Valeur et vigueur le beau monde,

Je sais que je n'ai rien posté pendant le mois de novembre mais j'ai une bonne excuse – j'ai beaucoup écrit afin de prendre de l'avance ! J'ai 7 chapitres d'avance (ô déesse de l'écriture, donne-moi la force et la motivation de les corriger/éditer au lieu de procrastiner… Lecteurs envoyez-moi des ondes et des coups de pied aux fesses virtuels !)

Je viens de voir que le site a changé son système de mails. Dans vos paramètres, vous devez sélectionner l'option ''oui'' pour continuer à recevoir des mails pour les mises à jour, réponses au reviews etc. Et il faut re-cocher cette option tous les six mois… Mais qui a eu cette merveilleuse idée ?

Merci beaucoup à Lestrange-maria, plinchy, Marion Sablier, Jiwalumy, Fleur d'Ange et Guest pour vos commentaires !

Montage/playlist du chapitre sur mon profil.

Je ne vous fais pas de récap avant ce chapitre – vous comprendrez pourquoi en lisant.

Warnings: Grooming, mention d'abus sexuels

L. Conditionnement

On prétendait que le cerveau humain avait une capacité d'adaptation exceptionnelle. L'instinct de survie se manifestait dans les situations de danger extrême, incitant un individu à choisir entre deux alternatives - la lutte ou la fuite. Katherine Sharp, dite Kitty, avait développé cet instinct si tôt qu'il était devenu une partie intégrante de sa personnalité.

Cela avait débuté avec son père - une brute violente qui déversait ses sautes d'humeur constantes sur ses proches. Toute son enfance, Kitty avait appris à adopter de nombreuses stratégies d'évitement pour esquiver le courroux terrible de son géniteur.

Sa première ruse avait été le mensonge. Afin d'éviter les problèmes, elle n'hésitait pas à déformer, exagérer, ou omettre la vérité. Venait ensuite le vol. Réticente à l'idée de réclamer quoi que ce soit à son père, dont les accès de colère étaient imprévisibles, Kitty avait commencé à utiliser le vol pour remplir ses besoins les plus primitifs. Cela avait débuté par de la nourriture, pillée sur les étals d'un marchand distrait avant d'évoluer vers de l'argent et des objets de valeur, dérobés discrètement à des passants inattentifs.

A seulement onze ans, Kitty était devenue ce qu'on appelait une délinquante. Son environnement familial l'avait forcée à se suffire à elle-même, et elle avait acquis une indépendance peu commune pour quelqu'un d'un si jeune âge.

Sans surprise, la brutalité de son père avait fini par se manifester hors de la sphère familiale. Après un confit houleux avec son employeur qui s'était terminé en plusieurs côtes brisées pour la victime - on avait incarcéré M. Sharpe à Azkaban avec une peine particulièrement sévère, accrue par la circonstance aggravante qu'était son statut inférieur.

Les relations de Kitty avec sa mère n'étaient pas meilleures. Pour une raison obscure, cette dernière la blâmait pour l'emprisonnement de son père bien qu'elle n'ait aucune implication dans la débâcle.

Chaque jour accueillait son spectacle de disputes entre elles et c'était à l'âge de treize ans que Kitty avait fini par fuguer, après avoir évité in extremis un sort de sa mère dont les penchants violents étaient aussi prononcés que ceux de son père.

Elle avait décidé de ne plus jamais remettre les pieds chez ses parents, quitte à mourir dans la rue. Ce jour-là, elle avait pris la décision difficile mais nécessaire de devenir une orpheline de cœur.

Le quotidien dans la rue pour une jeune fille comme elle - de surcroît de sang impur - n'avait pas été un conte de fée. Deux semaines après sa fugue, on l'avait agressée sexuellement. Elle se rappelait vaguement des détails de l'agression - son cerveau traumatisé les avait sans doute bloqués. Cette nuit-là, épuisée et affamée, elle s'était installée sous un pont discret pour se mettre à l'abri de la pluie diluvienne. Elle avait tenté de dormir, s'efforçant d'ignorer la sensation de faim qui la tiraillait.

Son sommeil avait été brutalement interrompu par un trio d'adolescents. Elle avait appris plus tard qu'ils étaient des Rafleurs en devenir. La rue était un endroit dangereux, implacable et redoutable. Un enfer sans foi ni loi où tous les abus étaient permis par les plus forts. Il lui avait fallu des semaines pour pouvoir mettre des mots sur ce qui lui était arrivé. Elle n'en n'avait d'ailleurs jamais parlé à qui que ce soit. Qui voudrait l'écouter, de toute façon ?

Une délinquante qui avait délibérément quitté le foyer familial ne provoquerait aucune empathie. Son rang inférieur faisait d'elle une sous-personne qui ne méritait ni la protection ni la vengeance généralement réservées à un certain groupe de la population. Comme toutes les personnes dans sa situation, Kitty ne faisait pas confiance aux Aurors et aux Mangemorts. Elle s'efforçait même de les éviter.

Ce jour-là, Kitty se fit la promesse de ne plus jamais se retrouver dans une telle situation de vulnérabilité. Elle refusait d'être une victime, offerte à la loi de la jungle des rues douteuses du régime, dans lesquelles il fallait tuer pour éviter d'être tué.

Ce fut au détour d'une conversation qu'elle entendit parler de la Trappe - un refuge pour les orphelins de rang inférieur, dans lequel elle pourrait avoir un toit et une assiette remplie en échange de services. Les conditions de la transaction l'avaient toutefois laissée méfiante. L'idée de signer un contrat la rendait mal à l'aise. Pourquoi donner la majeure partie de son butin à l'homme véreux et corrompu qu'était Jacobus Cloyd alors qu'elle pouvait tout garder pour elle ?

Pourtant, elle ne connaissait que trop les risques de la rue. Chaque jour apportait un danger supplémentaire. Trouver un refuge était crucial. Elle décida donc de faire un compromis.

« Négocier ? » se gaussa Jacobus Cloyd, hurlant de rire, les larmes aux yeux. « Qu'est-ce qu'une petite morveuse comme toi pourrait négocier avec moi ? »

« Laissez-moi vous montrer ce que je suis capable de faire. » dit Kitty d'un ton déterminé.

Trois jours plus tard, elle déposa trois baguettes magiques devant la table de Cloyd. Les baguettes des Sang-Purs étaient de l'or en barre. Elles étaient les biens les plus demandés sur le marché noir et se revendaient à des prix astronomiques. Jacobus ouvrit de grands yeux pendant qu'il examinait les baguettes.

« A qui as-tu volé ça, gamine ? » demanda-t-il, médusé.

« Ça me regarde. » répliqua-t-elle en croisant les bras. « Si vous acceptez, je vous garantis de continuer à vous en apporter bien plus. »

Il lâcha un rire gras, visiblement amusé par cette jeune fille arrogante et audacieuse de quatorze ans. Et pourtant, il accepta de la laisser entrer à la Trappe avec des conditions plus avantageuses que celles qu'il accordait aux autres orphelins.

Kitty devint très rapidement l'un de ses meilleurs éléments. Son physique – en apparence inoffensif et ingénu - et son bagout faisait d'elle une voleuse et arnaqueuse hors-pair. Elle avait ce genre de visage à qui l'on était prêt à offrir le monde. Avec sa peau pâle, ses longs cheveux blonds attachés en deux nattes, elle transpirait la confiance et l'innocence. Il était facile pour elle de prétendre être dans une mauvaise passe pour obtenir de l'aide de la part d'inconnus. Sa disposition naturelle pour le mensonge et ses talents d'actrice lui permettaient de jouer tous les rôles qu'elle souhaitait. C'était même trop facile pour elle.

Tout changea brusquement un jour, lorsque Cloyd se présenta devant elle, visiblement nerveux. Jamais elle ne l'avait vu aussi agité.

« Gamine. » héla-t-il d'une voix grave. « J'ai dû vendre ton contrat. »

Il s'adressait presque à elle comme une associée - quelque chose d'inimaginable pour le reste des enfants de La Trappe.

« Q…Quoi ? » balbutia-t-elle, prise au dépourvu.

« Je n'avais pas le choix. Une ancienne dette à rembourser. » admit-il.

