Note de l'auteur: Bonjour, bonsoir, ça fait longtemps ! Pour ceux qui l'attendent toujours, l'avant dernier chapitre de cette longue histoire. J'espère qu'il vous plaira!
Merci encore du fond du coeur de me lire, j'espère que vous passez un agréable moment à me lire.
Bonne lecture !
Chapitre 51 – Epreuve finale
Shun passa un petit moment sur l'île. Camus avait réussi à négocier avec Ikki une semaine en compagnie de Hyôga, ni plus ni moins, la fois où il était allé à la Citadelle parler de ce qu'il voulait faire pour l'anniversaire de son disciple. Le patron de l'Auberge de la Renaissance avait pas mal rechigné, mais devant les yeux suppliants de son frère, il avait fini par céder. Après tout, Shun était très travailleur, et cela aurait été injuste de ne pas lui accorder quelques vacances, puisqu'il les désirait tant. Et puis, Ikki connaissait bien Camus. Le patron de l'auberge considérait que le mage était un homme sage et responsable, et que Shun ne risquait rien avec lui dans les parages, malgré sa méfiance naturelle de grand frère.
Une fois que la semaine fut écoulée, Hyôga se chargea de ramener lui-même Shun à la Citadelle Bénite, ce qui fut pour lui l'occasion de tester plus avant son nouveau bateau. Camus et Milo montèrent sur le leur et les suivirent à travers la mer. Milo était ravi, parce qu'avec Camus rien que pour lui sur ce joli bateau, sans Hyôga dans les parages… Il lui fit tant l'amour que celui-ci faillit en dévier de son itinéraire.
Puis, en arrivant à la Citadelle Bénite, Hyôga se fit enfin décerner son titre de mage par Shion, sous le regard passablement ému de Camus. Celui-ci avait du mal à contenir la joie et la fierté qu'il avait de voir son élève prendre son envol de lui-même, à l'issue d'années et d'années d'entraînement acharnés. Une nouvelle page se tournait.
Pendant les mois qui suivirent, Hyôga profita de sa nouvelle liberté pour alterner entre les séjours sur l'île de l'Aurore et la Citadelle Bénite. Il semblait avoir envie d'avoir une demeure en ville, à la Citadelle, et depuis, il cherchait où s'établir. Il ne savait pas encore trop ce qu'il voudrait faire de ses pouvoirs, alors ces séjours en ville, où il put davantage découvrir ce qu'était que le monde et le quotidien entouré de toutes sortes de gens, pourraient sans doute l'aider à se décider. Et comme Camus le lui avait promis, il restait très disponible lorsqu'il avait des questions.
Hyôga, un jour qu'il revint sur l'île, annonça d'ailleurs avec une certaine timidité à Milo et Camus qu'il avait enfin réussi à se trouver une maison près du port de la Citadelle. Il comptait demander à Shun d'y emménager avec lui, s'il était d'accord. Le jeune homme avait réussi à lui déclarer ses sentiments, au grand ravissement de Milo, qui était ostensiblement heureux pour lui, après toutes ces années à le voir tourner en rond et se lamenter. Cependant, il avait peur que Shun n'accepte pas, et qu'Ikki lui passe un savon, ce qui était encore une issue très plausible. Il se disait que même si Shun ne voulait pas venir avec lui, au moins, il pourrait le voir très souvent, puisqu'il habiterait à côté. Et il jura à Camus qu'il reviendrait souvent le voir, autant qu'il le pourrait. Il avait envie de faire ses preuves en ville, mais son maître lui manquait toujours quand il n'était pas avec lui.
En fait, ce fut Shun qui mit Ikki subitement face à sa décision de partir habiter avec Hyôga. Une dispute s'ensuivit apparemment entre les deux frères, que Shun finit par gagner. Ikki ne cautionnait pas, évidemment… Mais il ne pourrait empêcher son frère de faire ce qu'il voulait, il le savait. Il n'allait pas l'enfermer dans l'auberge. Et puis il finit par entendre raison. Cela aurait pu être bien pire. Shun n'irait pas loin, et il resterait en compagnie de quelqu'un qu'il connaissait bien… Il n'y avait clairement pas de quoi en faire un drame. Et cela n'empêcha absolument pas Shun de travailler comme d'habitude et avec tout le sérieux du monde dans leur auberge. Ce qui comptait, c'était que cela reste Ikki qui tînt l'établissement. Ikki ne pouvait pas en bouger, puisque c'était lui qui gérait tout, mais Shun, qui s'occupait surtout du service pendant les repas, et moins de la logistique des chambres, avait le droit de ne pas être sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Milo et Camus, quant à eux, se retrouvèrent pour la première fois depuis longtemps seuls tous les deux. Puisque Hyôga ne venait plus qu'avec parcimonie les visiter, ils vécurent ensemble quelque chose qui leur parut utopique, tellement qu'ils étaient heureux de leur présence mutuelle. Comme ils étaient seuls, Milo fit découvrir à Camus les joies de l'aimer dans n'importe quelle pièce et n'importe quelle configuration à travers la maison, chose qu'ils n'avaient pas pu s'accorder avec un adolescent dans les parages. Camus n'en revenait pas de l'imagination inépuisable et débordante de Milo quand il s'agissait de trouver une nouvelle idée pour l'aimer. Et quand ils ne se perdaient pas dans des ébats éblouissants, ils restaient ensemble à faire une activité calme, une promenade à travers les paysages tempérés de leur île, ou ils se blottissaient tout simplement l'un contre l'autre dans le canapé. Camus, qui n'avait plus aucun élève à entraîner, passa alors le plus clair de ses journées à accompagner Milo dans ses recherches et son apprentissage de la magie. Parfois, il l'aidait, il l'assistait, et parfois, il prenait simplement le temps de rester à ses côtés silencieusement, avec un livre, pendant que Milo griffonnait des notes, lisait ou essayait d'utiliser ses pouvoirs d'une nouvelle manière.
