Attention, rien ne m'appartient. Les personnages appartiennent à J.K Rowlings
Ratings : R
Correctrices : AnthaRosa et Ishtar205. N'oubliez pas de les remercier pour leur travail. Sans elles, la fic ne serait pas aussi lisible
Avertissement: Il y a dans l'histoire une référence à une grossesse mâle. Ce n'est absolument pas le sujet de l'histoire, mais on en parlera de temps à autre.
Tome 1 à 6 pris en compte
Attention, c'est un slash (relation entre deux hommes): SS/HP
Chapitre 3
Severus monta dans la chambre. Harry était accoudé à la fenêtre et contemplait le magnifique jardin. Le saule pleureur se reflétait dans le petit lac, créant une atmosphère de paix et de sérénité. C'était l'un des endroits préférés de Harry. Il s'asseyait sous l'arbre quand il avait besoin de réfléchir ou de s'isoler. Il disait que ça le détendait.
La gorge de Severus se noua alors que les images du temps passé le submergeaient.
Le ciel commençait à s'obscurcir lorsque Severus trouva Harry appuyé contre le saule pleureur, regardant l'étendue d'eau devant lui, les nombreux arbres et le jardin qu'ils avaient créé ici petit à petit. Harry aurait pu s'asseoir sur un banc, mais il savait que le jeune homme préférait le contact avec le sol, avec l'herbe.
Severus ne dit rien, il s'assit simplement à côté de son compagnon et observa la lune se lever et les premières étoiles scintiller.
Il sentit une tête s'appuyer contre son épaule. Le jeune homme tremblait légèrement. Severus enroula un bras autour de ses épaules et le tint serré contre lui, comme pour lui fournir un peu de chaleur ou le protéger du monde extérieur.
Harry le regarda, lui fit un petit sourire qui n'atteignit pas ses yeux rouges et irrités. Aucune parole n'était nécessaire. Ils restèrent longtemps dans cette position. Ni l'un ni l'autre n'avaient le courage de bouger. Ce n'est que beaucoup plus tard, que Severus décida qu'ils devaient avancer.
Il baissa le bras, se leva et tendit une main à Harry qui la prit.
Il n'avait pas besoin de ce genre de souvenirs. Pas maintenant.
« Harry ? »
L'homme se retourna. « Vous avez vraiment un très beau jardin. » Dit-il doucement.
« Avez-vous pris une décision ? » Lui demanda Severus en restant à l'autre bout de la salle comme pour empêcher les souvenirs de l'assaillir en créant une distance artificielle.
« Une décision ? »
« Oui, allez-vous rester ici maintenant que vous savez qui vous êtes ou allez-vous repartir et reprendre votre vie ? »
« Je ne peux pas reprendre mon ancienne vie alors que je ne la connais pas. Mais j'aimerais m'installer ici et voir ce qui se passe. Il y a longtemps que j'avais perdu l'espoir de retrouver mon passé. Tout ceci me paraît tellement irréel ! » Il éclata de rire.
« De la magie ? » Il secoua la tête. « Vous rendez-vous compte de tout ce que l'on pourrait faire si la magie existait ? Tout le bien-être que l'on pourrait apporter aux gens ? »
Des cris. Dans chaque coin, des hommes masqués torturaient des moldus, essayant de nouveaux sorts, se délectant des cris et des pleurs. Voldemort avait emmené sa boule à terreur et aspirait la vie des gens. Il aspirait leurs espoirs, leur peur, leur haine…
Ils tuaient les enfants devant leurs parents, ils violaient les femmes devant leur mari, ils égorgeaient les hommes devant les femmes et les enfants.
C'était un spectacle atroce. Trop horrible pour être vrai.