Ce fut ainsi que Kitty se retrouva devant la silhouette imposante de Vivienne van Detta pour la première fois, sous l'éclairage suave et tamisé de l'Ambrosia, une maison close haut de gamme. Apparemment, cette femme avait des contacts puissants dans les hautes sphères du régime et Jacobus Cloyd semblait la craindre. L'idée qu'un margoulin comme lui puisse craindre qui que ce soit la médusa.

Il resta vague avec Kitty mais consentit à admettre qu'il avait une ancienne dette envers cette femme et que l'argent n'était pas la monnaie d'échange qu'elle réclamait. Devinant pertinemment ce que cela signifiait, Kitty pensa d'abord à s'enfuir. Mais l'angoisse de se retrouver de nouveau dans la rue la freina. Elle ne vivait plus sous son identité légale et certains de ses délits, perpétrés durant ses années de délinquance, pourraient la conduire à Azkaban, malgré son âge. Kitty ne connaissait que la rue et la débrouille. Elle s'était jurée de ne jamais retourner chez ses parents.

Elle savait toutefois ce que Van Detta attendrait d'elle. C'était la réalité de nombreuses jeunes filles marginales du régime. Elles acceptaient d'offrir des faveurs sexuelles pour pouvoir survivre. Pour Kitty, l'idée était insupportable. Son esprit retournait sans cesse vers le calvaire qu'elle avait vécu durant cette nuit glaciale, entre les mains de ses agresseurs. Elle n'avait pas oublié la promesse qu'elle s'était faite.

Kitty décida alors de faire ce qu'elle savait faire de mieux - tenter de marchander, cette fois auprès de sa nouvelle propriétaire. La femme parut elle aussi amusée par son audace et consentit même à l'écouter, posant un fume-cigarette au coin de ses lèvres vermeilles, croisant ses jambes interminables, une lueur calculatrice dans les yeux.

« Qu'est-ce qu'une fille comme toi pourrait bien m'offrir ? » se moqua-t-elle, méprisante.

« D'autres filles comme moi. » avança Kitty.

Van Detta arqua un sourcil parfaitement dessiné, semblant soudainement intéressée.

« Vous avez dit que votre monnaie d'échange n'était pas l'argent mais les personnes. » dit Kitty. « Je pourrais vous trouver des personnes pour travailler pour vous. Ici. »

Ce fut ainsi qu'elle se retrouva à endosser un rôle de recruteuse pour le compte de Vivienne van Detta. A travers ses moments d'errance, Kitty avait rencontré beaucoup de personnes désemparées, en marge du système. Elle utilisa ses talents pour les convaincre de travailler pour le compte de Van Detta ou de ses associés.

Sa spécialité était les adolescents et les jeunes adultes. Kitty gagnait leur confiance, et une fois que son emprise était bien ancrée, les persuadait de rejoindre l'établissement. Ils étaient désespérés et naïfs pour la plupart, ce qui facilitait la chasse. Cette aptitude se révéla particulièrement rentable et précieuse pour Vivienne van Detta, ravie de sa nouvelle acquisition. Avec les années, les demandes se firent plus spécifiques. Les clients et les contacts de Van Detta réclamaient de la marchandise toujours plus rare.

Parfois, Kitty ressentait une profonde culpabilité à cause de ses actes. A chaque fois, elle se convainquait qu'il s'agissait de son seul moyen pour s'en sortir. Si ce n'était pas les autres, alors ce serait elle. Et face à ce choix, la décision était rapidement prise.

La Trappe était un terrain de chasse particulièrement favorable pour elle.

Elle travaillait si efficacement qu'elle commença finalement à entrevoir le bout de son contrat. Bientôt, elle obtiendrait enfin sa liberté. Elle était désormais majeure, et Vivienne van Detta, à l'aide de ses contacts, pourrait peut-être lui permettre de changer son statut et de pouvoir commencer une vie correcte, loin de toutes ces horreurs.

Ce fut dans le réfectoire de la Trappe qu'elle repéra sa nouvelle cible.

Un garçon frêle et timoré, qui attirait comme un aimant les brutes de la Trappe. Son apparence chétive, sa voix aiguë, sa démarche peu assurée et ses oreilles décollées faisaient de lui une proie facile.

Kitty l'observa au loin se faire martyriser par Cloyd car il n'avait pas atteint ses objectifs. L'homme avait saisi l'enfant par le col, le secouant comme une vulgaire marionnette.

« Ça fait trois jours que tu n'as rien mangé. » accusa Cloyd, ulcéré. « Pourtant tu continues de bouffer ma nourriture et de dormir dans ma piaule. Tu te crois dans un hôtel, petite merde ? Tu crois loger à l'Augurey Magistral, c'est ça ? »

Des rires se firent entendre dans le réfectoire. La plupart des yeux étaient rivés sur eux.

« Tu as intérêt à te bouger les miches. Ne t'avise pas de revenir ce soir les poches vides. Compris, morveux ? » demanda Cloyd, la voix menaçante.

Le jeune garçon secoua la tête, le teint livide et le corps tremblant. Cloyd le relâcha brutalement, et il retomba sur le sol.

« Je n'ai pas de temps à accorder à des petits ingrats dans ton genre. N'oublie pas que contrairement à ta chienne de mère, je t'ai donné un toit. Ne m'oblige pas à te remettre à la rue, avorton. » s'acharna Cloyd.

Le garçon se releva lentement, l'air accablé et effrayé. Kitty l'observa tandis qu'il traversait le réfectoire. Il paraissait sur le point de fondre en larmes. Il s'installa à une table et Kitty s'approcha de lui.

« Hey, petit. » lança-t-elle d'une voix pleine d'entrain.

Il leva la tête vers elle, un peu surpris et craintif. Kitty lui adressa un sourire contrit.

« Cloyd est un sacré troll quand il s'y met. » dit-elle à voix basse, prenant place face à lui.

Elle savait à quel point cet homme était brutal et détestable. Il lui rappelait son père. Kitty avait simplement eu la chance de ne pas être une autre victime de ses méthodes musclées, contrairement aux autres jeunes. Le garçon lui jeta un regard effaré avant d'observer ses alentours, visiblement paniqué à l'idée qu'on ait entendue Kitty.

« Ne t'inquiète pas, tout le monde pense la même chose, ici. Depuis combien de temps tu es là ? » demanda-t-elle d'une voix fluette.

« Un mois. » répondit Ivo avec découragement.

« Oh, une nouvelle recrue. » lança-t-elle avec amusement. « C'est quoi ton nom, petit ? »

« Ivo. »

« Ravie de faire ta connaissance, Ivo. Je suis Kitty. » se présenta-t-elle avec assurance.

Elle fit glisser son bol de porridge rempli devant lui.

« Tiens. Tu as la peau sur les os, petit. Mange ça. »

« Tu n'en veux pas ? » demanda le dénommé Ivo en ouvrant de grands yeux estomaqués.

« Non, et puis ce n'est pas trop ma tasse de thé. » affirma Kitty en fronçant le nez tandis qu'elle observait le bol d'un œil distrait.

La nourriture de cet endroit avait toujours été répugnante - même pour les plus privilégiés comme elle. Elle préférait de loin ce qu'on servait à l'Ambrosia. Ivo s'empara de la cuillère et commença à engloutir le porridge à grandes bouchées, manifestement affamé. Kitty l'observa avec des yeux rieurs.

« Merci. » dit Ivo, la bouche pleine, lui lançant un regard empli de reconnaissance. « Depuis combien de temps tu es ici ? »

« Disons que je fais des allers-retours entre ici et d'autres endroits. » répondit Kitty d'un ton mystérieux. « Mais ça fait plus ou moins quatre ans que je fréquente la Trappe. »

Ivo écarquilla les yeux.

« Pour être honnête avec toi, je traîne moins dans le coin, ces derniers temps. Mais j'y reviens, de temps en temps. Par nostalgie, j'imagine. Et pour me faire des nouveaux amis, aussi. » dit-elle en l'observant avec attention. « On dirait que Cloyd ne t'a pas raté. Qu'est-ce qu'il a dit ? »

« Si je ne mange rien aujourd'hui, il va me mettre à la porte. » révéla Ivo avec un frisson, jetant un regard apeuré vers la table où Cloyd se trouvait toujours, face à son registre.