Les deux amants firent quelques allers retours à la Citadelle eux aussi, pour que Milo fasse ses preuves avec sa magie dans les hôpitaux de la ville. Camus ne lui autorisait à chaque fois qu'un hôpital par semaine, parce que, même si son amant faisait des progrès fulgurants, il s'épuisait toujours autant à la tâche. Soigner tous ces gens lui demandait une énergie monstre. Milo donnait littéralement tout ce qu'il avait en lui pour atténuer la douleur de ceux qu'il croisait, et évidemment, il avait besoin de beaucoup de repos entre ces séances. Camus l'aida quelques fois, puisque Milo lui avait appris à faire baisser de la fièvre en liant leurs pouvoirs. Cela permit de limiter légèrement le drain dans l'énergie de l'apprenti mage. Milo, à chaque intervention à l'hôpital, recevait une prime généreuse, ce qui leur permettait de vivre très confortablement.
Puis, un jour, après avoir sauvé un soldat d'une entaille sévère à travers la poitrine, Milo finit par décréter être prêt. Il n'avait pas beaucoup plus d'un an et demi d'entraînement au compteur, mais il commençait à se sentir assez à l'aise avec ses pouvoirs. Et Camus était assez d'accord avec ce diagnostic. Cela l'impressionnait beaucoup que Milo ait réussi à maîtriser ses pouvoirs en aussi peu de temps, mais il devait bien avouer que son amant était très doué, et sans doute déjà apte à devenir mage. Shion lui avait dit que l'épreuve consisterait à soigner quelque chose qui serait très difficile avec les progrès actuels de leur médecine. Milo, qui commençait à avoir accompli quelques-uns de ce genre de miracles, se disait qu'il pourrait peut-être tenter sa chance.
En tout cas, ce qui impressionnait le plus Camus, c'était la puissance de Milo. Il avait eu un potentiel très fort dès le début… Mais le voir utiliser sa magie avec autant de brio et d'endurance était époustouflant à observer.
Ce fut donc quelques semaines avant l'anniversaire de ses vingt-trois ans que Milo informa les autorités de la Citadelle Bénite qu'il se sentait prêt à passer son épreuve pour accéder à son titre de mage. Le Grand Pope le convoqua rapidement par courrier pour qu'il vienne montrer ce dont il était capable. Camus, le matin de l'épreuve, l'avait accompagné jusque devant le parvis du palais. Milo avait insisté pour passer cette épreuve seul, alors Camus n'avait pas argumenté pour le rejoindre malgré tout. Milo devait avoir peur de le décevoir si jamais il n'était pas capable d'accomplir ce qu'on lui demanderait, alors… Il préférait faire cela sans lui. Puis l'informer de ce qui se serait passé ensuite. Il avait fait tout ce travail, alors il avait envie de digérer ce qui se passerait à ce moment-là d'abord, avant que d'en parler ou de se soumettre à un regard extérieur.
Milo entra dans l'édifice majestueux d'un pas déterminé. Son beau manteau rouge flottait derrière lui. Il avait mis une tenue très élégante. Après tout, il venait faire quelque chose de très important. Camus l'avait aidé à choisir ses vêtements, ce matin-là, et avait manqué de le redéshabiller tout net, tant il avait trouvé Milo séduisant dedans.
Shion l'accueillit gracieusement une fois qu'il fut dans la salle du trône, cette fois debout, dans sa sempiternelle toge brodée.
« Bonjour à toi, Milo.
- Bonjour, Grand Pope, le salua respectueusement Milo en posant une main au niveau de sa poitrine.
- Tu viens pour passer ton épreuve, comme convenu ?
- C'est exact, confirma l'intéressé.
- Dans ce cas, si tu es prêt, nous allons pouvoir te tester, annonça le souverain. Sache que je suis impressionné que tu te sentes apte à faire cela aussi tôt. Mais je ne rechignerai pas à te donner ton titre si tu parviens à soigner la personne que je vais te présenter. »
Milo hocha simplement positivement de la tête. Il attendit que Shion lui explique la teneur de son épreuve sagement.
« Il s'agit d'un homme que Kanon a recueilli dans la Mer du Tumulte, pendant l'un de ses voyages, expliqua donc le Grand Pope. Son moyen de transport avait l'air d'avoir fait naufrage. Cet homme dit appartenir à l'armée de Poséidon, dont nous n'avons pas eu de nouvelles depuis des années. Pour le moment, il ne veut pas nous expliquer comment nous rendre sur son territoire. Il n'a pas été blessé par le naufrage en mer, en revanche, il a une ancienne blessure qui n'a jamais été soignée et qui ne semble pas pouvoir être guérissable par la médecine traditionnelle. Nous lui avons expliqué que nous avions un apprenti mage de soin qui pourrait tenter de le réparer, en l'échange d'informations diplomatiques sur le royaume de Poséidon. Cet homme n'a pas l'air malveillant, simplement un peu perdu, et très loyal à son Seigneur. Nous connaissons mal le Royaume de Poséidon, et si nous pouvions atteindre des ententes diplomatiques par le biais de cet homme, apparemment haut gradé dans son armée, ce serait une grande avancée pour la paix et la stabilité de notre territoire. Je dois dire que tu nous aiderais vraiment si tu arrivais à le soigner et qu'il daignait nous donner des explications en retour. Il ne nous est pas hostile, puisqu'il a accepté que tu essayes tes pouvoirs sur lui. »
A l'issue de ces amples explications Milo garda le silence. Shion n'y allait pas à moitié. Il voulait faire d'une épreuve de magie une opportunité diplomatique ? Il lui mettait tout de même pas mal de responsabilités sur les épaules !
« Je ne te blâmerai pas si tu n'y arrives pas, Milo, le rassura Shion. Cela reste une épreuve. En cas d'échec, nous trouverons bien un autre moyen de discuter avec lui, et de le convaincre d'accepter une proposition diplomatique. Mais comme je n'ai entendu que du bien de toi depuis que tu vas régulièrement dans les hôpitaux de la Citadelle… Je me suis dit que… Cela valait vraiment le coup de tenter, si tu es d'accord. »
Milo hocha positivement de la tête.
« Je suis d'accord pour essayer de le soigner. Vous dites que c'est une vieille blessure… De quel genre ?
