Akira, portant un ensemble choisi avec soin par son sensei rose bonbon, qui lui faisait un sourire discret suivi d'un pouce en l'air.Je suis prêt ! lui indiqua-t-il avec un regard entendu.

Toute la classe 1A était venue, y compris Bakugo qui avait plus l'air d'être un mouton noir qu'autre chose, mais le fait d'être tous réunis après les épreuves dans cette ambiance posée leur mettait du baume au cœur.

- Restez bien groupés, et rendez-vous à midi pile pour la pause repas devant le repère 8C, dicta Iida en agitant ses mains devant tout le groupe.

- Relax, répondit Denki en rigolant. On est pas des petits bambins, et soit pas aussi rigide sur l'horaire !

- D'accord, je vous laisserais un intervalle d'un quart d'heure, soupira le délégué en ajustant ses lunettes, puis regarda sa montre : il est dix heures, ce qui vous laisse deux heures pour repérer des choses intéressantes.

- Et n'oubliez pas le plus important, ajouta Momo : Décompressez et amusez-vous !

Les jeunes se dispersèrent dans différentes directions, et Akira chercha Jiro-san du regard ; il la remarqua, style un peu bikeuse avec sa veste en cuir et son T-Shirt "Shit To Villains", son pantalon en coton serré noir et ses grosses bottes à fermeture éclair... Ça lui va si bien...pensa Akira en laissant son regard se laisser bercer...

Il se ressaisit, prêt à passer à l'action, repéra du coin de l'oeil que Denki et Sero traînaient encore aux côtés de Mina et Jiro... Mais la première lui fit un signe de main particulier pour lui indiquer qu'elle allait s'occuper d'eux, aussi passa-t-il à l'attaque :

- Les gens, ça te dit qu'on aille voir le magasin de musique ?

Une demande générale pour ne pas attirer les soupçons, et tandis que le blond et son comparse semblaient hésiter, les yeux ennuyés de Jiro s'étaient clairement illuminés un bref instant.

- J'sais pas trop, fit Sero en se frottant le menton. T'en penses quoi, Denki ?

- Moi, ça me tente bien !

- Mais tu voulais pas aller acheter du matériel pour ton PC portable, au fait ? intervint soudain Mina, qu'Akira bénit par une prière adressée.

- Ah oui, c'est vrai ! (Denki se tourna vers son ami...) Tu veux venir ? Je voulais te montrer des trucs sympa ! (...puis vers Jiro et Akira) Vous venez aussi ?

- Bah... commença cette dernière, avant qu'Akira l'interrompe.

- J'avais vraiment envie d'acheter un peu de CDs et de posters pour agréer ma chambre d'internat ; Jiro, ça te dérange pas de venir m'aider ?

- T'as vraiment besoin de moi ? rétorqua-t-elle en haussant un sourcil.

Aïe... Elle n'avait toujours pas digéré leur différent au début de l'année, mais Akira n'allait pas lâcher le morceau maintenant, surtout que Denki et Sero regardaient l'échange et ne tarderaient pas à avoir des soupçons.

- C'est que mes piètres goûts en musique insulteraient les puristes, et j'aimerais un avis extérieur sachant que dans la rue, je n'ai pas trop eu l'occasion d'écouter des tubes.

Une excuse un peu bancale, faites que ça passe ! supplia Akira en son fort intérieur. Jiro le regarda un instant, avant de hausser ses épaules ; il faillit sauter de joie.

- Si t'es vraiment paumé à ce point, pourquoi pas. Denki, Sero, vous avisez pas à entraîner Mina dans vos délires !

- À vos ordres, cheffe ! rirent-ils en s'éloignant aux côtés de la rose, qui lança un regard fier à Akira.

Et ils furent enfin seuls. Un peu gêné, il prit la parole d'une voix un peu tremblante :

- On y va ?

- Ouais...