« Et il le fera, crois-moi. » assura-t-elle avec un sérieux soudain. « Tu devrais venir avec moi. Je pourrais te former, si tu veux. »

C'était toujours la première étape pour elle. Elle avait besoin de s'attirer leur confiance. Ivo ouvrit la bouche, visiblement décontenancé par la proposition. Elle vit dans ses yeux qu'il semblait se poser des questions.

« Si je te prends sous mon aile, tout le monde te fichera la paix. » insista Kitty avec aplomb, rejetant sa longue natte tressée par-dessus son épaule.

« Pourquoi tu ferais ça ? » demanda Ivo, mal à l'aise.

« Parce que tu me rappelles moi, au début. J'étais un souffre-douleur, comme toi. Et puis j'ai fini par trouver quelqu'un qui a accepté de me prendre sous son aile. Je ne serais plus de ce monde si elle ne m'avait pas appris tout ce qu'elle savait. » expliqua Kitty avec gravité.

Ivo avala la dernière bouchée de porridge et s'essuya la bouche avec la manche de son pull, l'observant avec admiration.

« Qu'est-ce que tu veux en échange ? » demanda-t-il.

« Sincèrement, petit, rien du tout. Tu n'as rien à m'offrir. Mais qui sait… Peut-être qu'un jour, tu pourras me retourner cette faveur quand j'en aurais besoin ? » proposa-t-elle en haussant les épaules.

Ivo hésita quelques secondes, puis répondit :

« D'accord, j'accepte. »

Ce fut de cette manière qu'elle commença à le prendre sous son aile, lui apprenant à voler plus efficacement. Elle dût admettre qu'elle commençait à l'apprécier. Elle éprouvait toujours un détachement particulier avec les personnes qu'elle recrutait - probablement un mécanisme de défense pour ne pas être rongée par la culpabilité de ses actions répréhensibles.

Rapidement, elle gagna la confiance du garçon. Ivo était toujours en admiration devant elle et l'écoutait comme si elle délivrait un message divin. Il semblait si innocent et si chétif qu'une partie d'elle commença à s'attacher à lui. Elle voyait en lui un petit frère.

Elle se plut même à endosser une vraie place de mentor pour lui, s'appliquant à lui enseigner comment survivre et se suffire à lui-même, comme elle-même l'avait fait. Elle essayait de se convaincre que cela lui servirait un jour. Il s'agissait d'un moyen de s'absoudre en avance pour ce qu'il devrait endurer par sa faute.

Pendant leur première leçon, elle l'emmena voir le culte des Carrow, une famille dérangée, suivie par des fidèles tout aussi fous que leur leader, le prophète Adamus, un escroc de haut vol qui empochait des sommes astronomiques en prétendant être le messager spirituel de Voldemort lui-même. Elle admirait même cet homme qui avait réussi à tromper autant de monde avec une arnaque sophistiquée.

« Qui sont ces gens ? » demanda Ivo à voix basse, montrant un gigantesque portrait à l'effigie de la famille.

Kitty suivit son regard.

« Ce sont les Carrow. » révéla-t-elle à son oreille. « Ils font partie des Treize sacrés. Cet endroit leur appartient. »

Ivo ouvrit de grands yeux médusés.

« Qu'est-ce qui est écrit ? » demanda-t-il en montrant les mots sous le tableau.

« Le contentement avant la richesse. C'est la devise de leur famille, je crois bien. » répondit Kitty d'un ton blasé.

Il était ironique de voir une telle devise quand on savait que ce culte n'était rien de moins qu'une arnaque à l'échelle nationale qui profitait de la crédulité et du désespoir de quelques naïfs pour soutirer leur argent durement gagné. Ne voulant pas prendre le contrôle de leur propre vie, ils préféraient écouter un charlatan leur énoncer des choses évidentes.

« Qu'est-ce qu'on fait ici ? » demanda Ivo, troublé.

« Tu vas assister à une expérience particulièrement bizarre. » commenta-t-elle à voix basse, s'empêchant de pouffer de rire.

Elle saisit un fascicule posé sur une étagère et lui tendit. Le prophète Adamus était représenté sur la première page.

« Je ne sais pas lire. » révéla Ivo avec embarras.

Kitty lui lança un regard blasé, ressentant une vague pitié.

« Le Clan des Derniers Jours. » lut-elle à voix basse. « Prophète Adamus Carrow. »

Cet enfant était vraiment malchanceux. Elle apprit qu'il n'avait jamais mis les pieds à l'école. Apparemment, sa mère était une toxicomane qui n'avait jamais été en état de s'occuper de son fils. Ivo était naïf, connaissait peu de choses et ne disposait d'aucune figure parentale pour l'aiguiller. Kitty se demandait même comment il avait pu survivre jusqu'ici. Elle avait déjà vu des enfants comme lui et la rue n'avait fait qu'une bouchée d'eux.

Elle remarqua toutefois qu'il apprenait vite, une qualité importante dans ce milieu. Pour son premier test en conditions réelles, elle l'emmena sur le Chemin de Traverse. Cet endroit pouvait se révéler épineux. D'un côté, les occasions pour dérober des choses aux passants ne manquaient pas mais de l'autre, les Mangemorts pullulaient dans la zone et il était facile pour un commerçant de faire appel à eux. S'ils étaient attrapés, cela serait problématique. Avec leur statut, les peines étaient bien plus sévères. C'était pour cette raison que Kitty faisait tout son possible pour soigner son apparence et pour passer pour une Sang-Pure.

Ils errèrent dans plusieurs boutiques, afin qu'Ivo se fasse la main. Il déroba de la monnaie et quelques bricoles. Heureux de son petit exploit, il leur acheta même des boissons et des confiseries, visiblement très fier de lui. Ils entrèrent ensuite dans un magasin de musique et il posa sa bouteille de jus de citrouille sur un piano afin de dérober les multipliettes qui dépassaient du sac à main d'une vieille dame. Une voix retentit soudain derrière eux, l'empêchant de passer à l'acte.

« Et il ne faut rien poser sur un piano, encore moins des boissons. Le bois ne fait pas bon ménage avec les liquides. » expliqua un homme brun à l'attention d'Ivo.

« Pardonnez mon petit frère. Il n'écoute jamais rien. » intervint Kitty en s'approchant de l'homme, arborant une moue désolée. « Qu'est-ce que je t'ai dit, petit ? »

Elle jeta un regard appuyé à Ivo qui eut le bon goût de paraître gêné.

« Désolé, m'sieur. » s'excusa Ivo.

L'homme qui avait parlé se retourna et quitta la boutique avec la jeune femme qui l'accompagnait. Kitty adressa un regard entendu à Ivo. Avec l'expérience, elle remarquait rapidement les personnes aisées. Le port de cet homme et la matière de sa cape lui prouvait qu'il était probablement bien loti.

Ivo sembla immédiatement comprendre son message et il sortit à son tour. Il pressa le pas et bouscula l'homme à son passage. Il s'accrocha à la cape de l'inconnu, feignant de se retenir à lui afin de ne pas chuter. Avec amusement, Kitty le vit rapidement fourrer sa petite main dans la poche de l'homme et en soutirer un objet.

« Désolé, j'vous avais pas vu, m'sieur. » lança Ivo avant de détaler rapidement, Kitty sur ses talons.

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Kitty, une fois qu'ils furent suffisamment éloignés.

Elle observa l'objet sous tous les angles. Il ressemblait à une sorte de briquet en cuivre.

« A quoi ça sert, exactement ? » interrogea-t-elle.

Elle actionna le poussoir sur la partie supérieure de l'objet, mais rien ne se passa. Kitty lui rendit l'objet, affichant une moue déçue.

« Cette bricole ne vaut pas un clou. » décréta-t-elle avec un soupir. « Et c'est juste du cuivre, ça n'intéressera probablement personne. »

Même si l'objet était sans valeur, elle ne s'en formalisa pas. C'était l'exercice qui importait et l'expérience qu'Ivo allait en tirer. Ce dernier sembla toutefois développer un attachement émotionnel à l'objet qu'il gardait toujours sur lui, l'actionnant d'un geste distrait de temps à autre.

« Tu traînes encore cette bricole inutile ? » commenta-t-elle avec sarcasme, levant les yeux au plafond.

Elle saisit l'objet et observa les inscriptions en petites lettres.