- D'après ce qu'il nous a raconté, il a perdu un œil il y a plusieurs années. Une entaille qui l'a endommagé pendant un accident. »
Milo haussa les sourcils. Ah oui, un œil… Cela allait être délicat. Il savait récréer des tissus… Mais garantir que son patient pourrait revoir avec un œil réparé artificiellement serait une autre paire de manches.
« Je comprends ce que vous voulez dire par non soignable par la médecine traditionnelle.
- Précisément, agréa Shion d'un signe de tête vif. Si tu accomplis un tel miracle, tu auras bien mérité ton titre, Milo.
- Je vais tout faire pour ne pas vous décevoir, lui affirma-t-il, résolu.
- Je n'en attends pas moins de toi, confirma Shion. Suis-moi, je vais te mener à lui. »
Shion mena Milo à travers les couloirs somptueux du Palais du Pope. Les deux hommes marchèrent cinq minutes à travers le Palais, passant par quelques volées d'escaliers. Bientôt, ils se retrouvèrent face à une porte, qui semblait mener à des appartements privés. Le Grand Pope toqua pour s'annoncer, et sans plus s'annoncer, il ouvrit le battant.
« Bonjour, Grand Pope Shion, retentit une voix à l'intérieur.
- Bonjour, général, le salua l'intéressé en entrant. Je viens pour ce qui était prévu. Tu es toujours partant pour faire cette expérience ?
- Oui.
- Dans ce cas, je te présente l'apprenti mage de soin, Milo. »
Milo s'avança à son tour dans la pièce. Et il y découvrit un jeune homme aux cheveux verts, sans doute à peu près du même âge que Hyôga, qui était assis sur une chaise.
« Bonjour, fit-il en tendant une main à la personne qu'il devrait soigner. Ravi de te rencontrer. »
Le jeune homme prit sa main, et la serra avec poigne.
« Moi de même. En espérant que tu sauras remplir la mission qu'on te donne. »
Milo ne se vexa même pas devant l'acidité de la remarque. Il se contenta de faire un sourire en coin. Les gens taciturnes, il commençait à connaître.
« Moi aussi, j'espère, confirma-t-il, une fois qu'il lâcha sa main.
- Je vous laisse, l'informa Shion. Lorsque tu en auras fini, Milo, revenez tous les deux dans la salle du trône pour me montrer quel est le résultat. Si je le trouve satisfaisant, tu auras ton titre en quittant le palais.
- A vos ordres, Grand Pope.
- Bonne chance, Milo. »
Sur ces paroles, Shion se retourna dans un majestueux mouvement de toge. Il referma discrètement la porte derrière lui.
« Bon, fit Milo en le regardant attentivement. Shion m'a dit que c'est ton œil, que tu veux que je soigne. C'est bien ça ?
- Oui. Tu penses que tu en seras capable ? L'interrogea son interlocuteur avec un scepticisme non feint. Jamais personne n'a pu y arriver.
- J'ai bien peur que la médecine actuelle ne soit pas assez avancée pour faire repousser un œil, non, commenta distraitement Milo.
- C'est ce qu'on m'a dit. Mais toi, tu en es capable ?
- Il faut que je regarde attentivement ce que tu as, et je ferai tout mon possible. »
Le jeune homme aux cheveux verts hocha de la tête. Il le regardait intensément de son seul œil bleu marine. Marrant, se dit Milo. Il me fait vaguement penser à Camus, celui-là. Milo ne savait pas si c'était seulement la couleur de son œil, mais…
L'apprenti mage se pencha sur son patient pour inspecter l'entaille qu'il avait au visage.
« N'aie pas peur, tu n'auras pas mal, quoi que je puisse faire, le renseigna Milo. Même si je ne devais arriver à te soigner qu'imparfaitement, tu n'aurais aucune douleur.
- Je n'ai pas peur d'avoir mal.
- Tu pourrais. Ce ne serait pas grave. Mais en tout cas, ça n'arrivera pas », lui assura-t-il.
L'intéressé haussa nonchalamment les épaules.
« Il paraît que si j'arrive à te soigner, tu voudras parler au Grand Pope du Seigneur Poséidon, commenta Milo. C'est vrai ?
- Ça ne te concerne pas.
- Ben, si, un peu. C'est moi qui te soigne, pas le Grand Pope. »
Il y eut un silence.
« Ouais… T'as sans doute raison.
- Et cette blessure ? Comment tu te l'es faite ?
- J'ai manqué me noyer, il y a très longtemps, lui expliqua platement l'intéressé. Je me suis sans doute pris quelque chose de tranchant dans l'œil à ce moment-là. Je ne sais plus bien. J'étais gamin. Et j'étais déjà inconscient et à moitié noyé quand c'est arrivé.
- D'accord. Donc, c'est quelque chose de très ancien, commenta Milo. Ça veut dire qu'il va falloir que je manipule ton œil valide pour le réhabituer à voir en synchronie avec l'autre, si je peux soigner ton œil blessé. »
Le jeune homme le regarda sans rien dire.
« Tu es bien installé ? Tu veux que je fasse ça ici ? Lui demanda Milo.
- C'est plutôt à moi de te poser la question. Qu'est-ce qui est le plus pratique pour toi ?
- Ce qui est le plus pratique pour moi, c'est que tu ne bouges pas trop, et que tu sois confortable.
- Je suis bien, ici, dans ce cas.
- Parfait. »
Milo alla attraper une chaise dans la pièce, et il s'assit dessus face à son patient.
« Bon… Je ne sais pas combien de temps ça va prendre… Mais je vais poser la main sur ton œil blessé un certain temps pour le régénérer. Essaye de rester immobile pendant que je travaille dessus.
- D'accord. »
Milo apposa alors doucement sa paume contre l'œil du jeune homme. C'était vrai qu'il était bien abîmé, constata-t-il immédiatement. Mais… Il y avait sans doute moyen qu'il fasse quelque chose. Il lui faudrait s'inspirer du fonctionnement de son œil valide pour le répéter sur l'autre. Milo laissa de l'énergie traverser son bras pour se ficher jusque dans la blessure du jeune homme face à lui.
