Le mal se tapit dans l'ombre, et attend son heure. Car la patience est sa meilleure arme.
Dans ses tubes attachés à sa gorge l'aidant à respirer, All For One regardait les informations qui se diffusaient devant lui grâce à l'ordinateur installé par Garaki. Celles-ci avaient le goût d'un café bien corsé ; amer, mais stimulant. Certes, le Tueur de Héros masquait le jeune Shigaraki avec son idéologie maladive, mais au moins, l'étincelle de chaos qu'il avait allumé était un tremplin parfait.
L'arrestation de la Réponse avait été un coup dur qu'il n'avait pas prévu, mais un détail le taraudait : pourquoi un vilain aussi intelligent s'était-il jeté dans la gueule du loup ? Bien sûr qu'All For One savait que le vilain n'avait jamais eu d'Alter ; il se souvenait très bien de sa confusion quand il avait tenté de le lui voler, pour finalement ressentir ce sursaut d'adrénaline qui depuis longtemps s'était tari en lui.
Une peur viscérale face à l'inconnu.
La découverte de tout ce "Multivers" n'était pas vraiment quelque chose de nouveau, mais savoir qu'une force, bien plus puissante que tous les Alters qu'il pouvait posséder, flottait tout près de lui, et le traversait sans jamais toucher allumait chez le vilain une frustration qu'il aurait préféré évité.
Mais maintenant que la Réponse et Stain avaient été écartés, le jeune Shigaraki allait bientôt accomplir son propre rêve ; détruire ce monde inutile pour en bâtir un à son image. Il toucha l'écran, nostalgique ; All For One revit un souvenir de lui et son frère, regardant les aventures de Musclogloir sur la seule chaîne disponible, dans leur petit foyer miteux. Sa mère qui lui hurlait dessus, le battait en l'accusant d'être un "Sans-Alter inutile".
Et elle avait eut raison. Un sourire diabolique naquit sur son visage à moitié fondu par les cicatrices. All Might était hors-jeu, la société commençait à remettre en question les héros, et la Ligue faisait grossir ses rangs. Bientôt, le pouvoir ultime serait à sa portée.
Oui, tu avais raison, très chère mère : sans pouvoir, on ne peut pas changer le monde selon notre bon plaisir.
La police avait rapidement évacué les lieux après la venue du vilain. Mystérieusement, ce dernier n'avait attaqué personne, et s'était simplement accroché à Izuku-kun afin de lui poser des questions "d'ordre philosophique", le vert ne voulant pas en dire plus. La police avait donc interrogé tous les témoins de la scène, ainsi que l'ensemble de la classe 1A, car la Ligue des Villains avait bien attaqué Yuei une fois avant le Championnat.
Dans la salle d'interrogation, Akira attendait nerveusement ; son rendez-vous avec Kyoka avait fané comme une fleur en hiver, alors qu'il avait eut l'impression d'avancer... Bien qu'ils aient échangé leurs numéros, ils ne s'étaient pas textoté depuis. Son coeur se serrait à l'idée qu'il aurait tout fait planté... Raah, pourquoi on m'a pas inculqué ce savoir ? Il maudit le fait d'être un clone, quand un policier entra.
C'était Tsukauchi, le détective qui avait été en charge de son affaire et de celle du père de Momo. Un type honnête, droit et sérieux. Quand il vit Akira, il sourit et s'assit en face de lui :
- Je vais commencer à me demander si tu ne veux pas travailler chez nous, tellement je te croise au poste !
- Si je ne deviens pas un héros, vous inquiétez pas, l'idée sera sur ma liste, ricana-t-il en croisant ses bras.
- Oh ? En quelle position, si je ne m'abuse ?
- Hmm... (il fit mine de réfléchir, avant de claquer des doigts) Derrière le poste de laveurs de carreaux à Kiyashi ; le paysage est à couper le souffle, ça vaut le coup de se casser pour un salaire misérable !
- Ha ha, on peut dire que tu vois où sont tes priorités... (il sortit un bloc notes et un stylo) Bien, alors je vais te poser quelques questions, tu me réponds honnêtement, mais tu connais la musique ?
- Ouaip : si je mens, vous le saurez grâce à votre Alter.
- Laisse-moi faire quelques réglages avant... Tu t'appelles bien Akira Arata ?
- Oui.
Le détective grattouilla quelque chose sur son bloc notes, et continua :
- D'accord... Tu travailles pour la Ligue des Vilains ?
- Non.
- Hmm hmm... Ok, je pense qu'on peut commencer : où étais-tu lors de l'incident ?
- Tout en haut, près du Cookitsune - un acquiescement, et quelques gribouillis - assis à la terrasse intérieure qui fait face à la tour Korrusantu.
- Oui, ça concorde... Et que faisais-tu ?
