Chapitre XIV : La Toile
Le sous-sol n'avait plus rien à voir avec la cuisine qui s'y trouvait auparavant. L'endroit était désormais rempli de tapis pourpres, de têtes d'elfes et de nombreuses vitrines et présentoirs. Certains étaient vides, d'autres protégeaient des reliques de guerre ou des biens de la famille Black. Le coin droit, juste à côté de la porte, était lui, dédié aux trophées plus personnels : Le journal intime de Jedusor, une dent de Basilic, le trophée des Trois Sorciers, et bien d'autres choses encore.
Cela ressemblait plus à une salle au trésor qu'à un musée. Il y avait même un présentoir avec différentes baguettes, dont celle que Harry avait volé à Drago, des années auparavant.
-Je pensais que tu l'avais jeté, murmura le blond, soudain un peu perdu.
-Je ne vais certainement pas me débarrasser de l'objet avec lequel je l'ai battu, s'amusa Potter.
-Pourquoi tu gardes tous ça, les biens de la famille Black, je veux bien comprendre, mais le reste ?
-Au début, c'était une sorte de thérapie sordide. Aujourd'hui je pourrais me débarrasser de tout ça, mais j'aimerai éviter qu'une forme de culte ne naisse autour de ces objets ou que quelqu'un cherche à monnayer les souffrances du passé. Si tu veux je peux te l'a rendre.
Malefoy hésita un instant, cette baguette représentait beaucoup pour lui autrefois, mais justement, c'était autrefois. Il avait changé, cette baguette appartenait à un autre Drago, plus jeune, plus idiot, plus arrogant.
-C'est la tienne maintenant, Potter.
Le brun ne répondit rien, il fixa Malefoy qui continuait de vagabonder parmi les objets maudits de la famille Black. Il s'arrêta devant le mur du fond, où trônait la vieille tapisserie décorée de leur arbre généalogique, et devant celle-ci, le chevalet sur lequel reposait le bruyant portait de Walburga Black en train de dormir.
Elle se réveilla lorsqu'elle entendit les pas de Malefoy à quelques centimètres d'elle, et comme par reflexe, elle hurla.
-Ah ! Le voleur ! L'usurpateur ! Tu as encore défigurer ma maison, c'est ça ?!
-Estimez-vous heureuse que ce n'est pas votre tableau que je cherche à défigurer. Vous allez faire mauvaise impression au fils de Narcissa ! Répondit Harry d'une voix froide et calme, en s'approchant.
-Je ! Elle s'arrêta à l'évocation de sa nièce. Elle jaugea le garçon blond, il ne faisait aucun doute que c'était un Malefoy. Approche-toi, mon garçon, demanda t-elle.
-Bonjour, tante Walburga.
-Drago ! Je me souviens de toi quand tu n'étais qu'un bébé ! Tu es devenu un magnifique jeune homme ! J'ai appris pour ta mère et ton père, je suis sincèrement désolé.
La présence de Drago Malefoy avait décidément des effets singuliers sur de nombreuses personnes ; c'était la première fois qu'Harry entendait cette femme prendre un ton réellement peiné.
-Je vous remercie, répondit Drago, avec ses airs d'aristocrate. Potter me permet de récupérer le grimoire de votre famille, mais j'aimerai avoir votre autorisation avant.
Harry leva les yeux au ciel, exaspéré. Le blond en faisait des tonnes, bien entendu. Il n'avait plus l'air du médecin arrogant, talentueux et sexy, mais du gamin narcissique et manipulateur qu'il était encore parfois.
-Bien entendu ! Répondit la grande tante du blond. Si tu savais comme je suis fier de voir un sorcier digne de ce nom dans cette maison !
Elle avait dit cela en lançant un regard torve et plein de haine à Harry.
« Si seulement elle savait ce que son cher petit neveu vient de me faire ! » pensa le brun, en esquissant un mince sourire.
-Je vous remercie, je dois retourner à mes affaires à présent. C'était un plaisir de vous voir, tante Walburga.
Harry souleva la vitre qui contenait le grimoire de la famille Black. C'était un livre à la couverture d'un cuir épais fait, d'après un expert, de la peau de plusieurs elfes de maison. La serrure ne possédait pas de trou, mais une petite aiguille sur laquelle il fallait piquer son doigt pour l'ouvrir.
Ils remontèrent ensemble, et une fois la porte du cellier passé, Drago eut un petit rire mesquin.
-Qu'est ce qu'il y a ?
-Ma mère disait toujours que c'était une vieille mégère.
-L'amour familial dans la famille Black, c'est quelque chose !
Harry l'accompagna d'une rire complice. Ils retournèrent ensuite à l'appartement où, avec Ron, les attendaient Neville et Blaise.
-Qu'est ce que vous faites là ?
-Nous avons fini l'inventaire du manoir, annonça Neville. J'ai ici ton titre de propriété.
Malefoy s'approcha de la table, dans une chemise rouge ouverte, à côté du jeu de clé du manoir, se trouvait un papier jaune pâle indiquant que le manoir Malefoy lui était officiellement rendu par le Ministère de la Magie.
-Tous les objets de magie noire sont confisqués bien entendu, ajouta Neville.
-Il y a des rénovations à faire d'après toi ? Demanda Drago à Blaise, en ignorant copieusement tous les autres. Nous sommes passés devant hier, et il avait l'air en mauvais état.
-Rien que quelques sorts ne pourront corrigés. Si tu veux t'installer là-bas, je comprendrais, Potter et Weasley t'accompa...
