Chapitre VIII : Questions en huis-clos

Quelques semaines plus tard. Katarzyna était devenue informatrice, Seweryn gardait profil bas en attendant que Martwysz fasse un nouveau mouvement et Draco désertait les réunions de l'Ordre, mais rejoignait Dumbledore à Poudlard pour lui communiquer toutes les informations qu'il pouvait recueillir. Il évitait ainsi Potter et évitait par la même occasion d'attirer les soupçons de membres de l'Ordre qui auraient pu le trouver trop présent aux réunions et qui pourraient craindre ainsi que des informations soient communiquées à l'ennemi.

Le réveil sonna et Draco le coupa aussitôt. Adenor gémit et se blottit contre lui.

- « Tu peux encore dormir. » lui dit-il, alors qu'il lovait ses bras autour d'elle.

- « Non, je veux prendre le café avec toi. »

- « D'accord. Prenons encore cinq, dix minutes alors. »

Draco savait qu'Adenor détestait devoir se lever immédiatement après que le réveil ait sonné et il n'avait pas envie de quitter trop vite les bras de son aimée. Malheureusement, quelqu'un sonna. - « C'est pas vrai, il est à peine six heures et demi... » Draco se glissa hors du lit et mit un short et un t-shirt. Il se dirigea vers la porte de la chambre.

- « Ton bras. » marmonna Adenor d'une voix ensommeillée.

- « Ah zût ! » Draco fit demi-tour et passa une chemise. Il descendit et regarda dans la glace à l'ennemi qu'il avait accrochée près de la porte. Elle était vide. Il ouvrit donc et devant lui se tint la dernière personne qu'il s'attendait à voir venir chez lui. Draco le saisit par le col et le tira brutalement à l'intérieur. Il referma aussitôt.

- « Qu'est-ce qui te prends de venir chez moi Potter ? »

- « Tu sais bien que tu es couvert. Et moi je sais bien que tant que Voldemort n'aura pas choisi le moment il ne m'arrivera rien. »

Draco ne répondit pas. Son assurance était encore plus insupportable que sa suffisance.

Harry enleva son capuchon et s'ébouriffa les cheveux. Draco détestait quand il faisait ça, et il le mena au salon sans mot dire. Alors qu'il le suivait, Harry vit l'arrière du genou de Draco et son sang se glaça. Il ouvrit la bouche pour parler, mais fut coupé par Draco :

- « Tu veux un café ? »

- « Non merci, j'ai déjà bu tout ce que je pouvais boire de café. »

- « Tu t'es levé à quelle heure ? » demanda Draco, feignant l'intérêt.

- « Je ne me suis pas couché. »

- « Ah je vois. »

- « J'ai travaillé toute la nuit. »

Draco l'invita à s'asseoir et se laissa tomber dans un fauteuil. Il était encore loin d'être bien réveillé.

- « Qu'est-ce qui t'amène ? »

- « Dumbledore voulait que je te donne ça. » Il lui tendit un dossier.

- « Il n'aurait pas pu me le donner à Poudlard ? Il fallait qu'il complique tout ? »

- « Tu le connais, non ? Il devait penser que ça nous aiderait à travailler ensemble. »

- « On travaille déjà ensemble au ministère, qu'est-ce qu'il veut de plus ? »

- « C'est occasionnel au ministère. Je parlais de l'Ordre. D'ailleurs à ce sujet, je... »

- « C'est bon, ne blesse pas ton orgueil en me demandant pardon. » Draco ouvrit le dossier et le parcourut un instant. « Mm... je crois que ça va me prendre un peu de temps. Je passerai te le rendre au bureau des Aurors dès que possible. »

- « D'accord, mais fais attention, que les autres Aurors ne s'y intéressent pas. Il faut que ça reste entre les membres de l'Ordre. »

- « Ne t'inquiète pas. Aucun Auror ne me pose de question quand je viens, ils sont bien trop contents de me voir repartir au plus vite. »

- « Mm... Je voulais aussi te demander une information, mais c'est pour quelque chose dont je ne peux pas parler... »

- « Vas-y. »

- « Je recherche un sortilège très ancien, et je n'arrive pas à le trouver dans les bibliothèques. Je crois qu'il a été censuré au XV° ou quelque chose comme ça. Comme tu as fait des études un peu particulières en Pologne, je pensais que tu en aurais peut-être entendu parler là-bas. »

- « J'ai fait deux ans de droit en Pologne, je n'ai pas fait d'études 'un peu particulières'. »

- « Allons Malfoy, tout le monde sait très bien pourquoi ton père t'y a envoyé. Le berceau de la Magie Noire est dans l'Est, tu ne tromperas personne. Tu as étudié le droit là-bas d'accord, mais je suis sûr que tu n'as pas étudié que ça. »

- « Très bien. » capitula le Serpentard. « Quel sort cherches-tu ? »

Harry sortit un morceau de papier de sa poche et lui tendit. Draco blêmit.