« Oui, je sais aussi ce que la magie peut engendrer utilisée à mauvais escient. »
Des émeraudes ternes se posèrent sur lui. « Vous avez raison. Les hommes ne sont pas prêts à utiliser les forces de la nature avec sagesse. Il y a suffisamment de guerres dans le monde sans qu'on en rajoute. »
« Qu'avez-vous décidé ? »
« Si ça ne vous ennuie pas, je vais m'installer ici. On s'y sent vraiment très bien. Ce paysage est féerique et pour la première fois depuis très longtemps, j'ai le sentiment de retrouver mes racines. »
« Je vous l'ai dit, vous êtes ici chez vous. » Severus était toujours dans l'encadrement de la porte. Le contraste entre l'obscurité et la lumière était frappant. Harry sera toujours un sorcier lumineux qu'il le veuille ou non. Songea Severus. Et moi je serai toujours l'espion qui se cache dans l'ombre pour le protéger.
Severus se cramponnait à son masque de froideur et d'indifférence. Il ne voulait pas ressentir quoi que ce soit. Il ne devait pas lui montrer son trouble. Harry avait une nouvelle vie et peut-être un amant ou un mari. Il ne pouvait pas s'imposer à lui. Il n'en avait pas le droit.
« Et si vous me faisiez visiter, Monsieur Snape ! »
« Professeur Snape ! » Le corrigea-t-il automatiquement.
Harry haussa un sourcil. Il n'a pas perdu toutes les habitudes qu'il avait prises en vivant avec moi. « Pourquoi cela ne m'étonne-t-il pas ? Votre regard doit effrayer plus d'un élève. Vous ne devez pas avoir beaucoup de mal à vous faire respecter, pas vrai professeur ? »
« J'enseigne une matière dangereuse M. P- Evans. Si les étudiants n'étaient pas tous des écervelés peut-être pourrais-je être moins intransigeant ! » Harry rit de bon cœur.
« Alors professeur, pouvons-nous faire cette visite ? »
« Cette maison est assez – singulière ! » Déclara Severus avec un sourire en coin. « Et capricieuse. Vous le découvrirez rapidement. »
Harry fit la moue. « Je crois en avoir déjà eu un aperçu. Vous coincer dans une pièce fait partie de ses prérogatives, c'est ça ? »
« Quand son propriétaire est recherché depuis plus de cinq ans, oui ! » Le ton dur, les yeux flamboyants surprirent le nouvel arrivant.
Severus sortit sans commentaire supplémentaire. Harry le suivit en se demandant ce qui avait provoqué ce brusque changement de comportement. L'autre homme l'attendait manifestement. Les bras croisés, les yeux noirs, il s'avança dès qu'il s'approcha de lui. « Vous connaissez la chambre et le bureau attenant. » Ils sortirent. « A ce même étage, vous trouverez également des chambres d'amis, » Il désigna une porte sans y entrer, « une salle de dessins et un bureau. » Ils s'arrêtèrent devant l'atelier d'art. Le propriétaire se concentra pour que la salle apparaisse nue. Harry ne devait pas voir les tableaux qu'il avait peints. Ils étaient trop… personnels. C'était trop tôt.
La porte s'ouvrit sur une salle d'un blanc immaculé. Aucune fenêtre ne l'ouvrait sur le monde extérieur. Un chevalet trônait au centre de la salle.
Harry en fit le tour, passant une main sur les murs qui vibrèrent légèrement. Des chatoiements leur donnaient vie mais s'effaçaient aussitôt. « Cette salle est- dépouillée. » Murmura-t-il. « On dirait qu'elle n'a jamais servi. Et pourtant je peux voir des dizaines de tableaux -» Sa magie était trop faible pour faire apparaître le spectre de son esprit sur le mur.
« Je vous l'ai dit, la maison est particulière. Venez, continuons. » Sa brusquerie surprit Harry qui le suivit pourtant.
Severus ouvrit la porte qui se trouvait à côté. « Voici un petit bureau moldu. Harry- Vous trouviez pratique d'avoir ce genre d'objets. »
Harry examina l'ordinateur vieillot et ce qui traînait sur la table. Apparemment personne n'était passé par là depuis longtemps. Une photo était posée à côté du téléphone. Elle représentait ses parents, Sirius et Remus. Lily portait un enfant dans ses bras. La photo ne bougeait pas comme le faisait la plupart des photos sorcières.
« Ce sont mes parents, n'est-ce pas ? » Severus s'avança derrière lui.
