Rose s'efforça d'ignorer l'existence de William pour le restant de la soirée. Elle n'était pas près de le regarder dans les yeux de nouveau, estimant avoir eu sa dose d'émotions non désirées pour le restant de l'année. Elle conjura le visage de Blaise dans sa tête et repensa à leur après-midi. Elle était tellement plongée dans son souvenir que Derek lui mit un petit coup de genou, à moitié hilare. Elle lui sourit et repartit dans ses pensées. Mais bientôt, à cause de la fatigue, les images de Blaise et de William, de la réalité et du rêve, s'entremêlèrent. Rose secoua la tête pour en chasser cet étrange mélange et décida de replonger dans le déni le plus total de ses sentiments.
Lorsque tout le monde partit se coucher, Derek la retint assise sur le tapis. Il voulait qu'ils restent un peu tous les deux : clairement Rose avait beaucoup de choses à partager ce soir. Il tapota le canapé pour qu'elle l'y rejoigne.
- Raconte. Qu'est-ce qui se passe dans ta petite tête ?
Elle soupira et croisa les bras. Puis elle commença à expliquer.
- C'est juste… William et Blaise. C'est compliqué.
Elle jeta un regard dans la salle. Il restait encore pas mal de monde, surtout des plus âgés. Elle n'avait absolument pas envie de résumer ses déboires sentimentales et risquer d'être entendue, surtout vu ce qu'elle s'apprêtait à raconter à Derek.
- Écoute, ce serait plus simple si…
Elle tapota sa tempe puis le désigna. Il soupira.
- OK.
Il plongea ses yeux noirs dans les yeux verts et se laissa absorber par l'esprit de Rose. Elle parvint à lui partager ses idées facilement : ce qu'elle avait voulu faire à l'infirmerie en février, sa décision de se tourner vers Blaise par la suite, leur relation passionnée (elle parvint habilement à cacher toutes les images les plus intimes, d'ailleurs Derek ne les cherchait pas) mais orageuse, et ses doutes permanents vis-à-vis de sa relation avec William, qui lui manquait, en tant qu'ami… et plus, de sa jalousie de le voir avec d'autres filles et de la culpabilité qui en résultait. Elle ne cacha pas non plus qu'elle culpabilisait terriblement d'avoir fait un rêve très satisfaisant pendant les vacances et que c'était William qui y avait joué le premier rôle au lieu de son petit ami officiel. Derek la laissa partager et montrer ce qu'elle voulait, sans jamais fouiller plus loin que ce qu'elle dévoilait. C'était un exercice pour lequel ils étaient de plus en plus doués. Rose fit un signe pour qu'il comprenne qu'elle avait terminé et il rompit leur échange visuel. Elle attendait qu'il fasse un commentaire.
- Mon chat, je suis désolé… je savais pas pour l'infirmerie.
- Désolée de pas en avoir parlé… souffla-t-elle. J'essayais de l'oublier moi-même. J'ai lamentablement échoué.
Il sourit avec douceur. Il allait lui dire qu'il l'aimait et serait toujours avec elle, même si elle décidait de rompre avec Blaise, et qu'il voulait bien aller casser le nez de William si c'était ce qu'elle souhaitait, ou qu'il pouvait arrêter d'aller courir avec lui autour du lac – quand une voix leur parvint et les fit sursauter.
- Je me suis toujours demandé comment vous partagiez tous les détails de toutes vos journées sans être constamment en train de parler…
Terry leur sourit, s'asseyant lentement dans le fauteuil en face d'eux.
- Mais je crois que j'ai compris.
Derek crispa ses grands doigts autour de la main de Rose. Elle réagit la première, calmement.
- Ah bon ?
L'air amusé de Terry ne détendit pas du tout Derek, bien au contraire.
- Lequel de vous deux l'a appris ?
Rose et Derek échangèrent un regard.
Vas-y. Je suis là.
- Moi, lâcha doucement le grand blond, fuyant le regard de Terry.
- C'est impressionnant. C'est une magie très avancée, la Légilimencie…
Derek opina légèrement de la tête, muet.
- Toi aussi tu as appris à lancer ce sort, Rose ? demanda le brun en se tournant vers elle.
- Non, répondit-elle, toujours calme.
Elle essayait de rester maitresse d'elle-même pour deux. Pas besoin d'être une Legilimens pour savoir que Derek était en panique totale. Elle lui jeta un coup d'œil. Il était temps qu'ils en parlent.
- Derek ? appela-t-elle avec tendresse, lui pressant la main.
- Je n'ai rien appris, dit-il lentement.
Terry fronça les sourcils, de plus en plus désarçonné et par leur attitude, et par ce qu'il entendait.
- Je suis né comme ça.
Voilà, il l'avait enfin dit. Rose respira en regardant Terry, qui était toujours visiblement perplexe.
- Tu es un Legilimens… né ?
Derek hocha la tête encore une fois.
Bon, Terry n'avait pas l'air d'avoir envie de partir en courant. Rose fit un geste pour se lever, commençant à dire qu'elle allait les laisser tranquilles pour discuter, mais Derek s'accrocha désespérément à sa main et l'empêcha de le quitter.
- Donc… tu sais tout ce que tout le monde pense ? Tout le temps ?
Impossible de savoir s'il était curieux, excité ou effrayé. Derek secoua la tête, les mots encore bloqués dans sa gorge. Rose prit le relais de sa voix la plus douce.
- Non, pas vraiment. Derek est plutôt un Legilimens empathe, si on peut appeler ça comme ça. Il perçoit plutôt facilement les émotions des gens. Pour connaitre leurs pensées, c'est plus facile qu'il fasse comme on faisait quand tu es arrivé, un contact visuel direct.
Rose fit un sourire à son meilleur ami.
- Mais il s'améliore…
- Tu t'améliores ? Donc tu essaies de lire les pensées des gens quand même ?
La voix de Derek sembla lui revenir.
- Non.
Mais il n'élabora pas plus, terrifié par le regard pesant de Terry.
- Et tu perçois les émotions de tout le monde ? Celles de Rose, les miennes, les autres ? Tout le temps ?
- Non, répéta Derek, la voix un peu plus assurée.
Terry croisa les bras.
- Je comprends rien. Tu es Legilimens mais tu n'entends pas les pensées des autres, tu es empathe mais tu ne captes pas leurs émotions ?
- Il s'y refuse, expliqua Rose rapidement. C'est le Legilimens le plus doué en Occlumancie que j'ai jamais rencontré.
Elle s'autorisa un sourire.
- Je ne veux pas envahir la vie privée des gens, finit par dire Derek après un raclement de gorge.
La pression des doigts de Rose s'intensifia, pour l'encourager à parler. Elle comprenait qu'il était tétanisé par l'éventuelle mauvaise réaction de Terry, mais c'était à lui d'expliquer.
- Alors, depuis que je suis petit, je bloque tout. Les pensée, les émotions, tout. Je ne le fais que si j'y suis autorisé.
Il lança un regard plus déterminé à Terry. Puis sourit à Rose.
- Rose est ma seule exception… même quand j'essaie de ne pas comprendre ce qu'elle fabrique dans sa tête, pour la laisser un peu tranquille, il y a toujours quelque chose qui me parvient.
Elle confirma d'un hochement de tête. Ça ne l'avait jamais perturbée, ni ennuyée. Il n'était jamais avec elle lorsqu'elle faisait quelque chose de très intime, après tout.
- Je peux entrer dans son esprit aussi… c'est facile si elle me laisse faire. Je n'ai jamais essayé de forcer, évidemment, précisa-t-il avec une grimace, révolté à cette simple idée.
Il était de plus en plus confiant et regardait Terry sans baisser les yeux.
- Parfois on préfère faire comme ça pour être sûrs que personne ne nous entende. Et j'arrive de mieux en mieux à l'entendre si elle me communique quelque chose par la pensée. Tant que ça reste simple…
- Genre, « j'ai faim », ça, ça marche toujours pour qu'il m'entende, fit Rose d'un air très sérieux.
Terry ne put retenir un léger rire. Puis il se pencha vers eux, les coudes sur les genoux.
- Pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ?
- Je sais pas. La peur sûrement, avoua Derek.
- La peur de quoi ?
- Que tu me trouves trop bizarre. Que ça te fasse fuir.
- Ça aurait pu me faire peur, admit Terry. Mais pas comme tu viens de l'expliquer. Et ça ne m'aurait certainement pas fait fuir.
Son sourire fut tellement rassurant que Derek et Rose se détendirent en même temps.
- Alors, tu ne ressens jamais, jamais les émotions des autres ? à part celles de Rose ?
Derek hésita une fraction de seconde. Rose regarda ailleurs, se mordant la joue pour ne pas rire.
- Si… quand j'ai trop bu. C'est plus difficile de me contrôler avec de l'alcool dans le sang…
Terry eut un sourire moqueur. Rose chantonnait et semblait captivée par un groupe de septièmes.
- Et aussi… quand on… enfin, toi et moi, murmura Derek. C'est là que c'est le plus difficile de ne pas percevoir d'émotions. J'essaie, pourtant…
Terry avait entrouvert la bouche et se penchait de plus en plus vers lui. Rose lui coula un regard et pensa qu'il n'allait pas tarder à tomber de son siège. Elle parvint à récupérer sa main dans celle de Derek et se leva.
- Je vais me coucher, dit-elle avec un sourire tendre envers son meilleur ami.
- Bonne nuit mon chat. Et merci, ajouta-t-il dans son oreille quand elle se pencha pour l'embrasser sur la joue.
- Toujours. Bonne nuit Terry !
- Bonne nuit Rose.
- Je suis désolé, reprit Derek pour son petit ami. De ne jamais t'en avoir parlé. Tu m'en veux ?
- Non… oui, un peu, avoua-t-il quand même.
- Tu veux bien venir à côté de moi ?
Derek ne demandait jamais ce genre de choses. Il montrait ce qu'il voulait et attendait que Terry se décide. Ou il venait se servir.
- Évidemment.
Il se glissa contre son petit ami, qui avait l'air confus.
- Je suis vraiment désolé, répéta-t-il. Je sais jamais… je sais jamais comment en parler, en fait.
- Comment tu as fait avec Rose ?
- C'est venu tout seul… C'était, je sais pas, une partie de ma personnalité, alors elle ne s'est pas posé de question. C'est ce qu'elle m'a expliqué un jour.
- Et qu'est-ce qui te fait croire que je ne vais pas faire pareil ?
Le blond haussa les épaules.
- Aucune idée. J'ai tellement pris l'habitude de n'en parler à personne… c'est devenu comme quelque chose qui n'existe pas en dehors de Rose et moi, tu comprends ?
- Je pense que oui… mais j'aimerais aussi en faire partie, de votre club super restreint.
Derek lui sourit enfin. Ça paraissait évident, que Terry en fasse partie. Il se sentait un peu bête de ne pas l'avoir fait plus tôt.
- Alors comme ça tu ressens mes émotions quand…
Terry ne put terminer sa phrase et devint rouge. Le regard séducteur de Derek revint en place et se posa sur lui.
- Oui… surtout quand tu gémis parce que tu aimes que je te touche, susurra-t-il à l'oreille du brun. Ou quand tu me fais jouir contre toi.
Terry était rouge brique mais ses yeux étincelaient.
- Capte mon émotion alors, murmura-t-il, le mettant presque au défi.
Derek inspira et bloqua sa respiration.
- T'es sûr ? expira-t-il, plus très sûr de lui.
- Certain.
Ce fut invisible pour les yeux, mais Derek s'obligea à baisser des barrières qu'il mettait constamment entre lui et les autres. Il essaya de forcer son esprit à considérer que Terry était comme Rose : un livre ouvert, qu'il avait le droit de lire. C'était ça, la clé, pour lui : le consentement de l'autre. Sans ça, il n'arrivait à rien. Ce qui l'arrangeait parfaitement.
Il baissa les paupières un instant et les rouvrit, vrillant Terry de ses yeux noirs. C'était… tellement fort. Ce n'était bien sûr pas une seule émotion, car c'était rarement le cas, mais un mélange de plusieurs, qui se mêlaient et se soutenaient les unes aux autres. Souvent une prédominait, selon l'instant, selon la situation.
Derek eut un autre de ses sourires et prit le visage de Terry dans ses mains. Il s'approcha à quelques millimètres de ses lèvres sans lâcher son regard.
- Moi aussi je t'aime. Et moi aussi… j'ai très envie de toi.
Et il l'embrassa, fougueusement.
La semaine suivante, Rose et Blaise purent se voir plusieurs fois, le soir ou entre deux cours, souvent le midi. Leurs échanges furent aussi passionnés que le samedi précédent et Rose se retrouva plusieurs fois pantelante, les muscles vibrants. Blaise avait vite compris comment la caresser pour la rendre ivre de désir, et il ne se lassait pas de la regarder le supplier presque de la toucher de ses doigts agiles. Après une session, le jeudi midi, elle reprenait son souffle sur le canapé et murmura, sans oser le regarder directement :
- J'ai envie de te toucher aussi.
Il embrassa son cou pour toute réponse, puis entraina sa main contre son entrejambe.
- Vas-y.
Sa voix si profonde donna de nouveaux frissons à Rose. Elle défit sa ceinture et le soulagea de son pantalon, ses yeux se posant sur lui, captivée par ce qu'elle voyait. Elle fit comme il avait fait la première fois et glissa ses doigts sous son caleçon, prête à explorer à son tour. Elle rencontra son membre dur et le caressa lentement, effleurant plus qu'autre chose. Blaise la regardait faire à travers ses yeux mi-clos. Rassemblant son courage, elle murmura :
- Guide-moi.
Sa main alla à la rencontre de celle de Rose et la dirigea pour qu'elle le caresse pour le découvrir tout d'abord, puis il replia les doigts fins autour de son érection et imprima quelques mouvements de va-et-vient, légers, pour qu'elle s'habitue. Elle hocha la tête et continua alors qu'il enlevait sa propre main. Bientôt elle trouva que le tissu la gênait dans ses mouvements, alors elle lâcha Blaise pour le lui retirer. Il souleva le bassin pour l'aider et enfin elle put observer ce qui la rendait si curieuse depuis plusieurs semaines – plusieurs mois, pour être honnête. Blaise, lui, ne savait pas ce qui lui plut le plus : son expression ravie, ses yeux assombris de désir, ou sa lèvre qu'elle mordillait sans cesse.