- « Euh oui je connais... il est toujours en usage dans ces pays et parmi les Mangemorts. J'ai un bouquin dessus et sur ses contre-sorts. »

- « Parfait ! C'est ce qu'il me faut ! »

- « Les contre-sorts ? »

- « Oui. »

- « Je vais te chercher ça. » Il se leva, mais à cet instant on frappa à la porte. Draco jura et alla en silence à l'entrée. Il regarda la glace.

Il retourna au salon.

- « C'est Dolohov ! S'il te voit... »

- « Comment tu sais que c'est lui ? Tu n'as pas de juda. »

- « La glace à l'ennemi, Potter. »

Draco avait vu Dolohov dans la glace à l'ennemi ? Dolohov mais pas lui, Harry Potter ? Harry fixa Draco un instant et Draco lut dans son regard que désormais il le croyait vraiment et lui faisait enfin confiance. Draco l'empoigna et le tira vers une porte au fond du salon.

- « Cache-toi dans la cave. Quoi qu'il arrive n'en sors pas, d'accord ? Quoi que tu entendes, quoi qu'il se passe, ne bouge pas de là. J'irai te chercher quand la voie sera libre. »

Draco se hâta d'aller ouvrir.

- « Dolohov ? Nan mais vous avez vu l'heure ? »

- « Désolé. » répondit-il, pas navré pour une Noise. « Le Maître veut le dossier tout de suite et il n'avait pas de temps à perdre en te convocant et à attendre que tu te lèves, t'habilles et ailles transplaner. Il est prêt ? »

- « Oui, j'ai fini cette nuit. Entrez, je vais le chercher. »

Dolohov entra donc dans le salon et attendit que Draco revienne de son bureau, une pile de parchemins à la main.

- « Voilà, tout y est, je pense qu'il sera satisfait. Je m'assurerai personnellement que le Maître l'a bien reçu en mains propres. »

Dolohov acquiesça, le salua avec un sourire mauvais et sortit. Draco attendit un peu, puis retourna au salon. Il ouvrit la porte de la cave.

- « C'est bon Potter, tu peux remonter. »

Harry remonta donc et Draco l'invita à se rasseoir.

- « Je vais chercher le livre. Si tu entends quelqu'un frapper va te cacher dans la cave, mais sans faire de bruit. Juste au cas où. »

Draco monta, passa dire à Adenor que Harry était là pour encore quelques minutes, puis alla à la bibliothèque. Il redescendit ensuite au salon et donna le livre à Harry.

- « Et quoi qu'il arrive tu n'es pas venu ici et ce n'est pas moi qui t'ai donné ce livre. »

- « Promis. » Harry se leva. « Bien, je vais te laisser, je te dis à bientôt à mon bureau. »

- « C'est ça à bientôt. »

- « Ah Malfoy... »

- « Mm ? »

- « Tu sais, eum... ton genou, qu'... »

- « Ca ne te regarde pas. Et je ne te retiens pas. Ah non ne sors pas par la porte principale. Suis-moi. »

Draco descendit à la cave, longea plusieurs galeries et mena Harry jusqu'à une porte.

- « Je t'ouvre. Transplane aussitôt. »

Dès que Harry fut parti, Draco vérifia qu'il n'avait laissé aucune trace nulle part, et monta se préparer. Il commençait à avoir un drôle de présentiment. Ce sourire mauvais de Dolohov, cette hâte du Maître à avoir le dossier... N'aurait-il pas pu l'apporter lui-même un peu plus tard ? Draco n'arrivait pas à en saisir le sens et c'est donc inquiet et préoccupé qu'il arriva au ministère. Il trouva la noble institution en effervescence. Il arrêta un employé au hasard et lui demanda ce qui se passait.

