Il faisait moite, ce soir là.

Katsuki attendait sur le banc du petit parc de son quartier. Depuis qu'un nouveau avait récemment était construit plus proche des arrêts de bus en bas de l'avenue, plus personne ne venait s'amuser ici. Le parc serait bientôt fermé, et peu se souviendrait des aventures du formidable Bomberking, le super héros plus fort qu'All Might.

Soudain, il entendit des pas, quelqu'un qui s'approchait. Il leva la tête ; Joues-Roses le toisait avec un air mélangeant appréhension, confusion et... quelque chose d'autre. Il n'était pas très fort pour comprendre les émotions des autres, Joues-Roses étant la seule qu'il trouvait la plus expressive.

Il se leva, la dépassant d'une bonne tête. Pourtant, c'était lui qui se sentait petit. Elle prit une inspiration, et déclara :

- Je suis désolé.


Le lendemain...

- Alors c'est ici que tu dormais pendant tout ce temps ?

Akira sourit face à la question un peu maladroite de Sero, qui mettait sa main en visière devant l'Heights Alliance, le dortoir sur mesure de Yuei pour les situations graves. Depuis que la Ligue avait réussi à ébranler le fondement même de la confiance en la sécurité de Yuei, beaucoup de gens avaient protesté quand à cette contre-mesure.

Néanmoins, aucun parent n'avait protesté pour que leurs enfants soient placés dans cet internat, surveillé 24h/24 par tous les héros.

- C'est très confortable, je suis sûr que ça va vous plaire, leur assura-t-il, avant d'ajouter : Mais il faudra décorer vos chambres vous-même !

M. Aizawa leur attribua leurs chambres, les filles au premier et les garçons au deuxième. Dès que ses camarades partirent préparer leur nouveau chez-soi, Akira se tourna vers le professeur, qui le regarda d'un air interrogateur :

- Tu as une question ?

- C'était pour vous dire que je suis désolé.

- Ne me me dis pas que tu veux parler de l'incident de Kamino ?

Le jeune homme baissa les yeux, et son professeur soupira.

- Tu as déjà été puni pour avoir aidé Kaminari à sortir du centre, et je te le redis : c'était incroyablement idiot et dangereux.

- Je sais, mais... la Ligue en avait après moi, de toute façon. Alors...

- Écoute, si tu recommences à te déprécier, tu seras de corvée de ménage jusqu'à l'examen de licence provisoire.

Akira releva la tête : Aizawa lui jetait un regard en colère, mais il sentait que ça n'était pas contre lui.

- À part Kaminari, rien n'est de ta faute. Tu as beaucoup souffert, et tes camarades m'ont dis que tu les avais déjà rappelé à l'ordre (le professeur râla) Déjà qu'Hound Dog se plaint que tu lui voles son job, si tu fais de même avec moi...

- Haha ! Y a aucune chance que je devienne aussi bon que vous !

Aizawa écarquilla ses yeux ; le sourire d'Akira rayonnait sur son visage, son élève qui avait presque la même gestuelle que Shirakumo... Tu dois lui dire. Il n'y a pas de "bon" moment de toute façon...

- Il y a quelque chose que je dois t'avouer.

Akira arrêta de sourire, intrigué ; le ton grave du professeur différait de son attitude morne habituelle. Allait-il encore le réprimander pour quelque chose ?

- La nouvelle risque de te faire un choc, alors je te conseille de t'asseoir, continua Aizawa en lui montrant le canapé.

- D'accord...

Akira s'assit confortablement, avant de se tourner vers le héros qui s'était assis en face de lui. Une inspiration, comme pour un effort conséquent, puis :

- Tu vas mourir.

Bug. Confusion. Akira leva un sourcil avant de hausser ses épaules.

- C'est le prix à payer de tous les vivants, je vois pas où est le problème.

- Hmpf, et il m'avait dit que ce serait facile, grommela Aizawa dans sa barbe. Excuse-moi, je m'exprimes mal : tu vas mourir d'ici un an ou deux.

Silence.

Akira pencha sa tête sur le côté. Mourir d'ici... Hein ? Il se gratta le nez, pendant que petit à petit l'information était traitée dans son cerveau, jusqu'à que son visage se déforme sous la surprise :

- Pardon ? Un...Un an ?

Son professeur baissa la tête ; ça n'était pas une blague de sa part, ou un test mensonger. C'était réel, insoluble. Akira agita ses bras en secouant sa tête, déboussolé :

- Attendez, ça sort de nulle part ! Comment vous pouvez avancer ça ?

- Tu prends ça plutôt bien, c'est étonnant... (il fouilla dans sa sacoche à dossiers, pour en sortir une pochette plastifiée. Akira la prit : un dossier médical) Tu souffres d'une maladie dégénérescente rare qui affecte ton cerveau sous la forme d'une tumeur, sauf qu'elle infecte ton système nerveux. D'après les médecins, tu vas... perdre l'usage de tes membres progressivement, puis délirer, et...