Celui-ci ne protesta pas sous l'énergie magique. Milo en conclut que comme annoncé, cela ne lui faisait pas mal du tout. L'apprenti mage se concentra à reconstituer tout ce qui lui manquait, lentement. Refaire les nerfs, la mécanique complexe de l'œil… Régénérer.
Il y eut cinq minutes de silence, pendant lesquelles Milo se focalisa sur son travail, désireux de réussir. Son cobaye ne parla pas plus que lui. Il semblait très attentif à ce que faisait l'apprenti mage devant lui. Cela avait l'air de lui faire du bien, quoi qu'il en soit, réfléchit Milo en contrôlant son flot magique.
« Dis… Milo. C'est bien ça, ton nom ?
- Oui.
- Comment est-ce que tu en es venu à faire cette magie-là ? L'interrogea le général de Poséidon, une lueur de curiosité dans le regard. Je n'en avais jamais vu avant, de ces pouvoirs.
- La magie de soin… ? Explicita Milo. Apparemment, c'est une forme de magie très rare. C'est parce que j'ai côtoyé un mage que j'ai pu comprendre que j'avais ce potentiel. A la base, j'ai reçu une formation militaire.
- Ça explique ta stature, dans ce cas, fit le patient.
- Sans doute. Pourquoi ? Tu connais la magie ? Se renseigna Milo, curieux. On m'a informé que tu étais militaire, en arrivant. Je me trompe ?
- Oui, je suis militaire… Confirma l'autre. Mais je connais la magie. J'ai été à l'Académie des Mages, quand j'étais tout gamin. C'est eux qui ont découvert ton potentiel, toi ?
- Non. C'est… Le mage avec qui je partage ma vie depuis quelques années, fit Milo en continuant de se concentrer. Il s'est fâché avec l'Académie. Alors, c'est le Grand Pope qui m'accorde sa protection. C'est pour ça que je suis ici, d'ailleurs, plutôt que là-bas.
- Je vois. C'est atypique, comme parcours.
- Peut-être.
- Et… tu as un maître, donc ? Se renseigna le patient.
- Non, l'informa Milo. J'apprends tout seul, à partir d'écrits et d'expérimentations. J'ai déjà fait pas mal de choses dans les hôpitaux pour soigner du monde. Tu n'es clairement pas le premier blessé que je croise.
- J'espère bien. »
Milo laissa échapper un léger rire. Son vis-à-vis manquait un petit peu de courtoisie élémentaire, mais il s'en fichait bien. Il était rôdé avec les gens difficiles à aborder. Aucun problème.
« Tu connais l'Académie des Mages, alors ? Voulut savoir Milo, très curieux. J'en ai eu quelques récits de la part du mage que je côtoie, mais je n'y ai jamais mis les pieds.
- Oui, acquiesça le jeune homme. J'ai été entraîné là-bas quelques années, avant d'avoir cet accident qui m'a coûté mon œil. C'est le Seigneur Poséidon qui m'a sauvé de la noyade, à l'époque, et qui m'a accepté dans ses rangs. Depuis, je lui suis entièrement dévoué, et j'ai laissé cette histoire derrière moi. »
Milo fronça les sourcils.
« Tu as été entraîné à l'Académie… Releva-t-il. Et tu ne regrettes pas de ne pas avoir pu exploiter ton potentiel… ?
- Je connais quelques tours de passe-passe qui me restent de mon entraînement, fit le jeune homme en haussant les épaules. Cela m'a valu de monter en grade assez rapidement dans l'armée.
- Je vois. J'ai un peu la même expérience militaire, le renseigna Milo. Avoir un potentiel magique, dans la manipulation d'armes, c'est toujours un plus.
- Oui, je l'avais remarqué. Et le Seigneur Poséidon aussi.
- Et comment est-ce que tu t'es retrouvé ici, dans ce cas ?
- Le Seigneur Poséidon m'avait envoyé en mission de repérage sur le Continent Béni, expliqua-t-il d'un air renfrogné. Mais je me suis fait avoir par la Mer du Tumulte, et c'est le Général Kanon qui m'a recueilli à bord de son bateau.
- C'est généreux de sa part, commenta Milo. Au moins, tu pourras dire à ton Seigneur que tu as fait un sacré repérage.
- C'est sûr, agréa le militaire. Je ne pensais pas que l'on m'accueillerait aussi gentiment au Palais et qu'on me proposerait de soigner mon œil. La princesse Athéna est pleine de surprises. »
Milo rit une nouvelle fois, amusé. C'était vrai que la princesse savait être étonnante, il en avait fait l'expérience lui-même par le passé.
« Elle est très généreuse, affirma-t-il avec un sourire. Je crois qu'elle ne veut que la paix sur son royaume. Même au prix de faire des choses un peu dangereuses, parfois, pour avoir gain de cause… J'en sais quelque chose. Cela dit, je ne sais pas ce que Poséidon a comme intentions envers le Continent Béni, mais si tu pouvais glisser un mot en la faveur d'un traité de paix diplomatique ou quelque chose du genre… Je ne suis pas le Grand Pope, et je ne ferai pas de politique à sa place, mais je pense que ce sera apprécié, ici.
- On va déjà voir ce que tu sais faire avec mon œil, prononça le militaire sur un ton sceptique.
- Tu ne ressens pas d'inconfort ? S'assura Milo.
- Non.
- Tant mieux. »
Il y eut un autre long silence entre eux. Milo, sous sa main, sentit qu'il avait enfin réussi à reconstituer l'œil blessé. Il était désormais en train d'essayer de le synchroniser avec son œil valide pour que ses deux yeux marchent en même temps.
« Par curiosité… Fit Milo pour briser le silence entre eux. Tu avais quel genre de pouvoirs, quand on t'entraînait à l'Académie des mages ?
- Pourquoi ça t'intéresse ? Se méfia le militaire.
