Chapitre XXII : Résurgence

Les deux anciens ennemis continuèrent leurs préparatifs pendant une heure puis ils transplanèrent jusqu'à la prison. C'était d'ordinaire impossible, mais les sortilèges protégeant l'île étant tombés, celle-ci était désormais accessible avec facilité. La minuscule plage qui donnait sur les immenses portes en fer forgé d'Azkaban, était peuplée d'Aurors et de fonctionnaires en tout genre. La majorité d'entre eux était agitée, personne n'avait envie d'être là.

Robards et Hermione foncèrent vers les deux enquêteurs dès leur atterrissage.

-Vous êtes enfin là, fit le chef du Bureau des Aurors. C'est la panique ici !

-Drago, la situation est plus grave que prévu, nous allons rabattre tous les malades à St-Mangouste. Tu peux donner un coup de main ici avant d'accompagner les malades sur place ?

Drago regarda derrière son interlocutrice, au milieu des lits de fortune installés dans la cours de la prison, s'agitaient des hommes et des femmes aux visages graves, dans des uniformes du corps médical de Saint-Mangouste. Il acquiesça d'un léger mouvement de tête.

-Très bien, reprit la Ministre.

-Potter, fit à son tour Robards, vous continuez l'enquête, nous avons un témoin, cette fois.

-Qui est-ce ?

-Rodolphus Lestrange, indiqua Hermione, la mine sombre. Il vaudrait peut-être mieux que vous y alliez ensemble, en fait, avant qu'on le transporte à l'hôpital. Drago, tu es le dernier de sa famille, il acceptera peut-être de s'ouvrir à toi.

Harry jaugea le blond qui semblait froid comme la glace, loin du ton taquin et joueur qu'ils avaient ensemble. Il était évident aux yeux de son petit ami, que l'héritier Malefoy n'avait aucun envie de voir son oncle par alliance, ni d'être dans cet endroit lugubre où son père était mort.

-Je garde Malefoy avec moi pour l'interrogatoire, informa le brun. Ensuite, il pourra rejoindre l'équipe de soin.

-J'ai fait isolé Rodolphus, indiqua Robards, il est dans sa cellule, au troisième étage. Allez-y maintenant, il est encore en état mais ça ne durera pas, les symptômes apparaissent rapidement. La ministre et moi, nous avons rendez-vous avec la presse.

-Ils en profiteront pour annoncer ton retour, fit Blaise, qui venait d'apparaître derrière Drago. Cet événement nous donne l'occasion parfaite de faire ta publicité. Une fois que tu seras en train de soigner nos chers malades, on prendra des photos, et on racontera notre propre histoire.

Le garçon fixa son ancien camarade avec méfiance et curiosité.

-Je croyais que l'interview annonçant mon retour devait avoir lieu ce soir ?

-Nous l'avons repoussé à demain. Tu risques d'être fatigué, et nous avons besoin de toi auprès des patients pour l'instant.

-Je n'ai pas changé d'avis, Blaise. Vous aurez une lettre et c'est tout. Je ne veux rien avoir à faire avec les histoires de mon père et des sang-purs.

-On en rediscutera.

-C'est ça, lança Drago en prenant la direction des immenses portes gravées et ouvertes de la prison. Harry le talonna avant de remonter à sa hauteur.

-Hey ! Est-ce que ça va ?

Le blond s'arrêta net.

-Dans l'endroit où j'aurai pu finir, où mon père est mort... Là où sont réunis les derniers mangemorts... Non, ça ne va pas, mais tu sais c'est quoi le pire ? Pour la première fois, nous allons rencontrer des mangemorts en étant dans le même camp, et ça me rassure. C'est terriblement embarrassant, avoua Drago dans un rire nerveux.

Harry eut un immense sourire, ce qui agaça encore un peu plus son petit ami qui resserra ses doigts autour de sa baguette.

-Tu préfères que nous nous lancions des sorts ?

-Au moins, je ne me sentirais pas aussi faible, nota le blond. J'ai l'impression de demander ton aide, de faire peser un autre poids sur tes épaules...

-Drago, chuchota Harry. Tu es le premier à me dire ça. Le premier à vouloir prendre soin de moi, de cette manière, en évitant de m'imposer tes peurs et tes doutes. Je crois que tu es bien plus attentif aux gens que la plupart des autres, c'est peut-être pour ça que tu arrives si facilement à m'énerver, rigola le brun, les yeux étincelants. Rassures-toi, je n'ai pas envie d'être ailleurs.

-Très bien, s'affirma l'héritier Malefoy. Dans ce cas, allons-y !