- « Vous n'avez pas lu La Gazette ? Peter Pettigrow a été arrêté ! Et ils vont réhabiliter Sirius Black à titre posthume. Quelle affaire ! »

Peter Pettigrow... arrêté... Il allait parler, dénoncer, donner des noms pour tenter de s'en sortir ! Draco s'interdit de succomber à la panique. S'il devait être dénoncé il assumerait pleinement ses responsabilités. L'air digne et posé, Draco traversa le ministère au milieu du tumulte jusqu'à son bureau. Il s'assit et travailla comme si de rien n'était. Pettigrow le détestait, il lui vouait une haine viscérale et irraisonnée. Il allait être dénoncé il le savait. Le dossier ! Il devait s'en débarrasser. Draco se leva et se rendit au bureau des Aurors. Personne ne sembla le remarquer. Il frappa au bureau de Harry et entra.

- « Potter. »

Harry semblait aux anges. Feu son parrain allait être réhabilité. Il ne comprenait pas... Les implications...

- « Malfoy. » répondit-il d'un air professionnel malgré son sourire radieux.

Draco insonorisa le bureau.

- « Je suis venu te rendre le dossier de ce matin. »

- « Mais pourquoi ? »

- « Je crois que je suis cuit. »

Draco ne lui laissa pas le temps de répondre, posa le dossier et sortit.

Draco travaillait à son bureau, en milieu d'après-midi, lorsqu'il vit trois Aurors et un greffier arriver. Il s'interdit de trembler, s'interdit de saisir sa baguette et de se défendre.

- « Inspecteur. » le salua un des Aurors.

Draco se leva et les salua dignement d'un signe de tête.

- « Veuillez remonter votre manche gauche. »

Draco obtempéra, découvrant l'abjecte Marque des Ténèbres brûlée dans sa chair.

- « Draco Malfoy, au nom de la Loi de la Communauté Magicienne, vous êtes placé en état d'arrestation pour allégance à Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. »

Draco ne bougea pas. Un Auror prit sa baguette posée sur son bureau, il ne l'en empêcha pas. D'un coup de baguette il fut menoté par des liens invisibles, et c'est flanqué de deux Aurors qu'il sortit du bureau. Le troisième fermait la marche. Draco l'entendit dire au greffier :

- « Veuillez noter dans son dossier que l'inspecteur Malfoy s'est rendu dignement et sans opposer de résistance. »

Il garda la tête haute alors qu'on le dévisageait, il n'allait pas se cacher. Non, il était fier de ce qu'il avait fait. Une fois arrivés à l'atrium, ils transplanèrent. Ils arrivèrent dans un couloir sombre si long qu'on n'en voyait pas le bout. Draco réprima un frisson. Des portes marrons identiques s'alignaient tout le long du couloir. Que cachaient-elles ? Draco sentait qu'il le saurait bien assez tôt. Les Aurors le menèrent à travers le corridor et s'arrêtèrent devant une porte. Ils entrèrent. Ils assirent rudement Draco sur une chaise, le greffier se planta dans un coin et les trois Aurors se placèrent face à leur captif. Un homme entra.

- « Vos baguettes messieurs. »

Les Aurors et le greffier lui remirent leurs baguettes ainsi que celle de Draco. C'était le règlement : aucun sort ne devait être jeté à un prisonnier en interrogatoire. L'homme sortit et les Aurors reportèrent leur attention sur Draco. L'un d'eux soupira et dit :

- « Un de ses serviteurs... quelle pitié vraiment. Tu avais la vie devant toi, une carrière brillante... Ca ne te fait pas rager de penser que tu as gâché tout ça pour l'idéologie abjecte d'un fou furieux ? »

Draco ne répondit pas et soutint son regard. Oh il ne partageait pas cette idéologie, mais il ne pouvait pas le dire. Il ne pouvait clâmer son innocence. Les Mangemorts se vengeraient... sur Adenor. Il ne le supporterait pas. Lui mourrait à Azkaban, son honneur trainé dans la boue certes, mais Adenor serait sauve, et elle apprendrait à vivre sans lui. Il fallait juste qu'elle ne fasse rien de stupide, qu'elle n'aille pas témoigner.

- « Bon... Passons aux vraies questions. » dit un autre. « Quand l'as-tu rejoint ? »

Draco ne répondit pas et continua de fixer le vide devant lui.

