Chapitre XI : La vie reprend ses droits
Une nuit sans lune avait depuis longtemps enveloppé la paisible demeure victorienne de ses ailes de velours noir. Adenor peignait dans son atelier, indifférente aux picotements de ses yeux et aux tiraillements dans son cou. Elle ne pouvait pas s'arrêter, sentant que par ses coups de pinceaux agiles et précis naissait une petite merveille dont elle serait fière le lendemain. Après encore une demi-heure de travail, elle posa ses pinceaux et protégea sa toile d'un sort. Elle se leva, bailla bruyamment, et se dirigea vers la salle de bain. Elle brossa rapidement ses dents, enfila une robe de nuit et marcha silencieusement jusqu'à la chambre. Draco murmurait dans son sommeil, il était agité. Adenor se glissa dans le lit et ceint son époux d'un bras. Draco se calma alors et tomba dans un sommeil sans rêves ni cauchemars. Il cauchemardait encore souvent, mais retrouvait plus facilement la sérénité qu'avant. Il passa un bras autour de sa taille et Adenor s'endormit à son tour, fatiguée par des heures de concentration.
Un soleil pâle perça au travers des rideaux. Adenor gémit doucement et cala son visage contre l'épaule de Draco. Elle n'avait pas le courage de se lever. Elle marmonna :
-
« V'pas m'lever... »
- « C'est samedi, on a
tout notre temps. » murmura Draco d'une voix ensommeillée. Il
se rendormit aussitôt et Adenor ne tarda pas à l'imiter.
Ils se réveillèrent une heure plus tard et se levèrent tranquillement. Une fois habillés ils prirent leur café du matin et discutèrent dans la cuisine. Draco lui dit ensuite :
- « On pourrait aller à la plage ce matin. On n'y est encore jamais allés ensemble. » Adenor était allée y marcher à l'occasion, de même que Draco avant le mariage, mais ils n'y avaient jamais été tous les deux. Adenor accepta avec entrain et ils allèrent se préparer à cette petite sortie.
- « Le
dernier arrivé est un Boursouf ! » cria-t-elle alors qu'ils
arrivaient en vue de la plage, en haut de la colline.
Adenor
s'élança, puis Draco, encombré de sacs, la suivit. Il lâcha les
sacs et saisit la jeune femme par la taille.
-
« Hé tu triches, lâche-moi ! » rit-elle.
- « Tu
aurais perdu, alors je voulais t'épargner l'humiliation d'être
transformée en Boursouf. »
- « C'est pas juste ! » Elle rit de plus belle et essaya de se libérer. Finalement ils coururent tous les deux à la plage, côte-à-côte. Adenor était à bout de souffle. Draco s'inquiéta lorsqu'elle porta la main à sa poitrine, mais fut rassuré par le visage souriant et coloré de la jeune femme. Après tout, il y avait de quoi être essoufflé, même pour quelqu'un qui avait le coeur solide. Lui-même sentait son coeur battre la chamade. Parfaitement rassuré, il déposa les sacs sur le sable, retira ses chaussures et marcha vers l'eau. Une vague vint lui lécher les pieds, puis il retourna vers Adenor.
- « Elle est bonne ! On va pouvoir se baigner. » Il enleva son T-shirt. Pour la première fois il allait montrer son bras en-dehors de la maison, sans crainte. Il n'avait plus à se cacher, enfin pensa Adenor. Draco, lui, n'y pensa même pas. Dans son esprit serpentard un plan machiavélique prenait forme. Adenor fit glisser sa robe, ayant elle aussi revêtu un maillot sous ses vêtements. Elle marcha vers l'eau et y trempa un timide orteil. Elle retourna vers Draco, resté sur la plage.
-
« Elle est un peu froide quand même... » dit-elle.
-
« Frileuse ! » se moqua-t-il. Et il mit son plan à
exécution. Il se saisit de la jeune femme et courut vers la mer.
Adenor se mit à hurler.
- « Naan ! Espèce de lâche !
Pose-moi ! Pose-moi, mais PAS DANS L'EAU ! » hurla-t-elle de
plus belle. Draco se tordait de rire mais maintenait fermement Adenor
dans ses bras. Il ne voulait pas non plus qu'elle ait un choc si elle
trouvait l'eau froide, et tout en la tenant ainsi, il passa de l'eau
sur ses pieds, puis sur sa nuque et ses bras, puis sur son ventre.