Ensemble, ils passèrent l'entrée et s'aventurèrent dans un petit couloir par lequel on accédait au seul escalier de la prison qui formait une spirale jusqu'au toit. Parfois la main droite de Drago était prise de tremblement mais il gardait le contrôle, il déplorait que ce soit la présence de Harry qui l'aide autant.

Au troisième étage, ils s'arrêtèrent devant l'un des seuls gardes en bonne santé qui les accompagna jusqu'à la cellule de Rodolphus.

Drago prit une grande inspiration alors que le geôlier déverrouillait la porte.

-Rodolphus Lestrange, fit le garde d'une voix grave, vous avez de la visite.

Le vieil homme se redressa de son lit de métal au matelas trop fin. Il avait le regard vitreux et vide, et sa peau parcheminée et jaunâtre lui donnait un air de mort-vivant, sentiment renforcé par sa silhouette osseuse. Ses cheveux blancs étaient trop longs et trop gras. Sa barbe sale cachait mal sa bouche aux lèvres fines et agitées.

-Harry Potter, fit le vieil homme sur un ton dédaigneux. Tu viens te réjouir du sort funeste qui m'attends ?

-Mon oncle, toujours aussi mélodramatique, fit Drago, en sortant de l'ombre d'Harry dans laquelle il s'était glissé.

-Drago, mon cher neveu ! S'égosilla t-il d'un ton sirupeux.

L'homme sembla soudain bien plus heureux, et surtout bien plus bavard.

-J'accompagne Potter, sur cette affaire, Rodolphus. Je veux trouver qui est le responsable de cette tragédie, qui fait du mal à ma famille.

-Tu pactises avec l'ennemi !

-Vous n'avez pas l'air d'avoir conscience de la menace, répondit Drago avec une gravité et un sérieux pesant. Si vous croyez que je prends plaisir à travailler avec notre bourreau !

Le blond qui était devant Harry n'était qu'un mensonge, convoqué pour obtenir des réponses de Rodolphus, mais il était effrayant de réalisme et d'assurance. Drago Malefoy était un menteur, et un manipulateur, Harry le savait, mais pour la première fois, cet état de faire jouait en sa faveur. L'Héritier des Malefoy jouait de la duperie comme d'un instrument de musique. Tout dans son attitude comme dans ses paroles encourageaient Rodolphus à lui faire confiance.

-Tu as raison, abandonna son oncle. Il m'a prit ce qu'il me restait d'amour propre.

Rodolphus s'approcha d'eux. Harry par réflexe s'apprêtait à sortir sa baguette. Le vieil homme n'attaqua pas, il remonta simplement la manche pour découvrir un bras entièrement vierge. La Marque des Ténèbres gravée dans sa chair s'était évaporée.

Drago se saisit du bras avec une certaine violence et l'examina en détail.

-Il est venu cette nuit, sous la forme d'une hyène brillante et translucide. Il m'a dit que j'allais payer pour ce que Bellatrix avait fait, et ce matin vers neuf heures, elle commençait à disparaître.

-Nous avons donc confirmation que notre suspect n'a rien à voir avec les Sang-purs et les mangemorts, murmura Harry pour lui-même.

-Potter, combien de personnes savent faire un Patronus corporel, d'après toi ?

-En dehors de ceux qui suivaient mes cours clandestins lors de notre cinquième année, je n'en sais rien. Dans mon souvenir, aucun parmi eux, n'avait la forme d'une hyène, ça m'aurait marqué.

-En tout cas, c'est quelqu'un à qui ma chère tante à fait du tort...

-Super ! Nous avons réduit la liste des suspects à la moitié du monde magique, ironisa Harry avant de revenir sérieux. En revanche, il est convaincu d'agir au nom du bien, sinon il serait incapable de lancer un Patronus.

-Rodolphus, est-ce que vous savez où est le grimoire de la famille Lestrange ? Il y a des indices à l'intérieur qui me permettront peut-être de trouver un antidote, et le coupable.

-C'est moi qui l'avait, nous l'avions ramener pour utiliser ses sorts pour combattre l'Ordre du Phénix, mais un voleur l'a subtiliser alors que nous étions au Chaudron Baveur. Ensuite les événements ceux sont enchaînés jusqu'à la bataille finale et nous n'avons jamais eut l'occasion de retrouver cet escroc.

-Vous connaissez son nom ? Demanda le brun, avec un pressentiment.

-Mondingus Fletcher.

-Évidemment, souffla Harry. C'était plus ou moins un membre de l'Ordre, expliqua t-il à Drago, mais c'était surtout un arnaqueur de première. Il n'a jamais rien dit sur ce grimoire alors que ça aurait pu être une arme utile.

-Tu penses que c'est lui, notre voleur de baguette ?

