Attention, rien ne m'appartient. Les personnages appartiennent à J.K Rowlings
Ratings : R
Correctrices : AnthaRosa et Ishtar205. N'oubliez pas de les remercier pour leur travail. Sans elles, la fic ne serait pas aussi lisible
Avertissement: Il y a dans l'histoire une référence à une grossesse mâle. Ce n'est absolument pas le sujet de l'histoire, mais on en parlera de temps à autre.
Tome 1 à 6 pris en compte
Attention, c'est un slash (relation entre deux hommes): SS/HP
Chapitre 6
Assis en face de Harry, Severus observait la partie d'échecs, perdu dans ses pensées. Le verre de whisky qu'il tenait à la main ne suffisait pas à calmer ses nerfs. C'était à lui de jouer, mais il n'avait pas la tête à ça. Il s'était laissé fléchir, incapable de tenir tête à Harry, incapable de lui dire non.
Il n'avait pas pu lui refuser ces miettes de son précieux temps. Il avait accepté de prendre ses repas avec lui, de passer ses soirées à jouer aux échecs dans leur petit salon, de le laisser entrer dans son laboratoire : il avait accepté de lui faire une place dans sa vie, abandonnant ses réserves et ses peurs.
Il soupira, but une gorgée du précieux liquide et joua. Sa main resta figée sur la pièce qu'il regardait maintenant fixement. Une erreur. Comment avait-il pu placer sa reine à un tel endroit ? Même un débutant n'aurait pas fait une bêtise pareille. Son partenaire écarquilla ses grands yeux verts et sourit largement.
« Je vais gagner Severus. » Le prévint-il gentiment.
Harry. Harry. Harry. Il n'avait que lui en tête ces derniers temps. Ses sentiments étaient confus. Il voulait qu'il se souvienne. Il voulait retrouver son mari. Mais il refusait de le voir traverser une deuxième fois les épreuves qu'il avait subies pendant la guerre. C'était inhumain.
« Ne croyez pas que je vous laisserai gagner sans me battre. J'ai commis une petite erreur. Ca ne se reproduira pas. Profitez-en ! » Il lui fit un sourire méprisant pour dégonfler tant d'arrogance.
Harry méritait tellement mieux que lui.
« Oh mais j'y compte bien. » Harry lui fit un clin d'œil et un sourire radieux.
Harry lui prit sa reine, comme il s'y attendait. Il allait perdre, comme il perdait sa volonté. Face à cet homme il était impuissant et vulnérable. Il renifla. Jamais il ne l'aurait cru si on lui avait dit qu'un jour Harry Potter lui ferait perdre tous ses moyens. Il essaya de se concentrer sur le jeu. Il était hors de question qu'il perde, pas contre lui.
Déjà, il oubliait la partie.
Il était facile d'oublier qu'Harry était amnésique. Il se comportait comme il le faisait autrefois. Sa bonne humeur et sa joie de vivre étaient contagieuses. Il se sentait lâche. Un être sans caractère soumis aux caprices de ces magnifiques yeux verts. Que ne donnerait-il pas pour passer plus de temps en sa compagnie ? Et pourtant, il le fuyait, cherchait à l'éviter tout en recherchant constamment sa présence. Il voulait tirer partie de tout ce qu'il pouvait lui donner, même si ce n'était pas assez. Ca ne pouvait pas être assez.
Les doigts de Harry relâchèrent le cavalier qu'il venait de poser sur l'échiquier. Son sourire illumina la salle. Son regard lumineux lui signifia que c'était à lui de jouer.
« Que pensez-vous de ce coup ? »
Le Gryffondor porta sa tasse de tisane à ses lèvres.
« Que votre avantage tient surtout à une erreur de ma part plutôt qu'à votre stratégie qui je dois le dire est plutôt inexistante. » Severus sourit d'un air suffisant.
Comment pouvait-il détourner son regard de ses lèvres captivantes. Il ferma les yeux et resserra sa prise sur son verre.