- Touche-moi encore.
Elle enroula ses doigts autour de lui et répéta les mouvements qu'il lui avait montrés. Il la guida encore, murmurant des instructions ou lui montrant comment insister un peu plus au bout, comment utiliser les perles humides qui s'en dégageaient. Elle déduisit d'elle-même à quels instants elle pouvait accélérer la cadence, selon le visage de Blaise ou ses gémissements sourds, qui sonnaient délicieusement à ses oreilles. Ses yeux naviguaient de son visage à son membre dur, avide d'apprendre. Elle avait envie de le voir jouir à son tour… Encouragée par Blaise, ses mouvements se firent plus rapides. Inconsciemment, elle ouvrait la bouche en même temps que lui quand il gémissait de plaisir.
- T'arrête pas, vas-y… intima-t-il.
Elle n'avait pas l'intention de stopper et sa main se fit plus ferme autour de lui. Il eut un dernier cri de sa voix grave et agrippa automatiquement le poignet de Rose. Son bassin se projeta légèrement en avant et Rose ne sut plus où donner du regard : sur son visage extasié ou sur son érection, d'où s'échappait le liquide blanc et chaud qui coula sur sa main. Elle avala sa salive, ravie et troublée en même temps. Blaise rouvrit les yeux et les planta dans les siens, esquissant un sourire satisfait. Il caressa l'intérieur de son poignet et elle détendit ses doigts pour le relâcher. Il regarda sa main avec un soudain embarras.
- Pardon, attends…
Il saisit sa baguette et murmura « Tergeo », les nettoyant efficacement. Toujours fascinée, Rose ne pensa même pas à le taquiner sur sa maitrise du sort de nettoyage. Elle le laissa remonter son caleçon et dès qu'il eut posé la tête sur le dossier du canapé, elle se pencha et l'embrassa ardemment. Il répondit aussitôt à son baiser, serrant ses doigts dans ses cheveux, la tenant serrée contre lui, son autre main pressant ses fesses sous la jupe de l'uniforme. Elle interrompit leur baiser et, restant à quelques centimètres de ses lèvres, murmura, le rouge aux joues :
- C'était bien ?
Il ne répondit pas tout de suite et s'absorba dans sa contemplation. Puis il sourit, de son demi-sourire qu'il réservait à Rose :
- Je pense qu'il faudra qu'on recommence pour que je sois sûr.
Comprenant, elle hocha la tête d'un air sérieux, mais finit par laisser un sourire se dessiner sur ses lèvres. Il les embrassa encore avec force.
- C'était très bien, rassura-t-il finalement de sa voix profonde.
Il caressa le haut de ses cuisses et soupira, les quittant avec regret.
- C'est bientôt l'heure, devina Rose.
Il confirma d'un hochement de tête. Ils se levèrent en même temps et se rhabillèrent correctement avant de quitter leur bulle sensuelle. Ils n'avaient pas mangé, mais Rose ne s'en faisait même pas tellement elle était ailleurs.
Son état d'esprit étourdi ne la quitta pas de la journée et elle ne fit que penser à Blaise évidemment, avec la ferme intention de recommencer dès que possible.
Finalement, ils ne se revirent pas le vendredi soir comme elle l'avait espéré, car tous les autres Serdaigles n'avaient envie que d'une chose apparemment : une session de pratique de sortilèges. Elle déclina la proposition de Blaise avec regret, mais il comprit dès qu'elle prononça les mots « devoirs » en soupirant. Il sourit en l'embrassant profondément, au milieu du couloir bondé d'étudiants naviguant entre leurs salles de cours, conscient des regards qu'ils suscitèrent autour d'eux.
Au diner, les douze Serdaigles mangèrent rapidement, trop pressés d'aller s'entrainer dans la chambre des garçons. William termina le premier.
- Je vous rejoins un peu plus tard, déclara-t-il posément. J'ai un truc à faire avant.
Ils le regardèrent partir, curieux bien sûr ; mais leurs yeux se détournèrent bien vite quand ils l'observèrent rejoindre une Gryffondor à l'entrée de la Grande Salle, pour s'éclipser rapidement. Rose reposa son verre vide devant elle et lança :
- Bon, on y va ?
Terry marmonna à Derek :
- Donc, pas de sort de Réduction ce soir…
- Je t'ai entendu, siffla-t-elle en lui assenant une petite tape sur le bras, le sourire aux lèvres.
Une fois la porte du dortoir des garçons refermée, ils se livrèrent à leur rituel habituel pour être parfaitement confinés dans la pièce. Nassim fit un geste pour empêcher Rose de lancer le sort d'Impassibilité.
- Sinon on entendra jamais William arriver, justifia-t-il.
- Bon, alors vous en êtes où de votre liste de révision ? demanda Marc aux cinquièmes.
Anthony sortit la liste des sorts les plus susceptibles d'être demandés pendant les BUSE, d'après ce qu'ils avaient compris et entendu.
- On pourrait faire plusieurs groupes, proposa Mandy. Un pour les Sortilèges, un pour les Métamorphoses, un dernier pour la DCFM. Et on tourne. Comme ça, ça évite d'avoir le même sort qui est lancé partout dans la chambre.
Son idée – librement inspirée des réunion de l'A.D. – fut adoptée et Rose fit équipe avec Michael, Padma et Idriss pour commencer à réviser les Sortilèges. Bientôt les sorts fusaient de part et d'autre de la pièce. Ils essayaient de rester assez discrets pour ne pas ameuter toute la Salle Commune et s'empêchaient de laisser libre cours à leur enthousiasme, restant relativement silencieux. Le groupe de Rose venait de commencer les Métamorphoses et Padma avait changé de couleur de robe pour un vert fluo « très seyant » d'après Mandy, qui arborait un sourire moqueur. Michael était très content de lui et les deux autres n'arrivaient pas à retenir leurs rires.
- Oh mais je viens de penser ! s'exclama Rose alors que Lisa rendait au vêtement de Padma son noir. Idriss, tu sais faire des Sortilèges Informulés maintenant non ?
- Un peu… quand ça veut bien quoi, admit-il.
- Allez, vas-y on essaie ! J'ai envie de voir !
Elle lui fit face et leva sa baguette.
- Attaque-moi sans parler !
- Mais t'es dingue ou quoi ? Je vais pas t'attaquer, tu pourras pas te défendre si tu sais pas ce que je fais !
- C'est le principe, marmonna-t-elle. Bon, désarme-moi au moins ! Pas de risque.
Tous les autres s'étaient stoppés dans leur exercice pour les regarder, curieux. Idriss ronchonna :
- Non mais c'est bien, me mettez pas la pression surtout…
Rose trépignait presque et attendait, impatiente. Idriss sembla se concentrer et le silence fut si complet qu'ils entendirent tous une voix étouffée qui venait de l'autre côté de la porte :
- Alohomora.
Il y eut le déclic familier et, aussitôt, dix baguettes pointèrent par réflexe sur l'entrée de la chambre alors que la porte s'ouvrait lentement. Rose haussa un sourcil.
- On s'en fout, c'est juste William. Attaque !
Elle avait récupéré l'attention d'Idriss, qui fit un mouvement sec de sa baguette, la bouche fermée. Rose eut une exclamation de surprise alors que sa propre baguette lui échappait des mains et s'envolait derrière elle.
- Oh bravo ! s'écria-t-elle, ravie.
Idriss lui sourit, satisfait lui aussi. Tout le monde, surtout les cinquièmes, était assez impressionné. Rose se retourna pour en parler avec Lisa qui était derrière elle, mais referma la bouche.
- « On s'en fout, c'est juste William ? »
Elle haussa les épaules sans répondre devant l'air à moitié outré de William qui la dévisageait, à deux pas d'elle. Puis elle avisa sa baguette qu'il avait visiblement rattrapée au vol et tendit la main, un sourcil levé. Il inspira pour dire autre chose sans la lui rendre, mais il n'avait pas compté sur les réflexes de Rose, dont le bras se détendit brutalement et ses doigts agrippèrent la baguette. Il refusa de la lâcher et ils s'affrontèrent du regard un instant. Rose estima tenir sa baguette assez fermement.
- Lashlabask !
La main de William fut projetée en arrière sans grande force, mais suffisamment pour que Rose récupère son bien. Elle s'autorisa un petit sourire suffisant et recula pour rejoindre son groupe du soir.
- T'es avec nous ! s'exclama Marc à l'adresse de William, qui n'avait plus bougé.
- J'arrive.
Il se dirigea à pas lents vers Marc, Terry et Lisa qui l'attendaient. Puis il marmonna, assez fort pour que tout le monde entende :
- Non seulement elle me snobe, mais en plus elle m'attaque…
- William, commença Lisa avec douceur, avant de s'interrompre en voyant son sourire amusé.
- Hé l'aristo ! interpella-t-il soudainement, ses yeux cherchant Rose.
Elle se tourna vers lui et haussa un sourcil.
- Viens m'attaquer !
Le sourcil se haussa encore plus haut. Elle prit une inspiration et pointa sa baguette vers lui.
- Silencio ! Ah oui, pardon, j'avais pas précisé : en silence !
Rose ouvrit et referma la bouche, muette. Elle fronça les sourcils et croisa les bras. Ils se faisaient face, observés par les autres, qui les regardaient tour à tour, le sourire aux lèvres.
William reprit sa taquinerie :
- Alors, comment tu vas faire maintenant ?
Rose décroisa les bras et lui lança son regard le plus dédaigneux, la tête droite et le nez levé.
Plop !
Un animal apparut, tombant gracieusement sur ses quatre pattes. Il hérissa tous les poils de son échine, sa queue fouetta violemment l'air. Puis ses oreilles se couchèrent en arrière et ses crocs se dévoilèrent dans une grimace menaçante, sans qu'un son ne sorte de sa gorge.
- Déloyal, grommela William, levant de nouveau sa baguette.
Mais la panthère fut bien plus rapide et réduisit la distance qui les séparait en quelques enjambées souples avant qu'il n'ait pu prononcer un seul mot supplémentaire. Elle fit mine de lui sauter dessus et c'est quand il esquissa un mouvement pour l'esquiver qu'elle se redressa et appuya de tout son poids dans la direction où il partait. Il chuta instantanément sur le sol, emporté par son propre élan et le poids de l'animal, lâchant sa baguette. La panthère la saisit dans sa gueule alors que William s'asseyait sur la moquette, le visage impassible. Elle resta debout, très calme, la baguette de William coincée entre les dents.
Leurs yeux ne se quittaient pas et tout le monde attendait la suite avec amusement – et un peu d'inquiétude dans le cas de Derek, qui commençait à se demander si Rose plaisantait vraiment.
- Je maintiens, dit William. C'était déloyal.
La queue remua en l'air. Le félin s'ébroua et quelques étincelles jaillirent du bout de la baguette de William. La panthère les regarda voleter autour d'elle avec intérêt.
- Espèce de chat, marmonna William sans la lâcher des yeux.
Il tendit la main, comme Rose l'avait fait quelques minutes plus tôt mais la panthère ne bougea pas tout de suite. Elle s'assit et enroula sa queue autour de ses pattes, restant bien droite. Ses prunelles vertes fixaient les bleues.
La vérité, c'est qu'elle n'avait pas envie de lui rendre sa baguette. Car lui rendre sa baguette, cela voulait dire interrompre ce moment un peu bizarre, où elle et lui partageaient de nouveau quelque chose. Comme avant. Comme si le mois de février et les suivants n'avaient pas eu lieu. Elle se sentait en paix à le regarder comme ça. Elle se promit d'arrêter de penser qu'il lui manquait. Mais juste pour ces quelques secondes, elle se laissa aller à l'observer comme elle l'avait toujours fait. Comme avant.
Les doigts de William qui s'agitèrent pour la faire réagir captèrent son attention, et elle se leva finalement, s'approcha et déposa la baguette dans la main ouverte, ses yeux toujours rivés à ceux de William. Personne ne vit l'autre main se perdre un instant, en douceur, dans le pelage soyeux de l'épaule de la panthère. Elle recula vivement dès qu'elle le sentit contre elle, détourna le regard et partit à pas légers vers Derek. Quelques secondes plus tard, Rose se tenait debout devant son meilleur ami et forçait la pointe de sa baguette contre sa gorge, attendant qu'il prononce le contre-sort. Le temps qu'il s'exécute, ils avaient déjà eu une conversation silencieuse et Rose lui avait partagé la sensation de la main de William contre son épaule féline et toutes les autres émotions qui tourbillonnaient en elle. Derek ne savait pas quoi dire, alors il soupira doucement. Elle hocha la tête imperceptiblement, comprenant qu'il n'y avait peut-être rien à dire, en définitive. Et il lui rendit sa voix.
- Merci, murmura-t-elle en lui souriant.
- Pourquoi elle est pas toute nue ?! s'exclama soudainement Idriss.
Il pointait un doigt accusateur sur Rose qui en perdit de nouveau la parole. Son intervention eut le mérite d'alléger la tension qui pesait dans l'air.
- Mais qu'est-ce qu'il raconte ? s'interrogea Mandy à voix haute.
Idriss croisa les bras, mécontent.
- Je croyais que lorsque les Animagus redevenaient humains, ils revenaient tous nus. Et t'es habillée !
- Euh, désolée ?
- D'où tu tiens cette information au juste ? demanda Anthony.
- J'ai lu plein de bandes dessinées et dedans, ils sont toujours sans vêtements quand ils redeviennent humains !
- Je veux surtout pas savoir ce que tu lis le soir avant de t'endormir, lança Padma mi-amusée, mi-écœurée.
Il haussa les épaules. Nassim intervint.
- C'est vrai ça… Moi aussi je les ai lues ces histoires ! Ils sont toujours à poil !
Mandy leva franchement les yeux au ciel pendant que les autres retenaient des rires. Rose eut un geste désolé.