-Non, il respectait trop Dumbledore. Mais il aura probablement vendu le grimoire à la personne que nous recherchons. Il n'aura peut-être pas le nom, il est peu scrupuleux sur les ventes qu'il fait, mais il aura sûrement une description physique plus précise que celle des centaures.

Rodolphus toussota alors, ce qui attira leur attention. Il finit par tomber sur le sol de sa chambre en vomissant une bile aux nuances rosâtres. Le blond analysa froidement les miasmes de son oncle, le poison était en train de rejeter hors du corps la moindre parcelle de magie. Les deux équipiers avaient toutes les informations qu'ils voulaient, c'était inutile de jouer la comédie plus longtemps, surtout que Drago se répugnait lui-même de devoir prendre le parti du déchet qu'était devenu son oncle.

Il se rapprocha finalement de lui et s'abaissant, il lui annonça la nouvelle d'une voix aussi grave que glacée.

« D'ici quelques heures, tu seras devenu aussi inoffensif et faible que les moldus que tu détestes. Son poison a corrompu ton sang si pur. »

-Non ! Cria le vieil homme en crachotant. C'est injuste ! J'ai servi dignement notre maître !

Il se retourna vers son neveu, avec un regard hargneux. Drago n'était pas le seul à mentir sur ses sentiments.

-Et toi, petit lâche ! Tu as encore ta marque ! Toi le dégonflé et médiocre rejeton des Malefoy ! Pourquoi est-ce que toi, qui pactises avec l'ennemi, tu as encore tes pouvoirs ?

Le regard de Drago se voila d'une colère profonde et sourde, qui émergea en une voix, si basse et si sinistre que même Harry en fut terrifié.

-Tes pouvoirs sont inutiles, sourit-il doucement. Les reliques du passé n'en n'ont pas besoin. Le monde vous à laisser de côté, Rodolphus. Vous tous, n'êtes plus que des souvenirs. Je vais te sauver la vie parce que j'en ai fait le serment, mais en réalité, elle est déjà terminée depuis longtemps. Les mangemorts n'existent plus.

Le vieil homme commença à rire comme un dément.

-Ils sont nombreux à avoir tenu ce discours avant toi ! Le Maître est mort, mais pas ses idées ! Je suis toujours là, et les autres aussi. Les familles de Sang-purs continuent d'enseigner à leurs enfants qu'ils valent mieux que les autres. Un autre Seigneur viendra plonger ce monde dans les ténèbres pour le nettoyer de la vermine.

-Tu fais parti de la vermine maintenant, s'amusa le blond.

Rodolphus ce jeta sur son neveu, mais celui-ci esquiva si rapidement, que le vieil homme tomba par terre, s'écrasant de tout son long. Drago appela les gardes pour qu'ils descendent le corps agonisant et humilié de son oncle.

-Drago...

-Non, Harry, nous discuterons de ce qui vient d'arriver ce soir. J'ai des patients, et tu dois retrouver Mondingus Fletcher.

Le blond profita de la solitude de la cellule pour l'embrasser tendrement. Ils redescendirent ensemble et se séparèrent dans le hall

-Allez Potter, va jouer les héros, et soit prudent, je n'ai pas envie d'avoir à te rafistoler ce soir.

Harry transplana, et Drago s'en retourna examiner les différents malades. Il fit plusieurs analyses avant d'en arriver à la conclusion que à partir d'un certain stade de l'empoisonnement, les potions magiques devenaient inefficaces. Il appela l'infirmière la plus proche pour l'en informer.

-Vous dites qu'il n'y a rien à faire ? Chuchota t-elle.

-Non, je dis qu'il va falloir des médicaments moldus, et que si nous ne prévenons pas l'hôpital avant notre arrivée, ce sera une catastrophe. Le responsable de cet empoisonnement ne veut pas tuer, mais le poison de base reste mortel, et ses gens ont un système affaibli par des années d'emprisonnement.

-Les mangemorts vont refusés la médecine des moldus, j'en suis certaine. Il me traite déjà de sang-mêlée.

-Ils n'ont pas besoin de le savoir, considéra Drago avec un sourire dangereux.

-C'est contre l'éthique. Les médecins doivent informés les patients des traitements qu'ils administrent.

-Imaginez si l'ensemble des sang-purs enfermés venaient à mourir, les répercussions que cela aurait sur le Ministère et la Ministre en particulier. Ni vous, ni moi, ne voulons ça. Alors écoutez moi, la plupart des sorciers ici comme ailleurs sont incompétents en médicomagie et en potion. Sortez les pilules et autres médicaments moldus de leurs emballages et utilisez des contenants plus traditionnels, ensuite vous n'utiliserez que les termes complexes qui sont sur les boîtes moldues. Ils n'y verront que du feu, vous respecterez votre éthique en les informant, et tout le monde sera content.

