'étouffant, était encore bien net dans sa mémoire et elle avait peur… vraiment peur de s'approcher du lac.

Elle ne voulait pas prendre le risque de retomber dedans. La peur, la panique totale qui avait pris possession de son corps n'était pas quelque chose qu'elle désirait retenter un de ses jours. Heureusement… Heureusement que Timothy Hamilton avait été là et qu'il l'avait sauvée. Merlin, elle n'en revenait toujours pas. Timothy avait été le premier enfant à lui parler – enfin, il était resté simplement avec elle, comme ça. Sans aucune raison apparente, il avait demeuré assis près d'elle aussi silencieux qu'un homme muet – et elle avait fini par parler. Elle avait vomi un nombre incalculable de mots parce que, honnêtement, ça avait semblé être la bonne et unique chose à faire. Et Merlin ! Ça lui avait fait un bien fou de s'exprimer. De lui expliquer pourquoi elle avait été poussée à l'eau, pourquoi elle avait été si impolie avec lui au début, pourquoi elle l'avait rejeté aussi grossièrement.

Timothy avait sans doute compris que c'était une protection contre la douleur du rejet. Repousser les gens avant qu'ils ne la repoussent. C'était plus simple, moins douloureux. Tu n'es pas là-bas pour te faire des amis, seulement pour devenir la plus prodigieuse des sorcières, lui avait dit son père. La plus prodigieuse, après moi, bien sûr. Ses lèvres s'étaient alors tordues dans un sourire en demi-teinte – une sorte de rictus qui ressemblait beaucoup plus à une grimace qu'à un véritable sourire. Mais Hélia n'y avait pas fait attention parce que son père ne souriait jamais vraiment – alors elle s'était contentée de l'écouter en se disant que c'était pour le mieux. Surement.

Mais avec Timothy… Merlin, ça avait été étrangement facile de parler avec lui. Il avait eu une oreille attentive pour elle alors que personne ne l'avait eue avant lui. Elle s'était sentie écoutée pour la première fois de sa vie. Et il n'y avait eu aucun jugement, aucune pitié, aucun mépris. Juste une attention rafraichissante et sans borne. Ça avait été… cool. Vraiment. Et ça ne s'était pas arrêté là.

Doucement, elle prit une profonde inspiration, appréciant l'air frais et l'odeur d'herbe et de soleil qui se dégageait du parc. Alors qu'elle descendait les marches qui la mèneraient à l'étendue verte qui se dessinait devant elle, Hélia se rappela des moments brefs et éphémères qu'elle avait partagé avec Timothy. Ça n'avait pas été de grandes discussions révolutionnaires, à peine quelques mots lancés timidement, mais ça avait été tellement… woua, d'être avec quelqu'un, de ne plus être seule. D'être exactement comme tous les autres.

Les brins d'herbe s'écrasaient sous ses pas traînants, tant qu'Hélia voulut enlever ses chaussures pour laisser sa peau caresser la douceur du gazon. Elle aimait ça, au Manoir, même si son père n'appréciait pas vraiment qu'elle marche pieds nus. Ce n'était pas bien grave, parce qu'elle préférait le rendre fier plutôt que de vulgairement se comporter comme une pauvre paysanne. Son père méritait qu'elle lui fasse honneur après toutes les horreurs qu'il avait vécues, qu'il avait vues – bien sûr, il n'en parlait jamais, il ne lui avait jamais raconté ce qu'il avait traversé. Mais il avait survécu à trois guerres. Elle n'était pas stupide, elle savait qu'il avait dû vivre des choses traumatisantes.

Et bien sûr, elle ne pourrait jamais ne fut-ce que prétendre un jour vouloir arriver à son niveau, parce qu'il était trop puissant, trop intelligent pour qu'elle devienne son égale. Mais elle pouvait essayer de tout faire pour le rendre fier d'elle – pour qu'elle fasse tout le nécessaire pour qu'il ait des étoiles dans les yeux le jour où elle recevrait son diplôme avec les félicitations exceptionnelles du jury.

Elle…

- Hélia ! l'appela une voix masculine pas très loin d'elle qui la sortit de ses pensées et qui la fit presque sursauter tant elle ne s'attendait pas à être ainsi interpellée.

Qui pouvait bien la héler aussi subitement ? Elle n'avait…. Elle n'avait personne qui pouvait le faire, personne qui connaissait son nom. Elle se retourna vers la voix, un peu surprise et vraiment étonnée de voir qui l'appelait en plein parc. Ses yeux gris se plissèrent quand elle vit Timothy lui faire signe à quelques pas de là.

- Viens ! lui dit-il avec un petit sourire qui se voulait réconfortant.

Mais… devait-elle vraiment le faire ? Timothy n'était pas tout seul, il y avait deux autres garçons avec lui – un avec les cheveux châtain clair, allongé sur le sol, les bras repliés sous sa nuque, et un rouquin assis près de son sauveur, tellement proche que leurs épaules se touchaient presque. Et si eux ne l'acceptaient pas aussi bien que Timothy ? Et si eux aussi la détestaient autant que tous les autres sorciers vivants en Grande-Bretagne ?