« Du latin. » expliqua-t-elle avant de lui rendre le briquet. « Du charabia pour moi. »

Quelques semaines plus tard, Jacobus Cloyd organisa l'une de ses rafles notoires. Ce fut à cette occasion que Kitty rencontra Ruby. C'était une très jolie fille, avec une peau laiteuse et de longs cheveux d'un blond vénitien qui lui arrivaient presque à la taille. Une certaine délicatesse se dégageait d'elle. Elles avaient probablement le même âge, songea Kitty en l'observant avec intérêt. C'était le genre de filles dont raffolait Vivienne van Detta.

« Tu es nouvelle dans le coin, pas vrai ? » demanda Kitty à son attention. « Comment tu t'appelles ? »

La jeune fille hocha la tête, visiblement apeurée. Elle paraissait mal à l'aise et ses mains tremblaient nerveusement.

« Ruby. » répondit la jeune fille d'un ton anxieux. « Je suis arrivée il y a une semaine. »

Kitty réprima un rire. Même son nom était typiquement le genre de sobriquets que Van Detta aimait attribuer à ses ''filles'' Cela lui rappela son premier rendez-vous avec la femme qui lui avait indiqué qu'elle était probablement destinée à ce monde avec un prénom comme ''Kitty'

« Moi c'est Kitty. Et le petit morveux que tu vois à côté de moi, c'est Ivo. » se présenta-t-elle en lançant un clin d'œil à Ruby.

Cette dernière esquissa un demi-sourire avant de jeter des regards incertains à la salle qui ne cessait de se remplir. Tous les sièges étaient désormais occupés et les derniers arrivants étaient obligés de s'adosser contre les murs ou s'asseoir à même le sol.

« Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle d'une voix anxieuse. « Pourquoi avons-nous été appelés ici ? »

« Oh. C'est vrai que vous n'êtes pas là depuis assez longtemps pour avoir vu une rafle. » s'enquit Kitty d'un ton pensif.

L'une des méthodes douteuses de Cloyd consistait à faire augmenter la pression en se débarrassant des mauvais éléments. Cela forçait les survivants de la rafle à se donner davantage, par crainte de recevoir le même sort que les malchanceux.

« Je suis déçu. » commença Cloyd d'un ton chagriné qui sonnait terriblement faux. « Déçu de constater que certaines personnes ici abusent encore de ma gentillesse. »

Écoutant d'une oreille le discours théâtral de Jacobus Cloyd, Kitty jeta un regard en coin vers Ruby qui paraissait extrêmement agitée.

« J'ai accueilli chacun d'entre vous dans ma maison, à bras ouverts. La règle est simple, je vous offre un toit, un couvert, une protection et une communauté en échange d'une seule chose. Une contribution de votre part. » poursuivit-il. « Et pourtant, bon nombre d'entre vous ne respectent pas mes règles. Laissez-moi vous rappeler une chose, la Trappe ne fait pas la charité. Je refuse de porter secours à des personnes ingrates. Il est donc venu le temps de rappeler à certains d'entre vous qui est le patron, ici. »

Il déroula un parchemin d'un geste lent et dramatique, probablement pour maximiser l'effet de son discours. Tous les yeux étaient pendus à ses lèvres, l'observant avec une crainte évidente. Ivo semblait aussi agité que Ruby.

Cloyd énonça une liste de noms et des jeunes se levèrent tour à tour pour rejoindre le centre de la pièce.

« Ruby. » énonça soudainement Cloyd de sa voix graveleuse.

Ruby s'était figée à l'entente de son prénom et son visage avait perdu toute couleur. Elle jeta un regard paniqué à Ivo et Kitty avant de se lever pour rejoindre le reste des convoqués, d'une démarche hésitante.

« Malheureusement, vous n'avez pas respecté le règlement de la communauté et vous ne pourrez pas rester chez moi. » annonça-t-il à l'attention du groupe qui s'était attroupé autour de lui.

Les concernés s'échangèrent des regards confus et nerveux - se demandant probablement ce que cela signifiait.

« Comme je suis un homme bienveillant, je vais vous envoyer dans un lieu où vous pourrez continuer à gagner votre pain. » dit-il d'un ton faussement complaisant, comme s'il leur accordait une faveur.

Tous les yeux étaient rivés vers les malchanceux. Ruby avait les larmes aux yeux, et paraissait désespérée. Du coin de l'œil, Kitty vit Ivo trembler de tout son long. Il avait l'air sur le point de s'évanouir.

« Détends-toi, petit. C'est terminé. » assura Kitty d'une voix enjouée.

Ivo se tourna vers elle, les yeux brillants, lui aussi au bord des larmes.

« Que va-t-il se passer pour eux ? » murmura-t-il d'une petite voix craintive.

Kitty sauta de la table et s'installa sur le banc, à ses côtés. Elle jeta des regards dans les deux sens, comme pour vérifier que personne ne pouvait entendre leur conversation.

« Tu te souviens de ton premier jour ? Quand tu es arrivé ici ? » demanda-t-elle à voix basse.

Ivo hocha lentement la tête.

« Tu as signé un contrat ce jour-là, pas vrai ? » rappela Kitty.

De nouveau, il acquiesça.

« Ce contrat stipule que tu as une dette envers Cloyd. Et que tu dois travailler afin de le rembourser. » annonça Kitty.

Ivo ouvrit la bouche, désemparé.

« Le truc, c'est que cette dette est énorme. Le contrat dit aussi que tu deviens sa propriété et qu'il peut te vendre comme il le souhaite pour être indemnisé. » poursuivit gravement Kitty.

Elle avait vu le contrat standard qu'il proposait à ces jeunes, tous autant désespérés les uns que les autres. Elle avait été l'une des rares à négocier et à échapper à une vie de servitude. Elle laissa son dos aller contre le rebord de la table, lâchant un soupir à fendre l'âme.

« S'il estime que son investissement n'est plus intéressant, il revend le contrat à d'autres personnes. C'est ce qu'il va faire avec ces malheureux. » dit-elle en montrant la porte que les personnes désignées par Cloyd avaient empruntée quelques instants plus tôt.

« Il va…. Les vendre ? » répéta Ivo d'une voix choquée, interloqué par ce qu'il entendait.

« C'est ça. J'ai entendu des rumeurs sur ce qui leur arrive, même si ça n'a jamais été confirmé. Et je ne préfère pas le vérifier par moi-même. » dit-elle avec une grimace.

« Où vont-ils ? » demanda Ivo.

« Dans des mines souterraines tenues par des Gobelins. Ils sont forcés de travailler jour et nuit pour miner de l'or qui servira à la fondation de gallions. » expliqua Kitty avec une grimace. « Il parait que c'est l'enfer et que la plupart ne font pas long feu à cause des conditions horribles. On les enterre même là-bas directement. Ils ne revoient plus jamais la surface. »

Elle frissonna, effrayée à l'idée. Elle avait une peur irrationnelle des espaces clos, où l'air se faisait rare. Imaginer être cloitrée dans une mine, à plusieurs kilomètres sous terre, lui provoquait une angoisse profonde. Elle aimait la liberté.

« Quand Cloyd décide de virer quelqu'un de la Trappe, il ne les renvoie jamais réellement à la rue, comme il le prétend. La plupart du temps, il les revend à la mine des Gobelins. » expliqua Kitty.

Ivo enserra ses bras autour de lui, comme pour se rassurer. Remarquant son bouleversement, Kitty ajouta :

« Tant que tu manges, tu ne seras pas envoyé là-bas. Mais cet enfoiré de Cloyd est malin. La dette est tellement élevée que c'est impossible de s'en débarrasser. »

« Combien ? » demanda Ivo en retenant son souffle.

« 10 000 gallions. » répondit Kitty. « Et des intérêts s'ajoutent chaque mois. Le seul moyen de vraiment quitter cet endroit est de payer la dette directement à Cloyd ou qu'il accepte de transférer ton contrat à quelqu'un d'autre. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Eh bien, imaginons qu'un autre acheteur soit intéressé par ton contrat. Il peut négocier avec Cloyd contre une certaine somme pour l'acheter. En général, c'est plus avantageux que de vendre un contrat aux Gobelins des mines. On raconte que Cloyd leur vend ces contrats à des prix ridicules. »

« Mais qui voudrait acheter des orphelins ? » interrogea Ivo en secouant la tête, confus.