- C'est un choix en fait. Mais pas quand tu redeviens humain, tu décides quand tu te transformes en animal si tu gardes tes vêtements ou pas.
- Et ils vont où ?
- Si tu les laisses, ils tombent par terre, expliqua Lisa qui avait lu le livre de Rose au Manoir Wayne.
- Et si tu les gardes, ils fusionnent avec ton corps, compléta Rose. C'est ce que je fais.
- Et ta baguette ? questionna Michael. On l'a pas vue tomber ?
- Elle reste avec moi aussi. Tu peux fusionner avec les accessoires que tu portes aussi. J'en ai déduit que les baguettes magiques faisaient partie des accessoires…
- Et quand tu abandonnes tes vêtements, est-ce que la sensation est différente quand tu te transformes ?
- Aucune idée… j'ai jamais essayé, révéla-t-elle. Je n'y pense même pas en fait.
Puis Rose se tourna vers Idriss.
- C'est ce qu'on a lu dans mon livre sur les Animagus en tout cas. Tu me prêteras une de tes BD pour que je voie ?
Leur ami sembla désarçonné et un peu gêné.
- Euh, si tu veux vraiment, pourquoi pas…
Les filles étouffèrent de nouveaux rires et Rose se mordit la lèvre pour ne pas éclater de rire.
- Tu as un livre sur les Animagus ? demanda Marc.
- Oui, un cadeau de mon père… c'est une anthologie, ça explique comment faire, ce que ça implique, les effets, tout.
- Oh, tu pourrais me le prêter ? J'aimerais bien écrire un mémoire de Métamorphoses là-dessus pour la septième année, mais ceux de la Bibliothèque ne sont jamais accessibles.
- Ah, désolée mais je ne l'ai pas pris avec moi… il est au Manoir. Père et moi avons estimé plus sage que je ne me trimballe pas avec… il suffirait à n'importe qui d'additionner deux plus deux pour comprendre ma situation.
Elle lui sourit gentiment.
- Le seul moyen pour le lire, ce serait de venir au Manoir cet été ! Tu pourrais prendre toutes les notes dont tu aurais besoin.
- Hé moi aussi je veux venir ! s'écria Nassim. Même si je vais pas lire ton bouquin !
Rose le regarda et prit un air pensif.
- Ça pourrait être faisable que vous veniez tous… ça s'est bien passé en avril, Père ne serait sûrement pas contre… pour quelques jours, à la fin de l'été par exemple…
Elle mordilla sa lèvre inférieure, moins confiante.
- Enfin, si vous voulez quoi…
- Un peu qu'on veut ! renchérit Idriss. On a eu toute la description du domaine Wayne après les vacances, maintenant on veut voir ça de nos propres yeux !
Elle hocha la tête et leur fit un sourire rassuré.
- Et avant que vous posiez la question, oui, y'aura assez de place pour onze personnes supplémentaires, marmonna-t-elle.
Derek laissa échapper un rire, puis lança :
- Bon, on s'entraine maintenant qu'on a fait nos plans pour l'été ?
Et ils reprirent le cours de leur entrainement. Ils étaient contents d'avoir les sixièmes avec eux, qui avaient partagé leur expérience des BUSE, ce qui les rassurait un peu. C'est seulement quand Terry, épuisé, rata sa cible et détruisit un poteau de son lit à baldaquin, que Nassim répara immédiatement, qu'ils déclarèrent la séance terminée.
Padma s'étira, Lisa étouffa un bâillement et Rose entreprit de ranger un peu, aidée par les autres. Mandy lui glissa :
- Si on vient tous cet été…
- Oui ?
- Tu penses pas que Blaise va faire la crise de jalousie de sa vie ?
Rose haussa les épaules.
- Je vais pas m'empêcher de m'amuser avec mes amis pour ça… j'avais l'intention de l'inviter quelques jours aussi. Mais pas la même semaine ! précisa-t-elle aussitôt.
Mandy leva les yeux au ciel. Lisa et Padma s'ajoutèrent à la discussion et sourirent.
- Oui, on se doute…
Elles continuèrent leur conversation après avoir salué les garçons et rejoint leur chambre.
- T'as pas peur que ça finisse par vous éloigner ?
Rose fronça les sourcils sans comprendre.
- Le fait que tu sépares autant tes amis de ton petit ami, clarifia Padma.
Elle réfléchit un instant, perplexe.
- Je n'y avais jamais pensé… ça me semble tellement naturel de faire comme ça… J'ai mes amis, il a les siens. C'est bizarre vous trouvez ?
- Un peu, mais on a l'habitude d'être les uns sur les autres aussi.
- Pour l'instant ça marche bien comme ça…
Lisa la regarda, étonnée.
- Oui, ronchonna Rose, bon, à part qu'il n'aime pas devoir « prendre rendez-vous » pour me voir… mais je vois pas comment on peut faire autrement vu qu'on est dans deux Maisons différentes !
- C'est vrai que ça ne facilite pas les choses, admit Mandy.
Elles se succédèrent à la salle de bains et se mirent en pyjama, toujours en parlant, des relations avec les garçons en général. Puis Padma finit par dire :
- Vous pensez qu'il lit quoi, au juste, Idriss ? Avec ses histoires d'Animagus nus et je sais pas quoi ?
Lisa eut un gloussement.
- À mon avis, ce ne sont pas des lectures scolaires… ni pour les enfants !
- Les garçons quoi, fit Mandy en croisant les bras. Tous des obsédés.
- Parce que les filles, non ? contra Rose, un sourire aux lèvres.
- Mouais… peut-être… admit-elle à contrecœur, faisant pouffer ses amies.
Rose bailla et souhaita la bonne nuit à tout le monde avant de s'écrouler dans son lit, tirant mollement les rideaux autour d'elle, songeant que filles et garçons étaient les uns comme les autres tout aussi obsédés par le sexe. Elle se transforma en panthère et laissa Kietel se nicher contre elle avant de s'endormir paisiblement.
La semaine après le match Poufsouffle-Serpentard, les cinquièmes étaient toujours noyés sous les devoirs et les révisions, malgré leur décision de ne pas se laisser envahir. Rose venait de fuir Blaise après un moment houleux et une énième dispute. Elle se laissa tomber sur une chaise et posa son sac par terre. Avant même qu'elle sorte ses affaires, Mandy lui lança :
- Ben dis donc Rose ! Ça va ?
- Oui, oui…
- Tu es sûre ? insista son amie.
Elle haussa les épaules et sortit son manuel et ses parchemins.
- Oui, pourquoi ?
- Tu as l'air… épuisée, fit remarquer Lisa.
- Plus la semaine avance, plus tu as de cernes, ajouta Padma.
Rose se frotta le visage pour tenter d'avoir l'air plus réveillée, mais elle dut étouffer un bâillement qui fit rire ses camarades.
- J'avoue que je commence à fatiguer.
- C'est Blaise c'est ça ?
Elle confirma d'un petit « oui ». Derrière la bibliothèque, elles ne pouvaient pas voir un étudiant soudainement figé devant les rangées de livres, l'oreille tendue malgré lui.
- Il m'épuise.
- Vous avez recommencé ?
- Oui. Je sors à l'instant d'un rendez-vous avec lui.
- Aujourd'hui encore ! s'exclama Lisa.
- Vous êtes en grande forme…
- Pour ça oui, apparemment j'ai toujours de l'énergie. Et lui aussi.
William, caché derrière le meuble, ferma les yeux et tenta de chasser les images de son esprit.
- Mais ça fait combien de fois cette semaine ?
Il y eut un petit silence pendant lequel Rose compta.
- Quatre fois.
- Et on n'est que jeudi…
- Tu m'étonnes que tu dormes comme une souche !
Rose baissa la voix.
- Je suis obligée de me transformer toutes les nuits pour dormir en paix. Sinon j'ai trop de… d'émotions.
Elle étouffa un nouveau bâillement.
- À chaque fois qu'on s'est vus cette semaine ça a terminé pareil…
- Il faut vraiment que vous arriviez à vous maîtriser, toi et Blaise.
- Je suis bien d'accord… mais une fois qu'on est partis, c'est difficile de nous arrêter en route…
- Tu sais ce que tu devrais faire la prochaine fois ?
N'y tenant plus, William fit lentement marche arrière. Il ne voulait surtout pas entendre les conseils que Lisa allait donner à Rose concernant sa vie sexuelle avec Zabini. Regrettant de s'être approché des filles sans le vouloir, il fila discrètement hors de la Salle Commune, la gorge serrée.
- Tu te déshabilles avant que la dispute n'éclate ! dit Mandy, coupant la parole à Lisa.
- Très mature, pouffa Rose. On n'avancera jamais à ce rythme.
- J'allais proposer que tu discutes avec lui pour comprendre pourquoi vous vous prenez la tête à chaque fois, corrigea Lisa.
- J'ai essayé, lui apprit Rose. Mais ça tourne vite en rond et on en revient aux mêmes choses.
Elle soupira.
- J'ai du mal à comprendre ce qu'il trouve à ses amis, avoua-t-elle doucement. Je ne le trouve pas assez tolérant pour le reste… et lui est jaloux.
- Toujours ?! s'étonna Padma.
- Mais oui… il est persuadé que, je sais pas, je dors avec William toutes les nuits j'imagine. Ce qui est stupide.
C'était stupide, d'une parce qu'elle et William ne se parlaient toujours que très peu, et de deux, parce que Rose était intimement convaincue qu'il ne dormait pas souvent seul depuis quelques temps. Même si elle se refusait officiellement à y penser, l'idée flottait toujours là, quelque part, dans sa tête. Ses amies avaient la même opinion mais n'en avaient parlé qu'une fois, pour que Rose ne se focalise pas sur ça. Mais là, Mandy craqua après avoir jeté un œil à Rose qui lui fit signe de parler.
- Ce matin après mon cours de Divination… je l'ai vu avec une Poufsouffle, révéla-t-elle à voix basse, presque gênée.
- Moi aussi je les ai vus, mais j'ai pas eu le temps de voir qui était la fille. Juste la couleur de sa cravate, au loin, dit Padma.
- Encore une autre, soupira Lisa. Il les enchaine.
Rose haussa les épaules.
- Il fait bien ce qu'il veut…
Elle se tourna vers Mandy avec un petit sourire moqueur.
- Comme quoi, tu vois que le prince charmant n'existe pas !
Elles gloussèrent avant de se pencher vers leurs devoirs.
Les garçons les rejoignirent peu après, ils échangèrent leurs idées sur tel ou tel devoir, ce qui leur permettait toujours d'avancer plus vite. Puis Derek déclara leur séance terminée parce qu'il était en train de mourir de faim, sans être dramatique. William ne dina pas avec eux, et les filles se jetèrent des regards de connivence sans faire de commentaire. Rose chuchota néanmoins dans les couloirs en repartant :
- Je crois surtout que je vais réduire mes rendez-vous avec lui… après tout on a plein de devoirs et de révisions à faire non ?
- Bonne idée, approuva Lisa sur le même ton, lui prenant le bras pour remonter la tour Serdaigle.
- Et si ça se trouve, en vous voyant moins souvent, vous serez plus calmes ?
- Ce serait triste d'en arriver là non ? Ne pas trop voir son petit ami pour éviter de se disputer avec ? estima Padma.
Comme Rose lui lançait un regard indéchiffrable, elle balbutia immédiatement :
- Enfin, j'en sais rien hein, après tout, c'est pas mes affaires…
- Non, non, rassura Rose en lui souriant. Je pense que tu as raison. Ce serait un peu pathétique. Pourtant je vous jure que parfois, tout va bien, on passe des moments incroyables ensemble… la semaine dernière, par exemple…
Elle soupira en passant la porte de la Salle Commune. Puis elle eut une idée :
- Est-ce qu'on pourrait passer un vendredi soir entre filles ? Si vous avez envie aussi ?
- Ouh j'aime quand tu as de bonnes idées comme ça, répondit Mandy.
- Excellente suggestion, fit Lisa, approuvée d'un signe de tête par Padma.
La rousse avisa Anthony avec les garçons, sur un canapé.
- Je vais juste…
- Vas-y, dit Rose en riant. Rejoins-nous dans la chambre.
- Et dis aux autres ce qu'on fait, sinon ils vont encore nous chercher partout, lança Mandy en levant les yeux au ciel.
Elles eurent des petits rires puis s'engouffrèrent dans leur chambre.
- Havre de paix sans hormones masculines, soupira Padma.
Rose avisa le désordre qui régnait de son côté et eut une mimique effrayée.
- Euh, je crois que je vais commencer par ranger mon bordel…
- Peut-être oui, marmonna Lisa qui venait d'entrer.
Elle était plus maniaque que Rose et semblait s'être retenue de faire des commentaires jusque-là. Rose pouffa et remit de l'ordre, triant les vêtements sales et propres, les parchemins de cours et ramassa livres et magazines qui trainaient. Elle fit même son lit alors qu'elle allait se coucher d'ici peu, délogeant Kietel qui glissa des draps en poussant des couinements ravis. Elle le rattrapa avant qu'il ne termine par terre et le laissa gambader dans la pièce. Il fallait admettre que grâce à sa présence, jamais elles ne retrouvaient d'araignées ou de petits insectes dans leur chambre, ce dont elles lui étaient très reconnaissantes.
Satisfaite, elle recula pour admirer le résultat puis rejoignit Mandy qui farfouillait dans la salle de bains.
- Tu cherches quoi ?
- Mon vernis rouge. Celui avec des paillettes…
- C'est moi qui l'ai ! cria une voix depuis la chambre.
Elles sortirent et Padma le lui tendit.
- Ah, merci !
Elles s'installèrent par terre après avoir enfilé leurs pyjamas et se firent les ongles en papotant. Rose regarda Padma qui soupirait en regardant ses jambes.
- Ça va ?
- Pff. Je déteste les poils. Je les enlève, mais ils reviennent tout le temps !
Lisa rit et Rose se mordilla la lèvre.
- Je suis certaine que… oh mais je sais !
Elle fila vers ses livres et sortit « Enchanter votre quotidien ».
- Il y a un truc là-dedans ! Au chapitre « Beauté et cosmétiques » je suppose…
Elle tourna frénétiquement les pages.