« Vous êtes vraiment de mauvaise foi. » Il en fallait plus pour entamer la bonne humeur de Harry.
C'était douloureux de rester assis à côté de lui, de garder ses mains loin de son ancien amant, de ne pas le toucher, de ne pas le prendre dans ses bras, de ne pas l'embrasser. De faire comme s'il n'y avait jamais rien eu entre eux. Surtout en cet instant. Il était si près de lui.
« Severus, est-ce que tout va bien ? »
Harry posa son bras sur le sien, le regard inquiet. Sa question ? Severus ne l'entendit pas. Il lui lança son regard le plus Harry finit par le lâcher. La lueur qui traversa ses yeux lui déchira le cœur. Mais qu'y pouvait-il ? N'était-il pas connu comme étant 'le bâtard sans cœur' ?
« Je n'ai pas besoin de votre condescendance. »
Ce n'était pas la première fois qu'Harry était aussi familier avec lui. Il le tentait sans le savoir en le touchant ou en le frôlant. Ce n'étaient que des caresses légères mais elles restaient imprimées sur sa peau pendant des heures.
« Ce n'est pas de la condescendance. C'est de la civilité ! » Harry commençait à s'énerver. Le toucher de n'importe quelle manière le soulageait. Enlevait ce poids qui pesait si lourd sur son cœur.
Severus sentit son regard sur lui, sur ses mains et il se devait de garder contenance, de ne pas se laisser aller à ses sentiments. Il essayait de rester de marbre mais face à Harry, c'était difficilement possible.
« Taisez-vous Potter ! Ca nous fera des vacances. » Utiliser sa langue acérée avait toujours été sa meilleure défense lorsqu'il se sentait en danger.
Il avança une pièce. N'importe laquelle. De toute façon, il avait perdu. Il le savait. Rien ne pourrait le sauver. Rien. Et Harry allait souffrir.
Encore une fois.
Il était conscient que ses souvenirs revenaient. Lentement mais sûrement. A chaque fois qu'ils étaient ensemble, il sentait que leurs magies cherchaient à s'unir, forçant Harry à se rappeler des choses dont il ne devait pas se souvenir. Pour son bien.
« Bâtard graisseux ! » Murmura Harry, inconscient du fait qu'il l'avait entendu. Dans d'autres circonstances, Severus aurait souri.
Harry se comportait avec lui comme le gamin impudent et sûr de lui qu'il avait connu. Il se jouait de lui en bon Serpentard qu'il aurait dû être. Si Harry ne pouvait pas se souvenir de ce qu'ils avaient vécu, Severus, lui avait gravé ces moments dans son cœur qui pleurait de devoir sans cesse ressasser le passé et de voir devant lui les images de son bonheur aujourd'hui déchu.
Harry prit sa lèvre entre ses dents comme il le faisait lorsqu'il réfléchissait. Dans un réflexe, Severus avança le bras et toucha ses lèvres.
« Ça va faire un bleu. »
Il éloigna rapidement sa main, regrettant déjà son geste. Harry avança la main vers lui comme pour arrêter son geste, mais il était déjà loin.
« Ne -» Harry ne continua pas sa phrase.
Severus sourit amèrement. Il n'était pas certain qu'Harry ait conscience de ce qu'il provoquait en lui, mais c'était difficile. Surtout depuis qu'il s'amusait à lui lancer des défis, des paris stupides, comme il le faisait autrefois pour le faire réagir ou le manipuler.
Harry avança sa tour. Ca y était. Il était en situation d'échec. Le Gryffondor n'avait pas perdu la technique de jeu qu'il lui avait lui-même appris. Gamin idiot ! pensa-t-il avec affection.
Il était persuadé qu'Harry se souvenait de leur premier pari. Il avait vu ses yeux s'éclairer et il avait ri de bon cœur lorsqu'il l'avait provoqué en duel, le défiant de gagner cette partie.