- Comme ça… Se justifia le plus âgé. J'ai croisé plusieurs types de mages, et je suis assez curieux de connaître tout ce qui existe, comme domaines magiques. Et puis, je m'intéresse. T'es la personne qui est susceptible de me faire obtenir mon grade, aujourd'hui, tu sais. Alors j'ai envie d'en savoir plus sur toi. C'est normal, tu ne crois pas ?
- Peut-être… Hésita le jeune homme. Mais… Bon. Si tu y tiens tant… Personnellement, v'est un entraînement en magie des glaces, que j'ai reçu. »
A ces mots, Milo se figea tout net. En magie des glaces… ?
« Attends… Quoi ? Prononça-t-il, très surpris.
- Quoi… Qu'est-ce qu'il y a ? Prononça le jeune homme sur un ton circonspect.
- Ben, je… Commença Milo, qui s'interrompit un instant, avant de reprendre. Tu es sûr que c'était la magie des glaces ? Pas autre chose ?
- Oui. La magie des glaces, confirma l'intéressé. Regarde. »
Le plus jeune leva sa paume vers le ciel, et fit sommairement apparaître quelques cristaux de neige dedans. Milo écarquilla les yeux en le voyant.
« Non… C'est pas possible… Murmura-t-il en observant la démonstration magique de son patient. Y'en a pas cent cinquante, des mages des glaces… Tu connaîtrais Camus ?
- Camus ? Répéta le jeune homme, qui ouvrit des yeux ronds, incrédule. Ben, oui, je… Quoi… Tu le connais, toi ?
- Moi ? Je le connais plus que bien… Je vis avec lui ! S'exclama Milo. Attends… Ne me dis pas que… »
Milo marqua une pause. Qu'est-ce qui était en train de se passer ?
« Non, c'est impossible… Fit-il à voix basse, pour lui-même. Il est mort, son deuxième élève… Tu ne t'appelles pas Isaak, quand même ? »
C'était vrai que le jeune homme n'avait même pas pris la peine de lui donner son nom, se rendit compte Milo.
« Euh… Si… Je m'appelle Isaak, fit ce dernier, nettement surpris. Et mon maître s'appelait Camus… Oui. Ça faisait longtemps que je n'avais plus entendu ce nom. »
Il y eut un silence dans la pièce. Milo garda le silence un instant, sous le choc. Il ne sut ce qu'il fallait dire. Il n'en revenait absolument pas de ce qu'il venait de découvrir.
« Et… Et Hyôga ? Tu connais un Hyôga ? Voulut s'assurer Milo.
- Hyôga… Oui. C'était mon meilleur ami, à l'époque… Mais… Tu le connais aussi ? Est-ce qu'il va bien ? » S'empressa soudain Isaak.
Milo écarquilla les yeux. C'était un rêve, qu'il faisait, ce n'était pas possible autrement. Il venait vraiment de retrouver Isaak, là ? Et Camus qui croyait dur comme fer qu'il était mort depuis des années !
« Il… Oui, il va bien, balbutia Milo. Il est devenu mage, il y a quelques temps… Il… Habite en ville. Ici. Ouh…Bordel. Là… Je dois dire que la coïncidence, c'est… »
Milo s'interrompit. Il avait du mal à faire passer ce qu'il venait d'apprendre, là.
« Camus te croit mort, tu le sais ? Finit-il par lui apprendre. Il est… Il a été immensément triste de te perdre… J'arrive pas à croire que je t'ai devant moi, là… Si c'est bien toi… Mais je ne vois pas comment ça pourrait ne pas l'être… »
Milo éclata d'un rire nerveux. Isaak le regarda, l'air un peu sonné, lui aussi.
« Hyôga est devenu mage des glaces, alors ? S'enquit-il timidement.
- Oui. Il y a quelques mois de ça, lui expliqua Milo. Pour son anniversaire…
- Ouah… Je suis content qu'il y soit arrivé, s'ébahit Isaak. C'était vraiment difficile, l'entraînement… Je suis content de ne pas l'avoir sauvé pour rien, si tu dis vrai… »
Milo ne dit rien. Il se contenta de garder le silence, pour essayer de faire le vide dans son esprit. Il était toujours en train de réparer l'œil blessé du jeune homme, et il ne fallait pas qu'il se loupe.
« C'est… C'est en sauvant Hyôga que tu as failli te noyer ? Comprit Milo. C'est de cet incident que date la blessure que je soigne, là ?
- Oui… Confirma Isaak. Mais comment est-ce que tu sais que…
- Camus m'a expliqué ce qu'il s'est passé… Vite fait, le renseigna Milo.
- Comment est-ce que tu le connais, d'ailleurs ? S'enquit Isaak.
- Je l'ai rencontré pendant une mission, un jour, répondit l'apprenti mage. Et maintenant, depuis quelques années, je vis avec lui.
- Tu vis avec lui ? Répéta le plus jeune.
- Oui. Je suis son amant, si tu préfères », conclut-t-il avec un sourire en coin.
Isaak cligna de l'œil qui lui restait, interdit.
« Son amant ? Fit-il sur un ton circonspect.
- Ben… Oui, confirma Milo en essayant de modifier les automatismes de vue d'Isaak.
- Je… Ne croyais pas que ce serait possible, venant de lui, lui avoua-t-il, abasourdi. J'ai le souvenir… De quelqu'un de sévère… Et de froid. Il est capable d'être amoureux ? »
A ces mots, Milo éclata de rire. Autant du fait des paroles d'Isaak que de sa nervosité.
« Je m'attendais plus à ce que tu t'offusques parce qu'on est deux hommes, s'esclaffa-t-il. Mais sinon… Oui. Bien sûr qu'il est capable d'être amoureux, Camus. C'est un humain, hein. Et puis, il a eu le temps de changer, quand même, tu sais… »
Milo, sur ces paroles, retira la main qu'il avait posée sur l'œil d'Isaak pendant tout ce temps. Une paupière complètement réparée lui fit face. Il avait bien régénéré l'œil… La grande question était… Isaak pourrait-il voir avec ?
