Heya ! Nouveau chapitre ! :D
J'ai cru comprendre que certains étaient assez perplexes quant à ce qu'il s'est passé la dernière fois, mais vous en faites pas, ça va devenir encore plus compliqué :3
Grand merci à Oriane Wyllt pour sa correction en tant que bêta-lectrice !
Merci également à Zialema, j'aime quand ça rage :p
Et enfin je remercie également Melisselamalice qui m'a littéralement noyée sous les notifications, bienvenue ! :D
Jour 62.
Il faisait toujours nuit noire quand Doll sortit du manoir, éreintée et à bout de nerfs. La soirée et la nuit qu'elle venait de vivre étaient parmi les plus éprouvantes qu'elle n'ait jamais eu. Son corps avait beau tenir le coup pour le moment, elle savait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne finisse par lui dire merde. Les images de la mort de chacun de ses camarades lui revenaient inlassablement en tête et son cœur lui faisait un mal de chien.
Et au milieux de tous ces morts et de ces cascades de sang, elle voyait des yeux dorés.
Que devait-elle faire, à présent ? Par où devait-elle aller ?
Son esprit était trop confus, trop épuisée pour vraiment pouvoir y réfléchir. Ses dernières ressources avaient été balayées devant l'homonculus mourant, au point qu'elle en avait même fait détruire ce qu'elle protégeait au péril de sa vie depuis tant d'années. Son héritage, son fardeau, son péché. Elle ne savait même pas si c'était une tragédie ou une bonne nouvelle…
Sa main vint chercher la clé maintenant inutile qui pendait à son cou, et elle l'arracha d'un coup sec avant de la jeter au milieu des arbres qui l'entouraient.
- Et maintenant..? souffla-t-elle pour elle-même.
Il fallait qu'elle se repose, ou elle ne tiendrait pas bien plus longtemps si une autre course-poursuite s'engageait. C'était à peine si elle arrivait encore à mettre un pied devant l'autre. Et avec l'explosion lumineuse du manoir un peu plus tôt, elle se doutait que la zone grouillerait de soldats dans peu de temps.
Doll leva les yeux vers le ciel étoilé et resta immobile quelques secondes, se demandant pourquoi diable avait-elle aussi mal, elle qui avait traversé des champs de bataille, vu la mort, la violence et la désolation depuis son enfance ? S'était-elle affaiblie à ce point pour que les morts qu'elle avait vues et infligées il y avait à peine quelques heures lui donnent la sensation d'étouffer ?
Non, elle devait se concentrer, il fallait qu'elle réfléchisse à ses prochaines actions. Elle pouvait toujours rejoindre Martel et l'armure, s'ils étaient encore là où elle les avait laissé, ou bien elle pouvait d'abord vérifier s'il restait des militaires dans les environs pour les en éloigner...
Une détonation retentit, toute proche, et elle vit une fumée épaisse l'entourer, ne tardant pas à lui piquer les yeux et le nez. Se mettant à tousser abondamment face à l'attaque chimique, elle se couvrit le nez et la bouche, tout en sortant son katana, cherchant à vendre chèrement sa peau au premier qui montrerait le bout de son nez.
Archer sourit en voyant ses hommes revenir avec la cible. Ce n'était pas trop tôt. La jeune tueuse était endormie pour le moment, mais le produit utilisé pour la capturer ne durerait pas très longtemps, aussi il prit grand soin de la faire entraver, mains dans le dos pour qu'elle soit incapable de faire quoi que ce soit, et prit son arme.
Maintenant qu'il avait ce qu'il voulait, le Lieutenant-colonel n'avait plus qu'à rentrer au QG, il pourrait gérer la suite des opérations de là-bas.
Le sac contenant le crâne de Greed à côté de lui, la fugitive neutralisée et entourée de soldats à l'arrière de la camionnette, il se laissa conduire avec un sourire persistant, extrêmement satisfait de ses découvertes et de ses acquisitions. Cette fille possédait une pierre philosophale, voilà une chose qui le ferait monter en grade à coup sûr. Et même s'il se doutait bien qu'elle l'avait dissimulée quelque part pour qu'elle ne soit pas retrouvée… Eh bien, il saurait la faire parler.
- Commandant Kimblee.
L'alchimiste leva les yeux de son bouquin et sourit devant l'emploi de son grade fraîchement retrouvé.