Lui aussi s'en souvenait parfaitement bien. En parfait Serpentard, Harry avait triché, l'obligeant à respecter un pari truqué. Il s'était fait avoir comme un bleu, lui qui avait été espion si longtemps. Pour sa défense, il pouvait invoquer le fait qu'il ne le connaissait pas aussi bien qu'aujourd'hui. Harry était encore son élève. Il avait l'impression que c'était hier alors que dix ans s'étaient écoulés.
Severus croisa les bras et le regarda avec attention, « Si vous parvenez à faire cette potion sans faire exploser un autre chaudron, je vous appellerai Harry quand nous ne sommes pas en cours. En attendant, pendant votre entraînement, je continuerai à vous appeler Potter, après tout, c'est votre nom, non ? »
Harry acquiesça. « Marché conclu ! » Il sourit, reprit ses ingrédients et sous l'œil attentif du professeur Snape parvint à faire la dite potion sans problème.
Harry souriait jusqu'aux oreilles.
« Je vois Potter que vous avez triché ! Vous saviez faire cette potion depuis le début. C'est très Serpentard de votre part ! » Il n'avait pas l'air en colère, plutôt amusé.
Il essayait de garder ses barrières, mais elles s'effondraient et Harry en était parfaitement conscient.
« Echec et mat. Cette fois, j'ai gagné Severus ! » Le sourire de Harry serra son cœur. Gamin idiot, se répéta-t-il.
Hpsshpss
Les Malfoy avaient décidé de venir au Refuge où les habitants les attendaient dans le grand salon de l'aile centrale. Ils n'allaient pas tarder à arriver.
Harry faisait ce qu'il se plaisait à faire depuis plusieurs jours : regarder Severus. Il était particulièrement attiré par ses mains longues, blanches et fines. Ses yeux noirs l'hypnotisaient et sa présence le confondait.
Il aimait sa franchise, sa langue acérée, ses mouvements retenus en sa présence. Il avait un certain charme et il voulait voir jusqu'où pouvait aller cette attirance et jusqu'où elle avait pu aller dans le passé.
Severus n'en parlait jamais, mais Harry était convaincu qu'il s'était passé quelque chose entre eux dans ce passé dont il avait si peu de souvenirs.
Ceux-ci commençaient à revenir. Le pari avait été son premier souvenir clair. Il savait qu'il était heureux à cette époque-là. Du moins était-ce l'impression qu'il avait. Dans cette vision, il s'était senti détendu et amusé. Ca l'avait rassuré. Tout n'était pas aussi noir que Severus voulait le lui faire croire.
Les remarques et les avertissements de l'autre homme l'avaient touché et lui faisaient peur. Il était conscient de bloquer certains évènements. Il tremblait à l'idée de se souvenir de certains faits et il ne cessait de les repousser quand il les sentait remonter à la surface.
Il écartait tout ce qui était lié à la magie. Y penser lui nouer l'estomac et des visions effroyables traversaient sa vision. Il associait la magie au carnage et à l'horreur. C'était pourtant des souvenirs qu'ils semblaient avoir en abondance. Il préférait penser que la magie n'était qu'une utopie, un rêve d'enfants. Pas ça.
Il commençait pourtant sérieusement à envisager la possibilité que la maison soit ensorcelée. C'était affligeant.
Il avait essayé de visiter d'autres pièces, mais il revenait invariablement sur ses pas comme si la maison lui interdisait l'accès à certaines salles. Severus l'avait prévenu mais il n'avait pas voulu le croire. Sans magie, la maison le catégorisait et l'empêchait de passer. Il en était frustré et des sentiments contradictoires naissaient en lui. Sa curiosité et sa peur se s'affrontaient maintenant quotidiennement. Mais il savait que la curiosité serait toujours la plus forte.
Il était content de revoir les Malfoy. Il ne se souvenait plus des liens qui les unissaient mais c'était des amis de Severus et ils étaient liés à son passé. Il comptait profiter de leur présence pour provoquer des souvenirs et peut-être les inciter à répondre à certaines de ses interrogations.