- Je... (Akira marqua un instant d'hésitation, détournant légèrement son regard) C'est personnel.
- Je vois... Ne t'inquiète pas, je ne vais te forcer à répondre à toutes mes questions, tu es encore moins suspect que la vendeuse de cookies !
- Ah ? Elle m'a vu, donc c'est grâce à elle que j'ai un alibi ?
Le détective lâcha un petit rire, avant de tapoter son style contre son crâne :
- Je comprends pourquoi Aizawa-san t'apprécie : tu es quelqu'un de vif et perspicace.
Akira rougit ; il n'avait pas trop l'habitude qu'on le complimente avec autant de sincérité. Le policier continua :
- Est-ce que tu aurais croisé quelqu'un de louche pendant ton excursion au magasin ?
Le jeune homme fouilla dans sa mémoire parfaite, traitant chaque seconde de sa journée avant d'arriver au stand de cookies. Chaque visage, chaque son, chaque couleur et odeur se retraça dans son palais mental avec une précision surhumaine, et il se souvint.
"C'est marrant de voir des gens jeunes ici ; c'est pas vrai, ça, M. Daruki ? Bon... Je vous laisse à vos petits business. Bonne journée."
- J'ai bien croisé l'instigateur, je crois, répondit Akira en levant ses yeux.
Tsukauchi sourit, satisfait, et sortit une feuille et un crayon.
- Peux-tu me le décrire en détail, si ça ne te dérange pas ?
C'était la sixième fois cette semaine, et Shota en avait vraiment ras-le-bol.
En se dirigeant vers sa classe, il se forçait à ne pas éviter toutes ses petites formes lumineuses qui flânaient dans l'air en sautillant, scintillant, pétillant ; cela faisait depuis la venue d'Akira que ces phénomènes s'étaient produits, puis multipliés. Comme si l'air était pollué, mais personne ne remarquait cela.
Au bureau, il avait était entré en esquivant chaque petite forme, mais ça l'avait agacé car tous ses collègues s'étaient inquiétés pour sa santé mentale, et Hizachi ne cessait de le bisquer. Depuis ce jour, Shota avait fait des efforts considérables pour ne pas ressembler à une version low cost de Néo dans Matrix.
Il entra dans sa salle de classe, avec la désagréable sensation de rien ressentir quand une lumière lui traversait le visage ; ses élèves durent sentir son agacement, car ils restèrent tous silencieux dès qu'il arriva.
- Bonjour tout le monde... Je viens vous annoncer une bonne et une mauvaise nouvelle ; choisissez laquelle.
- Euh, la mauvaise ? répondirent presque à l'unisson les gamins un peu intimidés.
- La mauvaise nouvelle, c'est que certains d'entre vous n'ont pas réussi à passer l'examen... (à la vue de leurs têtes, Aizawa sentit une pointe de satisfaction lui remonter le moral) Les suivants sont : Kirishima, Sato, Todoroki, Jiro et Arata.
Ces derniers réagirent différemment ; des cris, des mines déconfites ou étonnées... Néanmoins, le professeur activa son Alter pour calmer le jeu, avant de continuer :
- Bien entendu, cette histoire de passage qui vous donnait accès au campement était purement une invention de ma part pour vous pousser à bout.
Encore une fois, des cris d'étonnement, et aussi quelques bugs. Mais au moins, la décision d'Aizawa avait été approuvée par le principal ; les performances avaient toutes eu des barèmes différents.
- Donc on ira tous au camp d'été ? comprit Akira avec un soupir de soulagement.
C'était vrai que le gamin avait déjà été écarté du stage, alors une deuxième fois aurait miné son moral ; néanmoins, Nezu lui avait prévenu de garder un œil sur lui car il passerait deux semaines sans le soutien psychologique de Hound Dog.
- C'est ça ; et je vais donc vous donner la bonne nouvelle : avec l'attaque récente des vilains, le lycée a voulu mettre plus d'accent sur la sécurité, et a décidé de réserver un terrain privé qui ne sera pas le chalet annuel.
Les élèves se regardèrent, excités par cette nouvelle ; Shota les comprenait un peu, sachant que c'était vraiment une première dans l'histoire de Yuei.
- Nous irons au lieu indiqué en bus, donc veillez à prendre vos affaires pour deux semaines, expliqua le professeur en leur distribuant des fiches administratives. Soyez prêts et présents devant le lycée à 6h pétante demain, ou on partira sans vous.
- Monsieur ! (Tenya leva sa main) Si je puis me permettre, nous ne sommes pas la seule classe à y participer, j'imagine ?
- Parfaitement : il y aura la classe 1B qui nous rejoindra dans le bus.
- Combien de temps durera le camp d'été ? s'enquit Yaoyorozu en levant la main.
- Deux semaines en tout, en comptant l'aller et le retour. Autre chose ?
- Est-ce que Shinso-san sera présent ?