- « Quand ? ... Quand ? Réponds ! Quand l'as-tu rejoint ? »

Draco ne répondit pas. L'Auror le gliffa d'un revers de main. Draco vascilla sous le coup, reprit son équilibre et fixa à nouveau le vide.

Les questions s'enchaînèrent, se répétèrent, les coups s'abattirent sur lui, encore et encore, mais toujours Draco restait droit, impassible et muet.

Finalement un Auror le prit par le col et le leva de sa chaise.

- « Tu seras plus bavard au procès. »

Ils l'entrainèrent hors de la salle. Ils reprirent leurs baguettes et le vigile ne dit rien sur l'état dans lequel était Draco. Ils le trainèrent à l'extérieur du bâtiment et transplanèrent à nouveau. A Azkaban. Draco sentit son sang se glacer, il eut l'impression d'être plongé dans un bac d'eau glaciale. Ses pensées s'obscurcirent, des images lui revinrent... Il avait froid, tellement froid qu'il pensa qu'il ne sentirait plus jamais la chaleur du soleil sur sa peau, la chaleur de son sang dans ses veines. Jamais plus il ne verrait la lumière, c'était déjà comme s'il ne l'avait jamais vue. Il oubliait déjà que là dehors un soleil pâle brillait, pâle mais chaud, chaud oui car tout serait chaud après un froid pareil, même la morsure du blizzard, même la giffle des bourrasques de vent et de pluie.

- « Gardiens ! » appela un des trois Aurors. Deux autres Aurors arrivèrent alors, dont Tonks. Des Aurors étaient dorénavant chargés de la surveillance avec les détraqueurs, le ministère craignant les évasions et ne faisant plus entière confiance à ces créatures des Ténèbres. Ils se relayaient plusieurs fois par jour pour ne pas être affectés. Tonks était donc de garde ce soir. Elle fixa Draco d'un air choqué et atterré. Dumbledore était-il au courant ? Allait-il agir rapidement ? « On vous le confie. A la prochaine ! »

Les trois Aurors qui l'avaient escorté et interrogé partirent, et le collègue de Tonks poussa Draco en avant vers un couloir.

- « Vas-y doucement ! » lui dit-elle.

- « Pourquoi ? Il n'a rien fait pour mériter qu'on le respecte. Tu as pitié de lui ? »

- « Je suis sûre qu'il n'a pas eu de chance, qu'il n'a pas vraiment choisi... »

Draco ne les écoutait pas, il marchait machinalement, déjà enfermé dans ses sombres pensées.

- « Tu parles ! » répliqua l'Auror. Tonks n'insista pas, ce serait suspect. Oh vite que sa garde finisse et qu'elle aille voir Dumbledore !

Ils ouvrirent une cellule et l'Auror poussa Draco à l'intérieur. Celui-ci tomba sur le sol. L'Auror lui retira ses liens et s'en alla. Dès que Tonks fut sûre de ne pouvoir être ni vue ni entendue, elle s'accroupit près de lui.

- « Courage Draco, on va te sortir de là ! » Elle murmura quelques sorts de guérison et sortit en hâte. Elle ferma la cellule et retourna à son poste.

Draco sembla recouvrir ses sens un peu plus tard, une fois le choc passé. Il avait moins mal grâce aux sorts de Tonks, mais il se sentait toujours endolori. Il se redressa et s'assit. Soudain, il se souvint... Il se mit à chercher frénétiquement dans ses poches. Ils avaient dû le fouiller et la lui prendre. Sa fiole, sa fiole de poison. Cette fiole ne l'avait jamais quitté, au cas où un des deux camps l'arrêterait pour l'interroger. Il devait donc vivre, aller à ce procès. Qu'allait-il dire ? Il ne pourrait rien révéler de sa véritable allégeance. Pouvait-il se condammer lui-même en gardant le silence ou en leur laissant croire ce qu'ils voulaient croire ? Dumbledore viendrait sûrement le défendre, révéler sa nature d'espion. Les Mangemorts s'en prendraient à Adenor. Oui, il fallait se sacrifier, se condamner en gardant le silence. Il ne dira rien, pas un mot, rien.