- Lieutenant-colonel, salua-t-il en retour, se levant du divan qui décorait le bureau où il patientait depuis qu'il avait été ramené au QG. Je devine à votre expression que la chasse a été bonne.
Le sourire d'Archer voulait tout dire.
- Elle nous attend dans la cour, si vous voulez bien me confirmer son identité.
- Je vous suis.
L'Écarlate se laissa guider bien docilement par son supérieur, cheminant à travers le bâtiment qui n'avait pas encore retrouvé sa forme initiale, suite au passage de la bouchère, pour rejoindre l'entrée arrière qui donnait sur la cour et le terrain d'entraînement. Il n'y eut pas besoin de chercher bien longtemps pour trouver ce qu'on lui avait promis.
Un petit groupe de quatre soldats encadraient la jeune fille, dont deux tentaient de la forcer à avancer avec difficulté. La furie était en train de se débattre, complètement déchaînée malgré les entraves qui maintenaient ses bras dans son dos.
Un coup fort sur la nuque la sonna suffisamment pour que les soldats puissent enfin la faire avancer en la portant à moitié, laissant ses pieds tracer des sillons dans le sol sur leur passage.
- C'est elle ? demanda Archer en s'en approchant.
La voix du Lieutenant-colonel Cadavre lui fit serrer les dents. Une main d'une pâleur maladive entra dans son champ de vision pour lui saisir le menton et la forcer à relever la tête, la laissant voir l'Alchimiste Écarlate qui s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur, son sourire prédateur sur les lèvres.
- C'est bien elle, confirma-t-il. Merci de l'avoir récupérée.
- Kimblee…
Le grognement qui sortit de sa gorge quand le cadavre sur pattes la relâcha, semblable à celui d'une bête sauvage ne fit nullement réagir l'alchimiste qui, au contraire de ce que dicterait le bon sens, approcha son visage de celui de Doll.
- Je ne pouvais quand même pas les laisser tuer mon jouet, fit-il en attrapant une mèche de cheveux tâchée de sang pour jouer avec. Je me fous bien des autres, mais encore une fois, tu as eu de la chance, Little Doll.
Une haine pure luisait dans les yeux argentés de la jeune fille, défiant les yeux dorés de Kimblee sans ciller une seule seconde. À cet instant précis elle ne rêvait que de le découper en morceaux, une soif de sang d'une intensité rarement éprouvée exigeait qu'elle massacre ce traître.
- Crois-moi, petit chimiste, lui cracha-t-elle. Dès que l'occasion se présentera, je te ferai regretter le jour de ta foutue naissance, espèce d'ordure !
- Silence, rétorqua le Lieutenant-colonel.
Puis il se tourna vers l'alchimiste, tendant la main.
- Commandant Kimblee, nous avions un marché, le voilà conclu. Je vous demanderai cependant de me laisser l'interroger, et de ne pas la laisser se promener seule tant qu'elle ne se montrera pas plus calme et…
Il jeta un regard inquiétant à la jeune fille.
- … docile.
- Pas de problèmes, répondit l'Écarlate. J'ai l'habitude avec elle, pas vrai, Doll ?
- Va te faire foutre, répliqua-t-elle.
Il fut secoué d'un léger rire et fit signe aux soldats de l'emmener, ce qu'ils firent sur le champ. Elle fut jetée sans le moindre ménagement dans une cellule d'isolement. La porte métallique se referma derrière elle, alors qu'elle se relevait difficilement à cause de ses mains toujours coincées dans son dos par l'entrave. La trappe qui permettait aux surveillants de voir ce qu'il se passait dans la petite pièce sombre s'ouvrit, pour laisser voir les yeux dorés à la lueur moqueuse de l'alchimiste.
- Reste bien sage, je reviendrai te voir, Doll, lança-t-il avant de refermer la petite trappe.
- Affronte-moi, espèce de lâche ! s'écria-t-elle alors qu'elle l'entendait s'éloigner.
Pas de réponse. Le salopard était déjà reparti.
La demoiselle resta immobile, dans le silence et l'obscurité pendant de longues minutes. Puis elle se mit à glousser, d'abord légèrement, avant de finalement éclater de rire, complètement hystérique. Elle rit à en avoir le souffle court et les abdominaux criant au meurtre, à en avoir la tête sur le point d'éclater et les larmes aux yeux.
Puis son rire mourut lentement, suivi de son sourire, et elle renversa la tête en arrière, s'appuyant contre le mur.
Et maintenant, qu'est-ce qu'elle allait faire ?