-C'est hors de question, coupa Malefoy. En revanche, je veux bien que tu prépares les documents que le Ministère demande pour une vente. Je veux également faire déplacer la crypte en France.
Harry fronça les sourcils, il n'aimait pas l'idée que Malefoy s'exile à nouveau.
-Et concernant notre marché ? Tu ne pourras pas nous aider depuis la France.
-Je ferais une lettre de soutien, et c'est tout. Ce n'est pas Granger qui me donnera ce que je veux, mais elle peut considérer ça comme une faveur.
Ce qu'il voulait pour l'instant, c'était étudier Potter. Comprendre comment le sorcier impulsif, courageux et naïf était devenu calme, sage et rassurant. Granger ne pouvait pas l'aider dans cette entreprise, Potter ne lui parlait plus depuis longtemps de ses pensées les plus profondes. Le chemin que le Sauveur avait fait, il l'avait manifestement fait seul. Les réponses que Malefoy voulait, ne seraient donc obtenues que de la bouche même de Harry.
-Très bien. Dans deux jours, il faudra que nous officialisions ta présence. Les journalistes n'attendront pas plus longtemps. Est-ce que tu es prêt pour ça ?
-Oui, tu veux faire quoi, un interview ?Un communiqué de presse ?
-Un entretien nous évitera de laisser trop d'espace aux éditoriaux, considéra Zabini, aussi habile et stratège qu'à l'accoutumée.
-Demande Lisa Turpin, intervint soudain Harry, habitué aux entretiens avec les journalistes depuis quelques années. C'est une des rares personne de confiance de la Gazette.
-Très bien, fit Blaise, puis il quitta l'appartement en compagnie de Neville.
Harry s'assit en face de Malefoy en le fixant.
-C'est quoi cette histoire de marché avec Hermione ?
-Elle voulait que j'utilise mon nom pour faire plier les grandes familles et obtenir un soutien financier pour sa nouvelle réforme. J'hésitais à prolonger mon séjour pour ça, mais mon travail me manque, et puis il ne vaut mieux pas que je m'attarde trop dans le coin.
Il ne prolongea pas son explication, inutile de parler des sentiments qui commençait à naître en lui, et qu'il devrait éteindre tôt ou tard.
-Ce n'est pas moi qui te contredirait, fit Ron. Tu sais que les choses sérieuses vont commencées pour toi, à partir de cet entretien.
-J'avais compris, Weasley.
Harry lui, resta prostré dans son mutisme. Drago avait un sacré toupet de revenir jouer les dragueurs, foutre ses désirs sans dessus dessous et repartir aussi vite. Seulement le brun ne pouvait rien dire, Malefoy risquait de prendre cette colère pour une peur du manque, ce qu'Harry ne souhaitait surtout pas.
Après le départ de Weasley, Harry s'installa devant la télévision, toujours silencieux, et Malefoy se retira dans sa chambre, pour jeter un coup d'œil au livre « Magie Philosophique » prêté par Potter, plutôt dans la journée. La page 238était aussi énigmatique que le reste du livre :
« Revelare Nexus Mundi : Faire Apparaître Les Liens
Ce sort est le fruit des trois frères néerlandais De Prado, après leur étude des théories de Rowena Serdaigle sur la divination, et au crépuscule de la vie de leur ami, le philosophe moldu Barduch Spinoza. Ils créèrent ce sort afin d'étudier et de démontrer les implications que la philosophie proposée par leur ami, pouvait avoir pour les sorciers et les moldus.
Pour être efficace la formule doit être prononcée tout en traçant un cercle avec le poignet, la baguette tendue vers le ciel. »
Ce fichu bouquin n'expliquait rien mais après tout, Malefoy aurait dû le savoir. C'était un livre de sort, le texte renvoyait à d'autres auteurs, si on voulait en savoir plus. Il n'avait plus qu'à étudier la philosophie de ce Spinoza et lire ce que Rowena Serdaigle avait bien pu écrire sur la divination, mais pour l'heure, il avait un sort à lancer.
Il hésita un instant, puis se redressa avant de prononcer la formule en suivant les instructions, et ses yeux prirent des teintes iridescentes, alors que dans son regard, le monde devenait un nuancier de gris.
Il fixa son torse, et vit de nombreuses chaînes translucides apparaître. Elles partaient de l'intérieur de son corps dans toutes les directions, en traversant les murs, les portes, et les fenêtres. Il était impossible de les compter tellement elle était nombreuse. L'une d'entre elle le relier même à Zoé. Il rejoignit son rival, il avait besoin d'explication sur cette étrange expérience.
-Potter ! Appela t-il.
Harry se retourna et plongea ses yeux dans les pupilles arc-en-ciel de Drago. Le brun comprit immédiatement et son visage s'étira dans un sourire tendre.
-Tu sais ce que c'est ? Demanda t-il avec une douceur inattendue.
-C'est ça, ton secret, nous sommes tous liés les uns aux autres ? Tu me prends pour un idiot. Tout le monde sait ça.
Harry se redressa, et lentement il s'approcha de son rival, avant de lui tendre la main. Lui aussi avait un nombre incalculable de chaîne qui s'échappait de son corps.
-Je t'ai dit que ce n'était que le début. Tu vas comprendre.
Le brun avait toujours son grand sourire et il semblait soudainement, si plein de bienveillance et de chaleur. Malefoy décida de s'en remettre à lui, les réponses étaient peut-être dans cette main tendue. Il enserra la main d'Harry dans la sienne, et leurs doigts se mêlèrent.