Le temps passa, les secondes semblables à des heures. Le bruit des gouttes d'eau qui tombaient sur le sol dur et froid, les relèves des Aurors, les passages des détraqueurs... La routine devint torture et obsession. Draco ne saurait dire depuis combien de temps il était là, il ne pouvait différencier le jour de la nuit. Au départ, le jeune homme dormit presque tout le temps, mais le sommeil se fit de plus en plus dur à trouver. Très vite, il ne dormit plus du tout. Il devint agité, il essayait de repousser les voix, les images, il essayait de ne pas imaginer le goût du sang dans sa bouche... En vain. Le froid, l'atmosphère putride, les grincements de dents, les hurlements, les rires cruels... Il était prisonnier d'un cauchemar. Ce devait être un cauchemar... Son sang se glaçait encore plus lorsqu'il entendait ces rires sinistres et lointains. Ils lui rappelaient le rire du Seigneur des Ténèbres. Valaient-ils réellement plus que lui ? N'étaient-ils pas comme lui des humains sans compassion ? Draco finit par glisser dans les bras de Morphée, mais les images se firent plus intenses et il se réveilla pour vomir. Il entendit à peine un Auror crier à un de ses collègues.

- « Ah c'est pas vrai, il a encore vomi ! »

- « Laisse-le donc dans sa gerbe ! »

Draco rampa jusqu'au fond de la cellule, grattant le sol de ses ongles, et se recroquevilla dans un coin. Ses dents se mirent à claquer. Il ne pouvait plus s'empêcher de trembler. Il devait être plus froid que la Mort elle-même. Oh oui même la Mort ne pouvait être aussi froide que cette prison. Oh comme la Mort lui paraissait douce et chaude. Si seulement il pouvait mourir. Pourtant il devait bien y avoir un moyen... et s'il... Il entendit la porte s'ouvrir. Il put voir deux personnes entrer, mais il ne les reconnut pas. L'une resta à la porte alors que l'autre s'approchait de lui. Il cligna des paupières et distingua alors les yeux myosotis de Dumbledore.

- « P... » essaya-t-il de dire. « Prof... »

- « Chute ne parle pas. » Dumbledore prit sa baguette et un Patronus en sortit. Le phénix vint envelopper Draco de ses ailes. Le jeune homme sourit. Il pouvait revoir la main d'Adenor dans la sienne, il pouvait revoir Adenor lire dans ses bras, il pouvait revoir Adenor se donner à lui, il pouvait revoir le regard de Harry alors qu'il lui avait finalement fait confiance. Il sourit et ses yeux brillèrent. « Draco, on m'a autorisé à venir te voir comme tu es malade. Ils ne pensaient pas que tu tomberais aussi vite et ils aimeraient que le procès puisse avoir lieu. Ne t'en fais pas, je te défendrai. »

- « Non, non, il ne faut pas. »

- « Mais pourquoi ? »

- « Les Mangemorts, Adenor, ils la tueront s'ils apprennent ! Il faut me laisser mourir ici et les laisser croire que je sers Vous-Savez-Qui. »

- « Jamais ! » s'exclama Dumbledore. Draco n'avait jamais vu une telle détermination chez le vieil homme. Tout l'être du sage sembla se faire violence. Il était si jeune, il pouvait encore vivre, encore être heureux. « Nous la protégerons, et lorsque la guerre sera finie vous serez tous deux en sûreté. »

- « Et si nous perdons ? »

- « Nous ne perdrons pas. Harry a la solution, une vraie solution Draco, tu dois croire en lui. Il aura bientôt ce qu'il faut pour anéantir Voldemort. »

- « Ne dites pas son nom ! » hurla Draco et pour la première fois de sa vie Dumbledore y consentit.

- « Harry peut vaincre Tu-Sais-Qui, ce n'est plus qu'une question de temps. Tu dois te défendre ! »

- « Non, non. Me sauver c'est condamner Adenor, je refuse ! »

- « Crois-tu qu'Adenor acceptera ton sacrifice ? »

- « Il le faudra bien... »

Dumbledore n'insista pas davantage, chaque parole semblait consumer davantage les forces du Serpentard. Il ne pouvait supporter ce spectacle... ce garçon si jeune et si brillant qui avait trouvé la voie de la rédemption... gâché, torturé, assassiné à petit feu. Dumbledore se leva.