Adenor riait maintenant et semblait s'habituer à la température de
l'eau. Elle essaya néanmoins à nouveau de se débattre et Draco
perdit l'équilibre. Ils tombèrent tous les deux dans l'eau. Draco
but la tasse et Adenor fut prise d'un fou rire. Draco l'éclaboussa,
ce qui eut l'effet désiré : Adenor se calma aussitôt et un sourire
mutin se dessina sur ses lèvres. La bataille fut mémorable.
Lorsqu'ils furent fatigués de s'éclabousser, d'essayer de se saisir
de la cheville de l'autre et de s'attraper, ils nagèrent doucement,
riant encore par moments. Adenor plongea et nagea quelques mètres
sous l'eau, cette fois sans chercher à attraper Draco par le pied.
Elle remonta à la surface et se retrouva face à Draco qui l'avait
suivie. Elle fut tellement surprise que sa respiration lui fit défaut
un instant. Draco éclata de rire et une nouvelle bataille s'en
suivit.
Lorsqu'ils furent tous deux épuisés, ils sortirent de l'eau et se laissèrent tomber sur les serviettes que Draco avait étalées plus tôt. Le soleil n'était pas fort et ils restèrent donc ainsi un moment à se reposer, l'un contre l'autre. Adenor s'endormit même quelques minutes et Draco la regarda tendrement somnoler contre lui. Il caressa doucement ses cheveux et à nouveau il se demanda si tout cela était bien réel. Cette si belle et si gracieuse jeune femme, si intelligente et douce, partager sa vie tous les jours... son épouse. Il sourit et déposa un baiser sur sa chevelure rousse. Adenor sourit et ouvrit les yeux. Ils se regardèrent un instant, puis, sentant le soleil chauffer, ils se rhabillèrent et grignotèrent ce que Draco avait préparé.
Ils retournèrent à la maison, puis revinrent en milieu d'après-midi, Draco avec un livre et Adenor avec ses peintures. Ils passèrent ainsi leur samedi, paisiblement et avec insouciance. La nuit vint ensuite ponctuer cette journée parfaite et ils s'endormirent dans les bras l'un de l'autre au petit matin.
-
« Y'a ton journal polonais qui est arrivé... » murmura
Adenor, le visage dans l'oreiller.
- « Grumpf. »
grogna Draco avant de se lever et d'ouvrir la fenêtre. Il déposa
une pièce de monnaie dans la bourse attachée à la patte de
l'oiseau, prit son journal et referma la fenêtre. Il posa le pli de
journaux et se recoucha. Il recevait un paquet de journaux tous les
samedi ou dimanche, les sept numéros des jours précédents. Il
demeurait attaché à la Pologne et voulait rester en contact avec
l'actualité et la langue. Il était fier de savoir la parler et ne
voulait pas trop perdre l'habitude. Comme la veille, ils se
rendormirent rapidement, pour une petite heure. Ils prenaient une
douche lorsque la sonnette retentit. Draco se dépêcha de s'habiller
et descendit ouvrir, vêtu, comme souvent à présent, d'un pantalon
noir et d'une chemise grise. Il délaissait ses robes de sorcier le
week-end, chose qu'il n'aurait jamais pu faire chez ses parents.
- « Severus ? Entre parrain. »
Severus
entra donc et s'installa au salon alors que Draco montait prévenir
Adenor. Ils n'avaient pas vu l'heure et avaient oublié que Severus
devait venir et rester déjeuner.
- « Désolé, panne de
réveil. » lui dit Draco, qui s'essayait en face de son
parrain. Adenor entra l'instant d'après, le regard brillant.
-
« Et si vous dormiez la nuit... » taquina Severus. Adenor
piqua un fard vermillon, mais alla saluer Severus comme si de rien
n'était. Elle ignora son rictus amusé et alla préparer du thé et
du café. Ils parlèrent tous les trois une bonne partie de la
matinée, puis Draco et Adenor laissèrent Severus lire alors qu'ils
allaient préparer le déjeuner.
Une fois à table, Severus leur demanda :
-
« Quelles sont les nouvelles en Pologne ? »
- « Je
n'ai pas trop eu le temps de regarder, mais apparemment ils
continuent de faire le ménage. Seweryn m'a envoyé une lettre il y a
quelques jours. Ils sont débordés de procès et d'enquêtes. Les
Mages Noirs sont traqués sans relâche, ils en arrêtent tous les
jours. » Seweryn avait également été arrêté, en tant
qu'Aspid (1), mais avait été relaxé tout comme Draco, pour les
mêmes raisons.