- Ah voilà ! J'ai trouvé.
Elle posa le livre par terre et le tourna vers ses amies, qui lurent le paragraphe avec attention.
- Ça a pas l'air compliqué, commenta Lisa.
- On pourrait essayer… au pire, l'infirmerie n'est pas loin…
La remarque de Mandy les plongea dans un fou rire.
- Allez je me lance ! s'écria Padma, remontant son pantalon au-dessus des genoux.
Elle relut attentivement la page, articula silencieusement le sort plusieurs fois sans toucher à sa baguette, puis finalement l'empoigna fermement. Elle souffla un coup et lança le sort, visant son tibia droit. Elle déplaça la baguette comme le livre indiquait, sembla très calme…
- AÏE !
- Ça va ? s'inquiétèrent aussitôt les autres.
Elles fixaient sa jambe, cherchant des marques, une blessure.
- Oui, oui… les rassura-t-elle. C'est passé, mais qu'est-ce que ça pique !
- Alors, alors ?
Padma se pencha et inspecta sa jambe. Puis elle releva le nez, ravie.
- Plus rien ! C'est fou !
Mandy, Lisa et Rose se penchèrent à leur tour et l'examinèrent longuement.
- Incroyable…
- Lisse comme tout…
- Allez j'essaie ! s'écria Mandy.
- Je te préviens, ça fait mal !
- Tant pis.
Elles y passèrent toutes, poussant des petits cris de douleur, mais trop contentes de leur trouvaille pour abandonner. Puis elles admirèrent leurs jambes, en culotte dans leur chambre, ravies. Lisa partit chercher son agenda et prit une plume.
- Je note la date à laquelle on a fait ça, expliqua-t-elle. Pour savoir combien de temps ça tient avant que nos chers poils reviennent en force.
- C'est écrit six semaines sur le livre… remarqua Mandy.
- Justement, on verra bien !
- Bon, il est formidable ce bouquin, fit Padma en le feuilletant. Tu l'as trouvé où ?
- C'est un cadeau, répondit Rose doucement.
- Tu pourras demander, si ça t'embête pas ?
- Bien sûr.
Elle lui fit un sourire puis s'occupa de peindre ses orteils en bleu.
Zut. « Coucou William, ça fait des mois qu'on n'est plus amis, mais tu l'as acheté où le livre que tu m'as offert pour mon anniversaire ? Oui, mon anniversaire, le jour où j'ai failli te tomber définitivement dans les bras tellement j'étais attendrie, tout à fait. Parce que mes copines voudraient le même bouquin pour pouvoir s'épiler. » Zut.
Rose soupira, puis se dit qu'évidemment non, elle n'allait pas présenter les choses comme ça.
« Salut William, tu l'as trouvé où le livre que tu m'as offert pour mon anniversaire ? Padma l'aime beaucoup. Au fait, c'est qui la Poufsouffle avec qui elle t'a vu ? » Mais non ! Toujours pas !
Elle leva les yeux au ciel à ses réflexions puériles et se concentra sur l'application de vernis sur ses ongles. À côté d'elle, ses amies étaient plongées dans une conversation… intéressante. Mandy hésitait, sa franchise habituelle calmée par la pudeur :
- Vous l'avez fait… souvent ?
Lisa répondit, un peu gênée, mais contente d'en parler :
- Quand on peut, oui… c'est pas facile de se retrouver suffisamment au calme, rien que tous les deux.
- Et… c'est bien ? osa finalement demander Padma.
Rose revissa le bouchon du flacon de vernis et attendit la réponse, elle aussi intéressée.
- Ben… oui ! lâcha Lisa, ce qui les fit rire toutes les quatre.
Rose se lança à son tour.
- Est-ce que ça fait mal… la première fois ? Honnêtement ?
Elles avaient entendu tout et son contraire jusque-là, et visiblement la réponse de Lisa pouvait tout changer. La rousse prit le temps avant de répondre prudemment :
- Oui, un peu. C'est le temps de s'habituer à la sensation, vous savez ? Et puis, Anthony et moi, c'était la première fois pour tous les deux, alors on n'était pas toujours sûrs de nous…
Elle réfléchit encore et ajouta :
- Mais j'imagine que c'est différent pour tout le monde… Nous on était nerveux, autant l'un que l'autre, alors j'étais sûrement un peu tendue… parce que les fois d'après, ça allait mieux.
Elle rit :
- Ça va mieux avec de la pratique, quoi !
Les autres rirent à leur tour, et Lisa fronça de nouveau les sourcils, amusée.
- Ce qui est sûr, c'est que lui n'a pas eu mal une seconde, pouffa-t-elle finalement.
- Mais, toi Rose, avec Blaise… ?
- Quand on se prend pas la tête tu veux dire ? répondit-elle avec humour. Non, on n'est pas allés jusque-là…
Les regards de ses amies l'incitèrent à continuer.
- On fait d'autres trucs super bien…
Elle agita ses mains devant elle.
- C'est plus manuel quoi…
Elles gloussèrent encore en chœur. Rose reprit sérieusement.
- Ça revient à ce qu'on disait avec Mandy… on ne se voit dans l'intimité que dans une salle abandonnée du château, et honnêtement, j'ai pas vraiment envie d'avoir ma première fois dans ces conditions…
- Et voilà pourquoi elle veut l'inviter au Manoir Wayne cet été, taquina Mandy, provoquant leur hilarité.
Rose ne démentit pas et elles échangèrent encore quelques commentaires avant de changer de sujet. Elles ne se couchèrent pas si tard que ça pour un vendredi soir, mais elles étaient contentes d'avoir passé une soirée rien que toutes les quatre.
- Vous avez fait quoi hier soir ? fut la première question qu'un des garçons leur posa le lendemain matin, au petit-déjeuner.
Elles se sourirent : elles avaient anticipé que l'un d'eux allait forcément les interroger sur leur – rare ! – soirée sans eux.
- On a invité un strip-teaseur et on l'a payé en nature, balança Mandy d'un coup.
Les trois autres ouvrirent grand leur bouche, sidérées par son improvisation, pendant que tous les garçons qui les entouraient tournaient la tête, l'air parfaitement choqué l'espace de quelques secondes. Puis les filles partirent dans un fou rire incontrôlable en voyant leurs expressions et elles n'arrivèrent plus à aligner deux mots sensés.
- C'est malin ça, râla Anthony en remontant ses lunettes, souriant faiblement.
Derek s'était mis à rire à son tour.
- Et vous m'avez pas invité ? protesta Terry, hilare aussi.
Cela eut le mérite de calmer Derek instantanément. Il croisa les bras. Terry leva les yeux au ciel et lui sourit.
- Mais t'inquiète pas, tu aurais pu venir aussi… taquina-t-il.
Derek grommela sans que personne ne comprenne et Terry lui prit la main avant de se pencher pour lui murmurer quelque chose à l'oreille.
- Qu'est-ce que tu lui as dit ? demanda aussitôt Padma avec curiosité.
- Probablement qu'il préférerait que ce soit Derek le strip-teaseur, suggéra Rose à mi-voix.
Vu la couleur des joues de Terry, elle avait probablement vu juste. Et leur fou rire reprit.
- On aurait pu inviter Luke, fit Mandy en soupirant, jetant un coup d'œil fugace vers les septièmes années.
- Qui ça ? répliqua aussitôt Nassim.
- Luke, répéta Rose, amusée. Le septième, là-bas.
- On l'a rencontré à la soirée d'anniversaire de William, rappela Lisa.
- Mais si, insista Padma. Le brun athlétique avec un sourire ravageur…
Rose se mordit la lèvre et se retint de dire qu'elle confondait visiblement avec William.
Mais ça va pas mieux hein !
Idriss croisa les bras.
- Parce que nous, on vous suffit pas peut-être ?!
- Faut savoir élargir ses horizons, Idriss, rétorqua doctement Mandy.
Nassim fit un petit bruit contestataire mais n'ajouta rien. Les filles finirent par pouffer devant leurs mines déconfites.
- Je vous signale que je ferais un très bon strip-teaseur, continua Idriss, maintenant amusé.
Elles éclatèrent de rire.
- Ah, ça… sans le voir de nos propres yeux…
- Difficile d'y croire…
- C'est ton fan-club qui serait content si tu faisais un strip-tease pour toute l'école !
- Toute l'école ? s'étrangla-t-il.
- Son fan-club ? intervint William, jusque-là très silencieux.
- Hé bien, oui, son fan-club du Quidditch, dit Lisa. Toutes les filles qui bavent quand elles le voient voler sur son balai…
- Marcher dans les couloirs…
- Manger à table…
- Respirer…
- Ah, oui, mes fans, se remémora Idriss rêveusement. Ça fait longtemps que je suis pas allé leur faire un strip-tease en effet…
Ils s'esclaffèrent tous en même temps.
- On a passé la soirée à discuter en se faisant les ongles, expliqua d'un coup Padma.
Rose exhiba la preuve de leur soirée en agitant ses ongles peints devant leurs yeux.
- Voilà, vous êtes rassurés maintenant ?
- Mouais.
Lisa leva les yeux au ciel et pressa le bras d'Anthony, qui lui sourit. Leur repas fut interrompu par une Poufsouffle qui s'approcha d'eux, presque timidement. Mandy mit un coup de coude à Padma sans rien dire, Lisa et Rose comprirent immédiatement.
- Euh, William ? fit la fille. Tu es prêt ?
- Bien sûr ! répondit-il en s'essuyant la bouche tout en se levant. À plus !
Et il la suivit hors de la Grande Salle. Ils eurent tous le temps de la voir glisser son bras sous le sien.
- C'est qui ? demanda Michael, exprimant ce que tous les cinquièmes pensaient.
- Elle s'appelle Amalie, dit Nassim. Elle est en septième.
Rose fit un petit bruit dédaigneux, ce qui lui attira les regards de ses amis.
- Amalie… c'est le prénom de ma femme de chambre, dévoila-t-elle avec toute la condescendance dont elle était parfois capable.
Elle se leva à son tour.
- Allez, on va être à la bourre en Potions !
Derek lui emboita le pas sans hésiter, suivi par les cinquièmes qui ramassèrent leurs sacs à la hâte.
Le professeur Rogue fut particulièrement exécrable ce matin-là et ils furent tous calmés pour la journée, de nouveau préoccupés par leurs BUSE qui approchaient à grands pas. Plus qu'un mois avant le début des épreuves. Ils se félicitaient toutefois de tenir le choc, quand ils pensaient à certains de leurs camarades qui avaient craqué sous la pression. Ils n'étaient pas du tout aidés par le chaos qui semblait régner quasiment en permanence sur le château, dans une sorte de résistance à Ombrage qui s'était organisée depuis qu'elle était devenue la Directrice temporaire de l'école et que les jumeaux Weasley avaient quitté l'école avec la discrétion qui les caractérisait… c'est-à-dire aucune. Les cinquièmes faisaient relativement profil bas au milieu de tout ça, démoralisés par la dissolution de l'A.D. et l'esprit bien trop obsédé par les examens. Quand ils ne faisaient pas des devoirs, ils révisaient leurs épreuves théoriques. Et quand ils ne révisaient pas leur théorie, ils révisaient leurs épreuves pratiques, toujours dans la chambre des garçons, parfois accompagnés par les sixièmes, en particulier lorsqu'ils révisaient la DCFM.
Un lundi soir, les retrouvailles de Rose et Blaise se soldèrent par une dispute, comme souvent. Pourtant, ça avait bien commencé : ils s'étaient retrouvés en fin d'après-midi à la Bibliothèque, avaient flirté sans être très concentrés sur leurs devoirs pendant une bonne heure. Puis ils s'étaient faufilés dans la Grande Salle, avaient pris de quoi manger pour s'enfermer dans leur salle abandonnée. Leurs lèvres s'étaient vite retrouvées, leurs mains avaient rapidement repoussés tous les vêtements si gênants. Mais ils étaient tous les deux à cran, épuisés et frustrés de ne pas se voir autant qu'ils le voulaient, et leur rencontre ne se termina pas dans des étincelles de plaisir. Rose se désolait de constater que plus ils se prenaient la tête, plus elle avait du mal à contrôler son second battement de cœur. Elle était souvent obligée de se transformer dès qu'elle était en sécurité dans sa chambre, pour satisfaire son Animagus qui était toujours très insistant quand il était décidé. Elle avait souvent l'impression de ne pas le contrôler du tout, et ses bruyantes disputes avec Blaise lui faisaient parfois craindre pour son anonymat. Après s'être lancé des méchancetés qu'ils ne pensaient pas vraiment – du moins c'est ce que Rose estimait – elle abandonna et annonça qu'elle rentrait dans sa tour, rajustant rapidement ses vêtements. Ce qui ne fit qu'augmenter l'irritation de Blaise, car c'était précisément ce qu'il continuait de lui reprocher : de passer le plus clair de son temps loin de lui, là-haut dans la tour Serdaigle. Elle l'ignora et claqua violemment la porte, puis, les poings serrés, navigua dans les couloirs pour retrouver le calme de sa Maison. Il était tard et les couloirs étaient vides, et elle ne croisa aucun membre de la Brigade Inquisitoriale ni de préfets. Sa colère ne diminuait pas, ses poings se serraient convulsivement comme à chaque fois qu'elle essayait de ne pas perdre le contrôle, et ses deux battements de cœur se livraient une guerre sans merci pour savoir lequel des deux serait le plus fort. Elle était à moitié ivre de rage lorsqu'elle entra dans la Salle Commune, après avoir passé un temps plus long que nécessaire à répondre à l'énigme de la porte. Heureusement, la situation à l'intérieur était identique à celle des couloirs : personne en vue. Elle se força à respirer un grand coup, puis à enchainer les inspirations et expirations, comptant les secondes entre chaque pour s'imposer un rythme. Elle regarda une des cheminées éteintes, regrettant qu'il n'y ait pas un feu d'allumé. Regarder les flammes était très apaisant pour l'esprit et elle était sûre que ça l'aurait aidée. Bon, après tout… elle pouvait bien invoquer un feu elle-même. Elle sortit sa baguette et s'approcha. La perspective de se concentrer pour lancer un sort l'aida à relativiser et à se calmer.