- « N'oublie pas la lumière Draco. Cherche la lumière, même ici... » Des paroles, c'est tout ce qu'il pouvait lui donner pour le moment. Il devait lui donner un espoir, un but pour occuper son temps en ce lieu misérable et le sauver de la folie. Il était tellement affecté... Mais Dumbledore savait qu'il ne chercherait pas la lumière. Il savait que Draco voulait mourir. Plus rien ne pourrait le sortir de cet état d'esprit-là, pas même la vue d'Adenor. C'est pour elle qu'il voulait mourir. Dumbledore serra l'épaule de Draco et s'en alla. Le Patronus disparut avec lui, replongeant Draco dans les ténèbres et les affres de la dépression.

Tonks, qui était venue avec le sage pour lui ouvrir la porte et l'escorter, raccompagna Dumbledore vers la sortie. Alors qu'ils ne pouvaient toujours pas être entendus des autres Aurors, Dumbledore dit à la jeune femme :

- « Je voudrais que tu ailles lancer des Patroni de temps en temps, pour l'aider à tenir le coup. Je me charge du reste. »

Tonks acquiesça.

Draco gémit et se réveilla. Il avait pu trouver un peu de sommeil, mais celui-ci ne lui avait donné aucun réconfort. Il se frotta le visage d'un air las puis regarda ses mains. Trelawney lui aurait dit qu'il vivrait longtemps au vu de sa ligne de vie... pourtant sa vie allait prendre fin dans quelques instants. Il allait y mettre un terme. C'est ce qu'il aurait dû faire dès le début. Il se leva de sa paillasse et s'écroula. Il rampa jusqu'à un côté saillant du mur et commença à frotter ses poignets sur la roche. Il frotta inlassablement, jusqu'à ce que la peau se déchire, jusqu'à ce que le sang se mette à couler, et il frotta encore et encore, pour être sûr de faire les choses vite et bien. Finalement, il murmura « Adenor... » et perdit connaissance. A cet instant, dans une jolie maison cossue du bord de mer, leur maison où ils avaient tant partagé, Adenor se réveilla en poussant un cri. Elle passa une robe et une cape, enfila ses chaussures, attrapa sa baguette et sortit transplaner. Elle courut jusqu'à Poudlard, entra dans le hall et se retrouva désamparée. Severus était le seul à qui elle pouvait parler, mais comment le trouver ? En désespoir de cause, elle se mit à crier le nom du Maître de Potions. Quelqu'un l'entendit et vint vers elle. C'était Rusard.

- « M'dame ? Vous cherchez... »

- « Le professeur Snape. » le coupa-t-elle. « C'est urgent je vous en prie. »

- « Suivez-moi alors... »

L'homme ne lui inspirait pas confiance, mais il en allait de la vie de Draco, elle le suivit. Il la mena à travers d'obscurs couloirs dans les sous-sols du château, puis s'arrêta devant un portrait.

- « Vous y êtes. Frappez, il ne dort sûrement pas. »

Adenor ne se fit pas prier et frappa, alors que le concierge s'éloignait, sa chatte teigneuse sur les talons. Adenor frappa plus fort, insista. Finalement la porte s'ouvrit. Severus fut tellement surpris de la voir qu'il ne put cacher son étonnement.

- « Ah, si c'est toi c'est bon. » dit-il. « Entre. » Adenor ne comprit pas pourquoi il avait dit cela, mais elle le suivit à l'intérieur sans demander son reste. Elle vit alors la cape noire et le masque sur le lit... Il revenait d'une réunion. Adenor ne perdit pas plus de temps :

- « Severus, il faut avertir quelqu'un ! Draco est en danger. »

- « Comment cela ? »

- « Il vient d'essayer de se tuer. C'est peut-être une question de minutes. »

Severus ne demanda pas comment elle le savait, beaucoup de choses pouvaient se passer entre deux âmes soeurs.

- « Reste ici, je cours prévenir Dumbledore. »

Il saisit ses vêtements de Mangemort, les jeta dans une malle magique et sortit en courant. Adenor s'effondra sur le lit, le visage blême, les mains crispées sur l'étoffe de sa robe.

Severus revint quelque temps plus tard, Adenor n'aurait pu dire combien. Elle se leva et l'interrogea d'un regard implorant.

- « Il est hors de danger. »

Adenor retomba sur le lit et enfouit son visage dans ses mains, mais elle ne pleura pas, et Severus lui en fut secrètement reconnaissant. Adenor inspira profondément et se releva.