« Oui. Vos parents, votre parrain Sirius et leur meilleur ami, Remus. »
« C'est étrange de les voir. Je ne sais pas ce que je dois ressentir. Je sais enfin à quoi ils ressemblent mais ça n'apaise pas le vide que je ressens. »
« Ils sont morts quand tu n'étais qu'un bébé. Tu ne les as pas connus. »
« Comment sont-ils morts ? »
« Assassinés. »
« Etait-ce de ma faute ? »
« Non. Ils sont morts en héros, en combattant un être maléfique. » Harry avait perdu de sa jovialité. Il avait les traits tirés et crispés. Il entendait les cris d'une femme. « Non, pas Harry ! Je vous en supplie… je ferai ce que vous voudrez… » Il serra les lèvres, « Tous ? » et reposa la photo.
« Tous. »
Il avait réussi à atteindre les marches. Il se retourna au moment où la lumière revenait. Peter était à côté de Remus, un couteau en argent à la main. Il rata Tonks mais le poignard se logea dans la poitrine du loup-garou. Immédiatement, sa respiration se fit haletante. Il leva sa baguette et jeta le sort mortel. Il mourrait, mais pas seul.
Il refusait de donner vie aux images qui traversaient son esprit. Ce n'était que des images. Il n'avait aucun lien avec elles.
« Continuons, voulez-vous ? » Severus le dévisagea mais acquiesça simplement.
Cette visite rappelait douloureusement à Severus celle qu'il avait faite avec Harry dix ans auparavant.
Ils redescendirent et se dirigèrent vers l'aile centrale.
En regardant les bougies qui encadraient la pièce, il se rendit compte avec stupéfaction qu'ils n'avaient jamais pensé à rendre au salon son apparence moldue, ni à lui redonner sa grandeur d'origine. Ils vivaient à deux dans l'immense Maison et n'avait jamais eu besoin d'une salle de bal.
Harry se dirigea vers le piano, passa sa main sur le bois noir d'un geste révérencieux, l'ouvrit, s'assit, posa ses mains sur le clavier et joua. Les notes s'élevèrent doucement dans la salle.
Severus reconnut aussitôt une de ses compositions, 'Attends-moi !'
Il ne pouvait que regarder l'homme jouer devant lui. Il avait réussi à reproduire à l'ouïe quelque chose qu'il avait lui-même écrit.
Il s'arrêta à mi-chemin et fit mine de se lever lorsque Severus s'approcha, « C'est un très beau morceau. »
Harry acquiesça. « J'ai constamment cet air dans la tête. » Il rit d'un air gêné, « Il me hante même la nuit. »
Severus s'assit à côté de lui, le poussant légèrement, et reprit le morceau à l'endroit où Harry s'était arrêté. Ses longs doigts blancs dansaient sur le clavier, partaient, revenaient et se croisaient. Harry ne parvenait pas à détacher ses yeux de leurs mouvements. Ses mains étaient gracieuses, sans hésitation et marquaient les touches avec doigté. Sa performance n'avait rien à voir avec la sienne.
La sonorité grave faisait vibrer toutes les fibres de son corps. Sombre, elle semblait attirer la brume, la confusion et ramener les ombres du passé. Déjà Harry croyait voir apparaître devant lui des milliers d'âmes damnées.
Les combats étaient constants et il était obligé de tuer. Chaque coup qu'il donnait, chaque sort qu'il jetait, faisait un peu plus saigner son cœur. A chaque fois qu'il tuait une personne, il tuait une partie de lui. Jusqu'à ce qu'il ne ressente plus rien, jusqu'à ce qu'il se soit prémuni contre tout sentiment.
Le tempo retomba lentement. Les notes se firent plus légères. Les doigts flottaient maintenant sur le clavier plus proches qu'ils ne l'étaient auparavant. Les deux mains se suivaient, s'enchaînaient et se recherchaient. La vie revenait avec la fin de l'orage.