« Je crois que j'en ai fini avec ton œil, le renseigna-t-il. Tu veux essayer de l'ouvrir ? De me dire si tu y vois ? »
Isaak fronça les sourcils. Et il se rendit très vite compte, avec stupeur, qu'il pouvait effectivement faire bouger cet œil blessé pour la première fois depuis bien des années. Milo le regarda ouvrir ses deux yeux en même temps, satisfait.
« Je… Je vois ! S'émerveilla Isaak en s'illuminant soudain. Comment est-ce que c'est possible ?! »
Celui-ci se leva prestement de sa chaise pour aller se poster devant le miroir le plus proche. Milo le regarda faire, un peu appréhensif. Le jeune homme tâta son œil réparé, complètement incrédule.
« Je revois des deux yeux ! S'ébahit-il. Je… C'est tout comme avant ! Comme quand j'étais petit ! »
Milo fit un grand sourire satisfait. Apparemment, son travail payait. Et puis, il venait de faire une sacrée découverte, avec ce jeune homme… Il avait peine à croire qu'il venait de tomber par hasard sur l'ancien disciple de Camus, juste comme ça… Et qu'il l'avait soigné, en plus. Symboliquement, cela lui faisait quelque chose…
« Je t'avoue que je n'y croyais pas, murmura Isaak. Tu as des pouvoirs miraculeux, Milo… Je ne pourrai jamais te remercier assez… C'est… Je suis tellement heureux ! Je n'ai pas les mots pour exprimer ma gratitude ! Si tu savais… !
- Tout le plaisir est pour moi, Isaak. »
Milo sourit pour la deuxième fois. C'était la matinée des bonnes nouvelles. Il y avait peu de chances qu'avec ça, le Grand Pope lui refuse son grade… Et il venait de retrouver vivant quelqu'un que son amant avait secrètement pleuré pendant des années. Quand Camus saurait ça !
« Tes pouvoirs sont exceptionnels, Milo ! S'écria Isaak en se tournant vivement vers lui. Il faut tout de suite aller voir Shion pour lui montrer !
- Merci, fit Milo en hochant de la tête. J'espère qu'il en sera satisfait.
- C'est vraiment impressionnant, Milo, loua le plus jeune. Je suis tellement honoré d'avoir eu droit à tes pouvoirs !
- Aucun problème, lui assura l'apprenti mage, avant de se faire plus hésitant. Et… Si jamais tu avais envie de… Revoir ton ancien maître un jour…
- Attends, on en discutera après ! S'exclama Isaak. Ça aussi, crois-moi qu'on va en parler, mais je veux que tu aies ton titre sans attendre ! C'est un miracle, ce que tu viens de faire, un miracle ! Suis-moi, je veux remercier le Grand Pope de t'avoir mis sur ma route !
- Très bien, agréa rapidement Milo. Comme tu préfères. »
Isaak prit garde à ce que Milo le suive bien, et il ouvrit la porte des appartements qu'on lui avait sans doute prêtés lorsqu'il était arrivé. Milo le suivit complaisamment à travers les couloirs du Palais du Pope en sens inverse, soudain un peu nerveux. On allait vraiment lui donner son grade de mage, là ? Tout de suite ? Juste comme ça ? C'était quand même soudain, toutes ces choses. Surtout en même temps !
Isaak ouvrit la porte par l'arrière de la salle d'audience, et il fit entrer Milo en premier.
« Grand Pope, l'interpella le militaire d'une voix forte, en ne se souciant de rien d'autre que du souverain sur son trône. Regardez ce que Milo a réussi à faire ! »
L'apprenti mage, en revanche, en s'avançant dans la grande salle, repéra tout de suite la présence de Camus. Le mage des glaces était là, au centre de la pièce, debout, et il semblait l'attendre avec impatience. Ce n'était pas prévu, ça ! S'apeura-t-il immédiatement. Cela fit augmenter sa nervosité d'un cran. Son amant ne semblait pas avoir remarqué que…
« Cam', prononça-t-il d'une voix blanche, lorsqu'il croisa son regard.
- Je suis désolé, Milo, je n'ai pas réussi à t'attendre dehors, fit Camus en s'approchant de lui. Je voulais tellement être là avec toi quand tu recevrais ton grade, et… »
Camus s'arrêta dans son discours.
Et pour cause… En entendant cette voix qu'il connaissait, Isaak s'était retourné vers le mage, comme foudroyé. Et ce dernier avait croisé son regard. Le maître des glaces pâlit immédiatement en croyant reconnaître…
« Camus, je… Hésita Milo, voyant parfaitement que son amant avait changé de couleur. C'est…
- Qui est-ce ? S'enquit l'intéressé dans un filet de voix. Il… Il ressemble… Il ressemble tellement à… »
Shion, de son côté, se contenta d'observer la scène, silencieux. Isaak ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes en dévisageant l'homme qu'il reconnut être son ancien mentor. Il ne s'était absolument pas attendu à le recroiser un jour, et surtout pas comme ça, quasiment au détour d'un couloir du Palais du Pope.
« Maître Camus » prononça-t-il sans réfléchir.
A ces mots, Milo vit distinctement son amant tourner de l'œil. Il l'attrapa vivement dans ses bras juste à temps pour éviter qu'il ne s'effondre au sol. Le choc devait être très brutal pour lui, s'apeura-t-il.
« Grand Pope ! Il me faudrait une chaise, vite ! S'exclama Milo en soutenant le mage comme il put. Camus ! Camus, reste avec moi ! »
Shion ordonna à ses gardes d'un geste silencieux d'apporter une chaise. Isaak, depuis là où il était, contemplait les deux hommes, médusé. Milo avait du mal à empêcher Camus de s'affaisser, contre lui.
« Il est mort… Il est mort, répétait celui-ci si bas que seul Milo put l'entendre. Il est mort, il est mort, il est mort… »
Heureusement pour Milo, qui soutenait son amant à bout de bras, des gardes apportèrent vite pour lui de quoi s'asseoir. L'apprenti mage y déposa tout de suite son amant. Celui-ci n'avait pas perdu connaissance, mais il semblait en état de choc profond. Milo grimaça. On l'aurait été à bien moins. Il aurait aimé préparer Camus avant, pour au moins lui dire qu'Isaak était vivant avant qu'il ne le voie. Là, le pauvre venait d'en prendre un sacré coup, face à cette apparition probablement surnaturelle pour lui.