« Oh, tu serais surpris. » répondit Kitty avec un rire sans joie.

Il était trop jeune, trop naïf. Il ne connaissait rien de la perversité et de la malveillance de certains adultes. Les enfants de la Trappe étaient considérés comme des commodités qu'on pouvait troquer à souhait afin de les exploiter.

« Et toi ? » demanda soudainement Ivo.

« Moi quoi ? » s'étonna-t-elle, levant un sourcil.

« Quand on s'est rencontrés, tu m'as dit que tu vivais ailleurs. Mais que tu revenais ici de temps en temps, par nostalgie. » rappela Ivo.

Kitty esquissa un sourire désabusé.

« Bien vu, petit. » dit-elle. « Mon contrat n'appartient plus à Cloyd. Il a été racheté par quelqu'un d'autre. »

Elle se demanda pourquoi elle lui révélait cette information.

« Par qui ? » interrogea avidement Ivo.

« Pas tes affaires, morveux » répliqua Kitty d'un ton mystérieux, avec un petit sourire au coin des lèvres. « Peut-être que je t'en parlerai, un jour. »

Il comprendrait lui-même un jour, songea-t-elle. Mais pour l'instant, elle avait une mission à accomplir. Elle savait que Vivienne Van Detta commençait à s'impatienter.

Une partie de Kitty ne voulait pas lui livrer Ivo et c'était pour cette raison qu'elle faisait traîner les choses, invoquant toutes sortes d'excuses. Lui livrer quelqu'un d'autre en attendant serait un moyen de la faire patienter. La nouvelle proie ne serait pas aussi rare qu'Ivo et n'aurait pas le même prix, mais elle serait toutefois bien considérée à cause de son âge et de sa beauté. Kitty se releva d'un bond, s'étirant longuement, à la manière d'un chat.

« J'ai un truc à faire. » dit-elle à l'attention du garçon. « On se retrouve plus tard, petit. Ne m'attends pas pour ta sortie du jour. »

Elle s'approcha de Cloyd et lui demanda à voix basse s'il pouvait patienter avant d'envoyer Ruby aux mines.

« Ma patronne sera peut-être intéressée. » indiqua-t-elle.

Cloyd accepta vivement, manifestement ravi de la perspective. Les jeunes qu'ils envoyaient à la mine de Gobelins ne lui apportaient pas beaucoup d'argent car leurs contrats se vendaient à prix cassés. Il savait toutefois qu'il pourrait obtenir un bon pactole de la part de la gérante de l'Ambrosia.

« Tu as jusqu'à la fin de l'après-midi. » annonça-t-il.

Quelques instants plus tard, Ruby fut escortée dans une pièce où l'attendait Kitty. A travers ses yeux rougis de larmes, Ruby l'observa avec un mélange de confusion et de détresse.

« Je suis désolée de ce qu'il t'arrive. » dit Kitty avec sincérité.

« Que vont-ils faire de moi ? »

Kitty lui décrivit la mine des Gobelins et Ruby sembla sur le point de s'évanouir. Les larmes de la jeune fille redoublèrent immédiatement.

« Ceux qui sont envoyés là-bas font rarement long feu et on n'entend plus jamais parler d'eux pour la plupart. Ils ne ressortent pas de la mine vivants. » expliqua gravement Kitty.

On aurait pu penser qu'elle exagérait pour effrayer la jeune fille. En vérité, ses paroles étaient véridiques.

« Mais j'ai peut-être une solution pour toi. » avança-t-elle.

Évidemment, dans ces circonstances désespérées, il ne fut pas ardu de convaincre Ruby de rejoindre l'Ambrosia.

Lorsque Vivienne van Detta posa ses yeux sombres et calculateurs sur la jeune fille, quelques heures plus tard, un sourire réjoui éclaira son visage, visiblement satisfaite de cette nouvelle acquisition. Elle passa sa main gantée sur la joue de Ruby, les yeux brillant d'avidité devant l'expression mal à l'aise de la jeune fille.

« Absolument délicieuse. » commenta-t-elle en l'observant de haut en bas, comme on analysait une marchandise qu'on s'apprêtait à acheter.

La négociation fut rapide et Van Detta emporta le contrat que lui tendit Cloyd avant de grimper dans sa diligence, Ruby et Kitty à sa suite. Et tandis que la diligence s'envolait, traversant la ville illuminée, Kitty s'efforça d'ignorer sa culpabilité devant la mine pleine d'atermoiement de Ruby, qui ne se doutait pas de ce qui l'attendait.

Les mois passèrent et Kitty traîna davantage des pieds par rapport à Ivo. Plus le temps passait, plus elle était réticente à l'idée de le livrer à l'Ambrosia. Elle n'avait jamais vu Van Detta employer des enfants aussi jeunes qu'Ivo dans son établissement mais elle n'avait aucune confiance en elle. Elle savait que cette femme n'avait aucun scrupule.

Tout sembla toutefois s'accélérer lorsque Kitty fut convoquée par Vivienne pour une mission de la plus haute importance. Dans le Salon de la Joie de l'Ambrosia, Kitty écouta patiemment la conversation de sa patronne avec un certain Noah Vaisey, qui travaillait pour des contacts importants de Van Detta.

« J'ai bien reçu votre message. » indiqua Vivienne. « Comme convenu, je vais mettre à votre disposition l'une de mes meilleures recruteuses. Elle est jeune, mais croyez-moi, elle est extrêmement talentueuse. Et surtout, elle a un talent extraordinaire pour dénicher la marchandise exotique. »

Elle fit signe à Kitty.

« Approche donc, très chère. Je veux te présenter à l'un de mes amis. » ordonna Vivienne d'une voix suave.

La jeune fille sortit de sa cachette, esquissant un sourire malicieux à l'homme.

« Kitty Sharp. » se présenta-t-elle d'une voix confiante. « Pour vous servir. »

Apparemment, les patrons de Vaisey voulaient recruter un nombre élevé de personnes. Ils cherchaient toujours de la marchandise plus exotique, ce qui était un code pour 'plus jeune'. Kitty commença à collaborer avec Noah sur des recrutements divers et variés. Plus le temps passa, plus les demandes se firent spécifiques.

Ils recrutaient essentiellement des travailleurs du sexe pour des soirées privées ou des volontaires pour des expériences étranges et mystérieuses. Kitty ne posait pas de questions, et se contentait de faire son travail. Une partie d'elle commençait toutefois à angoisser. Elle avait le sentiment que ces gens étaient fourrés dans des activités encore plus sombres que celles de l'Ambrosia - ce qui n'était pas peu dire. Vivienne van Detta semblait aussi les craindre - ce qui la médusa. Plus les semaines passaient, plus Kitty recevait des pressions pour recruter.

Pour la première fois de sa vie, elle commençait à rencontrer des difficultés. Dans les milieux de marginaux et de fugueurs, on commença à mettre en garde contre la menace de ces réseaux organisés qui faisaient du trafic d'humains. Cela provoqua un élan de méfiance chez ses cibles, rendant le recrutement plus laborieux pour Kitty et Noah, même s'ils ratissaient large.

Vivienne montrait des signes évidents d'impatience et Kitty commença à paniquer. Un jour, estimant qu'elle ne recrutait pas assez à son goût, Vivienne la brutalisa violemment, dans un excès de colère.

« N'oublie pas que la seule raison pour laquelle tu n'es pas en train de trimer dans l'une de mes chambres est parce que je l'autorise. Si tu ne fais pas ce pourquoi je t'ai embauchée, alors je pourrais très facilement te remettre sur d'autres… activités. Ce serait tellement dommage alors que tu es si proche de ta liberté. » susurra Vivienne d'une voix menaçante en abaissant sa baguette, laissant Kitty au sol.

Le ventre de Kitty se serra d'angoisse face à la menace. Tout mais pas ça, songea-t-elle avec effroi, saisie par la panique. Elle avait tout fait pour ne pas se retrouver dans le même calvaire que les autres employées de l'Ambrosia. Elle ne supporterait pas d'être forcée à vendre son corps après avoir déployé tant d'efforts pour s'en sortir.