Hamilton ne voulait visiblement pas la laisser s'échapper, continuant de secouer la main vers elle, l'alpaguant d'un regard inquisiteur. Elle fut surprise de sentir ses pieds bouger d'eux-mêmes, ses jambes la portant fébrilement vers le halo d'ombre projeté par le feuillage de l'arbre qui abritait les trois comparses. Elle ne voulait pas y aller, tout en le voulant de tout son cœur. C'était une réaction tout à fait humaine de vouloir un peu de compagnie, non ? Elle qui en avait été tellement privé tout au long de sa courte vie.

Peut-être… peut-être que tout se passerait bien.

- Salut, dit-elle presque timidement quand elle arriva près d'eux.

Elle préféra garder son regard fixé sur Timothy, le seul qu'elle connaissait vraiment – bien qu'elle observât les deux autres à la dérobée. Le rouquin dardait sur elle un regard bleu intense, un peu plissé. Son visage était pâle, légèrement parsemé par des taches de rousseur. Il paraissait sur ses gardes, un peu incertain sur la manière d'agir. A contrario, l'autre n'avait presque pas bougé, se contentant d'ouvrir ses paupières paresseusement, laissant apparaitre des prunelles noisette qui la fixaient, impassibles. Un sourire se dessina sur ses lèvres et Hélia hésita à lui répondre.

- Bonjour Hélia, comment ça va ? demanda Timothy de sa voix calme et apaisante.

Elle n'était même pas sûre qu'il se rendait compte de la manière qu'il avait de tranquilliser rien qu'en parlant. C'était certainement un don naturel, quelque chose dont il n'avait certainement pas conscience mais qui marchait vraiment bien sur elle.

- Ça peut aller, répondit-elle en haussant les épaules, comme si elle partageait de telles discussions avec tout le monde, tout le temps. Et toi, Timothy ?

- Bien, sourit-il. Tu peux m'appeler Tim, tu sais ? Viens, assieds-toi.

Il tapota l'herbe à côté de lui et elle hésita un long moment, ne sachant pas quoi faire. Le rouquin ne l'avait pas lâchée des yeux et elle n'était pas sûre qu'il voulait d'elle près d'eux.

- Tu es sûr ?

- Ouais. Voici Andreas Weasley, et lui, là, c'est Orphéus David.

Il accompagna sa présentation d'un mouvement de main vers le rouquin puis vers celui allongé – et ce dernier ricana, moqueur. Il marmonna un si on m'avait dit qu'un jour tu me présenterais à quelqu'un… et, en représailles, Tim lui lança un petit caillou qui rebondit sur le vendre d'Orphéus.

- Andreas, Orphy, c'est Hélia Malfoy. Elle est dans notre promo, à Serpentard.

- Lut Hélia ! la salua gaiement Orphéus avant de refermer les yeux prestement.

Elle s'attendait à ce que Weasley suive son exemple, mais visiblement elle s'était un peu trop habituée à la gentillesse de Tim et de son ami – elle avait oublié que les gens la détestaient, elle, son père et son nom de famille. Elle avait cru… Elle avait cru qu'elle allait être enfin acceptée dans un groupe – avec des gens biens, des gens bons.

- Andy ? demanda Tim, sourcils soudainement froncés. Qu'est-ce qu'il y a ?

- C'est…

Sa voix n'était pas plus forte qu'un murmure mais Hélia crut qu'il avait crié. Et sans qu'il n'eut terminé sa phrase, elle savait ce qu'il allait dire. C'était toujours la même rengaine, les mêmes paroles pleines de venin. Elle y était habituée, elle savait la souffrance que chaque mot craché pouvait engendrer. Mais…

Mais pour la première fois de sa vie, elle ne voulait pas tourner le dos à sa menace. Elle voulait entendre ce qu'il avait à dire et le remettre tranquillement à sa place pour lui prouver qu'il avait tort, qu'elle n'était pas une pestiférée qu'ils devaient éviter. Elle voulait prouver à Tim qu'il n'avait pas perdu son temps avec elle, l'autre jour. Et surtout – surtout, elle souhaitait avoir des amis, comme tous les autres de cette école.

- C'est une Malfoy, Tim, chuchota ledit Andreas.

- Et alors ?

- Tu ne sais sans doute pas ce qu'on dit sur eux…

Il chuchotait comme si parler à voix basse l'aurait empêché d'entendre ce qu'il disait alors qu'elle se trouvait à peine à un mètre de lui. Bouffon. Elle leva les yeux au ciel et coupa Tim alors que ce dernier ouvrait la bouche pour lui répondre – pour la défendre, sans doute. Mais elle pouvait se défendre toute seule, elle était grande, elle était une guerrière et ce n'était pas un rouquin tacheté qui allait lui faire peur – surtout maintenant qu'elle avait touché du bout des doigts l'illusion d'avoir des amis.

- J'ai des oreilles tu sais ?