Ses yeux se posèrent sur le canapé face à l'âtre froid. Elle retint une exclamation de surprise et recula d'un pas ou deux. Il était occupé. Elle était vraiment hors d'elle pour ne pas avoir senti que quelqu'un se trouvait là. Surtout lui.
Elle contempla William endormi sur le sofa. Il était allongé sur le dos et son bras en travers du visage cachait ses yeux. Rose eut un sourire involontaire, parfaitement attendrie. Il était toujours en uniforme, la cravate défaite, les manches remontées et froissées sur ses avant-bras. Un manuel de Métamorphoses était visiblement tombé au sol, écrasant ses pages. Il y avait un parchemin à moitié rédigé et une bouteille d'encre ouverte sur la table basse à côté. Sans un bruit, elle se pencha et ramassa le manuel, lissa les pages et le referma. Elle vissa le bouchon sur la bouteille d'encre et finit par trouver la plume à moitié sous le canapé, toute froissée. Elle roula le parchemin puis ordonna le tout en une pile nette sur la table. Regardant autour d'elle, elle attrapa sur un fauteuil voisin un plaid bleu, le déplia et en couvrit William, délicatement, pour ne pas le réveiller.
Elle avait fait tout cela sans arrière-pensée, presque automatiquement en le voyant étendu là. Un autre sourire étira ses lèvres et elle recula, toujours discrète, avant de rejoindre les escaliers des dortoirs. Elle s'aperçut à peine que son esprit s'était calmé et que seul un battement de cœur résonnait, calme, en elle. Rose monta se coucher, résistant à la tentation de regarder une dernière fois derrière elle.
- Je vous jure que c'est vrai, insistait William quand les filles rejoignirent les garçons au petit-déjeuner.
- Qu'est-ce qui lui arrive ? s'enquit Padma en s'asseyant.
- Il rêve, voilà, se moqua Nassim.
- Mais non ! Je me suis endormi sur le canapé, et quand je me suis réveillé pour rejoindre la chambre…
- À trois heures du matin en faisant un boucan d'enfer…
William lui sourit d'un air penaud et continua :
- Toutes mes affaires étaient rassemblées et j'avais un plaid sur moi. Tu m'étonnes que j'aie dormi si longtemps sur le canapé, j'étais bien au chaud !
Les autres le considérèrent, perplexes.
- Qui a fait ça tu penses ?
- Probablement un elfe de maison, suggéra Anthony.
- Ce serait bizarre non ? Qu'il range, à la limite, mais envelopper ce pauvre petit William transi de froid dans une couverture, je pense pas… railla Idriss, peu convaincu.
Le brun haussa les épaules. Mandy se tourna vers Rose, soudainement inspirée.
- Oh mais Rose ! Tu es rentrée tard hier soir non ?
- Euh, oui, confirma-t-elle.
William se tourna vers elle, intéressé.
- Tu as vu quelque chose ? demanda Lisa. Quelqu'un ?
- Ou quelqu'une, plus probablement, marmonna Marc, faisant rire les autres.
- Non, désolée… rien du tout, mentit-elle calmement.
Mandy eut l'air déçu. Puis elle sourit.
- Ah tu avais sûrement la tête ailleurs…
Rose haussa un sourcil.
- Tu revenais d'un rendez-vous avec Blaise non ? taquina Padma.
- Ah, oui, oui…
Elle jeta un œil à William, qui avait déjà détourné la tête et regardait le contenu de son assiette.
Allez, dis quelque chose… ça fait trois mois.
- Désolée, je n'ai pas vu laquelle de tes fans s'est occupée de toi, dit-elle finalement avec un sourire amical.
Il hocha la tête et haussa les épaules sans la regarder.
- Pas grave.
Elle retourna à son petit-déjeuner, s'efforçant d'ignorer les raisons pour lesquelles elle avait pris soin de William la veille au soir en le retrouvant endormi dans la Salle Commune.
C'est trop tard et tu. es. passée. à. autre. chose.
Un deuxième tatouage pour accompagner sa phrase fétiche « Il fait ce qu'il veut » ne lui semblait pas si déraisonnable ce matin. Elle secoua la tête et soupira, puis jeta un œil vers la table des Serpentards. Blaise était là et la regardait aussi. Ils se jaugèrent quelques instants, puis Blaise quitta la table avec ses amis sans faire un quelconque signe à Rose. Elle le verrait bien en Astronomie le soir de toute façon…
Mais il l'évita sciemment pendant tout le cours, aidé par leurs nouvelles places assignées quelques mois auparavant par la professeure.
- Tu veux que je lui casse la gueule ? proposa Derek à voix basse alors qu'il posait ses affaires à côté d'elle.
Elle sourit et secoua la tête.
- Mais non. Peut-être que tu peux m'aider à le coincer demain matin avant qu'il ne s'échappe de la Grande Salle ?
- Vendu, accepta-t-il.
Derek prit un plaisir très peu dissimulé à déployer toute sa carrure à la sortie de la Grande Salle pour empêcher Blaise de partir avant que Rose n'ait le temps de lui parler. Le grand Serpentard, pas fou, n'insista pas et attendit que sa petite amie le rejoigne. Derek lui lança un regard noir facile à interpréter avant de partir et Blaise reporta son attention sur Rose.
- Viens, on marche ensemble, fit-elle en l'entrainant dans les couloirs.
Ils restèrent à bonne distance des autres pour avoir tout le loisir de parler sans être entendus. Elle en avait marre de commencer la moitié de ses conversations avec lui en s'excusant, mais elle s'y plia de bonne grâce, pour qu'ils puissent discuter de leur dispute et avancer. Il ne répondit pas tout de suite et le cœur de Rose s'emballa. Et s'il en avait marre lui aussi ? Trop marre pour continuer ?
Mais il soupira et l'attira dans un coin plus calme de la cour intérieure. Il prit son visage entre ses mains et plongea ses yeux dans les siens.
- Je suis désolé aussi, chuchota-t-il. Je ne pensais pas ce que j'ai dit, mais ce n'était pas une raison.
- Merci, répondit-elle sur le même ton. Moi non plus je ne le pensais pas.
Ils rapprochèrent leurs corps et leurs lèvres se lièrent quelques secondes, sagement. Le pouce de Blaise caressait le visage de Rose et cela lui suffit pour que les nœuds dans son ventre se dénouent. Il recula un peu vite et souffla.
- Froid, dit-il.
- Oh, pardon !
Elle avait glissé ses mains – froides – sous sa chemise, presque sans s'en rendre compte. Elle rougit un peu et Blaise ne résista pas à venir l'embrasser, un peu plus fort cette fois. Puis il lui susurra :
- Pas en public quand même…
Elle sourit un peu et passa le bout de sa langue sur la lèvre inférieure de Blaise tout en remettant sa chemise en place. Ses yeux s'assombrirent immédiatement, de cet éclat qu'elle aimait tant.
- Ce soir ?
- Révisions des BUSE, dit-elle en secouant la tête. Demain ?
- Dernier entrainement de Quidditch de la saison, refusa-t-il. Même les remplaçants doivent se pointer. Vendredi soir ?
- Absolument.
Ils échangèrent un nouveau sourire, satisfaits, puis un dernier baiser, avant que Blaise ne file rejoindre sa classe, en retard, alors que Rose partait à la Bibliothèque en attendant le cours d'Histoire de la Magie.
Elle avait la ferme intention de ne laisser aucune dispute éclater vendredi soir. Elle avait d'autres projets en tête.
Vendredi soir, elle s'éclipsa rapidement de la Salle Commune. La porte de leur salle abandonnée était entrouverte et Rose fronça les sourcils, inquiète. Alors qu'elle s'approchait prudemment, un bras apparut et l'attira à l'intérieur. Elle se laissa faire, rassurée. Puis elle fondit en sentant des lèvres se poser sur les siennes. Tout en refermant la porte, Blaise plaqua Rose sur le panneau en bois et se saisit de son visage, pour encore mieux l'embrasser.
- Bonsoir Rose, murmura-t-il.
- Bonsoir Blaise.
Ils se sourirent et elle le regarda sortir sa baguette pour fermer magiquement la porte. Puis il se tourna vers elle.
- C'est quoi l'autre déjà ?
- Discretio obice, répondit-elle en visant l'entrée de sa propre baguette.
Il lui sourit et fit un mouvement pour l'attirer de nouveau contre lui, mais Rose esquiva doucement et recula, vers le bureau qu'elle connaissait bien. Ses yeux étaient plantés dans ceux de Blaise et, sa baguette toujours entre ses doigts, elle défit un premier bouton de son gilet. Le regard de Blaise suivit son mouvement. Au deuxième bouton, il entrouvrit machinalement la bouche. À tâtons, Rose posa sa baguette sur le bureau qu'elle avait atteint. Puis un troisième bouton révéla un peu plus de peau et Blaise commença à avancer vers elle, à pas mesurés, hypnotisé. Un nouveau pas en arrière et Rose buta contre la table. Elle se retourna vivement en entendant sa baguette rouler et se pencha pour la rattraper avant qu'elle ne tombe.
Elle avait toujours le bras tendu de l'autre côté du bureau quand deux mains la saisirent par le haut des cuisses, là où sa peau apparaissait clairement, dévoilée par la petite jupe et les bas courts qu'elle portait. Une caresse enveloppante la fit frissonner et un bassin se plaqua contre elle. Puis les bras de Blaise entourèrent sa taille et la guidèrent pour la relever. Il colla son dos contre son torse.
- Quelle allumeuse, susurra-t-il avant de poser un baiser dans le creux de son cou.
Elle renversa sa tête contre son épaule, ravie de son effet. Les doigts de Blaise jouèrent un instant dans l'encolure du gilet rouge, se coulèrent entre les boutons défaits, écartèrent le tissu de sa peau. Un grognement appréciateur lui échappa quand il comprit qu'elle ne portait que son soutien-gorge dessous et il mordilla la peau fine de sa nuque. Rose se cambra un peu plus contre lui et une main repoussa le gilet pour toucher son ventre. Puis Blaise le fit remonter sur sa peau et le passa par-dessus sa tête, les yeux rivés à sa poitrine. Il plaqua ses paumes sur ses seins et serra un peu, trop impatient de les toucher. Un soupir de contentement lui indiqua qu'il avait bien fait. Sa main droite quitta Rose pour couler vers le bas et s'insinua sous sa jupe, caressant sa peau lentement avant de plonger sous sa culotte, entre ses jambes qu'il écarta en douceur d'un mouvement de son genou. Il caressa Rose de son majeur et son index, prenant le temps de les glisser contre elle, appuyant pour la faire soupirer et sourit en la sentant déjà si humide contre lui. Elle ondula vaguement des hanches, laissant le plaisir envahir son bas-ventre alors qu'il la touchait exactement là où il fallait. Il continuait de poser des baisers sur son cou, allait jusqu'à l'épaule et revenait. Bientôt sa main gauche repoussa la dentelle qui le gênait et il pinça délicatement la pointe du sein de Rose, lui arrachant enfin un léger gémissement. Il accéléra la cadence de ses doigts maintenant mouillés, juste pour l'entendre gémir encore.
- Oh, Blaise… geignit-elle, le souffle court.
Électrisé, il quitta brutalement sa peau et elle ouvrit les yeux, perdue. Il la retourna pour lui faire face et embrassa ses lèvres gonflées.
- Je veux te regarder.
Il fit tomber les bretelles du soutien-gorge et exposa son second sein pour venir l'embrasser. Il en lécha les pointes, les prenant dans sa bouche, sentant les mains de Rose caresser son corps. Elle vint défaire sa ceinture et ouvrir son pantalon. Il ferma les yeux une seconde alors qu'enfin, elle le touchait à son tour. Rose prit son érection dans sa main et pendant qu'elle entamait un mouvement délicieux, Blaise reposa sa main contre sa culotte. Il faufila ses doigts de nouveau, écartant le sous-vêtement, et reprit sa brulante caresse. Il titilla encore ses seins de sa langue et Rose gémit plus fort. Elle ramena le visage de Blaise vers elle et l'embrassa fiévreusement, sans qu'ils ne cessent de se toucher mutuellement. Elle sentit un doigt abandonner son clitoris et chercher un nouvel endroit inexploré en remuant doucement. Lorsque Blaise trouva l'entrée, il s'immobilisa une seconde et Rose l'encouragea d'un léger mouvement. Alors il glissa, millimètre par millimètre, son majeur en elle. Rose gardait la main serrée autour de son membre dur mais ne bougeait plus, concentrée sur cette nouvelle sensation, les yeux rivés à ceux de Blaise. Ses muscles eurent un petit spasme autour du doigt, ce qui fit sourire Blaise, ravi. Il manifesta sa frustration en bougeant doucement le bassin pour l'inciter à le caresser de nouveau. Elle reprit aussitôt son mouvement, plus intensément, le faisant gémir à son tour. Le majeur de Blaise fit quelques va-et-vient qui firent ouvrir la bouche à Rose. Leurs rythmes s'accordèrent et ils continuèrent quelques instants avant de recommencer à s'embrasser. Rose se cramponna au t-shirt de Blaise, il la tenait par la taille, ses ongles presque enfoncés dans sa peau. Il retira son majeur et revint danser sur son clitoris alors qu'elle accélérait le rythme de sa main sur son érection. Il gronda de plaisir et enfouit son visage dans le cou de Rose. Ils faisaient tous les deux des mouvements involontaires de bassin, pris dans leurs caresses, proches de l'extase. Blaise alla un peu plus vite en sentant les jambes de Rose trembler. Ses gémissements se muèrent en ces petits cris qu'il adorait et il eut une inspiration troublée.
- Continue… je vais jouir… gronda-t-il.