Ils marchèrent, parcoururent la grande surface avec une efficacité due à l'entraînement d'Akira qui avait appris par coeur la configuration du magasin. Il se forçait à ne pas la regarder, sinon il était sûr de ne pas pouvoir décrocher son regard, mais l'aimant invisible tirait ses yeux presque contre son gré.

- T'as changé de look, remarqua-t-elle, le faisant sursauter.

- Ah ? fit-il d'un ton innocent ; il portait une de ces tenues à la mode chez les bad boys, qui d'après Mina faisaient fureur auprès des filles comme Jiro. Il relança le sujet : Tu me trouves comment ?

- Arrête-toi une seconde.

D'un coup, il stoppa sa marche, pour voir qu'elle l'observait sous toutes les coutures ; respirant le plus calmement possible pour calmer son coeur qui commençait à s'affoler, une sueur froide le long du dos, son regard était tourné vers le plafond.

- Hmm... C'est plutôt pas mal, mais... Hé, pourquoi tu regardes en haut ?

- Quoi, moi ?

Il baissa néanmoins le regard, découvrant un visage méfiant.

- Je parles à qui, d'après toi ? s'agaça la jeune fille en croisant ses bras.

- Euh...

- Question idiote, j'avoue - elle soupira - Pour revenir à ton ensemble, il est pas mal, mais il manque d'originalité.

- Ah oui ? (la curiosité vainquit momentanément sa gêne) Comment ça ?

- Comment dire... C'est presque comme si tes vêtements ne venaient pas de toi. Tu vois ce que je veux dire ?

Wow... Elle était vraiment perspicace ! Akira se demanda si naître avec un Alter qui vous permettait d'entendre bien mieux que la plupart des autres ne vous rendait pas plus attentif aux détails. Réajustant sa veste, il acquiesça et reprit la marche pour la guider. Bien entendu, on voyait qu'elle connaissait le chemin, pourtant elle n'avait pas l'air de s'ouvrir immédiatement.

Ils atteignirent enfin le magasin ; "Rock Them Down to Hell", au style tout à fait métalleux mais gardant une certaine forme de "superstar vibe" héritée du rock'n'roll.

Devant le regard brillant qui faisait ressembler Jiro à une petite fille, Akira lâcha un petit rire amusé. Surprise, elle se tourna vers lui, menaçante.

- Qu'est-ce qui te fait rire ?

- Honnêtement ? Juste le fait que tu as l'air d'être autant une groupie que moi. On entre ? Je dois voir s'ils ont un album de Powerwolf en vente.

Simple, cru et tout à fait clair. Et c'était sincère, le plus important. Jiro cligna des yeux, cachant partiellement son étonnement, avant de lâcher un sourire en coin :

- "Pas de goûts en musique", hein ? Qu'est-ce que tu nous concoctes, Arata ?

- Rien qu'un bon moment à passer entre férus de notes et de bonnes chansons ; allez, fais-moi plaisir et rejoins-moi ! Je suis sûre qu'on a plein de choses à découvrir.

Elle hésita un instant, avant de soupirer ; Yes ! Elle le rejoint dans le magasin ; à l'intérieur, une vieille impro de basse tintait à leurs oreilles comme une berceuse simple et entraînante. Peu de personnes fréquentaient ce magasin, à part des gens un peu louches ou des gros geeks. Quand ils entrèrent, un vendeur vint les accueillir ; un homme-caïman avec des bras costauds et couvert de tatouages, mais au sourire bizarrement avenant comparé à sa carrure intimidante.

- Bonjour, les jeunes ! On cherche à faire rugir la bête qui est en vous ?

- On peut dire ça ! (il coula un regard amusé vers Jiro, qui le lui rendit avec un air complice, puis continua : ) Vous avez des albums de Powerwolf ?

- Oulà, c'est vieux ça ! rigola le vendeur. Arf, ça fait plaisir de voir des jeunes écouter des vieux tubes...