- Debout.
La voix tranchante qui la tira de son sommeil n'était pas celle de Kimblee, mais elle ne l'appréciait pas pour autant.
- Eh oh, râla-t-elle en redressant la tête, appréciant peu d'être réveillée de cette façon alors qu'elle était épuisée. Si vous êtes pas joli, soyez au moins poli.
- Je ne vous permets pas de vous adresser à moi sur ce ton, répondit calmement le Lieutenant-colonel cadavérique. Suivez-moi.
- C'est si gentiment demandé.
Loin d'être touché par le sarcasme de la jeune fille, il se contenta de sortir de la cellule, laissant son escorte de trois soldats la relever de force et l'encadrer pour l'empêcher de s'enfuir dans n'importe quelle direction. Il n'était peut-être pas très beau, ni très agréable, mais on pouvait au moins lui accorder qu'il n'était pas complètement inconscient, au grand dam de la demoiselle.
Elle réalisait parfaitement qu'elle allait sans doute s'en prendre plein la gueule pour lui faire cracher tout ce qu'elle savait, que ce soit sur les actions et la possible cachette des homonculus, ou la pierre philosophale que le Lieutenant-colonel n'avait pas manqué. Doll connaissait parfaitement le regard qui avait animé le militaire à la vue de ce joyaux, un regard de convoitise, une soif de pouvoir incommensurable… Elle n'aimait pas ça. C'était à cause de ces lueurs dans les yeux de tout ceux ayant vu la pierre qu'elle avait fini par la sceller dans le coffret de bois, à l'abri des regards et des fouineurs. Il était hors de question qu'elle ne lui révèle quoi que ce soit.
Elle en était là dans ses réflexions, quand on la fit entrer dans, ô surprise, une salle d'interrogatoire. On la fit asseoir sur une chaise et on fixa les entraves à l'arrière de celle-ci pour l'empêcher de pouvoir se lever sans intervention extérieure. Après quoi, le Lieutenant-colonel ordonna à ses larbins de sortir, faisant qu'ils se retrouvèrent seuls.
Un tête à tête avec le cadavre, bien sa veine.
- Bien, fit-il en prenant place de l'autre côté de la place, face à elle. Little Doll, c'est ça ?
- C'est bien comme ça qu'on m'appelle, répondit-elle effrontément. Et vous, c'est quoi votre petit nom ?
Elle l'aurait bien tutoyé pour l'emmerder un peu plus, mais l'idée d'évoquer une certaine proximité avec le cadavre ambulant la dégoûtait, juste un petit peu. Celui-ci fronça légèrement les sourcils devant son insolence.
- Je suis le Lieutenant-colonel Frank Archer, finit-il par se présenter.
Enfin elle avait un nom à mettre sur cette face de craie ! Si ça ce n'était pas une bonne nouvelle !
- Maintenant que les présentations sont faites, continua-t-il. Mademoiselle Little, je pense que nous pouvons très bien nous arranger.
- C'est à dire ? répondit-elle en levant un sourcil.
- Vous me donnez ce que je veux, et en échange, je vous donne ce que vous voulez. Il me semble que c'est ce que les alchimistes appellent un échange équivalent.
Le petit sourire de coin qu'il affichait signifiait clairement quelque chose dans les lignes de « j'ai déjà gagné ». Ce à quoi la jeune fille s'empressa de répondre.
- Vous n'avez rien de ce que je veux.
Le sourire du militaire mourut sur ses lèvres, mais il garda son calme.
- Vous ne devriez pas sous-estimer l'armée, ça risquerait de vous faire passer à côté de beaucoup de choses, pointa-t-il. Alors, dites-moi tout ce que vous savez sur cette fameuse pierre que vous avez fait tomber hier.
- Quelle pierre ? fit-elle innocemment. Vous parlez de mon caillou porte-bonheur ?
- Ne jouez pas les idiotes. Ce que nous avons vu très clairement tous les deux est une pierre unique en son genre, et sa description ne laisse pas de marge pour l'erreur. Vous aviez une pierre philosophale en votre possession.
Doll afficha un sourire désolé.
- C'est que j'ai pas très envie de vous dire quoi que ce soit, en fait, lui dit-elle sur un ton de confession.
- Je ne vous laisse pas le choix, mademoiselle Little.