Akira feuilleta les pages à toute vitesse, lisant les rapports et études qui avaient été faites lors de sa première incarcération. Mais c'est absurde, paniqua-t-il, ses yeux transperçant les mots. Ce sont des symptômes de mage au bord de l'orbasis... Mais je n'ai pas de magie !

En fait, il avait eu ces symptômes, mais seulement quand il était en maturation dans sa cuve de clonage ; faire croître un être-patchwork à toute allure à partir des fragments d'ADN copiés à l'infini provoquaient certaines erreurs inévitables. L'une d'entre elles était la "désobéissance" ou la prise de conscience qu'il avait développé. Et dans ces erreurs se comptait l'orbasis, cette fameuse dégénérescence.

Sauf que son corps avait été spécialement créé pour ne pas la subir. "Absurde..." marmonna-t-il.

- Comment ça, absurde ? (Aizawa fronça des sourcils) Tu me caches quelque chose, et je sais que c'est toujours quelque chose d'énorme quand tu fais ça.

- Hein ?

- C'est déjà étrange que tu ne sois pas affecté émotionnellement. J'ai déjà saisi que tu n'as rien d'un ado normal, mais n'importe qui serait choqué d'apprendre qu'il va mourir dans peu de temps... (un bref éclat rouge dans les yeux noirs) Ce qui m'amène à penser que tu es encore en train de garder un secret.

Akira resta muet, ne sachant quoi faire ; il lui était impossible de révéler quoi que ce soit sur sa véritable nature. Déjà quatre personnes étaient au courant, et la Ligue si on comptait sur le docteur Gusaki. Bref, plus il y aurait de gens au courant, plus ce serait de personnes susceptibles de sombrer dans une folie collective. Déjà qu'un monde où tout le monde a des superpouvoirs est assez bancal, alors si on rajoute le facteur magie...

- C'est grâce... et à cause de mon Alter.

Le professeur sursauta, tellement il était concentré à attendre une réponse avec appréhension. Akira inspira, et leva ses mains : les veines de ses doigts brillaient telles de petits ruisseaux dorés.

- Vous êtes au courant que mon corps a besoin de ce dernier pour survivre ?

- J'en étais le premier surpris, mais passons : quel est le rapport ?

Akira relâcha le contrôle manuel, ses veines revenant à une intensité lumineuse faible ; il toucha sa tempe du bout du doigt.

- C'est une maladie héréditaire, un peu comme la SLA. Ma mère et mes sœurs en souffraient également.

- Ah oui ? (le scepticisme était visible sur le visage mal rasé d'Aizawa) Cette maladie est apparemment mortelle quand on atteint un âge avancé, donc comment tu expliques que ta famille n'y ait pas succombé avant ?

- Parce qu'elles avaient presque le même Alter que moi, expliqua Akira.

Le professeur réfléchit ; l'Alter de son élève ne pouvait pas se résumer à une simple projection d'énergie comme Aoyama ou X-Less. On pouvait plus l'associer à une sorte de batterie biologique, mais de là à guérir une maladie héréditaire mortelle ? Attends une seconde...

- Tu insinues que la dégénérescence va de pair avec votre pouvoir ?

- C'est ce que j'avais pu comprendre en étudiant mon arbre généalogique. Dès la seconde génération, le pouvoir d'Heaven's Door mais également la maladie sont apparus au sein de la famille.

- Et comme ce pouvoir est considéré comme "dominant", il est resté dans la lignée tout en transportant la maladie.

- Oui, acquiesça Akira, soulagé que son professeur morde à l'hameçon. Mon père possédait un Alter de projection d'énergie, c'est pour ça que mon Alter n'est pas juste un "nourrisseur" sur mesure.

Un silence suivit cette conclusion, ponctué par les haussements de voix des élèves à l'étage. Aizawa adhérait bien entendu à cette histoire, mais il n'avait pas confiance pour autant : malgré ces explications, il sentait que quelque chose n'était pas tellement clair. La seule et unique chose qu'il lui restait à faire, c'était d'en discuter avec ce rat de directeur ; si quelqu'un détenait plus d'informations, c'était bien lui... Il se leva :

- Je vais te laisser là, j'ai des papiers à remplir... Assure-toi de faire passer le message à tes camarades de suivre les consignes de sécurité et le couvre-feu.

- D'accord... Et encore désolé.

Le professeur s'arrêta : "De quoi ?"

- De vous avoir inquiété avec cette histoire : savoir qu'un de vos élèves allait... J'imagine pas le choc, rit tout bas l'adolescent.

- Tu n'y es pour rien, et le professeur partit, laissant l'enfant seul. Ou est-ce vraiment un enfant ? se dit-il en se retournant une dernière fois, pour voir ces étranges lumières danser autour de lui sans le toucher.


Le soir même, Ochaco avait enfin fini de refaire à peu près sa chambre. Elle soupira ; déballer ses affaires dans cette ambiance générale un peu fofolle, c'était bizarrement plus éreintant que de longues séances de corps à corps avec...

