La commandante fit sortir ses collègues de la salle pour leur exposer son avis. Évidemment, elle prit le soin d'expliquer qu'Antoine partait bille en tête, convaincu que le principal était coupable. D'accord avec lui, Marquez le rejoignit en salle d'interrogatoire alors que Candice quittait la BSU avec Val pour se rendre au domicile du chef d'établissement. Accueillie par sa femme, la commandante se présenta et entra en souriant, accompagnée de sa collègue.
« Vous venez m'annoncer que David va être inculpé pour meurtre c'est ça ?
- Euh non… Il n'a pas avoué… Puis de toute façon il a un alibi, vous étiez ensemble…
- Oui… répondit-elle en souriant faussement. Alors… Pourquoi vous êtes là ?
- Hum… souffla Candice en observant les alentours fixement. Bah… À vrai dire j'ai du mal à comprendre ce que vous faisiez ensemble, ce soir-là…
- Pourquoi ? fit-elle mine de ne pas comprendre.
- Dans l'entrée, il n'y a que des chaussures de femmes, dans la bassine là… pas l'ombre d'une chemise alors que du fait de son métier, le costume est un pré-requis… et… Je suis sûre que si je monte dans la salle de bain je ne trouverai ni sa brosse à dent, ni ses affaires de toilettes…
La jeune femme baissa la tête.
- Depuis combien de temps étiez-vous séparés ?
- Mais c'était temporaire ! Un break…
- C'est vous qui avez pris la décision ?
- Oui… acquiesça-t-elle en sanglotant. Y a deux semaines…
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- David avait oublié une pochette sur la table… Je pensais que c'était les papiers de réinscription pour l'année prochaine de Jessica et… j'suis tombée sur des lettres atroces… J'ai reconnu son écriture…
- Donc vous étiez au courant de cette histoire d'harcèlement ?
- Bien sûr ! J'ai cru que… que c'était un rêve… je sais pas… je… c'est pas l'homme que j'ai aimé ça ! lâcha-t-elle en pleurant.
- Cette pochette, vous en avez fait quoi ?
- J'ai confronté David… Je l'ai… Je l'ai même giflé. Je pouvais tellement pas cautionner ça… J'suis allée voir madame Moreau et je lui ai donné…
- Donc vous avez poussé Justine à le dénoncer…
- Arrêtez… Je culpabilise tellement… Je crois que j'arrive pas à réaliser que j'ai épousé un monstre… C'est le père de mon enfant… bon sang… cracha-t-elle en laissant couler ses larmes.
- Je sais que ce genre de situation n'est pas facile… Il va falloir du temps pour accepter, et pour se remettre de cette… trahison…
- Ouais… De toute façon il m'aimait plus… J'sais même pas pourquoi je me prends la tête pour lui…
- Comment ça ?
- Bah sa secrétaire… Elle attendait que ça… Je la voyais avec ses minijupes devant lui… Pffff… Et évidemment, face à une jeunette… On fait pas le poids…
- Ah ça… C'est sûr… Et je sais de quoi je parle… répondit Candice avec amertume.
- Regardez… Je les ai pris en photo… Juste avant qu'il vienne me supplier de le pardonner…
- C'était le soir du meurtre ça ?
- Oui, juste après la réunion… Il devait venir déposer un papier pour Jessica… J'attendais à la fenêtre et… quand je la vois avec ses talons là… Ça me dégoute.
- Val, tu peux récupérer la photo s'te plaît ? … Vous portez pas de talons vous ? demanda-t-elle une idée derrière la tête.
- Non… J'ai des problèmes de dos… Mon médecin me l'a interdit…
- Bien… Je vous remercie… »
Candice sortit de la maison victorieuse. Chantonnant, elle se dirigea avec Val vers sa voiture.
« Tu m'expliques ?
- Les talons Val… Les talons…
- Les talons ? demanda-t-elle perplexe. »
Une heure plus tard, la commandante débarqua de nouveau dans la salle d'interrogatoire où la secrétaire attendait. Le sourire fixé sur son visage, elle s'assit face à elle et déposa sa tête sur ses deux mains jointes.
« Madame Menguy, est-ce que vous pourriez ôter vos chaussures, s'il-vous-plaît ?
- Mes chaussures ?
- Oui… Vos chaussures !
La secrétaire ôta ses talons et les déposa sur la table.
- Jolis talons… J'en serai presque jalouse… C'est juste dommage que le talon droit soit usé… AH ! Tiens ! C'est pas comme celui de gauche… constata-t-elle avec exagération.
- Et donc ? Vous allez me passer les menottes parce que j'ai un talon plus usé que l'autre ? plaisanta-t-elle.
- Non… Enfin je me suis renseignée et votre fils est en formation pour devenir cordonnier…
- Oui, c'est lui qui m'a remis un nouveau talon. Il s'est cassé.
- Ah oui… Et je serai bien curieuse de savoir comment…
- Euh… Je sortais de ma voiture en centre-ville et mon talon s'est coincé dans une plaque d'égout…
- Ah bon ? Pourtant, d'après mes informations… Vous n'avez pas le permis…
Candice marqua un temps face à la suspecte qui bredouillait.