Il les mena jusqu'à une section, mais sur le chemin, Akira se fit bousculer par un type encapuchonné. D'abord un peu agacé, il tourna son regard vers le gars, qui était presque aussi grand que lui, légèrement tourné et laissant découvrir sa face : on aurait dit que le contour de ses yeux avait vieilli, et sa bouche crispée avait l'air aussi déssechée qu'en plein désert. Son air glacé fit naître une vague de peur au sein du ventre, d'Akira, jusqu'à que l'autre croissa :

- Excuse-moi... Je faisais pas attention.

- Y a pas de mal, répondit prudemment Akira.

- C'est marrant de voir des gens jeunes ici ; c'est pas vrai, ça, M. Daruki ?

- Hmm, acquiesça avec joie le vendeur.

- Bon... (le type glissa sa main sous sa capuche, et se gratta le cou) Je vous laisse à vos petits business. Bonne journée.

- Bonne journée, répondit Jiro tandis que le badaud s'éloignait.

Il est peut-être dans une mauvaise période...pensa Akira en se chassant l'inquiétude qui s'était nichée dans son estomac, pour se tourner vers les CD que le vendeur présentait. Pendant qu'ils cherchaient, Jiro lança :

- Je savais pas que t'étais fan de métal. C'est récent ?

- Je dirais que ça date de l'époque victorienne.

Elle le regarda avec un air sceptique, et il répondit par un sourire amusé. Elle le regarda un instant, avant de sursauter :

- Attends, t'es pas sérieux, j'espère ?

- Quoi ? Non ! répliqua Akira, de peur qu'elle ne le prenne pour un chunibyo. Mais Jiro pouffa, et il se rendit compte qu'elle s'était jouée de lui. Pourtant, il ne ressentit aucune colère, et se mit à rire avec elle, attirant les regards des autres clients.

Ils continuèrent à chercher d'autres CD, posters et parfois figurines, faisant des commentaires ou racontant des anecdotes. C'était... reposant. La façon dont elle mimait parodiquement les artistes, son visage s'étirant d'une façon si unique que le jeune homme se demandait comment quelqu'un pouvait être aussi époustouflante. Il découvrit qu'elle aimait plus la J-rock que le métal, ce qui était miraculeusement son cas (merci, Eve !).

Les deux heures filèrent vite, et le plus curieux dans tout ça, c'est que le vendeur ne les avait pas une seule fois demandé d'arrêter de traîner ; l'habitude des consommateurs louches, peut-être... Ou alors avait-il senti la fine ficelle qui s'était tissée entre les deux jeunes gens ? Allez savoir...

Ils sortirent enfin pour éviter d'inquiéter Iida-kun quand à leur retard potentiel, mais il prirent leur temps pour marcher ; sa camarade ne prenait plus son air fermé et ennuyé. À la place, elle parlait des différents tubes qu'elle écoutait en ce moment avec un sourire rayonnant qui éblouissait Akira de plaisir.

-...et donc quand le batteur fait son swing de fin sur l'enchaînement, ça donne l'impression d'un coup de canon, tu vois ?

- Hmm, hmm, répondit Akira, trop absorbé dans sa contemplation.

- Euh... Tu m'écoutes ?

- Hmm hm... Hein ? (il sursauta) Excuse-moi Jiro-san, j'étais en train de réfléchir au riff posé en fin d'impro...

- Ouais, t'étais dans les nuages... Et t'as pas besoin d'être aussi formel, tu sais ; appelle-moi Kyoka.

Appelle-moi Kyoka...

...pelle-moi Kykoa...

...moi Kyoka...

...Kyoka...

Ses paroles résonnèrent dans sa tête avec la force d'un gong frappé par la foudre. Le visage d'Akira rougit si fort qu'il crut s'enflammer, et il se tourna devant le regard interrogateur de la tombeuse :

- C..C'est d'accord, Kyoka-chan...

Elle se mit à ricaner, avant de continuer à marcher. Faites qu'elle ait rien remarqué, se supplia-t-il en baissant le visage et respirant pour calmer le taureau furieux qui culbutait dans sa cage thoracique.