« Tout va bien, Camus, respire bien, fit Milo en se penchant sur lui, et en apposant ses mains au niveau de ses tempes. Tout va bien.
- Il est mort, répéta Camus, qui n'en démordait pas.
- Chhhht, calme-toi, murmura Milo en commençant à l'apaiser avec sa magie. Tout va bien. C'est un peu brutal, pour toi. Ça va bien se passer. »
Shion se leva finalement de son trône pour regarder attentivement Isaak, qui était un peu sous le choc lui aussi, à la fois d'avoir revu son maître, et de l'avoir vu se décomposer ainsi. Mais comme il ne s'était pas imaginé Camus mort, cela devait simplement être un peu étrange pour lui, de le retrouver si subitement. Et puis, cela lui faisait quelque chose de revoir son ancien maître avec quelques années en plus.
« Ton travail est remarquable, Milo », commenta le Grand Pope au milieu de sa concentration. L'apprenti mage était toujours attelé à ramener Camus vers un état de conscience plus avéré. « Ce que tu as fait sur le Général Isaak est proprement miraculeux.
- Oui, Grand Pope… Confirma Isaak. Puisque Milo m'a guéri, par votre grande générosité, je consentirai à vous dire ce que vous voudrez savoir sur le Royaume Sous-Marin. Je vous suis infiniment redevable.
- Merci, Général, répondit Shion, avant de reporter son attention sur Camus. Milo ? Tu arrives à le ramener vers nous ?
- Un peu… Mais il a l'air d'avoir du mal à encaisser l'émotion… Le renseigna la voix embêtée de l'apprenti mage.
- Veux-tu une chambre pour l'allonger dans un lit ? Proposa gracieusement le Grand Pope. Tu peux en avoir une, si tu veux. Je te ferai apporter ton papier officiel pour ton titre de mage là-bas.
- Vous me nommez mage, alors ? S'enquit Milo, s'illuminant radicalement.
- Oui, Milo. Je te nomme mage de soin sur-le-champ. Tu as amplement mérité ton titre. Félicitations à toi. La Citadelle Bénite est honorée de compter sur l'aide d'une personne aussi puissante et bienfaitrice que toi.
- Merci, Grand Pope. Je ferai tout pour ne jamais vous décevoir. »
Milo lui fit une révérence comme il put pour exprimer sa gratitude, sans pour autant lâcher trop son amant et ce qu'il faisait pour le maintenir. Puis il reporta pleinement son attention sur Camus, qui murmurait des choses incompréhensibles dans sa barbe.
« Si vous voulez… Intervint Isaak. On peut peut-être… L'allonger dans mes appartements, le temps qu'il se remette du choc. Je serais heureux de faire ça pour lui… Et de pouvoir lui parler… S'il le veut, quand il se sentira mieux.
- Vous pourrez faire à votre guise, lui accorda Shion. Milo, veux-tu que je te fasse porter ton papier officiel dans ses appartements ?
- Ce serait très aimable, Grand Pope, acquiesça l'intéressé avec un signe de tête respectueux. Je crois qu'effectivement, je ferais mieux de l'allonger. Il tomberait dans l'inconscience si je ne le maintenais pas avec mes pouvoirs. Ça a l'air de faire beaucoup pour lui, le pauvre… »
Le Grand Pope hocha simplement de la tête, et il fit signe à ses gardes d'approcher. Il s'entretint à voix basse avec eux, puis il se tourna directement vers Milo.
« Je les ai envoyés chercher de quoi écrire ton attestation officielle, Milo. Je vais m'y atteler pendant que tu ranimes Camus. Vous pouvez y aller.
- Suivez-moi, se proposa Isaak. Je vous ramène.
- Merci. »
Milo souleva Camus de sa chaise sans aucune difficulté, et il le cala entre ses bras, prenant garde à ce que sa tête repose contre son épaule, pour que ce ne soit pas trop inconfortable pour lui.
« Je vais t'allonger, Camus, tout va bien se passer, lui intima Milo à voix basse. Continue de respirer calmement. Tout va bien, d'accord ?
- C'est impossible… Murmura Camus… Je rêve… Il est mort.
- Chhhht… Souffla Milo contre lui. Je t'allonge et je t'explique quand tu auras repris tes esprits. Calme-toi. »
Milo suivit alors Isaak, qui le guida une nouvelle fois à travers le Palais, pour rejoindre les appartements qu'ils avaient désertés un peu plus tôt. Lorsque Milo arriva à l'intérieur, il fila déposer son amant sur le lit qui était là, en position allongée, et il s'assit directement à ses côtés. Il lui prit l'une de ses mains, et il passa l'autre dans ses cheveux, pour l'apaiser. Il continua à se servir légèrement de ses pouvoirs pour essayer de faire taire la tension qu'il pouvait ressentir dans tout son corps.
Il se passa plusieurs minutes, pendant lesquelles personne ne dit rien. Isaak s'était assis dans la chaise, en retrait, ne sachant pas trop quoi dire ou quoi faire.
« Il est encore là ? Prononça Camus, une fois qu'il sembla plus calme. Isaak ?
- Oui, confirma Milo doucement. Il est assis sur une chaise dans la pièce. Tu veux le revoir… ? »
Camus acquiesça d'un léger signe de tête craintif. Milo devait bien avouer qu'il avait rarement vu son amant dans cet état, et pourtant, il commençait à en avoir vu pas mal, avec le temps.
Le mage de soin fraîchement nommé fit signe à Isaak de s'approcher, sans lâcher la main de Camus. Celle-ci se crispa énormément dans la sienne quand le jeune homme aux cheveux verts arriva dans son champ de vision. Milo sentit le cœur du mage des glaces se mettre à battre à tout rompre dans sa poitrine.
« C'est… C'est vraiment toi… Isaak ? L'appela Camus sur un ton complètement incrédule. Tu… Je ne rêve pas ? »
Isaak fit non de la tête, la gorge nouée.