"Je suis désolé"

Non, se dit-elle en se tapant les joues avec ses mains. Tu as fait le bon choix...

La porte toqua.

Ochaco sursauta, puis entendit une voix familière :

- Hé, ouvre !

Le ton et le choix des mots était tout à fait reconnaissable, cependant sa main s'arrêta proche de la poignée ; devait-elle vraiment lui ouvrir ? C'est un camarade, Ochaconne ! Arrête de réfléchir ! Elle attrapa le métal froid et tourna.

Un visage apparut dans l'embrasure, aux sourcils froncés et aux yeux aussi rouges que si on avait coincé deux petites cerises bien mûres dans deux creux ; le blond poussa la porte et entra, provoquant l'agacement de la jeune fille ; où se croyait-il, celui-là ?

Bakugo jeta un regard circulaire à sa chambre, semblant la... juger ? Puis il se tourna vers elle, lâcha un "tch" avant de dire :

- Donc tu vas me dire comment tu veux te débrouiller pour que personne ne sache ?

Croyez-le ou non, mais elle et lui avaient décidé ce fameux soir de fin d'été de s'engager dans une relation "secrète". Pourquoi ? Parce que déjà Ochaco ne pouvait pas encore totalement accepter le regard des gens s'ils la voyaient avec son "brutaliseur" du Championnat. Et Bakugo avait accepté pour d'autres raisons qu'il avait préféré taire...

- Oui, alors... (Ochaco sortit son téléphone et lui montra un emploi du temps) À chaque période marquée ici, on pourra se voir, mais il faudra qu'on soit tout deux sûrs du lieu et de notre disponibilité à chacun.

- Mouais, c'est un peu casse-gueule ton schéma, grommela-t-il, non sans bien étudier l'emploi du temps.

- Hé ! J'ai passé quatre heures à le faire ! se plait Ochaco.

- Donc pour toi, notre relation ne vaut que quatre heures d'investissement.

Aïe. Touché. Elle avait tendance à l'oublier depuis le Championnat, mais malgré le fait que Bakugo s'était un peu adouci avec ses thérapies, il restait une personne crûe qui disait ce qu'elle pensait, que ça fasse mal ou non ; d'un certain point de vue, on pourrait croire que c'était assez mauvais, mais elle était consciente qu'une bonne relation, comme son père et sa mère, ça se basait sur la communication.

- Excuse-moi, soupira la brune, suivi d'un geste de main vers son téléphone pour le reprendre, mais le blond l'écarta :

- J'ai pas dis que ce que t'as fait était mauvais. C'est juste que... (Bakugo rejeta un œil sur le téléphone, comme si l'appareil était coupable) Hrmpf, je sais pas, ça semble trop facile.

- T'as raison... (elle se gratta la tête, avant que son visage ne s'éclaire) Je sais ! Et si on le faisait à deux ?

- Hein ?

Elle remarqua qu'il avait rougi, et mit quelques secondes à se rendre compte de ce qu'elle venait de dire. Ils se tournèrent le dos à l'unisson pour cacher leur gêne, tandis qu'Ochaco répétait :

- À d...deux, c'est-à-dire par un emploi du temps en temps réel ! On se proposera des horaires et des lieux de rencontre, et... d'autres trucs si t'as envie !

- Q...Qu'est-ce que t'insinues ! balbutia un Bakugo avec un air entre l'agacement et la honte.

- Rien du tout ! se rattrapa-t-elle, avant de reprendre : On doit se débrouiller en attendant que les gens remarquent enfin à quel point t'es formidable.

Silence. Pendant un moment, elle crût qu'elle avait dit quelque chose qui l'eut vexé, alors elle se retourna pour s'excuser... Et tomba sur un baiser inattendu. Le plus étonnant, c'est que ses lèvres étaient d'une douceur indéfinissable, chaudes qui plus est. Elle faillit s'y perdre, avant de le repousser, le rouge aux oreilles :

- Arrête ! Qu'est-ce qui te prends ?

Bakugo cligna des yeux, avant de tourner son regard sur le côté, les joues en feu.

- Ta façon de me dire que je suis formidable, c'était... différent de ce que ces extras me lançaient.

Oh... C'est vrai : Bakugo était un gagnant, un génie bourré de talent et de motivation, donc il avait dû avoir son lot de lèche-bottes par le passé. Ochaco se demanda bien comment Deku avait été capable de gérer une telle tornade... Attends ; comment moi je vais faire ?

Elle y penserait plus tard ; pour l'instant, elle n'avait qu'une chose en tête... Elle attrapa brutalement le col du blond, son visage levé vers le sien pour croiser son regard rubis. Avec fermeté, elle l'embrassa une nouvelle fois, où elle sentit qu'elle avait l'avantage ; quand elle s'écarta, bien que toute émoustillée, la tête qu'il tirait était à mourir de rire :

- Geuuuh...

- Voilà ! Comme ça on est quitte ! rit-elle en lâchant de le col.

Et il ne put s'empêcher de répondre à ce sourire radieux.