C'était certainement la raison pour laquelle Severus réprouvait tant leur présence.
Un bruit sourd les prévint de leur arrivée. L'homme blond resta fièrement sur ses jambes tandis que sa compagne atterrit sur les fesses, ses longs cheveux roux tombant allégrement sur ses yeux.
Harry ne put s'empêcher de s'esclaffer, ce qui lui valut un regard noir de la femme en question qui se relevait difficilement.
Une image se superposa à la scène qui se déroulait devant lui. La jeune fille avait le regard voilé et tout en elle criait l'inquiétude. Elle avait également l'air plus jeune.
« Harry, tu me fais peur. Dis-moi de quoi il s'agit ? »
« Tu sais que je ne ferai jamais rien qui puisse te mettre en danger ? » La jeune fille regarda les yeux verts qui brillaient d'incertitude.
Il la dévisagea l'espace d'un instant. La femme qui était devant lui n'avait rien en commun avec la jeune fille dont il venait d'avoir la vision. Pourtant… Pourtant, c'était la même personne. Pourquoi était-elle en proie à une si vive nervosité ? Il regarda ses yeux et y vit une joie de vivre infinie. Seule une personne ayant connu l'horreur la plus totale peut avoir un tel regard. Le voile qui les recouvrait était partiellement occulté par une forte volonté de vivre. Il se rendit alors compte que toutes les personnes présentes dans cette pièce avaient cette même lueur : ces gens vivaient au jour le jour.
« Voilà une entrée fracassante. » Commenta Severus de son sourire ironique.
« Oh tais-toi Severus. Je n'ai jamais aimé les cheminées. » Elle s'avança doucement vers Harry et le prit dans ses bras. « Comment vas-tu Harry ? »
« Madame Malfoy, dois-je vous rappeler que vous êtes une femme mariée. » Elle lança à Severus son regard le plus mauvais mais ne lâcha pas sa proie.
« Harry, c'est notre ennemi ! Comment peux-tu me demander une telle chose? »
N'étant pas habitué aux démonstrations d'affection, Harry eut un moment d'incertitude avant que ses bras ne s'enroulent d'eux-mêmes autour de la jeune femme, retrouvant des sensations perdues depuis longtemps. Famille. Instinctivement, il sut qu'il la considérait comme sa sœur. Il regarda derrière elle et vit Drago.
Il se mit à faire les cents pas dans la petite chambre. « Gin, ce n'est qu'un gamin arrogant manipulé par son père. Il ne sait pas ce qu'il fait. Et qu'importe de quel côté il est si ce que tu lui apprends peut sauver des vies. Dans une guerre, les 'gentils' font autant de mal que les 'méchants'. Les barrières tombent. Il y a juste des gens qui se battent pour une cause en laquelle ils croient. »
« Très bien Gin. »
Elle se recula pour le regarder dans les yeux. « Tu as recouvré tes souvenirs ? » Son sourire s'étira.
« Pour toi Harry. Je le ferai pour toi. »
« Non. J'ai parfois des sensations ou des impressions de déjà-vu, mais rien de plus. » Jusqu'à présent. Pensa-t-il. Il aperçut le froncement de sourcil de Severus mais prit son air le plus innocent.
Elle passa rapidement en mode médicomage. « Pas d'évanouissement ou de perte d'équilibre ? »
Il grimaça. « Non maman, tout va bien. »
Elle le frappa légèrement et s'assit pendant que Drago serrait la main de son compagnon maintenant que sa femme l'avait libéré.
« Je suis surpris. Je croyais que vous alliez venir avec les enfants. » Severus haussa un sourcil.
Les images se succédaient dans l'esprit de Harry, mais leur sens lui échappait. Il s'agrippa à son fauteuil. Il commençait à avoir la tête qui tourne.