« Oui, c'est moi, maître Camus, confirma-t-il, visiblement ému, lui aussi. Vous ne rêvez pas.
- Tu devrais être mort… Prononça-t-il d'une voix rauque. C'est parfaitement impossible… Nous te croyions mort depuis des années… Comment as-tu survécu ?
- Vous avez raison… J'ai bien failli mourir, le jour où j'ai sauvé Hyôga de la noyade, lui révéla Isaak d'un air sombre. Mais c'est le Seigneur Poséidon qui m'a prêté main forte, ce jour-là… Il m'a sorti du courant glacé de l'eau… Et il m'a soigné. Je suis bien vivant. »
Camus décida de se redresser sur le matelas. Milo le laissa faire, soucieux. Camus tendit son autre main vers Isaak. Celui-ci s'approcha timidement, et la prit.
« Isaak… Mon garçon… Je te suis tellement heureux de te revoir, prononça Camus en laissant une larme lui échapper. C'est un miracle.
- Moi aussi, je suis heureux, maître Camus, déclara Isaak avec un sourire ému. C'est… Soudain, mais… Je suis heureux de vous voir en bonne santé. Milo m'a dit… Que Hyôga se portait bien, aussi…
- Oui… Il est devenu mage », lui confirma Camus d'une voix tremblante.
Isaak hocha simplement de la tête, ne sachant pas trop quoi dire.
Camus se leva complètement. Et il prit subitement l'apprenti qu'il croyait dur comme fer avoir perdu pour toujours dans une étreinte tremblante et étouffante. Isaak écarquilla les yeux. Milo semblait avoir dit vrai… Il n'avait jamais vu son ancien mentor aussi expressif.
Milo se contenta de regarder la scène, attentif. Il avait peur que Camus ne retourne de l'œil, mais celui-ci avait l'air davantage submergé par l'émotion.
« De quoi Milo t'a-t-il soigné ? L'interrogea Camus au bout de longues minutes, inquiet. Shion a dit que c'était quelque chose de difficile à régler avec la médecine traditionnelle.
- Mon œil, lui révéla Isaak. Le jour de l'accident, quelque chose m'a entaillé l'œil… Et jamais personne n'a pu le soigner à ce jour, avant lui. Je n'en reviens toujours pas…
- Tu as réussi à réparer un œil inutilisable, Milo ? S'étonna sincèrement Camus. C'est… C'est impressionnant… !
- Oui, moi aussi, je vous avoue que je n'y croyais pas… » Admit son ancien élève.
Milo, depuis là où il était, se contenta de sourire doucement.
« Tu as tellement grandi, Isaak… Murmura Camus en le dévisageant attentivement. Pour un peu, j'aurais failli ne pas te reconnaître… Mais tu as toujours le même regard…
- Vous aussi, vous avez changé, maître Camus », fit timidement l'intéressé.
Camus se fendit d'un léger sourire.
« Est-ce une manière polie de me dire que j'ai vieilli ? S'amusa-t-il.
- Oh, non, je n'oserais pas, le contredit immédiatement son ancien élève. Et puis, vous n'êtes pas vieux.
- Ne me vouvoie pas, Isaak, le reprit alors Camus.
- Vous êtes sûr ? S'étonna l'intéressé.
- Oui. Hyôga ne le fait plus depuis des années non plus. Et je ne suis plus ton supérieur depuis bien longtemps.
- Très bien. »
Sur ces paroles, on frappa à la porte. Shion en personne s'invita dans les appartements, un papier à la main.
« Je viens donner officiellement son attestation de magie à Milo », déclara-t-il en venant vers lui.
Milo s'illumina en voyant Shion lui tendre son papier officiel.
« A partir d'aujourd'hui, tu seras considéré comme le nouveau mage de soin de cette ère, Milo, déclara Shion solennellement. Puisses-tu exercer aussi longtemps que possible ta magie bienfaitrice.
- Merci, Grand Pope. »
Shion hocha de la tête.
« Tu vas mieux, Camus ? Lui demanda-t-il en se tournant vers lui.
- Oui. Merci, Altesse.
- Très bien, déclara le souverain. Je vous laisse à vos retrouvailles. Et, Général Isaak… Viens donc me parler du Royaume Sous-marin dès que tu le pourras. La princesse Athéna a hâte d'entendre ton témoignage. »
Isaak hocha positivement de la tête.
« Je n'y manquerai pas.
- Merci, fit Shion avec un hochement de tête. Passez une bonne journée, Milo, et Camus.
- Merci, Altesse », fit Milo, alors que celui-ci sortait de la pièce.
Puis, s'apercevant qu'il avait en fait quelque chose à demander à Shion, et qu'il avait parfaitement oublié de lui dire, le mage de soin se jeta tout net à sa suite dans le couloir pour le rattraper. Il laissa de ce fait Camus et Isaak derrière lui. Ce n'était pas bien grave. Les deux auraient sans doute beaucoup de choses à se dire. Ils n'avaient pas besoin de lui dans l'immédiat.
« Grand Pope ! Cria-t-il à son adresse, en s'approchant de lui au pas de course. Attendez ! »
Shion se retourna vers lui, surpris de le voir courir ainsi après lui.
« Que se passe-t-il, Milo ? Fit-il en le toisant de ses yeux profonds.
- Je… Je me demandais si… Commença-t-il, en arrivant à sa hauteur, essoufflé. Vous venez de me nommer mage… Et je vous ai facilité une entente diplomatique… S'il vous plaît… Je crois que j'aurais une simple faveur à vous demander… »
Shion regarda son nouveau mage sans se perturber. Il y eut un silence.
« Une faveur ?
- Oui, confirma Milo en le regardant d'un air expectatif.
- Très bien… Réfléchit le souverain à voix haute. Tu peux m'en demander une, si tel est ton désir. Il est vrai que tu m'as été d'une grande aide, aujourd'hui.
- Vous voudrez bien m'écouter ? S'illumina Milo.
- Oui, confirma Shion avec sérénité. Tu veux une faveur… Tu n'as plus qu'à me dire laquelle. Je te l'accorderai. »