Ils parlèrent encore un peu des événements
récents, en Pologne et en Angleterre, puis Severus lui demanda des
nouvelles de son travail. Draco avait été promu plaideur peu de
temps après la guerre, fonction qu'il honorait en plus de son
travail d'inspecteur, lorsque l'on avait besoin de ses services lors
d'un procès.
- « Et Adenor a retrouvé du travail ! » se réjouit-il ensuite.
Severus sourit légèrement à la jeune femme et la questionna.
-
« Un poste de préparatrice a été libéré à Sainte
Mangouste et je me suis empressée de proposer ma candidature. Ils
m'ont répondu jeudi qu'ils me prenaient. Je commence demain. »
Ils
parlèrent donc potions, puis dérivèrent sur divers sujets. Après
le café et le dessert, Severus s'en alla, ayant encore une potion à
terminer à Poudlard.
-§-
Adenor commençait à se demander où Draco était passé. Elle était rentrée du travail il y a longtemps déjà. Il revenait toujours une heure après elle au maximum. Elle dessinait dans le salon lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir.
- « Or, viens voir ! » l'appella-t-il. Adenor haussa les sourcils et se leva. Draco se tenait dans le couloir, et dans ses bras dormait un petit chiot aux oreilles soyeuses. Adenor écarquilla des yeux, puis se hâta vers eux.
- « Draco... »
-
« Je t'avais promis que tu aurais un chien, cette nuit-là près
de l'étang. » Cette nuit où ils s'étaient parlés pour la
première fois, où ils s'étaient découverts. Il s'en était
souvenu. Adenor sourit, émue, et embrassa Draco avec tendresse. Il
déposa alors le petit chien chaud dans ses bras et une larme roula
des yeux noirs de la jeune femme. Oh comme il aimait ces
larmes-là.
- « Je vais l'appeler Candy. Un nom de
sucrerie lui va vraiment bien, et ça me fait penser à 'candide' en
français. » (Le premier qui pense au manga je le condamne à
reviewer tous mes chapitres sous dix pseudos différents ! Et par
pitié, prononcez-le à l'anglaise lol, vous verrez que c'est tout de
suite plus sérieux.) Candide était un mot qui prenait tout son
sens pour la jeune femme, alors qu'elle tenait la petite créature
contre son coeur toujours débordant d'amour et de tendresse.
-§-
Draco planchait sur un dossier, dans le salon, et les rires d'Adenor et les japements de Candy lui parvenaient du dehors. Il sourit et se repencha sur son travail. Avoir un chien faisait beaucoup de bien à Adenor. Elle sortait encore plus souvent et faisait plus d'exercice. C'est exactement ce dont elle avait besoin pour rester en bonne santé. Lorsqu'elle restait trop de jours sans sortir la fatigue se faisait ressentir et elle se faisait plus faible. Draco finit par soupirer, il avait besoin de faire une pause. Il enleva sa tunique de sorcier pour être en T-shirt et sortit se joindre à Adenor pour jouer avec le chiot. Candy grandissait de jour en jour, de même que son attachement pour ses maîtres. Mais c'était Adenor qu'il préférait et Draco en était heureux. Après tout, il le lui avait offert à elle.
-§-
Adenor était assise dans le canapé, Candy dormant à ses pieds, et lisait un livre de potions que Severus lui avait prêté. Draco sourit et posa sa malette de travail dans le couloir et enleva sa cape. Il vint embrasser Adenor et s'allongea contre elle.
-
« Fatigué ? » demanda-t-elle, alors qu'elle posait son
livre pour caresser ses cheveux blonds.
- « Je suis allé
voir ma mère. » répondit-il d'une voix lasse.
- « Oh.
Et comment va-t-elle ? »
- « Toujours pareil, elle
ne se relève pas. J'aimerais qu'elle aille habiter chez une cousine,
mais elle refuse toujours. Elle reste là, toute seule, et lui écrit
des lettres qu'elle n'enverra jamais. » Lui. Il n'arrivait plus
à l'appeler son père. C'était 'lui'. « Elle s'anime juste un
peu quand Severus vient la voir, mais c'est tout. Et lorsqu'il vient
elle ne parle que de lui. Je crois qu'elle perd la tête. »
Adenor
demeura silencieuse. La dernière phrase de Draco lui serra le coeur.