- Oh, ça je m'en doute parfaitement, mais vous ne faite que le croire…
Si elle ne voulait pas parler, elle ne parlerait pas, point à la ligne. Quoi qu'ils puissent lui faire subir pour tenter de lui arracher des informations, ça resterait son choix et sa liberté. Elle seule savait la vérité et possédait le pouvoir de la transmettre, sachant parfaitement qu'Archer l'avait déjà compris et qu'il voyait où elle voulait en venir.
Mais contrairement à ce qu'elle pensait, au lieu de la contrariété, ce fut un fin sourire qui s'afficha sur le visage cadavérique du Lieutenant-colonel.
- Je vois, dit-il simplement. Eh bien pour ma part, pendant que mes hommes sont à la recherche de cet homonculus et de la pierre, j'ai tout mon temps. Alors s'il le faut, je pourrais très bien passer la journée avec vous dans cette salle, mademoiselle Little.
- Comme vous voulez.
.
.
Elle commençait à s'ennuyer ferme.
Plus de deux heures qu'ils se regardaient en chien de faïence sans dire un seul mot. Il fallait dire aussi que sa position n'était pas ce qu'il y avait de plus confortable, à cause de ces saloperies d'entraves. Un air neutre plaqué sur son visage, elle croisa les jambes, premier geste qu'elle effectuait depuis le début de cette battle de regards. Archer, lui, avait croisé les doigts et posé son menton dessus, les coudes appuyés sur la table, la fixant également avec un calme olympien.
S'ils ne clignaient pas des yeux régulièrement, on aurait cru voir deux statues extrêmement réalistes. Quoi qu'entre la poupée aux cheveux et vêtements sales et tâchés de sang, et le militaire d'une pâleur cadavérique, c'était plutôt glauque.
Moins des mannequins de grands magasins, que des statues de cire tout droit sorties de la maison des horreurs.
La porte de la salle s'ouvrit, attirant leur attention et brisant le silence.
- Commandant Kimblee, je ne crois pas vous avoir autorisé à entrer pendant que je suis occupé avec elle, déclara Archer en guise de salut.
- Je vous regarde depuis un moment, répondit l'alchimiste. Comme ça n'avance pas, je me suis dit que j'allais vous donner un coup de main.
Le Lieutenant-colonel se tut, accordant implicitement le point à Kimblee, qui sourit en coin en jetant un œil vers la demoiselle, s'appuyant sur la table.
- Bonjour Little Doll, fit-il en guise de salut. Bien dormi ?
- J'ai fais un rêve merveilleux, répondit-elle d'une voix bien trop mielleuse pour être sincère. Je te faisais bouffer tes propres yeux, puis je t'arrachais les entrailles avant de te découper en rondelles.
- C'est pas très gentil, ça, déplora-t-il faussement en s'appuyant sur la table, tout près d'elle. Je pensais qu'on était devenus complices.
Le regard haineux qu'elle lui lança voulait tout dire. Elle le tuerait dans l'instant si elle le pouvait.
Si elle savait à quel point ça l'amusait de la voir comme ça. L'insolence, la violence, le mystère, l'odeur de mort, tout dans cette fillette lui donnait envie de la tester, d'appuyer sur le moindre bouton un peu trop sensible et de voir combien de temps elle pouvait tenir avant de craquer. Et plus elle résistait, plus il avait envie d'insister.
- C'est curieux, moi qui pensais que tu comprendrais, puisqu'on est taillé du même bois, sourit-il avec un ton moqueur, coupant court à l'échange de regards meurtriers. Après tout, tu ne vis que pour ton boulot, moi c'est pareil…
Il tendit la main pour attraper cette mèche toujours couverte de sang pour jouer avec, et cette fois, elle n'avait pas son joli couteau pour le forcer à la lâcher.
- Ne t'inquiète pas, Doll, j'ai pas l'intention de les laisser te tuer, assura-t-il calmement. Mais si tu ne coopères pas, il va falloir passer aux grands moyens, et ce sera pas très agréable.
- Garde tes menaces pour quelqu'un qui y sera sensible, trancha-t-elle.
Il eut un léger ricanement, avant de se tourner vers Archer qui attendait patiemment.
- Vous savez quoi, je pense qu'elle est pas encore assez calme. Pourquoi ne pas la remettre au frais pendant quelques jours ?
Le Lieutenant-colonel comprit le message et après quelques secondes de réflexion, acquiesça, avant de se lever et sortir pour donner des ordres.