A côté de la pierre tombale de Dumbledore, il y avait désormais de petites tombes blanches de chaque côté, présentes comme un souvenir, comme un soutien. Ils étaient morts comme l'ancien directeur de Poudlard pour essayer de ramener la paix. Ils étaient morts en héros.
Quand le sable fut jeté sur les cercueils, un lourd silence tomba.
« Tant que tu auras besoin de moi, je serai là » Murmura une petite voix aux creux de son oreille. Harry s'accrochait à ses bras comme s'ils étaient son ancre, comme s'il risquait de couler s'il ne gardait pas un point d'ancrage, un point d'attache.
La mélodie s'arrêta finalement, les laissant dans un silence oppressant.
Harry frôla le clavier de ses doigts, « Les souvenirs que j'ai perdus valent-ils vraiment la peine d'être retrouvés ? » Sa voix était étrangement rauque. Les images dont il venait d'être témoin lui laissaient un goût amer.
Ses yeux suivaient toujours les mains de Severus qui s'étaient calmées. Elles reposaient simplement sur le clavier. L'une se referma et se rouvrit instantanément, refusant de laisser libre cours à ses sentiments.
« Il vaut peut-être effectivement mieux que vous ne vous souveniez jamais de ce passé qui a blessé votre cœur. » Répondit doucement Severus après un temps. « Certaines choses ne sont pas faites pour être ramenées à la vie. »
Harry releva la tête vers l'homme dont le masque fermement en place ne montrait rien de plus que de l'indifférence. Mais comment une personne qui jouait si passionnément pouvait-elle paraître si détachée? Il voulait dire quelque chose, n'importe quoi pour le faire réagir, mais l'homme se leva et il fit de même. Il s'approcha d'une alcôve dans laquelle se trouvait un salon plus petit.
La fenêtre s'ouvrait sur le petit parc qu'il avait aperçu de sa chambre.
Les tableaux représentaient essentiellement des paysages. Quelques-uns n'étaient que des cadres vides.
Harry s'approcha d'une petite table sur lequel se trouvait un échiquier, posa une main sur l'un des deux fauteuils qui l'encadraient et observa le jeu d'échecs.
Une partie était en cours. Harry comprit qu'il y avait longtemps que personne n'avait touché aux pièces. Certaines étaient retournées comme si on avait voulu renverser le jeu dans un éclat de colère mais qu'au dernier moment on s'était repris. Il releva un cavalier et le remit à sa place.
Il se retourna vers une petite bibliothèque. Elle contenait des livres et divers objets qu'il entraperçut à travers de petites vitres.
Severus l'observa se mouvoir dans leur petit salon. Tant de choses s'étaient passées dans cette petite salle. Il leva la tête vers la petite horloge sorcière accrochée au mur. Le bras de Harry était sur 'Maison'.
Ils étaient tous les deux assis sur le canapé, un livre à la main, le feu crépitait dans la cheminée et la musique créait une atmosphère détendue.
« Severus ? » L'homme se tourna vers le visage posé contre son épaule.
« Hm ?»
« Et si nous achetions une horloge sorcière ? »
« A quoi cela nous servirait-il ? Il me suffit de fermer les yeux pour savoir où tu es. »
« Tu saurais si je joue encore au Gryffondor sans cervelle et si j'ai des ennuis. »
Le Serpentard renifla, « Tu as toujours des ennuis. »
« Sois sérieux ! »
« Je le suis et tu le sais. Je me demande encore comment tu as réussi à survivre à la guerre. »
« C'est grâce à toi. » Harry se pencha pour l'embrasser.
Le morveux était revenu au Refuge avec deux horloges quelques jours après : une pour les cachots et une pour le Refuge. Malgré tout, Severus lui en était reconnaissant. Pendant ses longues années d'absence, il avait passé des heures à les contempler attendant que la main passe de 'Disparu' à 'Maison'.
Harry s'était à nouveau arrêté devant le fauteuil de Severus et le regardait fixement. Des images traversaient son esprit, trop rapides pour qu'ils puissent les saisir, trop floues pour qu'ils puissent les comprendre.
Elles étaient dominées par des yeux onyx et un rire de baryton.
La voix brusque de Severus le ramena à la réalité, brisant le charme.