Quelques instants plus tôt, elle avait croisé Ruby dans les corridors de l'établissement. Elle avait semblé prendre de l'âge depuis la dernière fois qu'elle l'avait vue, le jour de la rafle et de sa vente. Kitty était habituée à voir le changement terrible que ce mode de vie causait sur ces filles. Son visage et ses yeux affichaient désormais un voile sombre, à l'instar des autres. Ruby avait perdu son innocence. Elle était aussi dépendante au puissant cocktail de drogues que Van Detta donnait à ses employées pour les maintenir dans l'obéissance et l'apathie.

Ce jour-là, Kitty décida qu'elle ne pouvait pas attendre plus longtemps. Elle avait essayé de protéger Ivo comme elle l'avait pu mais elle se retrouvait désormais face à une situation compromettante.

Elle fit de son mieux pour dissimuler l'énorme cocard au niveau de son œil et prit la direction de la Trappe, où elle ne s'était pas rendue depuis des semaines. Elle aperçut Ivo s'approcher d'elle avec un sourire surexcité, visiblement heureux de la voir. Kitty sentit son ventre se retourner.

« Petit. » salua Kitty en s'efforçant de prendre une voix enjouée tandis qu'Ivo arrivait à sa hauteur. « Regarde-toi, un vrai petit prince. Tu vis la vie de château, on dirait. »

Il paraissait bien portant, si loin du petit enfant frêle et victimisé qu'elle avait rencontré un an plus tôt.

« Que t'est-il arrivé ? » demanda Ivo d'une voix préoccupée, en observant son visage.

« De quoi tu parles, morveux ? »

« Ton œil. » insista Ivo.

« Oh, ça. » dit-elle avec un soupir.

Elle grimaça.

« Rien de grave. Je n'ai pas rempli mes objectifs. » répondit Kitty d'une voix évasive.

« C'est cette crapule de Cloyd qui t'a fait ça ? » interrogea Ivo, horrifié.

Kitty secoua la tête.

« Non. » répondit-elle calmement, sans extrapoler.

« Dis-moi qui t'a fait ça. » insista Ivo en fronçant les sourcils, contrarié. « Il va passer un sale quart d'heure. »

Kitty lui lança un regard déstabilisé, surprise du sérieux qu'il affichait. Elle le fixa en silence pendant de longues secondes, perdue dans ses pensées. Elle réalisa qu'elle n'était pas la seule à s'être attachée. Lui aussi la considérait probablement comme une sœur. Ivo était extrêmement loyal envers elle et son attitude lui montra à quel point il était sérieux. Elle sentit son cœur se serrer. Une partie d'elle était attendrie, et l'autre était affreusement coupable. Finalement, elle feignit de rire avec moquerie.

« Qu'est-ce que tu vas faire, petit avorton ? » dit-elle avec affection. « Tu n'as même pas de baguette magique. »

Il haussa les épaules en grommelant qu'il avait des ''choses pour se défendre'' dans ses affaires. Kitty éclata d'un grand rire communicatif - cette fois sincère - rejetant en arrière sa longue tresse blonde.

« Ne t'inquiète pas pour moi, petit. Je trouve toujours des solutions. Mais je suis contente de savoir que tu es prêt à m'aider. » admit-elle avec un sourire.

Il hocha frénétiquement la tête.

« Tu peux toujours compter sur moi. » lui assura-t-il avec véhémence.

Kitty esquissa un sourire.

« Ça fait un bail, petit. » dit-elle en soupirant à nouveau, observant ses alentours d'un air superbement ennuyé. « Les choses ont l'air de bien aller pour toi. Raconte-moi ce qu'il s'est passé pendant mon absence. »

Ivo lui rapporta les derniers évènements en date. Son nouveau statut dans la hiérarchie, la vie plus confortable qu'il menait désormais et la folie grandissante de Cloyd depuis le couvre-feu. Kitty émit une exclamation hautaine lorsqu'il lui relata l'épisode avec des Rafleurs qui avait volé son butin, le menaçant de le dénoncer aux Mangemorts s'il ne s'exécutait pas. Depuis sa propre agression, elle tenait en horreur ces personnes.

« Quelle bande d'enfoirés. Je les déteste. » grinça-t-elle, ses dents serrées de contrariété. « Des parasites. »

Ivo fut surpris par sa réaction virulente mais ne répondit pas. Jacobus Cloyd entra dans la pièce pour entamer l'une de ses rafles, qu'il organisait désormais plus régulièrement selon Ivo. Cette fois, le jeune garçon parut sûr de lui, loin de la première rafle à laquelle il avait assisté. Les choses avaient bien changé pour lui, ne put-elle s'empêcher de penser avec fierté.

« Tu vas rester dans le coin ? » lui demanda Ivo avec espoir.

Elle se tourna vers lui et hocha la tête.

« Oui, quelques temps. » confirma-t-elle. « Il faut bien que je t'aide à rendre la monnaie de leur gallion à ces idiots de Rafleurs. » dit-elle.

Il s'agissait d'un horrible mensonge de sa part. Elle était venue pour mettre son plan à exécution. Elle finit finalement par se jeter à l'eau trois jours plus tard. Elle subtilisa le carnet de comptes de Cloyd et le dissimula dans les affaires d'Ivo, dans le nouveau dortoir qu'il occupait. Ce livre des comptes était un objet extrêmement important pour Cloyd, tout le monde le savait. Il contenait tous les détails des opérations de la Trappe. Cloyd ne voulait probablement pas qu'on voit à quel point il exploitait ces jeunes. Lorsqu'elle sortit des dortoirs, se dirigeant vers le réfectoire, son cœur fit un bond en reconnaissant Ivo. Le doute s'empara-t-elle. L'avait-il vue ?

« Ah, te voilà enfin, je te cherchais. » prétendit-elle en posant un bras autour des épaules d'Ivo pendant qu'ils marchaient vers le réfectoire. « Par Voldemort, tu n'as toujours pas lâché ce truc débile ? »

Il tenait encore ce briquet ridicule. Elle s'en empara et d'un geste distrait, actionna le pressoir à plusieurs reprises, sans succès. Avant qu'Ivo ne puisse dire quoi que ce soit, une alarme retentit partout dans le bâtiment. Ivo fronça les sourcils. Il se demandait probablement pourquoi Cloyd organisait une nouvelle rafle alors que la précédente avait eu lieu seulement trois jours plus tôt. Dans le réfectoire, c'était l'ébullition. Les messes basses fusaient dans tous les sens.

« Que se passe-t-il ? » demanda quelqu'un, non loin d'eux, tandis qu'ils s'installaient sur la table qu'ils avaient l'habitude d'occuper.

« J'ai entendu dire qu'on lui a volé quelque chose. » répondit un autre jeune.

« Paraît-même qu'il est furieux… » prétendit une troisième voix.

Kitty resta silencieuse, gardant les yeux rivés devant elle.

« Quel est le vaurien parmi vous qui a subtilisé mon carnet de comptes ? » hurla-t-il d'une voix enragée, ses traits durs défigurés par la colère.

Il observa la foule d'un œil menaçant.

« Que la personne parle IMMÉDIATEMENT. » réclama-t-il d'une voix furieuse. « Si la personne se dénonce d'elle-même alors peut-être que je serais clément. »

Seulement quelqu'un de stupide aurait pu croire que cet homme soit capable de la moindre clémence. Il était cruel et cupide.

« Les superviseurs sont en train de fouiller chacun de vos dortoirs. Tous les recoins de cet endroit seront passés au peigne fin. Personne ne sortira d'ici tant que je n'aurais pas retrouvé ma propriété. » gronda Cloyd. « Si je trouve quoi que ce soit avant que le coupable ne se dénonce de lui-même, il ou elle regrettera d'avoir vu le jour. »

Un jeune eut le malheur de lui demander s'il avait tenté un sort d'attraction pour retrouver son carnet et Cloyd entra dans une fureur plus intense - si c'était possible.

L'heure suivante fut des plus angoissantes. Un silence de mort régnait dans la pièce. On entendait seulement les bruits angoissants des superviseurs qui fouillaient les locaux de fond en comble, à la recherche du fameux livre de comptes, pendant que Cloyd, le visage émacié par la rage, proférait des menaces terribles sans interruption.