- Bon, on va te laisser tranquille, tu vas pouvoir profiter de la solitude que tu aimes tant, fit l'Écarlate, son sourire s'élargissant alors qu'il approchait son visage de celui de la jeune fille. Alors profite-en pour méditer là-dessus : « Pourquoi est-ce que je t'ai sauvé la mise ? ».
Elle ouvrit la bouche pour répliquer, quand il posa brutalement ses lèvres sur les siennes, passant la main derrière sa nuque pour lui agripper les cheveux et l'empêcher de bouger la tête, mordant sa lèvre inférieure pour faire passer sa langue derrière la barrière des dents.
Doll s'agita, cherchant à se débattre, mais il la maintenait fermement, ses yeux dorés plongés dans les orbes argentés brillantes de rage de la demoiselle.
Les saloperies d'entraves qu'elle avait aux mains l'empêchant également de se soustraire au baiser forcé, la jeune fille finit par opter pour la dernière option et poussa de toutes ses forces sur la table de métal avec ses jambes pour se faire basculer en arrière. Vu le bruit qu'ils produisirent et la douleur sourde qui ne tarda pas à se faire sentir, elle s'était peut-être bien cassé les poignets, mais au moins ça avait fonctionné, et elle mettait tout son cœur et ses poumons pour hurler sa rage sous la forme des pires insultes qu'elle balançait à tour de bras à l'Alchimiste Écarlate.
Lui, se contentait de ricaner.
Archer revint rapidement dans la pièce en compagnie de son escorte, sans doute alerté par le vacarme, et ordonna à l'alchimiste de quitter les lieux, lequel s'exécuta docilement. Cependant, ce ne fut pas suffisant pour calmer la demoiselle qui continuait de se débattre et de s'époumoner, au point qu'il fallut la neutraliser de nouveau pour pouvoir la ramener à sa cellule.
Jour ?
Doll était en nage, fiévreuse et frissonnante. Sa lèvre inférieure était gonflée à force d'être mordue par la jeune fille pour s'empêcher de crier ou de gémir. Son mollet où étaient toujours plantés les éclats de bois la brûlait et la douleur dans son poignet gauche était difficilement supportable et empirait de jours en jours.
Tout ça combiné à la faim et la soif, elle était de plus en plus faible et avait l'impression qu'elle allait perdre les dernières onces de bon sens qui lui restaient, la santé mentale s'étant déjà fait la malle depuis des lustres. Elle en avait même perdu le compte du nombre de jours passés dans cette putain de cellule.
Et il y avait ce silence… En temps normal, elle aimait le silence, mais celui-là durait depuis trop longtemps, seulement coupé par sa respiration de plus en plus laborieuse. Autant voir les choses en face, elle se sentait, mais surtout se savait en piteux état, peut-être même que la Mort en personne la surveillait de près, mais comme à chaque fois qu'elles se croisaient, elle n'avait pas peur. Compte tenu de la vie qu'elle avait mené et de toutes celles qu'elle avait prise, elle s'y était préparée depuis bien longtemps. Et quand on voyait l'avenir qui l'attendait sûrement dans cette cellule, elle se disait que ce serait plutôt une délivrance avant que les choses ne tournent vraiment au vinaigre.
Quand le sommeil s'imposa de nouveau, le jeune fille l'accueillit avec joie et s'y laissa glisser.
Archer attendit que le gardien ait ouvert la porte et pénétra dans la cellule, se plantant devant la gamine allongée.
- Debout, ordonna-t-il.
Pas de réaction. Pensant qu'elle l'ignorait intentionnellement ou qu'elle jouait la comédie, il fit appel à l'un des membres de l'escorte pour forcer la demoiselle à bouger. Il n'était pas assez stupide pour se laisser piéger par son petit numéro.
Bien que le soldat la secoua, d'abord modérément, puis comme un prunier, elle n'eut toujours pas la moindre réaction. Lâchant son épaule pour prendre ses constantes, son subordonné finit par se relever.
- Monsieur, elle est inconsciente et brûlante de fièvre, annonça-t-il. Quels sont vos ordres ?
Le Lieutenant-colonel se renfrogna, prenant quelques secondes pour réfléchir à la décision qu'il allait prendre.
Cette jeune fille était une source d'informations très précieuse qui pourrait lui permettre de mettre la main sur les homonculus et la pierre philosophale, ce qui lui ferait faire un bond colossal dans la hiérarchie. De plus, Kimblee n'avait pas tari d'éloges sur les talents de la demoiselle pour le combat, il pourrait donc s'en servir de pion le moment venu.