Il secoua doucement David pour le réveiller, « David, David, viens mon grand, il est l'heure d'aller se coucher. » Le petit garçon s'étira, regarda sa petite sœur et sourit légèrement. Il connaissait les Malfoy depuis presque deux ans et les considérait comme sa famille. Il se leva et les embrassa. « Oncle Drago, tante Ginny. »
« Bonsoir David! Tu devrais aller te coucher, tu tombes de fatigues. » Lui dit Drago en ébouriffant gentiment ses cheveux.
Ginny hésitait, montrant l'incertitude qui avait motivé leur décision de venir seuls. « Nous nous sommes posés la question mais nous avons préféré les laisser à ma mère. Eva est encore un peu jeune pour s'occuper de sa petite sœur et David, et bien, David a sa vie. Il va sur ses dix-neuf ans. Ca ne nous rajeunit pas. »
« Je ne l'ai pas vu depuis longtemps mais j'entends parler de ses performances musicales partout. On en fait l'éloge même dans la Gazette du Sorcier. »
« Oui, les journaux se sont emparés de lui et ça m'inquiète un peu. J'ai peur qu'ils ne ressortent de vieilles histoires. Son père était un mangemort et il a été adopté par un Malfoy. »
Harry les écoutait avec attention, cherchant à se rappeler.
Des mangemorts. Son sang se glaça.
La grange était en feu. Des mangemorts l'encerclaient et riaient bêtement. Elle levait sa baguette vers les personnes devant elle. Deux mots, deux petits mots mirent fin à la vie de ses parents. Elle avait de ses mains pris la vie de ceux qui la lui avait donnée.
Il ferma les yeux. Il ne voulait pas se souvenir des mangemorts. Il repoussa l'image qui le menaçait et sentit une douce chaleur envahir son esprit. Il n'était pas seul.
« Et Eva ? »
Eva sur ses genoux, essayait de l'aider, jouant parfois à sa place, achetant à perte, pendant que David tentait d'attirer l'attention de sa sœur. Il voulait lui apprendre les règles du Monopoly sorcier, si bien que le jeu décida de l'envoyer en prison pour la simple mais excellente raison qu'il ne jouait pas assez vite.
Harry sourit. C'était ce genre de souvenirs dont il voulait se rappeler.
Il avait la sensation que tout tournait autour de lui, mais il fit comme si de rien n'était. Severus le regardait de ses yeux perçants mais il soutint son regard. Il n'allait pas flancher, pas alors que ses souvenirs revenaient.
« Elle continue à prendre des cours de dessin. » Elle se tourna vers lui. « Tu verras, elle est très douée. » Ginny était fière de sa fille.
« Severus m'a dit que tu donnais des cours de dessin, Harry ? Tu pourrais peut-être aider Eva de temps à autre, je suis sûr qu'elle serait ravie de te revoir.» Lui demanda Drago.
Harry accentua la pression de ses doigts sur le bras de son fauteuil. Il avait des difficultés à respirer. « Bien sûr. Qu'elle vienne quand elle veut. Je continue mes cours pendant les vacances, si elle veut venir, elle sera la bienvenue. Tous les niveaux sont acceptés. L'élève la plus jeune est justement une jeune fille de onze ans se prénommant Eva. » Faire comme si tout allait bien, ne pas montrer ses faiblesses…
Ginny le dévisagea un long moment avant de lui demander, « Quel est ton nom dans le monde moldu, Harry ? »
« Quand j'ai repris conscience après mon accident, on m'a dit que je m'appelais Harry Evans. » Sa soudaine curiosité le surprit.
« Tu veux dire que tu es LEprofesseur Harry Evans dont elle n'arrête pas de nous parler ? » La jeune femme se leva en proie à une vive émotion.
Il faisait un effort conscient pour respirer. Inspirer, expirer. Tout va bien. « Une jolie petite fille blonde aux yeux bleus ? »
« Oui, c'est ça. » C'est Drago qui répondit. Sa femme s'était rassise et continuait à le regarder fixement.
« Alors c'est elle. Elle est très douée et a une vive imagination. » Severus le regardait étrangement mais il parvint à lui faire un sourire qu'il espérait naturel.