- « Je vais y aller, merci pour tout... »

- « Tu tiens le coup ? Tu n'as besoin de rien ? »

- « Ca va aller... merci. Vous avez déjà bien assez à faire et je me débrouille. »

- « N'hésite pas à passer. »

- « Merci. »

Adenor lui sourit légèrement et sortit. Severus se laissa tomber à son tour. Savoir son filleul dans une telle situation devenait insoutenable. Il détestait se savoir impuissant ainsi.

- § -

Après cette tentative de suicide, le ministère hâta la préparation du procès. Draco quant à lui demeurait désormais immobile, allongé sur le côté, les yeux toujours ouverts, fixant le néant. Le seul mouvement perceptible était dû aux frissons qui parcouraient son corps. Tonks venait lui parler régulièrement et lancer des Patroni, mais aucun changement n'opérait et elle le voyait sombrer dans une folie muette et figée.

Draco ne sentit pas lorsqu'on le saisit par la cape. Il ne sentit pas lorsqu'on l'entraîna hors de sa cellule dans les couloirs humides et moisis d'Azkaban. Il ne sentit pas lorsqu'on le fit transplaner. Néanmoins, au moment où il arriva au ministère, Draco revint à lui. Il porta la main à ses yeux et vascilla. Ils le stabilisèrent et reprirent leur chemin, le traînant alors que ses jambes commençaient à peine à répondre. Il n'avait pas conscience de ce qui l'entourait, il ne voyait pas les gens, il ne les entendait pas. Il commença à prendre conscience de leur présence lorsqu'on le fit entrer dans la salle d'audience. A cet instant il comprit où il était et pourquoi. Ne rien dire, ne rien dire, les laisser croire. Il ne chercha même pas Adenor du regard, ni Severus, ni Dumbledore. Il se laissa tomber sur le siège et se tint immobile. Les chaînes s'enroulèrent autour de ses poignets mutilés. Adenor, elle, le regardait intensément, les yeux voilés de larmes. Severus était assis à côté d'elle et avait posé sa main sur le bras de la jeune femme en signe de soutien. Ils pouvaient comprendre la douleur de l'autre, les autres ne savaient pas, ne pouvaient comprendre. Jamais il n'aurait cru montrer extérieurement un sentiment autre que la colère ou le mépris, mais aujourd'hui Adenor avait besoin de lui et il lui offrit son soutien sans se poser de questions. Son filleul, ce bébé, ce gamin, qu'il avait vu grandir, qu'il avait vu être manipulé, qu'il avait vu vénérer son monstre de père, qu'il avait vu souffrir, il était là devant lui et c'est à peine s'il le reconnaissait. Il lui fallut tout son courage et toute sa force pour ne pas se montrer affecté. Pourtant à la vue de son filleul, le coeur de Severus se brisa, car même la pierre peut être brisée. Ses cheveux ternes et sales, ses joues creusées, son regard vide, sa peau si blanche... elle paraissait bleue tant elle était pâle, comme si on voyait les veines à travers une peau trop fine, ses doigts qui tremblaient, sans force, ses paupières qui tombaient, mais pire que tout, son esprit... qu'en restait-il ? Il sentit Adenor trembler contre lui, mais elle retenait ses larmes et se maintenait droite. Elle aussi mobilisait toute sa force et son courage. Severus parcourut la salle des yeux et croisa le regard de Narcissa. Ses yeux brillaient de larmes refoulées, oh comme elle aimait son fils, comme elle aimait son fils ! A côté d'elle se tenait Lucius, froid et impassible. Indifférent. Comment ce père qui avait tant aimé et respecté son fils avait pu changer ainsi ? Severus détourna le regard et reporta son attention sur Draco.

Le juge demanda alors le silence.

- « Veuillez décliner votre état civil. »

Draco se redressa légèrement, la pièce lui semblait chaleureuse en comparaison à Azkaban et il sentait son corps se réchauffer, son esprit commençait de nouveau à raisonner. Adenor et Severus perçurent ce changement, bien qu'il fut infime en apparence. Adenor serra la main de Severus, puis retira doucement son bras et posa les mains sur ses genoux. Severus croisa les bras sur son torse, les traits sévères, le regard sombre. Il était là pour son filleul, même si bientôt il serait peut-être à sa place, dans ce siège... à nouveau. Il n'allait pas se cacher, non, et lui se défendrait. « Oh Draco défends-toi » pensa-t-il, désespéré.