- Transférez-la à l'hôpital, déclara-t-il. Quand les médecins en auront fini avec elle, je veux que sa chambre soit vidée de tout ce qui ne sera pas nécessaire aux soins, qu'elle soit menottée au lit et que la porte soit constamment gardée.
- À vos ordres !
Tandis que ses hommes se mirent en mouvement pour transportez l'inconsciente, Archer fixait son visage de poupée, crispé par la douleur dans son sommeil. Il était un homme intelligent, il se doutait bien qu'elle ne dirait rien de ce qu'elle savait avant très longtemps, même une fois rétablie. S'il voulait obtenir des réponses, il allait devoir s'y prendre d'une toute autre façon.
Jour ?
Doll émergea tout doucement, dans cet état de demi-sommeil où l'on est conscient de ce qui nous entoure, sans être en mesure de bouger. Pourtant, cet état lui suffit pour réaliser qu'elle n'était certainement plus dans sa cellule. Premièrement, parce qu'au lieu du sol de béton, ou de la paillasse inconfortable, elle se trouvait dans un lit. Ensuite, le bruit. Il n'y avait pas de cacophonie sans nom, mais l'endroit n'était pas silencieux et pour une fois, ça lui allait très bien.
Si ses geôliers avaient fini par réaliser qu'elle était assez mal en point pour nécessiter des soins, alors elle pariait sur un hôpital.
Après les lieux, elle se décida sur un examen de son corps, remuant tout doucement chaque partie. Elle se sentait toujours un peu malade, mais sa jambe ne la brûlait plus, les échardes avaient été retirées et son poignet était vraisemblablement plâtré et la faisait également beaucoup moins souffrir.
En tendant l'oreille, elle put écouter les voix étouffées derrière la porte qui se disputaient.
- ...semblez pas vous rendre compte !
- Non, c'est vous qui ne vous rendez pas compte : cette fille est un élément crucial, tout autant qu'elle est dangereuse.
- Je peux pas cautionner une chose pareille ! C'est juste-
- Silence. Vous ne nous empêcherez pas d'entrer dans cette chambre. Sauf si vous tenez à être jugé pour avoir essayé ?
- ...N-non monsieur…
- Laissez-nous passer.
- … Bien…
Elle entendit la poignée être actionnée, puis la porte s'ouvrir, et les pas de deux personnes qui s'approchèrent, se postant chacun sur l'un de ses côtés. La jeune fille se fit violence pour ne pas réagir à la présence des militaires, chose qui devint particulièrement difficile quand on attrapa une mèche de ses cheveux pour jouer avec, confirmant l'identité du visiteur dont elle n'avait pas encore entendu la voix.
- Nous avions un accord, fit la voix de l'Écarlate visiblement contrarié. Je vous donnais de quoi contrôler un homonculus, de quoi tuer les chimères du labo n°5 et récupérer Tucker. En échange je pouvais réintégrer l'armée, blanchi, avec en prime le droit de garder Doll avec moi.
- À condition que je puisse disposer d'elle pour obtenir les informations qu'elle détient, ajouta Archer.
- Pour qu'elle parle, il faudrait d'abord la garder en vie.
- Ne prenez pas ce ton, Commandant, les médecins ont dit que ses jours ne sont pas en danger.
La jeune fille sentit ses cheveux retomber, signe que l'alchimiste lui lâchait la grappe. À moins que ce ne soit pour mieux se concentrer sur son supérieur.
- Gardez-la en vie, c'est tout ce que je vous demande pour avoir ma fidélité, déclara-t-il. Et bien entendu, quand vous n'aurez plus besoin d'elle, je la garderai avec moi.
- Ce sont bien les termes de notre accord. Je serai plus prudent, assura le cadavre sur pattes. Après tout, vous êtes tous les trois sous ma protection.
Donc Tucker était retourné dans l'armée de son plein gré, lui aussi… Doll nota l'information dans un coin de sa tête. Parlant de ça, la très légère douleur dans son crâne s'accentua d'un coup, lui arrachant une très légère grimace.
- Tiens, on dirait bien qu'elle se réveille, nota Archer. Comme je vous le disais, Kimblee, pas la peine de vous énerver.
Retenant un juron, elle préféra jouer le jeu et souleva une paupière, le regard vitreux, puis le referma.