Alors vous savez ce que je pense moi ? … Eh bien je pense que vous étiez tellement amoureuse de votre cher David que vous étiez prête à tout pour le protéger… Alors quand vous avez compris que Justine s'apprêtait à le dénoncer et qu'elle avait toutes les preuves qui l'accusait… Vous avez voulu les récupérer… Ce soir-là, vous êtes sortis du collège après la réunion et vous l'avez aperçu en train de discuter avec son élève. Vous avez attendu qu'il s'en aille pour la confronter… Le ton est vite monté et dans la bagarre vous en avez cassé votre talon…
- Mais vous avez aucune preuve de ce que vous avancez…
- Hélas, le petit Rayan nous a confié avoir entendu des talons claquer sur le sol…
- Comme si j'étais la seule femme à porter des talons…
- Non c'est vrai… Mais la fameuse pochette que vous vouliez tant récupérer ayant disparu de la pochette de Justine… Je pense qu'en fouillant chez vous on ne tardera pas à la retrouver…
- Je l'ai détruite… chuchota-t-elle les larmes aux yeux. »
Fière, Candice écouta ses aveux. Encore une fois, la commandante avait tout compris et son compagnon était à côté de la plaque. Elle se releva tout en ordonnant à un officier de récupérer la coupable avant d'être rejointe par son commissaire.
« Bravo… lâcha-t-il les mains dans les poches.
- Ah ! Merci… répondit-elle d'une voix enfantine.
- Je sais pas comment tu fais…
- Pour ?
- Trouver la solution, tout le temps…
Candice haussa les épaules, faussement humble.
- Je sais pas… J'hésite entre le génie ou le brio…
Antoine rigola doucement en s'approchant d'elle.
En attendant, j'avais raison… Donc t'as intérêt à respecter ta part du contrat… chuchota-t-elle sensuellement proche de son visage.
- Mais bien sûr mon chaton… répondit-il en l'embrassant furtivement avant de s'emparer du dossier et de quitter la salle d'interrogatoire.
Souriant, il débarqua dans la salle de contrôle, et fit face à son équipe qui le fixait le sourire aux lèvres.
Vous étiez là ? demanda-t-il gêné.
- Mon chaton ? répéta Mehdi avec amusement alors que Candice débarquait à son tour.
- Et du coup ça se passe comment boss ? Vous sortez les griffes aussi ?
- Bon Ismaël… le gronda gentiment Antoine.
Val explosa de rire.
- Je l'imagine avec des petites oreilles de chat… plaisanta-t-elle en rigolant aux éclats.
- Non franchement… commença Mehdi. On dirait pas comme ça… Mais en fait t'es un vrai canard…
- Coin coin… rajouta Val en suivant Antoine qui quittait la pièce.
- Vous êtes vache avec votre commissaire quand même… répondit Candice amusée par la situation. »
. . . . .
Dans la cuisine, Candice s'attelait à vider le lave-vaisselle. Très vite, elle fut rejointe par son compagnon qui prit le soin d'ignorer Laurent assis à la table du salon.
« T'as besoin d'aide mon chat ? demanda Antoine en caressant son bas du dos.
- Huuum… non t'inquiète pas j'ai presque terminé! Répondit-elle en souriant contre son dos.
Amusé, Laurent releva la tête et se retourna pour s'adresser à sa fille assise dans le canapé.
- Attend je rêve pas la !? Mon chat !? J'ai bien entendu ?!
Emma éclata de rire
- Non tu rêves pas non…
- Et elle lui dit rien ?
- Eh non… Elle adore quand il l'appelle comme ça en plus…
- Eh bah….
Candice se retourna et fit face à Antoine en s'appuyant sur le comptoir.
- De toute façon je vais pas tarder… je vais chercher Sacha à la gare…
- Tu vas pas me laisser tout seul avec lui quand même ? demanda Antoine d'un ton boudeur.
- Ça va… Vous êtes deux grands garçons … Vous allez bien réussi à ne pas vous taper dessus ! Hein mon coeur… lâcha-t-elle mielleusement en passant ses bras autour de son cou.
- Mouais…
Souriante, Candice caressa sa joue avant de rejoindre le salon où elle enfila son manteau.
- Bon je vous laisse! Je file chercher Sacha à la gare et je passe au supermarché rapidement.
- Ok! répondit Laurent.
- Oh! Tu… Tu pourrais me prendre du chocolat ? Tu sais… celui que j'aime bien que t'avais pris la dernière fois… demanda Antoine d'une voix douce en s'approchant d'elle.
- Huuuum… Est-ce bien raisonnable ça monsieur Dumas !? Plaisanta-t-elle en caressant doucement son ventre sous les yeux exaspérés de Laurent qui les observait au loin.
- Eh ! protesta-t-il en rigolant.
- Je vais voir ce que je peux faire ! Répondit-elle en lui tendant ses lèvres.
- Merci… chuchota-t-il avant de l'embrasser.
- Allez à tout à l'heure ! »
La porte d'entrée claqua et laissa le reste de la tribu à la maison. Antoine rejoignit le canapé et s'empara d'un dossier pour finir de le compléter. Rapidement, Emma quitta le salon pour calmer sa fille qui pleurait à l'étage. La maison était plongée dans le silence. Laurent assis à la table du salon semblait réfléchir. Une dizaine de minutes plus tard il se leva, versa du whisky dans deux verres et s'approcha d'Antoine. Il lui tendit un verre et s'assit à côté de lui.