Rose fut saisie par son orgasme la première et poussa un autre cri de plaisir. Les doigts de Blaise continuèrent leur caresse un instant et d'un coup, son majeur glissa de nouveau en elle. Elle sentit ses muscles se contracter involontairement autour de lui et eut un gémissement presque surpris, sentant son plaisir se prolonger. Sa main droite ne cessait de monter et descendre autour de Blaise, qui lança enfin un cri guttural de jouissance, son sperme coulant sur les doigts de Rose, son érection pulsant dans sa main. Terrassés par leurs orgasmes, ils restèrent un moment immobiles, sans enlever leurs mains l'un de l'autre, reprenant leur souffle, se regardant avec intensité. Enfin, Rose gigota un peu, l'incitant à retirer son majeur, ce qu'il fit doucement pendant qu'elle le relâchait. Ils baissèrent le regard et contemplèrent la main de Rose et les doigts de Blaise, échangeant de petits sourires satisfaits avant de se nettoyer d'un coup de baguette magique. Ils s'aidèrent à se rhabiller, ce qui leur prit un temps considérable car ils s'arrêtaient sans cesse pour s'embrasser. Blaise renonça à coincer son t-shirt dans son pantalon car Rose le froissait sans cesse pour venir toucher son ventre. Elle ne reboutonna pas son gilet jusqu'en haut car Blaise déposait automatiquement des baisers sur sa peau dès qu'il regardait son décolleté – c'est-à-dire, souvent. Rose retrouva l'usage de la parole et lança timidement :
- C'était bien… ce que tu as fait… j'ai aimé.
Un son ravi sortit de la gorge de Blaise et il l'embrassa une nouvelle fois. Elle sourit contre ses lèvres. Elle n'osait pas toujours exprimer ce qu'elle ressentait, tout simplement car Blaise ne parlait que très peu quand ils se touchaient jusqu'à l'orgasme, alors elle suivait son exemple. Mais vu la passion qu'il mit dans leur baiser, elle pensa qu'elle le ferait plus souvent.
Apaisée par leur jouissance – et rassurée de la bonne tournure de leur soirée – Rose entraina Blaise sur le canapé, où elle se blottit contre lui. Elle poussa un soupir satisfait qui le fit sourire, puis l'interrogea sur son entrainement de Quidditch de la veille.
- C'était… frustrant, dit-il.
- Pourquoi ?
- Ils n'ont toujours pas décidé quelle serait la composition de l'équipe l'an prochain. J'ai encore insisté, mais je sais pas ce que ça va donner…
- Je croyais que les sélections se faisaient en début d'année ?
Il haussa les épaules, un sourire en coin.
- Oui, officiellement bien sûr… mais on sait que ce sont souvent les remplaçants qui sont choisis en priorité. J'espérais en savoir plus, mais bon…
Elle lui fit une moue désolée et il sourit en embrassant le coin de ses lèvres. Ils parlèrent de leurs révisions et des cours, comme souvent, puisque c'était l'obsession commune à tous les cinquièmes pour le moment. Ils étaient d'accord pour dire qu'ils n'en pouvaient plus et avaient hâte que les BUSE soient terminées.
- Tu fais quoi cet été ? demanda-t-elle brusquement.
- Bonne question… Je crois que ma mère a prévu un long voyage.
- Où ça ?
- Dans sa famille, au Mozambique.
Elle ouvrit de grands yeux.
- Vous allez partir longtemps tu penses ?
- Probablement tout l'été…
Il avisa sa mine déçue qu'elle ne put cacher à temps.
- Pourquoi ?
Elle se mordit la lèvre avant de répondre.
- Je pensais que peut-être, on aurait pu se voir… tu aurais pu venir au Manoir par exemple.
Il caressa sa joue et sourit.
- Je verrai avec ma mère quand même d'accord ? Si ça se trouve, j'ai mal compris ses plans… et je pourrai venir…
Rose lui sourit aussi avant de l'embrasser doucement. Il joua distraitement avec les boucles de ses cheveux et posa ses lèvres dans son cou. Elle ferma les yeux pour mieux en profiter.
- Une chance qu'on se voie pendant le week-end ? tenta-t-elle. Au milieu des révisions…
- Bien sûr, approuva-t-il sans attendre. Dimanche, on étudie ensemble le matin ?
- Oui, chuchota-t-elle distraitement, absorbée par ses baisers et les caresses qu'il lui administrait. Mais on fait un break l'après-midi.
- Pas de problème… ne porte pas trop de vêtements.
Elle rit et rouvrit les yeux.
- Je pensais plutôt à une balade dans le parc s'il fait beau…
- Pourvu qu'il fasse orage, grommela-t-il.
Elle éclata de rire et l'embrassa, les cuisses réchauffées par ses grandes mains qui s'y enroulaient encore. Il alla y déposer quelques baisers et elle remua sous ses lèvres, enchantée par la douceur qu'il y mit. À sa déception, il s'éloigna d'elle et elle soupira, une moue boudeuse sur le visage.
- Il est presque minuit. Ne boude pas, je veux seulement nous éviter des ennuis, expliqua-t-il en souriant.
- D'accord, d'accord…
Lorsque Rose rejoignit sa Salle Commune, il était près d'une heure du matin et elle avait l'impression que sa peau brulait de tous les baisers que Blaise y avait déposés, pour qu'elle ne lui en veuille pas d'interrompre leur soirée. Elle sourit bêtement en passant la porte et monta se coucher, la tête ailleurs.
Elle eut l'impression de s'être couchée seulement quelques minutes auparavant quand une voix lui parvint :
- Rose… Rose réveille-toi…
Elle poussa un grognement peu distingué en se retournant.
- Rose, il est presque onze heures…
- Et alors ? geignit-elle.
- T'as raté le petit-déjeuner ! clama une voix beaucoup plus enthousiaste.
Rose ouvrit les yeux et redressa aussitôt la tête. Mandy éclata de rire.
- Voilà, il suffit de savoir la prendre par les sentiments.
La jeune fille bailla et s'assit en s'étirant. Padma ouvrit ses rideaux et elle plissa les yeux à cause de la lumière.
- On t'a laissée dormir autant que possible, mais on s'est dit que tu allais regretter de rater aussi le déjeuner, résuma Lisa, amusée.
- Bonne idée, répondit Rose en souriant.
Elle regarda Mandy qui la fixait, un sourire en coin.
- Quoi ?
- Bonne soirée hier ?
Elle gloussa.
- Très bonne. J'ai appliqué la méthode Mandy.
- C'est-à-dire ?
- Je me déshabille avant, je discute après, révéla Rose en éclatant de rire.
Ses amies pouffèrent à leur tour.
- Ça marche très bien.
Elles échangèrent encore quelques commentaires pendant que Rose allait prendre sa douche.
- On se revoit dimanche, leur apprit-elle en terminant de s'habiller. On va passer toute la journée ensemble, je pense…
- Et tu n'as pas peur…
- Qu'on s'engueule ? Si, toujours.
Elle haussa les épaules.
- Je sais que j'avais dit que je réduirais mes rendez-vous avec lui, mais bon…
- Il y a des choses qui n'attendent pas, commenta Mandy avec un petit rire.
- Voilà, confirma Rose, gloussant de nouveau. On descend ?
Rose fut accueillie par Derek, qui l'attendait visiblement en bas des marches, les bras croisés et l'air mécontent. Elle haussa les sourcils de surprise puis se mordilla la lèvre. Derek n'était jamais fâché contre elle.
- Oui ?
- T'es pas un peu dingue ? attaqua-t-il directement.
Elle croisa les bras à son tour, attendant la suite.
- T'as raté le petit-dèj ! Comme ça, sans prévenir !
Elle éclata de rire et lui mit une tape sur le bras. Il se dérida finalement et l'entraina contre lui.
- Ça va, tu te sens pas trop faible ?
- Terriblement, avoua-t-elle. Les étoiles devant les yeux et les muscles mous.
- Et voilà, j'en étais sûr. C'est dangereux mon chat !
Un nouveau rire résonna et elle se dégagea de son étreinte pour passer son bras sous le sien.
- Vite, emmène-moi à la Grande Salle !
- Alors, ta soirée ? chuchota-t-il en prenant la tête du groupe de Serdaigles qui les imitèrent.
- Incroyable, répondit-elle à voix basse. On a… enfin, bref, c'était bien.
Derek fut secoué de son rire sonore. Puis il reprit, sérieux :
- Vous avez… jusqu'au bout ?
- Non, t'es fou, marmonna-t-elle. Pas dans une salle de classe, et encore moins sur ce vieux canapé pourri. Je suis une noble moi, il me faut au moins des draps de soie et un matelas king size. Pour mon égo.
Un fou rire les occupa jusqu'à ce qu'ils soient devant leurs assiettes.
- Alors, Quidditch encore ? demanda Mandy aux joueurs présents.
- Ouaip, confirma Idriss. Ce midi. Et demain aprèm.
- Et mardi soir… continua William.
- Et jeudi soir, termina Derek.
- Roger va nous achever, grogna Michael.
Le dernier match de la saison approchait et l'équipe allait affronter Gryffondor le samedi d'après.
- Allez, bibliothèque… annonça finalement Anthony, provoquant un concert de gémissements désespérés.
Il fut inflexible et Lisa l'aida à mener tout le monde pour étudier – pour changer. Vers midi, ils allèrent manger en vitesse, puis les joueurs de Quidditch les quittèrent, contents de faire une pause dans les révisions.
- Courage ! lança Michael, moqueur, à ses amis qui faisaient la tête.
- On pourrait quand même… faire une petite pause… osa timidement Mandy sans regarder Anthony.
Elle se cacha derrière Rose alors qu'il se tournait vers elle. Il n'eut pas le temps de parler que Lisa lui pressait gentiment le bras.
- C'est une bonne idée tu sais… on pourrait aller regarder l'entrainement, pour prendre l'air…
Il remonta ses lunettes sur son nez et paraissait réfléchir. Mais Rose se rendit compte qu'il avait surtout l'air très absorbé par la caresse amoureuse que lui faisait Lisa sur la main et pensa qu'il allait craquer.
- D'accord, d'accord… soupira-t-il enfin.
Les autres exprimèrent leur soulagement et n'attendirent pas qu'il change d'avis. Rose prit la tête du convoi et suivit, de loin, la silhouette de Derek, qui finit par se retourner.
Il les vit arriver et s'arrêta pour les laisser le rejoindre.
- On vient vous regarder, annonça Rose.
- Lisa a convaincu Anthony de nous accorder quelques heures de répit, dit Padma, visiblement soulagée.
- Alors on vient glander au soleil, continua Nassim.
- Et Terry vient te mater, ajouta Lisa avec un clin d'œil.
Ils se remirent en route et Derek les quitta pour rejoindre le reste de l'équipe dans les vestiaires. Ils s'installèrent tous les huit dans l'herbe derrière la barrière du terrain, profitant du soleil qui brillait et les réchauffait. Leurs capes posées en tas à leurs côtés, ils observèrent les joueurs s'élancer sur le terrain et papotèrent tout en les suivant du regard. Des gloussements les interrompirent en pleine critique du jeu de Cho Chang et ils se penchèrent tous en même temps vers la source du bruit.
- Ah, c'est le fan-club d'Idriss… remarqua Padma avec un sourire amusé.
Quelques filles regardaient leur ami voler et pouffaient tout en faisant des commentaires sur son physique. Mandy leva les yeux au ciel.
- Qu'est-ce qu'il est beau ! s'exclama l'une d'elles.
- Oh là là je crois qu'il m'a vue !
- Mais non, c'est à moi qu'il a fait coucou ! protesta une troisième.
Anthony fronça les sourcils. Idriss était bien trop loin pour faire coucou à qui que ce soit, ce dont il fit part à ses amis.
- Oh ! lâcha Lisa, comprenant soudainement.
- Quoi ?
Elle se racla la gorge et clarifia :
- Ce sont pas les fans d'Idriss…
- Ce sont celles de William, termina Rose en croisant les bras malgré elle.
Elle avait compris à son tour en le voyant faire un grand salut à la petite troupe de filles, son large sourire dévoilant ses dents.
- Il est tellement charmant, soupira l'une des filles agglutinées près du terrain.
- Charmant, mouais, railla Nassim. C'est pas vraiment l'adjectif que j'aurais choisi hein…
- Moi je préfère Idriss de toute façon, ajouta une autre.
- Ah, ben voilà… on lui dira, ça lui fera sa journée, s'esclaffa Marc.
- Mais elles sont combien au juste ? ronchonna Mandy.
- Plus d'une trentaine d'après les joueurs, moins de sept d'après les observateurs, compta Terry, déclenchant les rires de ses amis.
Les filles à leur droite ne disaient plus rien, apparemment subjuguées par l'entrainement en cours. Puis Rose et les autres tendirent de nouveau l'oreille, beaucoup trop curieux :
- De toute façon, vous avez aucune chance avec lui, lança celle qui préférait Idriss.
- Ah bon et pourquoi pas ?
- Il parait qu'il est en couple avec une Poufsouffle.
- Mais non, on l'a vue avec une Serdaigle ! contra une autre.
- N'importe quoi ! C'était une Serpentard !
- Mais attendez, il était pas avec une Gryffondor l'autre jour ? s'interrogea une des filles.
- Vous savez quoi ? pouffa une voix moqueuse. Je crois bien que vous avez toutes raison !
Et elles gloussèrent toutes en chœur. Rose leva involontairement les yeux au ciel et se concentra sur la silhouette de Derek, qui avait le Souafle sous le bras.
- Elles ont tort, annonça d'un coup Nassim.
Ses amis se tournèrent vers lui.
- Il est jamais sorti avec une Serpentard.
Il fut secoué d'un rire communicatif et bientôt ils riaient tous, assez peu discrètement. Idriss ne résista pas et descendit près d'eux pendant une pause dans le jeu.
- Pourquoi vous vous marrez ? s'enquit-il, inquiet de rater quelque chose de capital.
- On observe les ravages que William fait parmi la gent féminine, résuma sobrement Anthony, ce qui ne fit que redoubler les rires.
Idriss tourna la tête vers l'attroupement de filles et fronça les sourcils.
- T'inquiète pas, rassura aussitôt Padma, y'en a au moins une qui te préfère.