Kitty fixait ses pieds, les yeux vides, essayant de ne pas arborer de réaction, bien que ses émotions soient en pagaille. Elle savait que Cloyd trouverait le carnet de manière imminente et qu'Ivo serait désigné comme fautif. Sa propre culpabilité lui tordait le ventre. Elle n'osait même pas regarder dans sa direction. Quelques heures plus tard, deux superviseurs firent irruption dans le réfectoire et s'approchèrent de Cloyd pour lui murmurer des paroles à l'oreille. L'un d'eux tenait le fameux livre des comptes dont Cloyd s'empara, avant de le parcourir rapidement des yeux et de le remettre dans la poche intérieure de sa cape, les yeux assombris.

Cloyd se dirigea vers eux, l'air sombre, et il leva son gros doigt devant lui, pointant Ivo. Ce dernier ne sembla pas remarquer immédiatement que c'était lui qu'il avait désigné.

« Petit morveux. Tu pensais pouvoir me voler quoi que ce soit ? À MOI ? Nous l'avons retrouvé caché dans tes affaires, avec d'autres biens de valeur. Des biens que tu aurais dû me retourner, comme le veut le protocole. »

Les yeux écarquillés, Ivo tremblait de tout son long, en état de choc.

« Je… Je n'ai rien volé ». » balbutia-t-il d'une voix tremblante, la gorge sèche, le regard suppliant.

Ses contestations semblèrent enrager Cloyd davantage et il saisit Ivo brusquement par le col. De ses mains puissantes, il serra sa nuque avec force. Ivo hoqueta, la respiration coupée et ses yeux s'agrandissant d'horreur dans ses orbites.

« Je vais t'apprendre ce qui arrive à ceux qui essaie de m'entourlouper ! » fustigea l'homme, les veines de sa tempe ressortant sur sa peau tant il était en colère.

Sans relâcher sa nuque, il saisit Ivo dans les airs avec une facilité déconcertante. Ivo tentait de lutter, en vain. Cloyd était trop fort. Dans sa poitrine, le cœur de Kitty battait à la chamade. Ses poings étaient tellement serrés que ses jointures étaient devenues blanches.

Jamais de sa vie elle ne s'était sentie aussi mal. Elle savait qu'elle n'arriverait jamais à oublier cette scène, malgré toutes les excuses qu'elle se donnait pour la justifier. Elle réalisa à quel point elle était lâche.

Pardonne-moi Ivo, murmura-t-elle dans sa tête à plusieurs reprises, nauséeuse.

« Je vais te faire regretter d'avoir osé sortir de la chatte impure de ta pute de génitrice. » continua Cloyd, furibond, ses dents serrées.

Ivo se débattait toujours. Il jetait des regards paniqués autour de lui. Ses yeux terrifiés se tournèrent vers Kitty. Incapable de supporter plus longtemps ce sentiment de culpabilité qui la rongeait de l'intérieur, elle détourna la tête. Impuissante, elle observa Cloyd emmener le garçon hors de la pièce.

Sans surprise, elle entendit les rumeurs du traitement inhumain que subissait Ivo sous les mains perverses et vengeresses de Jacobus Cloyd. On l'avait enfermé dans une malle à peine plus grande que lui, dans l'obscurité totale, lui donnant des vivres de manière sporadique pour le torturer.

Parfois, Cloyd emmenait quelques-unes des brutes de la Trappe - ses favoris - et les laissaient brutaliser violemment le garçon, jusqu'à l'inconscience. Ces derniers venaient fièrement relater leurs exploits au reste de la Trappe.

Son calvaire dura des jours. Finalement, Kitty réussit à trouver l'endroit où on le dissimulait et à entrer sans qu'on la voie. Elle ouvrit la malle épaisse et une odeur d'urine se dégagea de l'intérieur. On faisait tout pour le torturer de la pire manière qui soit, y compris le laisser dans sa propre crasse.

« Putain de merde, petit. » dit-elle d'une voix choquée et tremblante.

« K-Kitty? » demanda Ivo d'une voix enrouée.

Sa voix était à peine reconnaissable et lorsqu'elle vit son visage, elle ouvrit les yeux d'horreur. Il était dans un état abominable. Et pourtant, lorsqu'elle croisa le regard d'Ivo, la lueur d'espoir qu'il afficha la brisa.

« Qu'est-ce que cette ordure t'a fait ? » murmura-t-elle.

Ivo explosa soudainement en pleurs et le cœur de Kitty se serra. Elle sentit également des larmes remplir ses yeux mais s'efforça de ne pas craquer.

« Je suis désolé de ce qu'il t'arrive. »

Ces mots ne suffisaient pas, elle le savait. Elle était la seule responsable.

« Je… Je n'ai rien fait, je te le jure. Je n'ai rien volé. » se justifia-t-il, entre ses sanglots.

« Je te crois mais ça n'a plus d'importance. » répondit Kitty.

« Aide… Aide-moi Kitty. » supplia-t-il.

« Je ne peux pas te faire sortir d'ici. Les superviseurs sont partout. S'ils me voient, ils vont nous tuer tous les deux. » dit-elle, honteuse.

« Alors…Tue…Tue-moi. Je ne peux pas continuer comme ça. » plaida-t-il, désespéré, ses yeux suppliants.

Ces mots, sortant de la bouche d'un enfant si jeune, furent dévastateurs.

« Je suis désolée, petit, je ne peux pas faire ça. » murmura-t-elle.

Elle jeta un regard derrière elle, vérifiant que personne ne se trouvait à la porte. Elle farfouilla dans son sac et en extirpa une miche de pain qu'elle lui tendit.

« Tiens. Mange. » dit-elle.

Ivo se jeta sur la nourriture, affamé. Elle savait qu'il n'avait pas avalé quoi que ce soit depuis des jours. Il avait la peau sur les os. Elle lui tendit une gourde sur laquelle il se jeta immédiatement pour avaler l'eau à grandes gorgées.

« Garde ça à l'intérieur. Histoire de ne pas mourir de soif. » conseilla-t-elle.

Kitty jeta un sort de nettoyage à la malle, la faisant retrouver un état propre.

« Merci… » dit-il, en larmes, avec reconnaissance.

« Il faut que j'y aille. Mais je reviendrai. Je vais trouver un moyen de te sortir d'ici. » promit-elle avant de quitter la pièce.

Elle se rua à toute allure dans les toilettes les plus proches et s'enferma à l'intérieur. Elle explosa en pleurs, le cœur meurtri. C'était elle qui aurait dû se retrouver dans cette malle, pensa-t-elle.

Et pourtant, malgré sa culpabilité, elle effaça ses larmes. Elle n'avait pas le choix. Elle ne pouvait plus reculer. Elle était déjà allée trop loin.

Quelques jours plus tard, ils furent de nouveau réunis devant le réfectoire. Cloyd entra à l'intérieur, traînant Ivo comme une marionnette, une expression de rage extrême sur son visage. Le corps du garçon était maculé d'ecchymoses.

« Qui a donné de l'eau à ce petit traître ? » hurla la voix de Cloyd dans le réfectoire, observant les gens avec un air furibond.

Personne ne répondit. Ivo, toujours tremblant, aperçut Kitty à quelques mètres. Cloyd saisit Ivo par les cheveux, les tirant brutalement.

« Qui t'a donné ça, merdeux ? Tu ne vas pas répondre ? » hurla-t-il.

Il saisit une barre dans les mains d'une superviseuse. Il la leva sous l'air horrifié d'Ivo et l'assena avec violence sur lui. Il le frappa encore et encore. De plus en plus fort. Entre chaque coup, il lui demandait de dénoncer la personne qui l'avait aidé. Le cœur de Kitty battait à toute allure. Elle se demanda si elle avait fait une erreur en allant le voir. Allait-il la dénoncer ?

Pourtant, malgré les coups, Ivo ne flancha pas.

« C'est moi. J'ai… J'ai réussi à sortir et je l'ai volé. » dit-il finalement en larmes.

Kitty écarquilla les yeux, ébahie. Il ne l'avait pas dénoncée. Cloyd parût estimer qu'il avait résolu le mystère et le relâcha. Autour d'eux, les enfants observaient la scène avec horreur. Certains étaient en larmes. Le visage d'Ivo ruisselait de sang.

Il leva la tête et croisa le regard de Kitty qui l'observait avec choc. Cloyd le saisit de nouveau par le col et disparut avec lui dans les couloirs.