Tous les yeux se fixèrent sur elle d'un seul coup, son ton sarcastique captant toute leur attention. Elle croisa ses bras sur sa poitrine, une jambe légèrement en avant, se retenant de taper du pied pour montrer son irritation grandissante.

- Je suis une Malfoy et alors ? Tu es un Weasley, tu sais ce qu'on dit sur eux, sans doute, et pourtant tu ne me vois pas me barrer en courant. Honnêtement, je préfère être associée à mon père plutôt qu'au mage noir Weasley. Mon père, au moins, n'est pas un meurtrier mégalomane et sadique.

Andreas la fusilla du regard, plissant les yeux comme pour la scanner au plus profond de son âme. Elle se laissa examiner, le cœur battant très vite dans sa poitrine mais son visage restant totalement inexpressif comme son père le lui avait appris. Elle resta immobile une éternité – ce qui sembla être une éternité. Puis finalement, la bouche de Weasley s'étira lentement en un sourire mi-surpris, mi-compréhensif et il se leva prestement, main tendue en avant.

- Tu marques un point. Hélia, c'est ça ? Je crois que j'ai pas fait bonne impression, désolé. Je m'appelle Andreas.

Surprise, elle haussa les sourcils, son regard vagabonda de son visage maintenant jovial à sa main tendue en signe de paix. Serait-ce aussi simple ? Merlin, ça paraissait trop beau pour être vrai.

- Je sais, répondit-elle finalement en l'empoignant fermement, Tim l'a déjà dit.

- Je t'aime bien, rit-il.

- Viens t'asseoir avec nous, insista Timothy une seconde fois, visiblement détendu maintenant que la querelle s'était terminée.

Le cœur battant si vite qu'elle avait l'impression qu'il pourrait s'extraire de sa cage thoracique pour se taper un marathon, elle accepta l'invitation et se laissa tomber dans l'herbe à ses côtés. Merlin, elle l'avait fait. Elle l'avait vraiment fait ! Elle s'était fait des amis. Et honnêtement, ça n'avait pas été si compliqué. Ça avait été facile. Etrangement facile.

Elle se sentait bien, maintenant. Entourée. Soutenue. Elle laissa leur voix l'envelopper, l'idée de faire partie d'un groupe la rendant momentanément euphorique. Sans entendre ce qu'ils disaient, ils la bercèrent sans le vouloir, la calmant et lui offrant de nouvelles sensations qui lui étaient totalement inconnues. Une sorte d'apaisement d'avoir enfin trouvé sa place.

Elle resta longtemps comme ça, les yeux fermés, les doigts enfouis dans la terre, le cœur apaisé dans sa poitrine et la respiration lente. Et ce fut une phrase d'Andreas somme toute innocente qui la sortit de ses pensées.

- Il est bizarre quand même.

- Qui ? demanda-t-elle en rouvrant les paupières.

Se tournant vers Tim pour avoir une réponse, elle le vit lui faire un geste du menton vers la gauche. Il y avait le professeur de DCFM, le Professeur Molnar, à une dizaine de mètres d'eux. C'était lui que Tim lui avait désigné d'un signe. Sourcils froncés, Hélia le regarda marmonner pour lui-même, sa main gauche crispée sur sa baguette, ses prunelles balayant régulièrement la surface du Lac Noir. Qu'est-ce qu'il faisait ? Pourquoi est-ce qu'il paraissait si… louche ? Elle ne l'avait pas remarqué avant aujourd'hui mais Andreas avait raison : il était bizarre. Vraiment, très, très bizarre.

- C'est pas la première fois que je le vois faire des trucs comme ça, ajouta Orphéus en se redressant.

- Qu'est-ce qu'il cherche à votre avis ? demanda-t-elle.

- Pourquoi tu penses qu'il cherche quelque chose ?

Bah, c'était logique, non ? Pourquoi marcherait-il au bord du lac en tenant sa baguette comme s'il devait se défendre de quelque chose ? Il regardait tout autour de lui, épiant le moindre élément qui se déroulait autour de lui. Elle leur expliqua ça, à voix basse, sur le ton de la confiance et ils l'écoutèrent avec attention, visiblement pendus à ses lèvres.

- J'aimerais bien savoir ce qu'il veut…

Ouais, Hélia était plutôt d'accord avec Tim. Vue l'énergie qu'il semblait mettre dans cette recherche, elle aurait bien aimé, elle aussi, savoir ce qu'il voulait avec tant de passion. Si elle devait se fier aux hochements de tête vigoureux d'Andreas et d'Orphéus, elle n'était pas toute seule à être du même avis que Tim. Et clairement, si le regard vert brillant légèrement de curiosité de son ami était une indication, il y avait fort à douter qu'ils ne laisseraient pas cette énigme sans réponse – et Merlin, ça promettait d'être intéressant pour le futur. Jouer les espions. Vraiment intéressant et diablement excitant.

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Et voilàààà, je suis dans les temps, on est encore en novembre !

Le prochain devrait arriver rapidement parce que je ne suis plus en France à partir du 13 décembre !

A plus les gens