« Nous avons fait le tour du propriétaire. Il y a une chambre à l'étage mais elle est inaccessible pour l'instant. J'ose espérer que vous trouverez mes quartiers facilement, ils se situent dans l'aile Est. »
« La maison paraît bien plus grande. »
« Vous avez raison. Je ne vous ai pas emmené partout. Nous dirons que certaines pièces sont assez - déconcertantes. Je suis sûr que vous les découvrirez par vous-même. Après tout, je suppose que vous n'avez pas perdu votre insatiable curiosité ? » Son sourire suffisant et sarcastique le firent rire, allégeant la tension qu'il sentait flotter entre eux.
« Vous croyez donc me connaître, professeur Snape ? »
« Oui. On peut dire ça. Elève peu discipliné, jeune homme brouillon, vous êtes le seul à être parvenu à survivre après m'avoir insulté en face. Un exploit en soit. » Severus avait besoin de l'insulter pour créer de la distance entre eux. Le savoir si près sans pouvoir le prendre dans ses bras était une torture.
Ils retournèrent dans l'aile ouest tout en discutant. « Je suis donc remonté dans votre estime. » Le sourire dans sa voix ne passa pas inaperçu.
« Vous êtes et avez toujours été un gamin suffisant et sûr de lui. Mais vous avez su montrer des – qualités.. intéressantes. »
Harry éclata franchement de rire. « Je vois. N'ayez pas peur professeur. Je ne dirais à personne que vous avez un cœur. »
« Gamin impudent. »
« Moi aussi je t'aime. » Harry cligna des paupières. Il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle il avait une telle phrase sur le bout de la langue. « Je crois qu'il est temps que je m'en aille. J'emménagerai d'ici une quinzaine de jours, si ça vous convient. »
Severus acquiesça puis le raccompagna à la porte.
Hpsshpss
Lorsque Harry rentra chez lui, il se rendit immédiatement dans sa chambre et observa ses dessins. Celui qui retint son attention montrait une grange en flammes. Au milieu du champ dévasté, de la terre brûlée et des cadavres, une jeune fille rousse aidait une jeune femme blessée. A ses côtés, un jeune homme blond l'assistait. Il effleura le visage juvénile du médecin qui l'avait ausculté dans l'après-midi.
Le tableau était dominé par le rouge des flammes et le gris de l'épaisse fumée qui montait dans un ciel noir qui présageait l'arrivée imminente de la pluie. La grange semblait être le point central de la peinture. Les yeux se posaient dessus avant de descendre vers la scène annexe.
La jeune fille avait le visage crispé, les larmes ruisselaient sur ses joues. Le blessé regardait obstinément du côté de la grange.
La douleur en était le thème dominant.
Il ferma les yeux et essaya de se rappeler. Cette scène devait forcément venir de sa mémoire. Elle ne pouvait pas être issue de son imagination, pas alors qu'il avait rencontré Ginny et Drago.
Il regarda ses autres peintures. Ginny était le sujet de nombre d'entre eux, mais celui qu'il redoutait le plus était celui-là. Il le sentait important.
« Harry ? »
Focalisé sur ses souvenirs, frustré par son incapacité à les retrouver, il n'avait pas entendu Maelyn et sursauta quand elle l'appela.
« Que fais-tu ? »
« J'essaie de rassembler les morceaux de mon passé qui sont là devant moi. » Lui dit-il avec un sourire pincé.
« Pourquoi avec tes dessins et pourquoi ce soir ? » Lui demanda-t-elle gentiment en lui tendant une tisane. Elle savait qu'il dormait mal. Ses nuits étaient peuplées de cauchemars ou de rêves non reposants. Elle avait pris l'habitude de lui servir une tisane le soir. Si ça ne lui faisait pas de bien, ça ne lui pouvait pas lui faire de mal.
« Merci. » Il prit la tasse et en but une gorgée. « J'ai rencontré cette femme et cet homme aujourd'hui. » Il lui désigna les personnages de son tableau. « Ils disent me connaître et je les crois. »
Il s'arrêta pour rassembler ses idées.