Heureusement pour lui, il s'était assez calmé pour ne plus rougir quand ils atteignirent le point de rendez-vous. Iida, Momo et Bakugo (surprenant), étaient déjà présents. Mais le plus étonnant, c'est que son amie à queue de cheval et le blond explosif discutaient ! Ce dernier tapait du dos de la main une sorte de paquet bleu...

En s'approchant, Akira remarqua que c'était une tente rétractable. Encore quelque chose qu'il découvrait sur le violent personnage... Iida remarqua les deux arrivés et leur dit :

- Ah, vous êtes pile à l'heure, c'est bien ! (il montra d'un geste mécanique un petit restaurant) Nous avons déjà réservé les places pour vingt-deux personnes.

- Vingt-deux ?

- Devine qui nous a rejoint à l'improviste ? fit Momo en sortant de sa conversation avec Bakugo. Shinso-san !

Ah oui, c'était étonnant, en effet... Mais la nouvelle le réjouit ; déjà qu'Hitoshi-kun était en bonne voie pour entrer dans la classe 1A, commencer à sympathiser avec ses futurs camarades était une initiative tout à fait géniale. Tout ça sent la patte touffue d'Houng Dog, se dit Akira en souriant.

- C'est super !

- Alors, vous avez trouvé votre bonheur ? demanda son amie à Kyoka, qui haussa ses épaules ; elle avait repris son attitude blasée.

- C'était assez marrant de suivre le fan métalleux dans sa "quête légendaire".

Les deux filles pouffèrent, arrachant un sourire gêné à l'intéressé. Comme elles se lançaient dans une conversation, il se tourna ensuite vers Iida et Bakugo :

- Et vous, ça s'est bien passé ?

- Fiche-moi la paix, le vioq' !

- Bakugo a trouvé du matériel dernier cri en matière de tente, expliqua Iida en agitant ses bras. Dans le même magasin, j'ai acheté du matériel de plongée pour mon frère, mais je ne sais pas si ça lui fera envie...

- Je suis sûr que ça lui plaira ! sourit Akira, avant de se tourner vers Bakugo : t'aimes faire de la randonnée ?

-...De l'escalade, ducon, grommela l'explosif.

- Ah oui ? Un de ces quatr', on devrait se faire une virée ensemble ; je suis plutôt bon pour surmonter les obstacles ! soutint le brun en jouant des muscles.

- Comme si j'allais perdre contre toi ! Je t'attends, gronda le blond avec un regard de défi.

-...Tu sais, tout ne se résume pas à une compétition ?

- C'est une logique de perdants.

Ouaiiis... Akira détourna son regard vers le reste de la classe qui revenait de leur chasse aux magasins. Il discuta avec Izuku, qui lui décrit avec passion tous les articles de héros qu'il avait remarqué, ainsi que les nombreux Alters qu'il avait repéré dans la foule ou en posant des questions aux héros qui passaient par là. La classe 1A s'animait tout en s'asseyant progressivement aux tables du petit restaurant, tandis qu'un serveur prenait leurs commandes.

Akira s'installa aux côtés de Mina, Izuku et Ochaco, laissant un peu d'espace à Kyoko sur le conseil de la première, qui immédiatement se pencha vers lui pour lui glisser :

- Alors ?

D'un regard brillant, il lui fit comprendre que c'était sur le bon rail. Souriante, elle lui tapota le dos avec cet air de "ça c'est mon poulain" sur le visage. Le serveur arriva à leur table, et ils commandèrent leurs plats ; Akira prit un curry, Izuku un katsudon, Ochaco l'oyakodon et Mina l'assiette de natto. En attendant, on leur servit des rafraîchissements, car c'est vrai qu'il faisait chaud.

- Dites, vous pensez qu'on va pouvoir avoir une piscine au camp d'été ?