« Dire que tu la connais depuis deux ans. On aurait pu te retrouver avant. Tu te rends compte. » Drago prit la main de sa femme.
« Harry n'était peut-être pas prêt il y a deux ans. Il retrouve tout juste ses souvenirs. Avant tu aurais certainement eu devant toi un parfait étranger. »
Drago décida d'un repli stratégique. Il valait mieux changer de sujet. Il se tourna vers le directeur adjoint de Poudlard.
« Severus, il faut que je te prévienne. Ron est revenu. Je ne sais pas combien de temps il restera cette fois. Il est plus remonté que d'habitude. »
« Comment as-tu osé ? »
« S'il te le propose, retourneras-tu en mission Severus ? » Ginny était inquiète.
« Je ne te dois rien Ron. Absolument rien. C'est ma vie. »
« Non pas cette fois. J'ai trouvé ce que je cherchais. » Son regard coula lentement sur l'homme assis à côté de lui qui était soudain devenu pâle.
« Il l'a tué, Harry. Comment peux-tu lui faire ça ? »
Harry ? Harry ?
Quelqu'un l'appelait. Son nom résonnait.
« Il n'est pas plus responsable que moi, Ron. »
« Tu as raison. »
Il leva sa baguette, « Oubliettes. » Le rouquin jeta le sort sur lui qui eut le temps de créer une barrière de protection. Son enfant. Il ne voulait pas que son enfant souffre par sa faute.
« Tu t'appelles Harry Evans. »
Il sentit une main fraîche sur sa peau bouillante. Son enfant. Severus. Comment avait-il pu oublier ?
Il avait mal au ventre. Très mal. Il se mit en boule pour essayer de réfréner ces coups qui descendaient dans ses jambes, le long de son dos lui donnant envie de vomir.
Respire Harry.
On lui parlait mais il ne comprenait pas.
Tout à coup, il sentit une présence dans son esprit, « Calme-toi Harry. Tout va bien. Respire. » La douleur s'amoindrit lentement jusqu'à il ne plus ressente plus qu'un engourdissement.
Il sombra dans les vagues nébuleuses de la semi-conscience.
Les rires.
La nervosité de Ginny.
Les regards de Drago.
Le sourire heureux qu'affichaient Ron et Hermione : maintenant qu'ils étaient Aurors, ils avaient décidé de se marier.
L'appel des nouveaux Aurors.
La montée de Ron et Hermione sur l'estrade.
Un rire sinistre.
La soudaine obscurité.
Une lumière verte.
Des cris.
L'aveuglante luminosité.
Les membres de l'Ordre encerclés.
Ron, la baguette pointée sur Hermione.
Les yeux écarquillés d'effrois, Ron ?
Lucius Malfoy, donnant un objet à la jeune fille. Tu arrives trop tard Potter !
Sa disparition. Ton amie la sang de bourbe est déjà entre nos mains !
La colère ! Dis-moi où elle est, maintenant !
Les poings serrés.
Le cri d'un loup suivi de celle d'un homme.
La reconnaissance de son échec.
Des larmes roulant sur ses joues.
Les cris de Ron l'accusant de la disparition d'Hermione. C'est de ta faute !
Les corps de Remus et de Peter Petitgrew.
Espèce de traître
Hpsshpss
Il se réveilla sur son lit dans sa chambre. Les rideaux étaient tirés. Severus était assis à côté de lui, sur une chaise. En le voyant reprendre conscience, il se leva et posa une main sur son front. Harry sentit un picotement lui traverser le corps.
« Comment te sens-tu ? » Severus avait baissé la voix comme s'il parlait à une personne malade ou fragile.
« Bien. Je pense. » Il était confus. Trop d'images avaient défilé dans sa tête. Il savait que certaines étaient importantes voire essentielles, mais elles s'effaçaient déjà. Il essayait de retenir le rôle de Severus, son importance était cruciale, il le savait mais déjà il disparaissait de son esprit.