Shota se tourna ; la question qui avait surpris ses camarades venait bien entendu d'Akira, qui avait ce même regard déterminé que lorsqu'il parlait de justice et de droiture. Le professeur soupira, provoquant l'appréhension sur le visage du jeune homme, avant de répondre :
- Il sera présent, en effet : Hitoshi Shinso a prouvé qu'il était digne de faire partie du cursus, alors le proviseur n'y a vu aucun problème. D'ailleurs, ça équilibrera les forces avec la 1B...
Il laisse ses élèves cogiter sur ses dernières paroles tout en continuant sur les explications et les formalités habituels pour le voyage dans le bus, bien qu'il sache que la plupart de ces règles ne seront pas respectées.
En tout cas, il resta concentré un maximum pour s'empêcher de chasser de la main les lumières qui bondissaient de partout.
Bon, je crois que c'est tout bon !
Akira regarda avec satisfaction sa valise pleine à craquer, opina du chef et la rangea près de la porte. Avant d'aller prendre sa douche, il attrapa son portable posé sur sa table de chevet et ouvrit la messagerie de Kyoka, vide. Sans réfléchir, il commença à écrire : "Salut, comment ça va ?", et s'apprêta à envoyer...
Attends, attends, attends !
Il stoppa son geste, le visage en feu ; et si elle le prenait pour un type trop entreprenant ? Mina lui avait dit que faire le premier pas était important dans le développement d'une relation, mais elle avait pas précisé qui devait le faire !
Il se jeta sur son lit, regardant l'écran lumineux dans la pénombre du soir. Ce vide était si triste, et pourtant il ne pouvait pas le combler. Peut-être que ce qu'il avait vu dans ce regard noir d'encre n'était pas quelque chose de réel ? Peut-être que Kyoka avait juste pitié de lui, le "gamin des rues"...
Soudain, les trois petits points indiquant que quelqu'un écrivait apparurent. Akira se tendit comme une perche, prêt à bondir. J'avais oublié que les gens pouvaient voir que l'on leur écrivait ! Il maudit son ignorance, frottant excessivement sa nuque, quand le message apparut.
K/ Hey. Tu voulais me dire quelque chose ?
Il trembla de stupeur, regardant le message comme un chevalier trouvant le Graal. Il faillit lâcher son téléphone, puis commença frénétiquement à taper sur les touches digitales.
A/ Oh, tu sais...Le truc habituel... "Comment ça gaze" et tout...
Il envoya son message, et pendant quelques secondes sourit... Avant de se rendre compte de sa gaffe ! Mais je suis un sombre crétin : "le truc habituel", "et tout" ! Et ce "ça gaze", c'est tellement connoté négatif ! Akira enfouit sa tête dans coussin, marmonnant des malédictions pour faire tomber la foudre sur lui, quand son téléphone vibra :
K/ Mdr. "ça gaze", c'est vraiment vieux comme expression.
Il... l'avait fait rire ! Sautant de joie, il s'assit en tailleur, et, le sourire aux lèvres, tapa :
A/ Y a beaucoup d'avantages à être vieux : malgré mes lumbagos fréquents, je connais plein de choses !
Cette fois, il était trop formel ; son message était plus froid que le précédent, donc il ferait moins mouche ! Mais...
K/ C'est vrai que monsieur date de l'époque victorienne... Veuillez accepter mes plus plates excuses ! ヽ('ー`)ノ
Elle s'en souvient ! s'extasia le jeune homme en éclatant de rire. Cela voulait dire que leur pseudo-rendez-vous n'était pas vraiment un mauvais souvenir dans sa tête, si ? Amusé, il continua sur cette lancée :
A/ J'accepte humblement vos excuses, si vous m'accordez le droit de vous offrir un cookie en retour.
Paf, et envoyé ! Se balançant en minaudant une mélodie entraînante, Akira était aux anges. Et quand son téléphone vibra, son coeur fit un bond supplémentaire dans sa poitrine.
K/ Entre férus mélomanes, je ne peux qu'accepter ! ( ^_^)o自自o(^_^ )
Le jeune homme tomba en arrière, regardant le message avec un air si heureux que la lumière semblait provenir de son visage. Il le contempla encore longtemps, jusqu'à qu'il se soit calmé, puis tapa :
A/ On doit se reposer et être en forme pour le camp ! ᕦ(ò_óˇ)ᕤ...On se retrouve demain dans le bus ?
K/ Yep ! Bonne nuit ! _o/
A/ Bonne nuit !
Et ainsi s'acheva sa première conversation romantique par textos. Quand il parcourut les couloirs de l'internat, le personnel du bâtiment se demanda pourquoi il y avait de la lumière et des petites fleurs qui semblaient flotter autour de la tête du jeune Arata, au sourire aussi éblouissant que celui de Bouddha.