- « Draco Cygnus Malfoy. Né le 5 juin 1980 à Malfoy Manor, Wiltshire. » répondit Draco d'une voix basse et lente.

- « Savez-vous pourquoi vous êtes là ? »

- « Oui. »

- « Pourquoi alors ? »

- « Pour avoir servi Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. »

- « Niez-vous cette accusation ? »

- « Non. »

Un murmure agité parcourut la salle. Adenor se retint de lui crier quelque chose et Severus se tendit. Il tourna son regard vers Dumbledore. Il semblait désemparé. Comment défendre quelqu'un qui ne voulait pas être défendu ? Il leur faudra exiger le veritaserum, c'était la seule solution...

L'interrogatoire se poursuivit, des questions lui furent posées par les différents membres de la Cour. Ils ne proposèrent pas que quelqu'un le défende, Draco ayant précisé à son arrestation qu'il se défendrait lui-même. Néanmoins Dumbledore ne pouvait plus le laisser faire. Encore quelques questions et il serait envoyé à perpétuité à Azkaban ou condamné au baiser du détraqueur. Severus le supplia du regard. C'était la première fois qu'il lui demandait vraiment quelque chose, la première fois qu'il suppliait. Dumbledore se leva.

- « Votre honneur, je vous en prie, cessons cela... »

- « Non ! » s'écria Draco. Tous les regards se tournèrent vers lui. « Non professeur, ne dites rien, vous n'avez pas le droit ! »

Dumbledore le regarda comme s'il lui demandait pardon, puis dit :

- « Je voudrais qu'il soit interrogé au veritaserum. »

- « Non ! » hurla Draco. Ses forces semblaient revenir, il se faisait violence. Il ne le laisserait pas mettre Adenor en danger. Son père était là, il pouvait le distinguer dans l'assemblée. Il la tuerait, lui-même, de ses propres mains.

- « Taisez-vous Malfoy. Greffier, du veritaserum. » ordonna le président de Cour.

Draco fixa le vide devant lui. C'était fini, fini, fini. Adenor. Adenor... Il releva la tête et balaya l'assemblée de son regard gris hanté. Il la trouva. Leurs regards se croisèrent et Adenor lui sourit à travers ses yeux voilés. Draco détourna son attention vers Severus et secoua lentement la tête. Dumbledore n'aurait pas dû faire ça, il n'aurait pas dû. Severus put lire dans ses pensées, mais s'arrêta, craignant de le fragiliser.

On amena du veritaserum et on le fit boire à Draco malgré ses objections. Son regard se voila, ses épaules s'affaissèrent, il était prêt à livrer la vérité, malgré lui. Le juge reprit les mêmes questions, mais les réponses furent toutes autres. Une nuance importante s'y était ajoutée : il avait fait tout cela oui, mais contre son grès. Toute la différence était là. Ils ne pourraient plus le condamner. Dans l'assemblée, Lucius se tendit. S'il parlait trop...

Ce second interrogatoire fut long, les réponses de Draco étaient vagues, en raison de sa fatigue, et il fallait l'amener à compléter ses réponses, à les préciser. Beaucoup d'éléments furent révélés au cours de l'interrogatoire : des noms de Mangemorts, le double-jeu de Severus... Dumbledore devra le protéger et il savait à quel point il aurait du mal à le garder dans l'enceinte de Poudlard, à le garder loin de l'action. Sur ce point il était comme Sirius... Il aurait voulu ne pas avoir recours au veritaserum, mais Draco ne lui avait pas laissé le choix. Ils devront se cacher, jusqu'à l'issue de la guerre, qui heureusement s'approchait. Dumbledore l'attendait autant qu'il l'appréhendait.

Les juges délibérèrent quelques minutes, puis le président de Cour déclara :

- « Suite à cet interrogatoire au veritaserum, le doute ne peut subsiter. L'accusé est relaxé. » Il fit alors signe aux gardes de libérer Draco et de placer Lucius Malfoy en état d'arrestation. Narcissa retrouvait son fils, mais perdait son époux, à tout jamais. Elle les aimait si forts, tous les deux. Son coeur se déchira. Il ne guérira jamais.