« N'essaye pas de revivre ce que tu viens de traverser. » Ses doigts dessinaient maintenant des cercles sur son front et dans ses cheveux dans un geste qui se voulait apaisant.
« J'ai l'impression que ma tête va éclater. »
« Ferme les yeux. » Lui demanda Severus de sa voix la plus douce.
Harru ne sut pas ce qu'il lui fit mais il eut l'impression d'être lavé, purifié, la douleur s'évanouit.
« Ginny et Drago ? »
« Ils sont restés aussi longtemps qu'ils ont pu. C'est Ginny qui t'a soigné quand tu as commencé à convulser. »
Enfant. Severus. Il ne savait plus. Il serra les poings. « J'ai raté quelque chose d'important. De très important, Severus. Je n'arrive pas à me rappeler. »
« Ca reviendra. N'oblige ton esprit à revivre des moments que tu n'es prêt à revivre. Donne-toi du temps. »
Harry détourna les yeux, « Elle est morte n'est-ce pas ? »
Severus serra le poing et arrêta son mouvement apaisant. « Oui. »
« C'était de ma faute. » Les larmes commençaient à couler sur ses joues. Il ne pouvait les arrêter.
« Non. Ce n'était pas plus de ta faute que de la mienne. Si tu veux un coupable alors cherche du côté du Seigneur Noir ou de Lucius. »
Le Seigneur des Ténèbres éclata de rire. Dans une caresse, il essuya ses larmes. « Regarde quel bon serviteur il est devenu. Vous, Gryffondor, êtes si naïfs, il est si facile de vous avoir à ma botte ! » Il enserra le cou de Neville tout en gardant ses yeux verrouillés dans ceux de son ennemi. « Il va payer à ta place Potter. Soit tu me dis où se trouve ce que tu m'as volé, soit il meurt. A toi de choisir ! » De son ongle, il écorcha la gorge du jeune homme et une perle de sang apparut. Il l'essuya et la lécha. « Alors, j'attends une réponse, petit Gryffondor. »
La douleur revint multipliée par mille. Il ferma les yeux, serra les dents et trouva la main de Severus qu'il agrippa comme si sa vie était en jeu. Un bruit aigu l'empêchait de penser à respirer. Il n'y avait plus que cette souffrance.
Et la présence rassurante fut à nouveau à ses côtés, annihilant la douleur par sa simple présence, oblitérant la peur et les souvenirs néfastes ne laissant qu'une chaleur réconfortante et cette impression d'être dans un cocon.
« Dors maintenant Harry. »
Il fit ce qui lui était demandé.
Hpsshpss
Severus avait assisté impuissant à l'agonie de Harry. Il n'avait pas compris ce qui se passait. Il s'était lentement affalé sur le sol, tombant du fauteuil sur le sol dur et froid. Il l'avait appelé mais il n'avait pas réagi. Il l'avait regardé se tortiller de douleur, entourer ses bras autour de ses jambes pour alléger sa souffrance.
Ginny avait agi rapidement. Elle l'avait endormi et avait calmé la douleur sourde pendant que lui, était entré dans son esprit pour chercher la source du problème et il l'avait trouvé. Il avait trouvé un pont le menant à ses souvenirs : trop de choses lui était revenues trop vite.
Il n'avait pas eu le temps d'interrompre cette première vision dans laquelle Ronald Weasley apparaissait. Par contre, il avait intercepté celle de la mort de son amie. C'était certainement le souvenir le plus douloureux pour lui. Cette mort l'avait anéanti. Il lui avait fallu des mois pour reprendre goût à la vie. Harry n'était jamais redevenu le jeune homme insouciant qu'il avait connu. Il était mort avec elle ce jour-là.
Severus le regarda dormir, prenant de temps en temps une de ses mains dans les siennes, embrassant sa paume, faisant courir une main dans ses cheveux indomptables essayant de lui procurer du réconfort et de l'amour. Harry n'était pas seul. Il ne le serait jamais.