« J'ai été dans cette maison qui me semblait si familière, 'cette vieille bicoque' comme tu l'appelles. » Lui dit-il en souriant d'un air complice, comme pour atténuer sa tristesse. « C'est la résidence de 'l'homme ténébreux'. » Sa voix était rauque, il ne put qu'esquisser un sourire. Maelyn donnait un surnom à tout le monde. En particulier aux personnes qu'elle ne connaissait pas. Quand il lui avait parlé de 'l'homme du café', elle l'avait appelé ainsi après la description qu'il en avait fait. « Lui aussi me connaît. »
« Et que ressens-tu ? »
« Je ne sais pas. C'est confus. Là-bas, j'avais comme des réminiscences, des flash-back mais je ne parvenais pas à les saisir. C'est assez déconcertant. »
« Harry, tu as toujours cherché ce passé. Tu as toujours dit qu'il te manquait une partie de toi alors que vas-tu faire ? Vas-tu fuir alors que tu as une chance de- »
« Je ne sais pas Lyn. » La coupa-t-il d'une voix mordante. « Excuse-moi. Non, je n'ai pas l'intention de fuir mais je ne sais pas si je veux de tout ce passé. Son poids m'a l'air écrasant. »
« Je ne te reconnais pas Harry. Tu es la personne la plus optimiste que je connaisse. Tu fonces tête-baissée à la moindre occasion et là, tu hésites. »
« Je- Je n'hésite pas. Pas vraiment. J'essaie de savoir ce qui est le mieux pour moi. Et j'ai peur de ne pas aimer la personne que j'étais. Je ne veux pas être le monstre que tu vois là. » Il lui désigna un autre tableau sur lequel un jeune homme ayant les mêmes traits que lui, rassemblait son énergie pour tuer les hommes à peine plus vieux que lui qui le regardait, une expression terrorisée sur le visage.
Elle l'embrassa sur la joue. « Non Harry. Tu es la personne la plus gentille que je connaisse. Après Sebastian bien sûr. »
Il éclata de rire. La boule qui nouait sa gorge n'était pas partie, mais Maelyn avait raison. C'était son passé et il le recherchait depuis toujours. Il n'allait pas reculer aujourd'hui. Il ne trouverait le bonheur qu'à ce prix.
Et il ne parvenait pas à chasser de son esprit la présence de cet homme, sa tension immanente, ses yeux d'onyx et son visage de marbre.
Hpsshpss
« Je ne sais pas si retrouver ses souvenirs lui sera profitable. »
Ginny et Drago étaient retournés au Refuge deux jours après, espérant obtenir quelques réponses de l'homme sévère. Ils l'avaient trouvé apathique, silencieux et irritable. Le retour de Harry l'avait perturbé.
« Que veux-tu dire Severus ? Bien sûr que ça lui sera profitable. C'est sa vie, son univers. On n'a pas le droit de le priver de sa magie et de son passé. »
Assis dans le salon, ils discutaient, une tasse de café devant eux. Ginny était animée. La jeune fille rousse essayait de contenir son irritation.
« Quel monde ? Celui de la cruauté et de la barbarie ? Harry a toujours voulu une vie normale et maintenant qu'il l'a, on veut la lui enlever et pourquoi ? Pour retrouver celui que nous avons connu. C'est très égoïste de notre part. » Seule la lueur féroce brisait son masque d'indifférence.
Severus ferma les yeux. Combien de fois l'avait-il entendu dire qu'il voulait sa liberté ?
« Je ne veux pas être un héros ! Je veux juste vivre ma vie tranquillement, comme tout le monde ! Est-ce vraiment trop demander ? » Demanda tristement le jeune sorcier
« Peu de gens ont une vie ordinaire, Potter, surtout dans le monde sorcier. Vous avez encore beaucoup de choses à apprendre, beaucoup de choses à faire et à vivre. N'abandonnez pas maintenant. Un jour, vous aurez peut-être votre vie tranquille. »
Et aujourd'hui, il l'avait. Ils n'avaient pas le droit de le priver de ce bonheur. Il avait vu son visage se métamorphoser pendant qu'il jouait. Il avait vu ses yeux s'obscurcir en regardant la photo de ses parents. Il n'avait pas le droit de lui faire ça. De l'obliger à ressasser les méandres de son passé nébuleux.