- Ah, ça me rassure ! Mais bon, vous devriez regarder par-là, fit-il en désignant un autre coin, en bas des gradins. Moi, mes fans – et ceux de Derek, d'accord – sont là…
Ils se penchèrent comme une seule personne et constatèrent qu'il ne mentait pas : des étudiants et étudiantes rassemblées regardaient Idriss. Il leur fit un signe de la main, déclenchant des exclamations énamourées, puis se tourna vers ses amis et leur lança un clin d'œil avant de repartir comme une flèche vers le milieu du terrain d'où Roger appelait. Les Serdaigles restants évitèrent soigneusement de se regarder, mais Rose craqua :
- Merlin, on est au milieu… imaginez, ça tourne au pugilat… on n'en sortira pas vivants…
Et leur fou rire reprit de plus belle. Terry vit Idriss glisser quelques mots à Derek avant de repartir vers ses buts. Le grand blond tourna la tête vers le groupe de fans… et sourit. Terry croisa les bras et lâcha un petit geignement scandalisé.
- Mais je t'en prie, va faire ton shopping surtout !
Rose le regarda en se mordant la lèvre pour retenir son hilarité. Puis elle lui mit un petit coup de coude.
- Tu sais bien qu'il ne voit que toi… rappela-t-elle avec douceur.
Un bruit étouffé sortit de sa gorge mais il ne répondit pas, toujours vexé. Un cri paniqué retentit dans le terrain.
- Will, derrière toi !
- ATTENTION ! rugit Derek au même moment.
Un cognard que Michael ne parvint pas à dévier fonçait sur William. Il arma son bras droit et sa batte vint s'écraser contre le Cognard à la dernière seconde, le faisant zigzaguer loin de lui, mais il fut déséquilibré par l'impact inattendu et glissa de son balai. Ils l'entendirent jurer et ne purent que le voir se cramponner d'une main à l'extrémité du manche, son corps suspendu dans le vide. Des cris apeurés montèrent parmi son groupe de fans. Les Serdaigles s'étaient figés, Mandy avait les mains sur la bouche et Rose avait sauté sur ses pieds et se tenait à la rambarde, les muscles tendus. Elle avait machinalement sorti sa baguette, comme tous les autres. Elle regarda William parvenir à agripper son balai des deux mains au lieu d'une, puis elle eut une idée. Elle pointa sa baguette vers lui.
- Mobilicorpus ! s'écria-t-elle fermement.
Aussitôt elle sentit le corps de William répondre aux mouvements de son sort. Il tourna la tête vers la voix qui avait crié et qui le tenait prisonnier du sortilège. Calmement, sans le quitter des yeux pour ne pas se déconcentrer, elle contourna la barrière et avança sur le terrain tout en forçant William à perdre de la hauteur. Il n'était pas si haut que cela, heureusement. Son balai imposait une force contraire, voulant rester dans les airs, mais ce n'était pas insurmontable.
Encore quelques mètres… elle ne respirait plus vraiment et ne reprit son souffle que lorsque les pieds de William touchèrent le sol, en douceur. Lorsqu'il fut bien stabilisé, elle rompit le charme et baissa le bras. Ses mains tremblaient et elle se mordait furieusement la lèvre sans s'en rendre compte. Ni elle ni William n'entendirent les exclamations soulagées et joyeuses qui retentirent autour d'eux. Ils ne se quittaient pas des yeux, debout à une vingtaine de mètres l'un de l'autre. Rose était incapable de bouger et sentait ses muscles se ramollir à mesure que l'adrénaline retombait. Plusieurs envies lui flottaient dans la tête et elle luttait contre chacune d'entre elle. Elle aurait bien voulu se laisser tomber sur le sol pour soulager ses muscles trop tendus. Ou se transformer pour échapper au tourbillon de pensées qui l'assaillaient. Ou, et c'était ce qui la gênait le plus, se jeter au cou de William, pour l'embrasser, éperdument, follement. Et aussi, elle aurait bien aimé savoir pourquoi il la fixait comme ça sans bouger ni parler non plus.
Finalement, ce fut tout autre chose qui prit le dessus : elle se mit à pleurer. Les yeux soudainement brouillés par les larmes, elle ne vit pas William qui faisait quelques pas en avant, mais elle sentit très bien quelqu'un la bousculer et la dépasser en courant.
- Will ! clama une voix féminine.
Rose essuya ses joues, furieuse contre elle-même, et vit une fille se jeter au cou de William, qui arracha enfin son regard de Rose.
- Oh j'ai eu tellement peur ! geignit la fille.
Il referma ses bras autour d'elle. Rose se détourna et posa ses yeux au loin, incapable de lutter contre ses larmes, qui coulaient sans qu'elle n'arrive à les arrêter.
Peut-être que ce n'était qu'une conséquence de toutes ces choses qui se passaient dans sa tête. Mais des souvenirs du terrain de Quidditch qu'elle refoulait depuis longtemps se mirent à exploser en elle.
William étendu sur le sol, la nuit.
La Serpentard penchée sur lui, sa baguette collée contre sa gorge.
L'électrochoc de penser William mort. Ses yeux ouverts et vitreux, ses muscles tétanisés.
Et le sort de Lévitation pour le mener jusqu'à l'infirmerie.
Tout défila très vite, trop vite et ses larmes redoublèrent. Elle plaqua la main sur sa bouche pour calmer ses sanglots et secoua la tête. Elle rangea sa baguette d'une main toujours tremblante, regardant l'herbe à ses pieds, essayant de se calmer, sans grand succès. Des images plus sanglantes lui revinrent en mémoire.
La panthère qui attaquait la Serpentard. Ses griffes qui lacéraient la peau fragile. Ses crocs qui allaient se planter dans le cou offert.
La Serpentard évanouie qui se vidait de son sang.
Ses mâchoires qui bougeaient alors que les professeurs arrivaient.
L'intervention de Mandy. La mémoire modifiée.
Le regard dur de l'infirmière posé sur Rose.
Et l'absence, cette terrible, culpabilisante absence de remords lors de son attaque enragée.
Elle sentit Derek se poser en catastrophe à ses côtés. Elle étouffa un nouveau sanglot alors qu'il prenait sa main dans la sienne.
- Mon chat…
- J'ai cru qu'il allait mourir… encore…
Elle jura et enfouit son visage contre le torse de Derek qui la serra contre lui.
- Je me sens tellement débile…
- Pourquoi ? murmura-t-il enfin.
- Parce que…
Elle fit un geste vague vers William qui discutait à voix basse avec la fille qui s'était jetée dans ses bras.
- J'arrive pas à m'empêcher de penser que ça devrait être moi, là-bas…
La fin de sa phrase fut noyée par un pleur qui déchira le cœur de Derek.
- Viens mon chat, on rentre.
Elle hocha faiblement la tête et il l'entraina avec lui après avoir fait un signe à son capitaine d'équipe. Leurs amis les suivirent silencieusement, menés par Lisa, leur laissant de l'avance. Ils marchèrent lentement au travers du parc, ce qui permit à Rose de reprendre doucement ses esprits. Elle parla plus calmement de la panique qui l'avait saisie en voyant William accroché à son balai, des souvenirs qui étaient remontés brutalement en l'imaginant mourir, en utilisant le Mobilicorpus. Elle mentionna clairement ce qui s'était passé quand elle avait attaqué la Serpentard, ce qu'elle avait pensé, ce qu'elle avait failli faire. Elle y mit plus de mots qu'elle ne l'avait jamais fait, au lieu de simplement montrer ses souvenirs. Derek l'écouta attentivement, sans jamais relâcher son bras qu'il tenait fermement. Puis elle termina avec ses sentiments qu'elle tentait vainement d'écraser depuis le mois de février, de ses doutes sur sa relation en dents de scie avec Blaise, de son manque de William, et s'excusa de répéter les mêmes choses, celles que Derek connaissait déjà… les larmes se tarirent d'elles-mêmes alors qu'ils étaient encore dans les escaliers de la tour Serdaigle.
- Je suis fatiguée, murmura-t-elle simplement en arrivant en haut des marches.
- Viens.
Il la guida jusqu'à son propre lit et s'allongea contre elle après avoir retiré sa tenue de sport. Il lui murmura des paroles rassurantes et la réconforta comme il le put, caressant ses cheveux pour l'aider à se détendre. Il ne jugea pas son couple chaotique avec Blaise ni ne fit de commentaire sur sa relation encore plus étrange avec William. Elle le savait déjà, au fond d'elle et n'avait pas besoin de ça maintenant. Elle le remercia un millier de fois, ce qui le faisait sourire à chaque fois. Puis il sentit sa respiration s'apaiser, au chaud dans ses bras. Il attendit qu'elle soit bien endormie avant de se laisser aller à son tour et de fermer les yeux.
Lorsqu'il se réveilla, un félin noir était blotti contre lui et respirait calmement. Il retint sa respiration et bougea doucement son bras engourdi. La tête velue se tourna vers lui et cligna des yeux. Il la toucha avec douceur et sourit. Les muscles de la panthère s'étirèrent et elle secoua la tête, comme pour mieux se réveiller.
Des éclats de voix énervées dans le couloir les firent sursauter. Lorsque la porte s'ouvrit avec fracas, la panthère bondit et se positionna entre Derek et l'entrée, le poil hérissé et les crocs découverts.
- Laisse-les tranquilles ! clamait Mandy.
- Je veux la voir, protesta une voix forte, noyant les protestations des cinquièmes.
William repoussa Anthony et entra dans la pièce. Il avisa les oreilles couchées en arrière du félin hérissé et la queue qui battait furieusement l'air. Il se figea et regarda tour à tour l'animal et Derek qui s'était redressé, la main autour de sa baguette. Le blond se détendit et l'empocha en comprenant que ce n'était que leur ami qui venait de débarquer. La panthère rabattit ses babines sur ses dents et cessa son grondement bas avant de reprendre une attitude moins menaçante. Elle descendit souplement et s'assit à côté de Derek. Elle hésitait à reprendre forme humaine et attendit patiemment avant de se décider. Elle tourna la tête vers son meilleur ami et la pencha un peu sur le côté. Il n'arrivait pas bien à saisir ce qu'elle ressentait en étant un animal, mais il comprit sa question muette sans avoir besoin d'utiliser son don.
- C'est comme tu veux mon chat…
Elle hocha doucement la tête.
- J'y vais alors.
Il se pencha vers elle et chuchota :
- Je reste à côté. Tu hurles.
Avant de sortir, sa grande main attrapa le bras de William et il l'écrasa de son regard noir quelques secondes. William ouvrit de grands yeux et ne parla pas, comme hypnotisé. Derek entraina Michael qui était resté sur le seuil et tira la porte sans la fermer complètement.
William reposa son regard sur le félin, l'air un peu hébété. Il désigna derrière lui du pouce.
- Qu'est-ce qu'il vient de me faire ?
En un instant, Rose se tenait debout, à bonne distance de lui. Elle croisa les bras.
- Derek est un Legilimens né, expliqua-t-elle doucement, un sourire attendri flottant sur les lèvres. Et toi, tu es très mauvais en Occlumancie.
Il sembla reprendre ses esprits.
- Il vient de…
Rose leva rapidement les deux mains pour l'arrêter et protesta :
- S'il l'a pas dit à voix haute, ça me regarde pas.
- Me menacer de mort, termina-t-il néanmoins.
Elle se mordit la lèvre pour réprimer un sourire et il eut un air légèrement scandalisé devant la légèreté avec laquelle elle prenait l'annonce.
- Que veux-tu, il est un peu… protecteur.
- C'est le moins de le dire, en effet, marmonna William.
Puis il secoua la tête et la regarda calmement.
- Merci, dit-il tout doucement.
Il fit un pas supplémentaire dans la pièce. Rose ne bougea pas, ne le quitta pas des yeux.
- Merci de m'avoir sauvé la vie, reprit-il.
Ça aurait été cliché de dire que c'était normal, que tout le monde aurait fait pareil… Alors elle opina sans rien dire.
- Deux fois, dit-il soudainement.
Le sourcil de Rose se haussa et elle resta interdite.
- Aujourd'hui… et en février.
Cette fois-ci, elle baissa les yeux. Ils n'en avaient jamais parlé. Elle ne savait même pas qu'il était au courant. Il sembla hésiter un peu, mais poursuivit.
- C'est Madame Pomfresh qui me l'a dit, juste tout à l'heure. Roger m'a forcé à aller à l'infirmerie, et elle m'a demandé qui m'avait sauvé cette fois-ci. Et elle a raconté que c'était toi, en février, quand j'étais inconscient.
Il se racla la gorge.
- Rose, pourquoi… pourquoi tu me l'as jamais dit ?
Elle rassembla son courage et ses yeux retrouvèrent ceux de William. Puis elle haussa les épaules. Sa voix était un peu enrouée.
- Je sais pas… je…
Elle savait très bien pourquoi. Elle n'avait pas eu la moindre envie de parler de cette horrible soirée par la suite, surtout avec quelqu'un qui l'avait rejetée comme il l'avait fait. Les yeux bleus la transpercèrent et il reprit la parole, sa voix un simple murmure.
- Tu mens. Tu sais pourquoi.
Elle grogna, agacée qu'il lise si facilement en elle lui aussi.
- Qu'est-ce que tu sais de ce soir-là ?
- Que je me suis fait attaquer par des lâches et que je me suis réveillé à l'infirmerie sans avoir pu participer au combat, résuma-t-il, l'air frustré. Pas grand-chose donc.
Rose opina encore, inspira un coup. Puis elle se lança. Il fallait qu'elle mette de nouveaux mots dessus, pour qu'il sache lui aussi.
- Des gamins sont venus nous prévenir, on s'est précipités dehors. Je m'étais transformée en descendant les escaliers, j'avais glissé sur une marche, c'était le seul moyen de ne pas tomber… Quand on est arrivés, c'était le bordel… on s'est jetés là-dedans sans réfléchir.
Elle entoura son buste de son bras, laissa son regard dériver dans la salle.
- J'ai foncé vers Derek, j'ai sauté sur un étudiant qui allait l'attaquer et je l'ai mis hors-jeu. J'étais toujours avec Derek quand Terry nous a protégés de plusieurs sorts, puis il m'a dit de partir me battre, alors je l'ai fait…
Elle fronça les sourcils. C'était toujours un peu confus.