Deux jours plus tard, Kitty ouvrit de nouveau la malle. L'état d'Ivo était encore pire que lors de sa dernière visite. Elle savait qu'une tragédie surviendrait s'ils continuaient ainsi. Elle n'était pas sûre que Cloyd le fasse sortir un jour vivant de cette malle. Il attendait probablement qu'il meure.

« Tu ne m'as pas dénoncée… » murmura-t-elle dans un souffle.

Ivo secoua la tête.

« Merci. Tu es un bon, petit. Je te jure que je vais trouver un moyen de te sortir d'ici. Tu me fais confiance, n'est-ce pas ? »

Dès que ces mots sortirent de sa bouche, elle ressentit un élan de dégoût envers elle-même. Elle ne méritait pas sa confiance. Si tu savais, pensa-t-elle. Ivo hocha la tête. De nouveau, elle lui donna de la nourriture et de l'eau mais elle emporta cette fois la gourde pour ne laisser aucune trace.

Elle décida qu'il était désormais temps. Elle retourna à l'Ambrosia pour proposer à Vivienne d'acheter le contrat d'Ivo. Cloyd fut plus que ravi de pouvoir revendre le contrat d'un enfant pour qui il ne pourrait probablement plus tirer quoi que ce soit.

Quelques jours plus tard, Kitty retrouva le jeune garçon. A l'intérieur de la malle, Ivo ressemblait à un petit animal blessé. La lumière de sa baguette sembla l'aveugler.

« M… Maman ? » demanda-t-il.

Kitty se figea à ces mots.

« Petit. » dit finalement Kitty, mal à l'aise « Tu as tenu le coup. Tu es vraiment plus fort que je croyais... Lève-toi. »

Elle l'aida à sortir de la malle et Ivo se mit à trembler de tout son long.

« Tu… Tu ne peux pas faire ça. Si Cloyd te trouve, tu vas avoir des problèmes. » rappela-t-il, effrayé.

« Non. Cloyd sait ce que je suis ici. » assura Kitty. « Je t'ai dit que j'allais t'aider, n'est-ce pas ? »

Ivo la fixa, confus. Il tenait à peine debout. Kitty l'aida à l'installer sur le fauteuil volant qu'elle avait apporté.

« Qu'est-ce que tu fais ? » demanda Ivo, sans comprendre.

« Je fais ce que je t'ai promis. Je te sors d'ici. » déclara Kitty avec détermination.

Elle commença à marcher, quittant la pièce sombre, le fauteuil volant d'Ivo s'engageant à sa suite. Il ouvrit les yeux d'horreur lorsqu'ils croisèrent l'un des superviseurs dans un couloir. Il paraissait terrifié. Elle pouvait le comprendre après ce qu'il avait vécu. Malgré les paroles rassurantes de Kitty, il ne semblait pas croire qu'il était enfin libéré du joug de ces crapules. A leur passage, le superviseur ne fit aucune remarque et se contenta de les regarder passer, fixant Ivo avec un dégoût manifeste. Ils passèrent devant le réfectoire et Ivo sembla paniqué à la vue de Cloyd. Ce dernier l'observa avec aversion.

« Dommage que je n'aie pas eu le temps d'en finir avec toi, enfant de chienne. » dit-il avant de détourner les yeux.

Ivo se recroquevilla sur le fauteuil, telle une petite créature acculée. Kitty constata qu'il semblait submergé par ce qui l'entourait. Après avoir été enfermé pendant si longtemps dans ces conditions inhumaines, il était normal qu'il soit dans cet état de confusion.

Tandis qu'ils avançaient en direction de la sortie, elle lui jeta un coup d'œil et vit une expression étrange dans les yeux d'Ivo. Comme s'il venait de réaliser quelque chose. Des larmes coulèrent de ses joues.

« On attend ici. » déclara Kitty. « Elle ne devrait pas mettre longtemps à arriver. »

Quelques minutes plus tard un bruit se fit entendre, similaire à des pas imposants. Une créature squelettique et décharnée apparut devant eux, tirant une diligence qui se posta devant eux. Kitty ouvrit la porte du véhicule et aida Ivo à grimper à l'intérieur.

« Dis au revoir à cet endroit. Tu ne le reverras plus. » annonça Kitty.

« Où va-t-on ? » demanda-t-il faiblement.

« Tu te rappelles du jour où l'on s'est rencontré ? » demanda Kitty, les yeux rivés à travers la vitre, observant la vue impressionnante qu'ils avaient depuis les airs. « Quand je t'ai dit que j'allais te former ? »

Ivo hocha la tête.

« Tu m'as demandé ce que je voulais en échange de mon aide. » rappela-t-elle. « Je t'ai dit qu'il n'y avait pas grand-chose que tu pourrais m'apporter. Mais j'ai bien réfléchi et finalement, je crois que j'ai trouvé. »

Il sembla confus.

« J'ai réussi à négocier avec Cloyd pour qu'il accepte de transférer ton contrat à quelqu'un d'autre. Et il a accepté. » annonça Kitty avec un engouement exagéré.

Ivo écarquilla les yeux.

« Tu vas travailler dans un autre établissement. Ton rôle sera d'assister la gérante et les employées dans des petites tâches quotidiennes. Tu seras en quelque sorte leur petit concierge. » lui dit Kitty.

Elle lui adressa un clin d'œil. En allant voir Van Detta, elle avait réussi à la convaincre de placer le jeune garçon à un rôle de petit intendant pour les assister. Même si elle espérait qu'elle tiendrait sa promesse, Kitty savait que cette femme était capable du pire.

« Ah, ça me rappelle quelque chose ! » s'exclama soudain Kitty en farfouillant dans sa besace.

Elle extirpa le petit briquet cuivré d'Ivo et lui tendit.

« Tiens, j'ai gardé ta merdouille. » dit-elle avec amusement tandis que le jeune garçon la remerciait profusément.

Le trajet lui sembla bien plus long qu'à l'accoutumée. Finalement, la diligence commença à amorcer sa descente. Elle se posa sur le sol et roula encore pendant quelques instants avant de s'immobiliser complètement. Kitty ouvrit la porte et aida Ivo à descendre, l'installant de nouveau sur le fauteuil volant.

« Il y'a une Guérisseuse, ici. » indiqua Kitty avec un sourire faible. « Elle va te remettre sur pieds en un rien de temps, tu verras. »

Il suivit son regard vers le majestueux manoir qui se dressait devant eux, et qui impressionnait toujours ses nouveaux visiteurs.

« Voilà ta nouvelle maison, Ivo. » annonça Kitty finalement d'un ton solennel. « Bienvenue à l'Ambrosia. »

C'est fait, pensa-t-elle. Elle était enfin proche de sa liberté. Pendant un instant, tandis qu'elle regardait Ivo, elle se demanda si cela avait vraiment valu le coup. Et pourtant, malgré sa culpabilité et son dégoût d'elle-même, elle ne reculerait pas. Elle n'avait pas le choix. Si ce n'était pas lui, ce serait elle.

Et Kitty Sharp était une chose avant tout.

Une survivante.


50 chapitres, plus de 500 000 mots, c'est histoire est devenue un tel mastodonte…

C'est un chapitre un peu spécial. Déjà parce qu'il ne contient qu'un seul POV - celui de Kitty. C'est quelque que je ne fais quasiment pas dans cette histoire (sauf le chapitre 1 et 16 avec le POV de Ginny) Mais c'est aussi le seul chapitre rétrospectif de l'histoire (du moins pour le moment)

Kitty a toujours été un peu mystérieuse, et ce chapitre nous a permis de découvrir davantage sa personnalité et ses motivations qui sont complexes.

A partir de la fin du prochain chapitre, on entamera un nouvel arc de cette histoire - mon arc préféré je pense. J'ai hâte de vous le faire découvrir ! Il a été tellement plus fun et excitant à écrire en comparaison aux chapitres difficiles qu'on a enchaînés ces derniers temps. Mais on arrive à bout de toutes ces horreurs, promis !

En attendant, laissez-moi votre avis ! Êtes-vous choqués/surpris de la vérité sur Kitty ou vous attendiez-vous à cela ? Comment Hermione et Ivo vont-ils s'en sortir ? Va-t-on voir une nouvelle alliance se former ? La réponse dans la suite !

A très bientôt !