« Ce qui serait égoïste serait de le tenir éloigner de son héritage magique, de ses amis- »
« -Des médias ? D'une vie sur le devant de la scène ? Remplie de remords et de culpabilité d'avoir-»
Ginny serra les lèvres en une fine ligne, le regarda avec désapprobation et poursuivit comme si elle ne l'avait pas entendu. « Harry est puissant. Le sort qui lui a effacé la mémoire n'a fait que l'effleurer. Sa mémoire va revenir d'elle-même. Lentement. Je suis sûre qu'elle revient déjà. Et s'il est là aujourd'hui, c'est qu'il veut se rappeler. Il cherche des indices qui le mèneront sur le chemin de son passé.»
« Celui qu'il était autrefois était–il vraiment heureux ? » Severus ne pouvait s'empêcher de se poser la question. Il se l'était posée à l'époque et il se la posait encore aujourd'hui. Cette amnésie n'était-elle pas bénéfique pour Harry ? Pour avancer ne valait-il pas mieux qu'il oublie tout ?
« C'est trop tard. »
« Nooooonnnnnnnnn ! Lâche-moi Severus, lâche-moi ! Je dois aller les sauver, je dois aller la sauver ! »
Il essaya de se dégager mais ne put que regarder la grange brûler.
« Harry, c'est trop tard, c'est trop tard. » Harry continuait de se tortiller dans ses bras. « Harry, regarde-moi ! Regarde-moi ! »
Le jeune homme arrêta de se débattre et de ses yeux baignés de larmes, regarda les yeux d'onyx. « C'est trop tard Harry. Elle est morte avant même que la grange ne s'enflamme. Elle a reçu le sort mortel. Tu ne peux plus rien pour elle. »
Harry enfouit son visage dans l'épaule de son aîné et pleura, refusant de regarder le feu, refusant l'évidence de sa mort. Severus entoura ses bras autour de sa taille et le tint serré contre lui, dans une embrassade qui se voulait avant tout être réconfort, mais qui, il le savait, n'était pas suffisante.
La question était simple, mais elle annihila la colère de Ginny. « Il était heureux, Severus. » Lui dit-elle doucement. « Les deux années qui ont précédé sa disparition, il irradiait de bonheur. »
Severus leva finalement les yeux vers elle. C'était la première fois depuis qu'ils avaient commencé cette discussion. Ils étaient troubles. C'était étrange de voir que cet homme implacable était capable de ressentir des émotions humaines. Ginny et Drago connaissaient ce côté qu'il cachait le plus souvent, mais il était rare qu'ils en soient témoins. « Deux ans, Ginny. Deux ans ne sont pas suffisants pour compenser vingt ans de souffrance. »
« Je- Je refuse de croire que sa vie ait été dénuée de joie, Severus. Oui, il a porté un lourd fardeau, les » Sa voix se brisa « – pertes ont été nombreuses mais -»
Sa patience avait des limites. Il avait vécu cinq ans en tentant de se raisonner, d'oublier sa douleur et de vivre avec. Ces derniers jours avaient réveillé une douleur sourde. « Ginny ! » La fermeté de sa voix l'arrêta, « Si le sort n'a fait que de l'effleurer comme tu le dis, il devrait déjà avoir retrouvé la mémoire. Ca fait cinq ans. Il a une nouvelle vie, de nouveaux amis. Pourquoi voudrait-il d'une vie dans laquelle il a tant souffert ? Il est possible qu'une part de lui refuse de se souvenir. » La résignation se lisait sur tous les traits de son visage.
« A moins que le sortilège ne soit réactivé régulièrement. » Commenta Drago d'un air pensif.
« Ce n'est pas possible- »
« Si, réfléchissez bien. Une personne proche de lui pourrait facilement le faire. Mon père avait recourt à cette façon de faire quand sa victime était plus puissante que lui. »
Le commentaire de Drago rencontra un silence pesant.