Il avait laissé le lien entre eux ouvert pour s'engouffrer dedans si une crise survenait à nouveau.
Il regarda l'homme dormir paisiblement. Tout allait bien maintenant. Harry était détendu. Tranquille. Comme il devait l'être éveillé.
Oh Harry, pourquoi veux-tu souffrir en essayant de te rappeler ces mauvais moments ?
Hpsshss
Une main sur son épaule le réveilla. Il ne s'était pas aperçu qu'il s'était assoupi. Severus se releva encore engourdi.
« Je suis désolé de vous causer tant de problèmes. »
« Comment te sens-tu ? » Severus leva le menton de Harry pour pourvoir le regarder dans les yeux.
« Bien mieux, merci. » Le Serpentard étrécit les yeux mais acquiesça et le lâcha.
« Vous êtes resté à mon chevet toute la nuit ? »
Severus ne répondit pas à la question, « Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé hier ? »
Harry fronça les sourcils et acquiesça. « Oui. »
« Pourrez-vous -»
Le maître des potions serra les dents. Non ! « Je vous emmènerai sur leur tombe. »
« Merci. » Murmura-t-il. « Je ne me souviens pas de tout. Nous étions à une cérémonie. Il s'est passé quelque chose et Remus est mort, mais après, c'est le néant. »
« Elle n'est pas morte à ce moment-là. Elle s'est faite enlever. Son esprit était contrôlé. Elle a essayé de te tuer. Tu as essayé de résister. Elle a été touchée par un sort accidentellement. »
« Je suis désolé. Je ne voulais pas la tuer. »
Ne supportant pas sa détresse, Severus prit l'autre homme dans ses bras, massant son cuir chevelu et sa nuque. Harry enfouit son visage contre sa poitrine, contre l'ouroboros dont Severus ne se séparait plus. Les larmes continuaient à couler. Il était adulte et avait honte d'agir comme un enfant mais c'était plus fort que lui.
Severus murmurait des mots de réconfort, prodiguant des caresses pour détendre son corps et ramener le calme en lui.
Quand finalement ses larmes se tarirent, Harry rencontra les yeux d'onyx qui ne le jugeaient en rien. « Vous devez vraiment me prendre pour un enfant à pleurer de cette manière. »
« Non. Vous êtes quelqu'un de fort qui a beaucoup souffert. Ce sont les larmes de tristesse que vous donnez à une personne que vous avez aimée. N'ayez pas honte de vos larmes. Jamais. »
Les yeux verts ne le quittaient pas. « Je- Je n'ai jamais trouvé la bonne personne. Et je ne crois pas à l'amour passion. L'amour est un sentiment incandescent. Il brûle comme une bougie et s'éteint. Un jour on se réveille et on se rend compte que l'on a jamais aimé. »
« Vous êtes toujours présent dans les moments difficiles. Je ne sais comment vous remercier. »
« Tu n'as pas à me remercier Harry. Je suis là pour toi comme tu as été là pour moi. »
« Aimes-tu Harry ? » Sa voix était tendue.
Harry ferma les yeux. Il avait une boule dans la gorge. Ce souvenir oppressant menaçait de le consumer mais la présence de cet homme était un baume bienfaisant. Elle l'aidait à cicatriser ses plaies.
« Tu verras Harry. Tu trouveras l'amour. »
« Assez rêvasser, jeune homme. J'ai beaucoup de choses à faire aujourd'hui et la matinée est déjà bien entamée. » Il lui tendit une main qu'il prit volontiers.
« Vous m'avez parlé d'une bibliothèque il y a quelques jours, je vais essayer de la trouver. Un peu d'exploration ne me fera pas de mal. »
« Gryffondor. » Marmonna Severus entre ses dents.
« C'est bien la première fois que tu me traites de Gryffondor Severus. »
« Gamin impertinent. »
Le sourire de Harry était revenu même si le voile de son passé tombait doucement sur lui, enlevant peu à peu le soleil qui lui permettait de sourire.