- Ce serait formidable ! répondit Izuku, puis partit dans un torrent de murmures : tester nos Alters dans un environnement différent pourrait nous conférer une certaine expérience... Tsuyu serait avantagé, mais Kacchan ?... Et si on considère la conductivité du liquide, les flammes de Todoroki-cha...

- Moi, je dirais pas non contre une piscine, fit Ochaco en s'éventant. Il fait une de ses chaleurs !

- Le réchauffement climatique, blagua Akira.

Mais tous le regardèrent avec un air perdu, puis Izuku réagit enfin :

- Oh, tu veux parler de ce vieux phénomène datant d'il y a 200 ans ? C'est étonnant que tu le connaisses...

- Ouais... (parfois, Akira oubliait qu'il n'était pas dans la même époque que celle de son monde) Mes blagues de vieux, faut pas les écouter !

Ils discutèrent des cours, des héros et du camp d'été jusqu'à que leurs plats arrivent, et les dégustèrent avec appétit. Akira mangeait distraitement, le regard tourné vers Kyoka. Elle aussi mangeait un curry tout en parlant avec Momo et Toru ; même sa posture quand elle mangeait... Raaah, c'est à vous rendre fou !

Le repas se déroula sans encombres, et Momo invita tout le monde, malgré le fait que certains étaient réticents (notamment Ochaco-chan et Iida-kun), mais elle les fit comprendre d'un regard que sa décision était catégorique. Cette situation fit pouffer Akira, quand Kyoka se leva pour s'approcher de lui, le faisant se raidir.

- On y va ? proposa-t-elle.

Il ne se fit pas prier.


Quelques heures plus tard...

Les deux avaient passé la journée ensemble, se racontant leurs histoires respectives. Mi-joie, mi confidence de malheur, ça n'empêchait qu'Akira passait clairement le meilleur moment de son existence, pourtant si neuve. Kyoka était vraiment une fille caractérielle, complexe et terriblement rentre-dedans ; elle adorait le taquiner en lui tendant des perches qu'il agrippait avec joie, pour se prendre un coup sur la tête, métaphoriquement bien sûr.

- C'est fou, rigola-t-elle tandis qu'Akira lui avait parlé d'une soirée d'une de ses anciennes vies. Je pensais que t'étais juste un mec violent et retors...

- Genre une version mixée Bakugo-Ancien Mineta ? ajouta-t-il avec ironie.

- Ouais, mais en plus grand, j'avoue... (elle le toisa de la tête aux pieds, évaluant sa taille avec une moue impressionnée) T'es pas d'origine japonaise ?

- Non, confirma-t-il en secouant sa tête. J'ai un parent français et un algérien, mais ils sont morts dans un accident quand j'étais petit et qu'on avait déménagé ici...

- Désolé, s'excusa-t-elle en détournant le regard. J'aurais pas du amener ça sur le tapis...

- Non ! démentit le jeune homme en levant ses mains. C'est du passé, et puis j'étais trop jeune pour me souvenir avec précision leurs visages ; je ne les regrette pas.

- Mais... t'aurais pas aimé avoir, je sais pas... Une famille ?

Des bulles se soulevaient dans le bocal rempli de liquide nourrissant. Quelqu'un toqua contre la vitre, provoquant des vibrations gênantes. Une voix, froide et neutre, débitant un cours sur la physique quantique.

- Pas vraiment, avoua-t-il en sentant un pincement à son coeur.

-... (la jeune fille le regarda avec un air pensif, avant que son visage ne s'illumine) Un cookie !

- Q...Quoi ? Je m'inquiète pour ta santé mentale, là...

- Non : est-ce que tu veux un cookie ? Un bon gros cookie plein de chocolat, c'est ce que je mange quand je veux me remonter le moral !

L'idée était alléchante, et puis c'était Kyoka qui proposait ; son sourire était si chaleureux et son intention louable ne lui traçait qu'un chemin possible.

- J'accepte votre offre, Ô grande réparatrice du moral ! répondit-t-il avec un salut théâtral.

- Arrête tes singeries et suis-moi : je connais l'endroit parfait.