- J'ai lancé des sorts, puis j'ai vu Anthony désarmé, alors je me suis encore transformée et je suis allée l'aider… je me souviens que j'ai regardé autour de moi pour voir qui avait besoin de moi. Personne ne me voyait, noire dans la nuit…
William l'écoutait sans bouger, plus attentif que jamais.
- Je crois que j'essayais de compter qui était encore debout ou pas, quels Serpentards restaient à faire tomber, supposa-t-elle. J'ai vu quelqu'un allongé dans l'herbe, une fille penchée au-dessus.
Elle mordilla encore sa lèvre.
- J'étais rassurée car je me suis dit que cette personne n'était pas toute seule, mais je me suis approchée quand même. Et j'ai compris mon erreur.
Rose se racla la gorge pour stabiliser son émotion.
- Tu étais là, inconscient, et cette fille, à genoux, avec sa baguette sur ta gorge…
Elle porta inconsciemment une main à son cou.
- Elle allait lancer un sort, je l'ai vue, elle ne te quittait pas des yeux, elle a ouvert la bouche…
Ses yeux se fermèrent. Elle lutta contre quelques larmes et laissa un silence s'installer. Elle expira.
Allez, termine. Fais-le pour toi au moins.
- J'ai pété un plomb. Je me suis jetée sur elle, je ne l'ai pas lâchée… et on a roulé, et je l'ai griffée.
Elle secoua la tête, les paupières toujours baissées.
- Non. Je l'ai lacérée, corrigea-t-elle. Il y avait du sang partout dans l'herbe… et puis…
Sa voix se brisa et les larmes étaient sur le point de déborder. Elle serra les paupières.
- Ça fait trois mois que j'essaie d'oublier ce que j'allais faire, murmura-t-elle d'une voix tremblante. J'ai pris le dessus et j'étais sur elle, elle saignait, elle était tétanisée. J'ai vu son cou, et j'ai ouvert la gueule et…
Elle serra les poings.
- J'allais le faire. J'allais la tuer. Ça aurait été facile… si facile…
William avait bougé mais elle resta dans le noir, incapable d'affronter son regard.
- Mais les autres m'ont retenue. À plusieurs, ils m'ont attrapée, ils ont essayé de m'éloigner d'elle. Et Lisa m'a rappelé que tu étais là, et je sais pas… ça m'a fait un électrochoc alors j'ai abandonné et je t'ai rejoint.
Elle entrouvrit les yeux. William était juste devant elle, à portée de main. Elle les referma.
- Et j'ai cru que… tu étais mort, résuma-t-elle.
Une larme s'échappa enfin et elle ne fit pas un geste pour l'enlever.
- Tes yeux étaient grand ouverts et tu étais blessé et tu ne bougeais pas et… c'était horrible, souffla-t-elle.
Elle remua les jambes pour se donner l'élan de continuer, sans essayer de retenir les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle ouvrit finalement les yeux et regarda ses pieds, et ceux de William, pas loin d'elle.
- La fille… était plus ou moins inconsciente. Les professeurs sont arrivés, et on a…
Elle se corrigea immédiatement.
- J'ai décidé d'altérer sa mémoire. Pour qu'elle oublie ce qu'elle avait vu, pour qu'elle ne puisse pas me dénoncer.
Son pied traça une forme sur la moquette.
- Ensuite je suis restée avec toi. J'ai tenté un Antisort et je t'ai enfin vu respirer, j'étais tellement soulagée… Et Pomfresh est arrivée près de la fille. Je pense qu'elle a tout de suite su que c'était ma faute, mais elle n'a rien dit.
Elle avait presque terminé.
- Elle m'a demandé de te transporter à l'infirmerie. Les autres étaient sur des brancards, et je sais pas, elle a peut-être compris que… que j'allais pas te lâcher. Et comme je sais pas comment faire apparaitre un brancard, dit-elle en haussant un peu les épaules, j'ai utilisé le Mobilicorpus.
Elle se tut, ne sachant plus quoi dire sans pleurer encore plus. Elle passa ses mains sur son visage pour effacer les larmes et attendit.
- Et après ? relança William d'une voix si douce qu'elle dût bloquer un sanglot dans sa gorge.
Rose le regarda fugacement.
- Après quoi ? C'est tout…
Elle hésita. Non, ce n'était pas tout. Elle continua.
- Pomfresh a discuté longtemps avec moi, même quand les autres étaient partis. Elle m'a dit que les Serpentards que j'avais attaqués allaient s'en remettre. Que la fille garderait certaines marques. Et c'était impossible de savoir si le sort avait fonctionné car elle était toujours inconsciente. Je n'ai rien dit à Pomfresh évidemment…
Sa lèvre lui faisait mal à force de la mordre mais c'était plus fort qu'elle.
- « Un sort de plus… », c'est ce qu'elle a dit quand elle a parlé de toi. Elle a dû te le dire aussi.
William hocha la tête mais elle ne le vit pas, concentrée sur la moquette bleue apparemment passionnante.
Allez, perce l'abcès. Qu'on en finisse une bonne fois pour toute.
- Et dimanche, quand je suis venue te voir…
- Je t'ai pas laissée parler, se souvint William. Je voulais absolument parler en premier.
Elle hocha la tête.
- Et j'ai… enfin, voilà. Donc tu n'as pas pu me raconter…
Elle ne le détrompa pas, finalement incapable de dire ce qu'elle avait eu l'intention de faire ce jour-là. Elle avala sa salive, frotta ses joues et sécha ses yeux.
C'est mieux comme ça.
- Je suis désolé… fit-il.
Surprise, Rose releva la tête et le regarda enfin.
- Désolé de quoi ?
- De t'avoir coupé la parole.
Un sourire désabusé traversa le visage de Rose.
- Ça aurait changé quelque chose ?
Il la considéra un instant avant de répondre.
- Aucune idée…
Leurs yeux restèrent accrochés sans qu'ils ne parlent. Rose détailla son visage. Il avait l'air fatigué, malgré ses prunelles éclatantes de vie.
- Tu aurais voulu ? questionna-t-il brusquement.
Une féroce bataille s'engagea dans la tête de Rose. Évidemment, qu'elle aurait voulu. Elle aurait surtout voulu qu'il taise toutes les bêtises qu'il lui avait balancées ce dimanche-là et elle aurait aimé avoir le courage de lui dire ce qu'elle avait sur le cœur au lieu d'écouter sans rien dire. Mais c'était trop tard. Ça faisait trois mois, elle était en couple avec Blaise – une relation pas toujours reposante d'accord, mais elle tenait à lui – et lui était… occupé à séduire tout ce qui bougeait, pour le dire gentiment. Il était passé à autre chose, il faisait ce qu'il voulait, selon la phrase consacrée, et elle n'avait qu'à se débrouiller avec ses sentiments indésirables et indésirés.
- Ça n'a aucune importance, finit-elle par dire doucement.
Elle se rendit compte que son corps commençait à se tendre vers lui, sans qu'elle ne lui ait rien demandé. Est-ce qu'il y aurait un moment où elle ne serait plus irrésistiblement attirée par lui ? Trois mois qu'elle l'esquivait, qu'elle faisait en sorte de ne jamais être proche de lui, autant pour s'éviter la tentation trop forte de le toucher que pour laisser son cœur en paix. Au prix d'un grand effort, elle fit un pas en arrière.
- Tu t'es fait mal ? demanda Rose, cherchant à tout prix à parler d'autre chose.
- Quand ? Aujourd'hui ?
- Quand tu as glissé de ton balai.
- À part à mon égo ? Pas du tout.
Ils échangèrent un sourire amusé.
- Si tu n'avais pas réagi aussi vite, par contre…
- Quelqu'un y aurait pensé, va. Au moins une des membres de ton fan-club.
Rose garda cependant pour elle sa réflexion comme quoi elle ne les pensait pas assez vives d'esprit pour penser à autre chose qu'à la musculature d'une poignée de garçons athlétiques.
- Tu les trouves trop débiles pour ça, devina-t-il.
Un sourcil se haussa.
- Tu as la moue la plus dédaigneuse du monde, remarqua-t-il, esquissant un nouveau sourire.
Elle pinça les lèvres pour retenir un sourire.
- Désolée… Si ça peut te rassurer, je pense que ceux de Derek et Idriss le sont tout autant.
- Me rassurer ?
- Pour que tu saches que ce n'est pas uniquement toi la cause de leur comportement de décérébrées.
Il lâcha un petit rire.
- Zut, moi qui n'espérais que ça…
- Pour pouvoir plus facilement les emballer dans un recoin du château ?
Mais ça va pas ou quoi ?! hurla sa voix intérieure.
Elle secoua une main, regrettant immédiatement ce qu'elle venait de dire. Sans oublier que William étant bavard, elle craignait qu'il ne lui dévoile quelques détails dont elle ne voulait pas.
- Pardon, ça me regarde pas. Tu fais ce que tu veux.
Encore cette phrase ! Il fallait qu'elle trouve un salon de tatouage en Angleterre. Peut-être même que l'artiste pourrait faire flasher les mots de différentes couleurs si c'était un sorcier.
À son soulagement, William ne fit aucun commentaire. Il continua cependant à la regarder, les bras croisés. Et d'autres mots franchirent ses lèvres, des mots inattendus.
- Tu es heureuse avec lui ?
Rose ne sut pas quoi répondre. Non seulement elle ne savait pas si elle avait envie de parler de ça avec William, et en plus… elle ne savait pas, tout court. Si elle mentait, il allait surement s'en rendre compte, il était de toute évidence assez perceptif avec elle. Et si elle disait la vérité… enfin, pour ça, il aurait déjà fallu qu'elle sache ce qu'était la vérité. Ou tout du moins qu'elle se l'avoue à elle-même, ce qui n'était pas gagné. Elle décida de botter en touche, lâchement.
- Et tu veux savoir parce que ?
- Ça m'intéresse, répondit-il brièvement.
Rose haussa un sourcil et William eut un sourire fugace en la regardant faire.
- C'est histoire de savoir plusieurs choses.
- Ah bon. Et lesquelles ? questionna Rose, entrant dans son jeu, tout en se reprochant intérieurement de le faire.
Il leva un doigt.
- Déjà, pour savoir si je dois envoyer Derek lui faire son petit tour de magie là… et éventuellement dévier sa menace de mort sur Zabini plutôt que moi.
Il avisa son sourire en coin et leva un deuxième doigt.
- Ensuite, pour savoir si je dois moi-même intervenir si vraiment Zabini est un monstre sans pitié et qu'il te fait pleurer ou que sais-je.
Elle leva les yeux au ciel, se gardant bien de confirmer ou de contester quoi que ce soit. Un troisième doigt en l'air, il poursuivit, un ton plus bas :
- Puis pour savoir si j'ai vraiment eu l'idée du siècle en février. Quand j'ai dit qu'il fallait qu'on arrête de se voir.
Rose suspendit sa respiration et n'eut aucune réaction. Son visage retrouva la même impassibilité qu'en février justement, lorsqu'il lui avait fait son petit discours de rupture plein d'inepties.
- Tu fais ta tête d'aristo, nota William. Comme en février. Et c'est impossible à lire.
Elle haussa un sourcil et perdit un peu de son masque de froideur.
- Ma tête d'aristo ? répéta-t-elle, étonnée.
- Oui, quand ton visage se ferme, tes yeux deviennent froids et qu'on ne sait pas ce que tu penses. C'est très déstabilisant, conclut-il.
- Parfait alors, dit-elle avec satisfaction.
Il hocha la tête, pas surpris. Puis il se reprit et releva trois doigts en l'air. Un instant confuse, Rose regarda sa main, puis posa de nouveau son regard sur son visage.
- Bref. Tu es heureuse avec lui ou pas ? répéta-t-il.
Elle s'autorisa un léger sourire devant son insistance. Les épaules de William s'affaissèrent un peu et il baissa le bras.
- J'ai ma réponse alors.
Rose fronça les sourcils puis comprit.
- Tu interprètes trop, lui reprocha-t-elle. Parce que j'ai souri, tu penses que c'est ma réponse à ta question ?
- Non ?
- Non. J'ai souri parce que tu insistes et ça m'amuse.
- Ravi de t'amuser, ronchonna-t-il.
Mais elle vit les coins de ses yeux se plisser et elle sourit un peu plus.
- Ça dépend des jours, avoua-t-elle subitement.
Que quelqu'un me fasse taire !
- Et toi ? enchaina-t-elle, se sentir rosir. Tu es heureux avec…
Elle fit un vague geste de la main, ne sachant pas laquelle était l'heureuse élue du moment, ni les prénoms de la plupart des précédentes de toute façon. Elle reformula sa question.
- Tu es heureux de tes choix ?
- C'est une façon très délicate de le dire, admit-il. Disons que ça dépend des jours…
Elle hocha la tête, consciente qu'il n'en dirait pas plus qu'elle. Il fit un pas vers elle, elle ne recula pas cette fois.
- Est-ce que tu penses qu'on pourrait essayer d'être à nouveau amis ? demanda William. C'est bizarre qu'on ne se parle presque plus.
- D'accord.
- Même les autres trouvent ça étrange.
- Les autres ?
- Nassim, Marc, tout le monde.
Elle opina, bien consciente que la situation était pour le moins compliquée depuis trois mois. L'organisation habituelle de douze personnes avait été déstabilisée à cause de deux d'entre eux. Rose culpabilisait aussi à cause de ça, en plus de tout. Alors oui, elle voulait qu'ils soient amis. Et puis… il lui manquait trop. Si elle devait se contenter d'être son amie pour partager des instants avec lui, alors soit. Elle serait uniquement son amie.
- Il n'y a pas de raison qu'on n'y arrive pas, dit-elle fermement, ses yeux plongés dans les siens.
- Aucune, confirma-t-il en s'approchant encore.
- On s'entend très bien de toute façon, continua-t-elle, son regard tombant sur sa bouche, puis revenant vite à ses yeux.
- Absolument, valida-t-il, détaillant le visage de Rose.
- On le doit aux autres, au minimum, murmura-t-elle en faisant un pas vers lui.
- Au minimum, répéta-t-il distraitement.
Et William saisit son visage dans ses mains et vint écraser sa bouche contre celle de Rose.