L'infirmière réfléchit un instant puis elle acquiesça avant de s'éloigner pour discuter avec ses collègues.

Après cela le jeune médicomage commença à circuler entre les patients. Lorsqu'il était certain du traitement à administrer, il prenait un petit carnet,écrivait dessus, et arrachait la page en la donnant au patient pour qu'il l'a donne à la première infirmière qui passerait.

Il fit ainsi jusqu'à onze heures, jusqu'à ce le bateau préparé par le ministère arriva enfin sur le rivage. Ce fut ensuite une longue procession de lit qui flottèrent jusqu'au navire.

Lorsqu'ils prirent la mer, une heure plus tard, il ne restait qu'une vingtaine de gardes et autant de prisonniers dans la prison. Drago profita du calme du pont supérieur quelques instants. Au dessus des malades et du personnel soignant qui s'agitait toujours, le garçon blond voyait des visages familiers. Dolores Ombrage, la fonctionnaire zélée, Ermatus Crabbe, dont le fils était mort, brûlé vif par son propre sort, Alecto Carrow et son frère, Amyctus, qui avaient torturé de si nombreux élèves. Ils se tordaient encore de douleur en vomissant régulièrement et Drago observait cela avec autant de délectation que de dégoût.

-Vous prenez une pause ? Demanda l'infirmière qu'il avait rencontré plus tôt, en le rejoignant. Maintenant qu'il l'observait de plus près, elle était d'une beauté élégante malgré l'uniforme vert. Elle avait les cheveux noirs sur une peau pâle et laiteuse qui faisait ressortir des yeux d'un bleu particulièrement foncé.

-Il n'y a plus grand chose à faire, et ce bateau me donne le mal de mer.

Elle le fixa, le regard hésitant.

-J'ai une question. C'est vrai que vous êtes un mangemort ?

-Il n'y a plus de mangemort, et c'est une bonne nouvelle. Vous n'êtes pas anglaise ?

-Je suis américaine, j'ai fait mes études à Ilvermorny. Cette guerre civile me paraît assez irréelle, du coup. Ils disent que vous êtes Drago Malefoy. C'est une des plus vieille famille de Sang-purs, non ?

Elle s'appuya sur la rambarde, en fixant l'horizon.

-Qu'est-ce que ça peut vous faire ?

-Je suis curieuse, et je ne me fis pas aux rumeurs. Je préfère vérifier par moi-même.

-C'est une attitude aussi intelligente que dangereuse. J'ai connu une jeune fille comme ça, quand j'étais jeune.

-Et qu'est-ce qu'elle est devenue ?

-Elle est ministre, répondit-il avec indifférence. Je peux peut-être connaître votre nom à mon tour ?

-Ariana Goldstein. J'ai une autre question. Comment un ancien mangemort peut en savoir autant sur la médecine moldue ?

-C'est une spécialité de la Faculté de Médicomagie de Toulouse, où j'ai fait mes études. Les sorciers s'inspirent de plus en plus des procédés des moldus pour les nouvelles potions et sortilèges de soin, c'était donc logique de prendre cette option.

-J'avais raison de ne pas me fier aux rumeurs, on dirait.

La jeune femme avait le sourire chaleureux et rieur. Elle semblait incarnée la joie de vivre, face à un homme qui semblait aussi sérieux que froid. Ils s'opposaient en tout, et pourtant, il l'appréciait. Elle ne le jugeait pas pour son passé, mais pour l'homme qu'il était aujourd'hui.

-Nous arrivons enfin, indiqua t-il, en voyant l'embouchure de la Tamise qui s'approchait.

-Cette journée de dingue n'est pas terminée. Harry Potter et vous, vous êtes sur l'enquête sur ce terroriste, parait-il. J'imagine que ça doit vous changer de la blouse.

-Je préfère la tranquillité d'un bloc opératoire ou d'un cabinet médical, mais c'est assez stimulant.

-Potter est un bon Auror ? J'ai toujours pensé qu'il avait eut sa place grâce à sa victoire.

-C'est peut-être le cas, je ne sais pas, mais c'est un bon Auror. Il n'est pas forcément le meilleur enquêteur, mais pour l'avoir affronter de nombreuses fois, c'est un combattant hors paire.

-Ce n'est pas bizarre de faire équipe avec un ancien ennemi ? C'est peut-être indiscret comme question, excusez-moi, ne vous sentez pas obliger de répondre.

-Ce n'est pas grave, répondit-il d'un ton neutre. C'est bizarre, oui mais c'est Potter, les deux vont toujours ensemble, j'ai l'impression, et ce n'est pas désagréable...

« Loin de là... » pensa t-il en esquissant un sourire.