Elle savait à quel point Draco était attaché à sa mère, mais
elle ne pouvait comprendre comment elle avait pu l'aimer autant, lui.
Ne voyait-elle pas quel être abjecte il était ? Et ce qu'il avait
bien failli faire de Draco ? Pour peu Draco serait devenu comme lui.
Adenor tressaillit. La tête reposant sur les genoux de la jeune
femme, Draco blottit son visage contre son ventre. Adenor se mit à
nouveau à caresser ses cheveux et sentit Draco s'apaiser un peu. Il
n'y avait rien à dire, elle devait juste être là. Il redressa la
tête et lui demanda :
- « Tu n'as pas de nouvelles de tes parents ? »
-
« Eum non, non pas depuis que j'ai mis ma mère à la
porte... »
- « Tu as... »
- « C'est
vrai que je ne t'en ai jamais parlé... Au début je ne pouvais pas
trop, puis d'autres choses plus importantes sont arrivées et... »
Elle soupira. « C'était le lendemain du mariage. Elle est
venue me donner l'album photos et je lui ai fait comprendre que je ne
voulais jamais la revoir. »
- « C'est toujours le
cas ? » demanda Draco, en regard de la façon dont leur
situation avait évolué.
- « Oui. » répondit
Adenor d'un ton dur.
Draco n'avait jamais regardé l'album, ce
n'était pas eux sur les photos, c'était les fiancés qu'on avait
forcés à se marier, pas le jeune couple qui s'aimait désormais si
fort. Ce mariage n'était pas leur alliance, leur alliance était la
promesse qu'ils s'étaient donnée cette nuit-là, la nuit où il lui
avait tout dit, la promesse d'être forts ensemble et d'apprendre à
s'aimer. Il y a quelques semaines Draco avait même acheté une
nouvelle bague pour Adenor et leurs vieilles alliances, choisies par
les Malfoy, reposaient au fond d'un coffret dans le grenier. Ils
portaient maintenant de simples anneaux ronds en or blanc, et celui
d'Adenor était serti d'un petit saphir (2).
- « Ah j'y pense... Je vais devoir travailler samedi, il y a un procès à 10h. »
-
« D'accord... J'imagine que tu ne seras pas rentré avant 15 ou
16h. »
- « Non je ne pense pas. »
- « Je
pense que je vais inviter Hermione à déjeuner, depuis le temps que
je lui ai promis de l'inviter. »
Draco acquiesça, puis dit
:
- « Si tu veux inviter des amis ou des collègues tu
n'as pas à attendre que je sois absent tu sais. »
- « Je
sais, mais vous avez beau vous parler correctement maintenant je sais
que c'est jamais facile pour vous. Il vous faudra encore un peu de
temps avant d'être capable d'avoir une vraie conversation. Par
contre, tu t'entends avec Remus et Tonks ? »
- « Ca
va oui, on ne se connaissait pas vraiment avant, c'est plus facile.
Et Tonks est quand même de la famille... Par contre il y a deux
personnes que je ne veux pas voir ici c'est Potter et Weasley. »
Adenor éclata de rire.
-
« Ne t'en fais pas, je ne compte pas les inviter. A propos,
quand viendra Seweryn ? »
- « D'ici une semaine ou
deux, selon le travail qu'il a à faire. J'ai tellement hâte de te
le présenter ! Je sais que vous allez bien vous entendre tous les
deux. Et un jour on ira en Pologne ensemble. »
Ils faisaient de plus en plus de projets et, depuis quelque temps, il y en avait un plus précieux que tous les autres qui mûrissait dans l'esprit de la jeune femme. Un sourire mystérieux se dessina sur ses lèvres et, en attendant le bon moment pour lui en parler, elle s'autorisa de doux rêves éveillés dont seules les femmes ont le secret.
(1) L'aspid est une créature de la mythologie slave, un serpent ailé avec un nez d'oiseau et deux trompes. Vous pouvez en trouver une description plus complète et une image sur le site « russie virtuelle », dans mythologie, créatures (désolée de ne pas mettre le lien, ff ne les accepte pas).
(2) Le saphir est symbole de sincérité et de fidélité.