- Putain, voir vos sales gueules dès le réveil c'est un truc qu'on souhaite même pas à son pire ennemi… grogna-t-elle.
- Effectivement, je crois qu'elle va bien, ricana l'alchimiste.
La demoiselle porta la main à son front dans l'optique de masser ses sinus et juguler la douleur comme elle pouvait, à peine étonnée de sentir la longue chaîne de la menotte qui la rattachait au lit. Puis elle eut enfin le courage de garder les yeux ouverts.
- J'ai le droit de savoir où je suis, ou c'est un secret d'état ?
- Hôpital de Dublith, répondit simplement le Lieutenant-colonel, aussi neutre que possible.
- Super…
Elle se redressa lentement s'attendant à devoir répondre à un tas de question, quand elle réalisa qu'on lui avait fait enfiler un peignoir, et se mit à bénir la quelconque entité responsable de ce miracle vestimentaire, gardant une apparence aussi flegmatique que possible dans son état.
- Dites-moi ce que vous me voulez, fit-elle en restant tournée vers le cadavre sur pattes.
La dernière chose dont elle avait envie c'était un face à face avec Kimblee, si celui-ci ne lui garantissait pas qu'elle pourrait l'éventrer.
- La même chose que la dernière fois, répondit Archer. Les informations sur cette pierre, et la cachette de l'homonculus.
- Eh ben on est pas sortis de l'auberge… soupira-t-elle.
Elle mit ses jambes en tailleurs pour y appuyer son coude droit, déposant son menton dans sa main, sans le quitter des yeux.
- Alors, c'est quoi le plan ? fit-elle encore. Une fois que je sortirai d'ici vous allez m'enfermer à nouveau ? Me torturer ? Sauf si vous préférez m'étouffer avec mon oreiller jusqu'à ce que je capitule…
- Non, réfuta le Lieutenant-colonel, affichant un léger sourire qui ne lui disait rien qui vaille.
Ouch… Ça ne présageait rien de bon. Surtout quand elle voyait son sourire en coin. Elle n'était peut-être pas la mieux placée pour dire ça, mais ce type était malsain. Taillé dans le même bois qu'elle ou que ce salopard de Kimblee, elle en était certaine.
- Qui se ressemble, s'assemble, murmura-t-elle pour elle-même, affichant un sourire désabusé.
- Comment ?
- Rien, réfuta-t-elle. Ce qui se passe dans mon cerveau dérangé ne vous intéresserait pas.
Un main lui saisit le menton pour lui faire tourner la tête.
- Et moi, je peux savoir ? demanda l'alchimiste, un sourire fourbe sur les lèvres.
- Toi, tu vas retirer tes sales pattes tout de suite, rétorqua-t-elle en le fusillant sur place. Et la prochaine fois que tu me fais un coup pareil, je t'arrache la langue.
- De quoi tu parles ?
- Joue pas au con avec moi, Kimmy.
Il ne perdit pas son sourire devant l'utilisation du surnom, au contraire, et approcha son visage.
- Pourtant t'avais l'air d'apprécier, fit-il. Tu veux retenter, pour voir ?
- Ça dépend de si tu tiens à tes couilles, déclara-t-elle dans le plus grand des calmes.
Elle glissa son bras droit entre eux pour aller lui saisir les bijoux de famille au travers de son pantalon d'uniforme, prête à les lui broyer s'il osait aller plus loin. Il y eut quelques secondes d'immobilité, puis l'Alchimiste Écarlate eut un reniflement amusé, la relâcha et leva les mains en signe de capitulation.
La jeune fille retira sa main de là où elle n'aurait jamais dû être et il recula d'un pas.
- Touché, admit-il.
Archer, lui, ne semblait pas perturbé le moins du monde par ce qu'il venait de voir, aussi expressif que le bloc de glace dans lequel son corps devait être conservé.
- Je reviendrai vous voir, annonça-t-il simplement.
Il fit signe à Kimblee de le suivre et tout deux sortirent de la pièce, laissant la place à un médecin qui semblait mécontent, mais se ressaisit bien vite pour sourire à sa patiente.
- Mademoiselle, comment vous sentez-vous ? lui demanda-t-il gentiment.
- J'ai la tête entre le marteau et l'enclume, répondit-elle calmement. C'est vous, le peignoir ?
- Notre système de chauffe est défectueux, expliqua-t-il. Est-ce qu'il vous gêne ?
- Nan, c'est même le contraire, réfuta-t-elle. Merci.