-
On entendait le grondement de l'orage au dehors. Les éclairs luisaient dans le ciel et plongèrent dans l'obscurité le salon qui s'illumina de lui-même. Aucun ne commenta le soudain changement de temps.
« Il est heureux sans ses souvenirs. Il a enfin la vie dont il avait toujours rêvé. A-t-on le droit de le replonger dans l'enfer de son passé ? Vous l'avez vu vous-même, il est épanoui. Jamais il n'aurait pu le devenir dans le monde sorcier et vous le savez aussi bien que moi ! »
« Et votre enfant ? » Lui demanda-t-elle doucement.
Il resserra sa prise sur sa tasse. « Tu l'as dit toi-même : s'il ne se rappelle pas, l'enfant ne grandira pas. C'est peut-être mieux ainsi. »
Elle lui lança un regard furibond. « Harry a le droit de choisir sa vie. Il a le droit de connaître son passé. Votre enfant a le droit d'avoir un avenir. » Elle inspira profondément. « Tu crois que c'est drôle de se réveiller un matin et de se rendre compte qu'il vous manque une partie de votre vie. Même si ce n'est que douleur, tortures, guerre, vous cherchez du matin au soir ce que vous avez perdu. Il ne vous reste plus que de vagues sentiments et des flashs-back que vous n'êtes pas sûr d'avoir vécus. » La jeune fille rousse retenait ses larmes.
« Je suis désolée Gin. » Drago prit sa main dans la sienne et la serra, enlaçant leurs doigts dans un geste de réconfort.
« C'était nécessaire. Pour toi comme pour moi. » La voix de Drago était douce. Ses yeux gris perdus dans les myriades de troubles du début de la guerre. Ses yeux se posèrent sur le médaillon que la jeune fille portait à son cou. Lui comme Severus se souvenait de ces moments difficiles.
Ses yeux étaient vides et elle ne les reconnut pas. Elle s'était enfermée dans un monde où personne ne pouvait l'atteindre, où la douleur n'existait pas.
Il ferma les yeux. Certaines boîtes ne devaient pas être ouvertes.
« Je sais. Je sais aussi que j'ai eu le choix. Harry aussi devrait l'avoir. Alors n'essaye pas de te jouer de lui, Severus Snape. Parce que je t'en empêcherai. »
« Fais-moi oublier, Drago, je t'en prie. Je ne peux pas continuer à vivre de cette façon. »
« Gin! » La voix rauque de Drago attira l'attention de la jeune fille, « Severus a raison. Si Harry ne veut pas de ses souvenirs, nous ne pouvons pas l'obliger à revenir vers nous. C'est à lui de faire son choix. »
Son esprit brumeux ne devrait pas être capable de se rappeler des évènements de ces derniers mois.
Il lui prit la main. « Mais -»
« Je préfère mourir maintenant que de ne jamais t'avoir connu. »
« Et si tu avais ce choix Severus ? Si on te laissait ce choix, que ferais-tu ? » Drago coupa sa femme. Ce n'était pas d'elle dont il s'agissait maintenant. C'était de Severus, de Harry et de leur enfant. Les yeux gris ne le jugeaient pas.
Il embrassa la cicatrice en forme d'éclair, resserra ses bras autour de Harry et ferma les yeux, sentant son odeur, s'imprégnant de sa présence, de sa chaleur, de la sensation de son corps contre le sien, de la douceur de sa peau, de sa chevelure rebelle…
« J'ai peur que tu ne puisses pas te débarrasser de moi aussi facilement. »
Non, il refuserait d'oublier. Malgré toutes les souffrances qu'il avait subies, il voulait se souvenir parce qu'il y avait Harry. Dans tous ces moments, il était présent.
Severus soupira. « C'est à lui de faire son choix. S'il veut se rappeler, il se rappellera. Quoi qu'il arrive, nous serons là pour lui !».
Drago regarda Severus dans les yeux. « Maintenant, je veux savoir ce qu'il y a vraiment entre toi et Harry. »
