Chapitre XXXV : Ce que nous serons.

Drago attendait devant la porte de la directrice de Poudlard depuis dix minutes, quand enfin les derniers fonctionnaires du ministère encore présents sortirent du bureau. Elle le fixa avec un regard surpris.

-Monsieur Malefoy, je pensais que vous étiez rentré à Londres pour prendre un peu de repos.

-Il y a quelque chose que j'aimerai faire avant, mais j'ai besoin de votre autorisation.

-J'écoute, dit-elle en l'invitant à s'asseoir.

-J'aimerai récupérer les ossements de Vincent Crabbe qui sont dans la Salle sur demande pour les mettre en terre dans le cimetière du village.

-Bien entendu, je ne vois pas de raison de refuser. Cependant, je ne suis pas certain que vous trouviez quoi que ce soit, la salle est dans un état discutable. Les élèves en retenue sont en charge du nettoyage sous les ordres de Rusard, je vais tout de même les prévenir. Nous organisons un banquet pour fêter la capture de l'ennemi dans trois jours, joignez-vous à nous, et nous vous remettrons tout ce que nous trouverons en main propre.

-Je vous remercie.

-Puis-je vous demander pourquoi maintenant, après tellement d'années ?

-Je n'ai pas envie de vous répondre, je vous suis néanmoins reconnaissant.

La vérité était qu'il voulait faire cela depuis des années, mais que la culpabilité l'empêchait de le faire. C'était une faiblesse, et s'il acceptait parfois, quelques secondes, d'être vulnérable devant Harry, ça n'arriverait jamais devant personne d'autre. Alors qu'il s'apprêtait à partir, Drago fut appelé par une voix familière qui venait de l'alcôve, derrière le bureau de la directrice.

-Je crois que quelqu'un veut vous dire quelques mots, dit-elle en quittant son bureau. Je vous laisse un peu d'intimité, je vais faire par de votre demande à Rusard.

Drago s'approcha, et derrière un pilier de pierre, un portait de Dumbledore trônait là, en majesté. Cela agaçait le blond. Ce vieux dément ne méritait par autant de respect et de déférence, même Harry qui était pourtant dans le camp de ce dernier pourrait en convenir.

-Tu as fini par faire les bons choix, je suis fier de toi, fit le vieil homme.

Drago se crispa.

-Non, répondit le blond. Vous aviez tort à l'époque, et vous avez encore tort aujourd'hui. Je n'ai pas fait les bons ou les mauvais choix, car de choix, je n'en n'avais aucun.

-Nous avons toujours le choix.

-Votre histoire avec Grindelwald témoigne que non, et malgré tout vous avez reproduit cette erreur. Je n'avais pas d'autres options à l'époque, et j'en ai pas plus aujourd'hui. Simplement, ce qui est nécessaire à ma survie et mon bonheur est une chose moins néfaste qu'à l'époque.

Dumbledore sembla suspendre son jugement. Les yeux toujours pétillants de malice, il finit par sourire.

-Tu as raison. J'ai fait de nombreuses erreurs dans ma vie, et mon jugement à ton égard était peut-être trop sévère. Je n'ai jamais tendu la main vers toi, d'une manière ou d'une autre. Il n'y a qu'au seuil de ma mort que je t'ai offert de l'aide. Mais comprends-moi, la dernière fois que j'ai offert mon aide à un garçon qui te ressemblait beaucoup, il est devenu monstrueux et son avidité de gloire et de pouvoir à failli engloutir le monde.

-Je n'ai jamais été comme lui, vous l'auriez su, si vous aviez passé un peu plus de temps avec vos élèves plutôt qu'à ourdir des plans dans l'ombre mais je n'ai pas le droit de vous en vouloir, c'est ce que Harry m'a aidait à comprendre. Vous étiez prisonnier de votre destin, comme nous tous. Je ne suis pas en colère contre vous. Je vais simplement faire ce que vous avez été incapable de faire, rendre Harry heureux.

Dumbledore baissa les yeux, il semblait éprouvé une certaine honte, ce qui satisfaisait pleinement son interlocuteur.

-Son bonheur importait moins que son but. J'étais prêt à le sacrifier pour l'avenir du monde, avoua t-il.

-Ce ne sera pas mon cas, sourit Drago. Je suis trop égoïste pour me passer de son sourire. Vous l'avez sacrifié pour le monde, je sacrifierais le monde pour lui, si nécessaire.

Drago était sérieux, et sa détermination pouvait transparaître dans sa voix. Le vieil homme ne semblait pas en prendre ombrage.

-Je sais. Minerva m'a raconté vos exploits du jour. Les Serpentards ont souvent un esprit tortueux, mais votre détermination à obtenir l'amour de ce que vous aimez, est une chose que j'admire. C'était le cas chez Severus, mais également chez ta mère, et maintenant, chez toi.

-Il est surtout incroyable que j'ai autant à me battre pour son respect et son amour alors que vous non. Vous n'avez vu en lui que sa fonction dans vos plans, un soldat sacrifiable. Je ne vous aime pas, et plus j'en apprends sur vous, pire c'est.

-Ton parrain avait exactement le même discours que toi aujourd'hui. Il était moins insolent, mais c'est peut-être car il avait une dette envers moi.

-Sans doute, lâcha Drago. Je vais partir maintenant.

-Au revoir.

Le blond se posa quelques minutes après sa conversation avec l'ancien directeur. Il avait la sensation étrange d'être plus léger. Le poids de la culpabilité était toujours là, mais il n'était plus un boulet qu'il traînait continuellement, mais plutôt un écho, lointain, qu'il entendait par moment. Le jugement de Dumbledore avait peut-être compter un jour, après tout...