Ils marchèrent un long moment, avant d'arriver au plus haut étage ; de là, une immense baie-vitrée laissait apparaître tout Musutafu sous le soleil de l'après-midi. Ce panorama époustoufla Akira, qui resta quelques secondes à admirer le paysage insolite de cette ville qui était bien plus verte qu'il ne l'aurait crû, avec sa grande tour qui s'élevait telle une lance victorieuse, projetant des gouttelettes de lumière telle une pluie de diamants timides et rêveurs.

- Allez, dépêche-toi ! l'intima Kyoka en le tirant par la manche, le tirant de sa rêverie.

Se dirigeant vers un petit stand où une bonne femme préparait des confiseries, elle commanda deux cookies maxi-choc', avant de se tourner tout sourire vers le jeune homme, qui fut lui même atteint par cet entrain. Quand les biscuits furent servis et chauds, ils s'installèrent sur un banc face à la baie vitrée et croquèrent.

Chaud. Doux. On aurait dit qu'une pluie de saveurs l'enveloppait dans un plaid réconfortant dans un soir d'hiver, avec un chocolat chaud entre les mains. Une sensation inconnue, si bien que ses yeux devinrent des soucoupes, provoquant l'hilarité de son accompagnante.

- Kfoua ? marmotta le jeune homme.

- T'as... pffrr... T'as du chocolat sur la joue, c'est trop drôle ! Attends, fit-elle en s'approchant de lui.

Il voulut reculer, mais son corps se figea. Devant le soleil qui luisait de mille feux, son visage était d'une saisissante beauté ; on aurait dit que de l'or avait fondu sur sa peau, ses yeux devenues diamant sertis d'obsidienne taillés pour percer la lumière de ténèbres aveuglantes. Quand sa main toucha sa joue, il sentit la peau de l'autre et déglutit, presque en s'étouffant. Calleuse... et douce ? La sensation s'apparentait plus à du lisse.

Leurs regards se croisèrent.

Sans prévenir, Akira entra en Phase : son âme résonna avec une telle puissance qu'il fut balayé par l'onde de choc d'énergie spirituelle, pourtant... La vague qui l'emporta n'était ni menaçante, ni étrange : on aurait plutôt vu une sorte de remous lent et inexorable, qui se nichait dans chaque recoin de son être pour libérer un souffle de vie si intense qu'il en eut le souffle coupé.

Nos âmes, pensa-t-il avec un étonnement juvénile. Elles se parlent.

Elle ne pouvait pas entendre ses pensées. Elle ne pouvait pas ressentir ce qu'il ressentait. Les âmes ne jouaient pas dans la même cour que l'esprit ou le corps ; elles dansaient tels des phénix ardents qui hurlaient leur joie d'exister à l'unisson. Une pure et unique vision d'extase divine.

Tout s'arrêta quand elle retira son doigt.

Boulversée, c'était le seul mot qui lui venait à l'esprit en la regardant ; l'expression sur son visage, nouvelle et percutante, avec ses yeux ouverts sur un monde qu'elle venait à peine d'effleurer. Elle cligna des paupières, et Akira détourna le regard.

- Désolé, je n'ai pas vraiment fais attention en mangeant...

- C'est rien, balbutia-t-elle. J'imagine que c'était la première fois que tu vivais ce moment, moi je suis habituée, je pouvais pas prévoir...

Il y eut un blanc gênant, dans lequel trop de questions surgissait dans l'esprit d'Akira : comment son âme était entrée en phase alors qu'elle n'était pas "mature" ? Pourquoi maintenant ? Est-ce que Kyoka s'en était rendue compte ? Si oui, avait-elle "comprit" ?

Soudain, le silence s'arrêta quand un policier débarqua à l'entrée de la terrasse intérieure :

- Messieurs, mesdames, Methey, je vous demande de garder votre calme et de bien vouloir quitter l'enceinte du magasin. Veuillez me suivre.

Mais que se passait-il donc ?