Il rejoignit Harry, dans la Grande Salle où ce dernier avait une discussion animée avec un élève de Poufsouffle qui était plus proche du diplôme que de la cérémonie de répartition. C'était un garçon aux cheveux bleus, aux multiples piercings, et à la robe de sorcier accessoirisée. Ses yeux brillants étaient bizarrement familier à l'héritier Malefoy. Quand Harry approcha avec le jeune homme, Drago imagina toutes les choses atroces que Ombrage aurait fait et dit en voyant ce garçon si singulier.

-Il ne me ressemble pas du tout, fit l'élève en pointant Drago, d'un air déçu.

-Je n'ai pas dit qu'il te ressemblait, j'ai dit qu'il était de ta famille, s'exaspéra Harry avant de se tourner vers son petit-ami. Drago, je te présente Edward Remus Lupin, c'est ton petit cousin, et mon filleul, et un délinquant.

-Les deux derniers vont plus ou moins ensemble, nota Drago, tout en examinant son « petit cousin » discrètement. Tu as enfreins tellement de fois le règlement, et tu as même réussi à faire enfreindre les règles à Granger. Tu caches bien ton jeu, Potter, mais personne n'est dupe, tu es la corruption incarnée.

-Il y a d'autres formes de corruption, et sur celles-ci c'est toi l'expert, Malefoy, maugréa Harry.

-Personne ne m'appelle Edward, fit remarqué le jeune homme. Mon parrain préfère utilisé Teddy, comme tout le monde, enfin sauf quand il est en colère. Ce qui arrive bien trop souvent, à mon humble avis !

L'adolescent avait dit la dernière phrase en mimant un aparté, Drago esquissa un sourire. Ce gamin faisait le clown, mais au fond de ses yeux, l'ancien Serpentard pouvait voir une tristesse familière, celle de Harry, la sienne également. Ce gamin était orphelin.

-C'est le fils de Nymphadora Tonks et Remus Lupin, expliqua Harry. Sa grand-mère et ta mère...

-Sont sœurs, acheva Drago, qui connaissait les recoins les plus sombres et « honteux » de son arbre généalogique. Andromeda avait été banni de la famille à cause de son amour pour Ted Tonks, un sorcier né-moldu.

-Harry m'a dit que tu étais un petit con, et que vous vous détestiez mais visiblement ça va mieux.

-Cela dépends des moments, parfois il est moins agaçant que d'habitude, et à d'autres moments j'apprends qu'il m'insulte devant mes cousins éloignés.

-C'était affectueux, tenta Harry.

-Franchement, Parrain, si tu utilises des termes pareils pour des amis, je n'imagine pas ce que tu dis de tes ennemis.

-Je ne vais pas m'en sortir, s'exaspéra le brun.

-Sûrement pas indemne, en tout cas, ajouta Drago. Teddy, j'ai l'intention de reprendre possession du manoir de ma famille d'ici quelques semaines. Les affaires de ma mère sont encore sur place, si ta grand-mère veut s'y rendre pour prendre des souvenirs, la porte lui est ouverte.

-Tu vois qu'il est sympa, enchaîna Teddy.

-C'était la pire idée de ma vie de vous présentez !

-Non, intervint Drago. La pire idée de ta vie, c'est ta garde robe. D'ailleurs, il va falloir faire un relooking complet à l'occasion.

-Tu crois que j'ai le temps ? Je te l'ai déjà dit, je suis Auror, et entre ça et les manigances politiques d'Hermione et Zabini, je n'avais le temps de rien.

-Tu vas devenir professeur dans les mois prochains, c'est un bon prétexte pour faire quelques changements, sourit Drago.

Ce n'était pas un sourire moqueur, le médicomage avait envie de faire les boutiques avec Harry, de lui offrir des vêtements. Après tout, si le brun lui apprenait le Patronus, Drago pouvait bien lui apprendre à s'habiller correctement. Harry et son filleul se chamaillaient comme des gamins dans un square, quand la montre à gousset de Drago lui indiqua une heure plus tardive que prévue. Les deux amoureux décidèrent de transplaner jusqu'à l'appartement.

-C'est notre dernière nuit, ici et ensemble, indiqua Drago en passant la porte.

-De quoi est-ce que tu parles ?

-Je n'ai plus de raison légale d'être hébergée par le Ministère, l'enquête est terminée. Dès demain, je devrais repartir en France.

-Tu as un manoir, tu n'es pas obligé de partir.

Harry avait dit cela avec une mine boudeuse qui ne lui ressemblait pas.

-Idiot ! Lâcha Drago. Je vais revenir, mais je dois d'abord mettre mes affaires en ordre, et démissionner de mon poste actuel. J'étais en congé, je te signale.

-C'est vrai.

En réalité, même s'il ne voulait pas le dire, Harry n'avait pas envie que Drago soit absent, même si c'était pour une semaine ou deux. Il était hors de question que ce blondinet si agaçant quitte l'Angleterre sans lui laissait le souvenir d'une nuit torride. Le brun attendait depuis si longtemps, et malgré la fatigue, il avait besoin de sentir la peau de Drago contre la sienne.

Cette nuit-là, commença par un baiser violent, inattendu, contre le mur du couloir, les mains d'Harry parcourant le torse de son petit ami. Drago soupirait sous ses caresses.

« Oui, pensa Drago, faisons de cette nuit le meilleur souvenir de cette histoire. »