- Ils sont plus forts que je ne le pensais, constata Joke en observant les écrans de diffusion avec un air étonné.
Shota cacha son sourire satisfait dans son écharpe ; il avait entraîné chaque jour ses élèves, et en plus ces derniers avaient démontré des trésors de volonté et de sérieux durant ces trois derniers mois. Normal qu'ils aient atteint un tel niveau !
- Tu leur donne quoi à manger ? rigola sa collègue.
- Ce sont pas des chevaux... (il soupira, avant d'ajouter) Les tiens n'ont rien à leur envier : efficaces, coordonnés et entraînés comme jamais.
- Oui, il sont forts ! (Surpris de cette déclaration, il tourna sa tête ; le regard de Joke était empli de fierté) Eux n'ont jamais lésiné sur les entraînements, et ils mettent du coeur à l'ouvrage. Pourtant, même si aucun d'entre eux n'a de désir strictement héroïque, on ne peut leur retirer leurs efforts méritoires.
- C'est une réalité qu'il faut accepter, compléta Shota en haussant ses épaules. Bon nombre d'entre nous font ça pour l'argent, la gloire ou la célébrité...
-...mais ça n'empêche qu'on sauve des gens, je sais (soudain, le regard de Joke se perdit dans le vague) J'aurais quand même aimé que l'un d'entre eux soit "noble".
- Crois-moi, grommela le professeur de la 1A, c'est un calvaire que de toujours courir après ces imbéciles idéalistes.
- Ha ha ! On dirait que ça sent le vécu !
Oh oui, tu n'as pas idée...
- J'suis super content de t'accompagner, Baku-bro !
- La ferme, Coupe Merdique !
Katsuki, Ochaco et Kirishima montaient l'échelle qui menaient sur le pont ; le rouge avait crû voir certaines personnes qui se battaient sur la structure, alors l'explosif avait sauté sur l'occasion, désireux de tester ses nouvelles techniques pour éclater du péquenaud.
- Parle-lui mieux, quand même ! fit Ochaco en gonflant ses joues, avant de se tourner vers Kirishima, derrière elle : Excuse-le, il est excité aujourd'hui.
- Arrête de dire des conneries ! répliqua le blond en sentant le rouge monter à ses oreilles.
- Ah, ton commentaire a fait mouche, Uraraka-san !
Katsuki grommela, mais ne rajouta rien de plus ; il voulait conserver son endurance une fois arrivé là-haut. Quand ce fut fait, il regarda autour de lui, surpris de ne voir personne.
- Hé, Coupe Merdique ! T'es sûr de ce que t'as vu ?
- 100% sûr, Baku-bro !
- Tsk... Pourquoi je t'ai écout...
- Baisse-toi ! cria Ochaco en plaquant Kirishima au sol.
Le blond ne fit pas seulement cela ; il s'accroupit en relâchant une violente explosion autour de lui, et vit une sorte de mini-masse de chair tomber au sol, à moitié cuite. Il se tourna vers Ochaco et la remercia d'un signe de tête, avant que la fumée ne disparaisse pour laisser apparaître...
- C'est le type de Shiketsu ! s'exclama Kirishima en se relevant.
Devant le gars gisaient des autres masses de chair, mais elles avaient une drôle de forme...
- Vous êtes de Yuei... grinça ce dernier, avant de déclarer : Je m'appelle Seiji Shishikura !
- Bakugo, regarde ! montra Ochaco en pointant du doigt le première année.
Ses bras étaient deux moignons en charpie, et c'est là qu'il comprit ; les masses de chair étaient couvertes d'yeux, de bouches et de cheveux... Des personnes repliées sur elles-même ! Katsuki se tourna vers les autres :
- Faites gaffe, son Alter peut nous changer en morceaux de chair !
- Oh, tu as compris ? (Shishikura prit un air sombre) Je t'ai longtemps observé pendant le championnat, Katsuki Bakugo...
- Hein ? cracha ce dernier, percevant la menace dans la voix du première.
- Tu es une honte pour Yuei ! (Le première avait l'air d'un fanatique, et déblatéra : ) Toi et tes semblables n'êtes pas dignes du plus grand lycée de héros, et pourtant vous vous pavanez tels des coqs en rut ! Cela m'insupporte !
Il montra du doigt Katsuki, et lui lança un regard noir :
- Tu es le pire d'entre eux : violent, discourtois, inapte à avoir des relations sociales stables !
Stables !
Stables...
"On devrait peut-être garder ça secret..."
- T'as dis quoi, sale merde ? gronda Bakugo en faisant crépiter ses paumes, les yeux déformés par la rage.
Les autres de sa classe frissonnèrent, pressentant que leur camarade allait bientôt montrer toute l'étendue de son désir de détruire l'adversaire. Le première, ignorant, haussa ses épaules avec un sourire hautain :
- Tu vois ? Incapable de garder son sang-froid, et impoli au possible... (il se campa sur ses jambes, des lambeaux de chair flottant au dessus de lui) Je vais t'apprendre une leçon de vie.
- CRÈÈÈÈVE ! hurla Katsuki en utilisant sa Vitesse Explosive pour foncer sur Shishikura.
Ochaco observa d'un oeil critique l'échange entre l'élève de Shiktesu et son petit ami. Au premier abord, le première avait raison : Katsuki était réellement une tare en matière de relations sociales. L'autre jour, il avait mis une heure à la remercier parce qu'elle lui avait fait un compliment sur sa tentative de blague.
Mais au fond de lui, et la brune le savait, c'était un affamé de la victoire.
Et cette faim qui le rongeait le rendait extrêmement fier, au point de blesser les autres qui ne saisissaient pas ou n'adhéraient pas à cette envie folle. C'était pour ça qu'il avait accepté Kirishima dans son cercle d'amis (il avait réussi à le lui dire après au moins trois minutes de silence, un soir où ils s'étaient embrassés en cachette) ; le rouge était inarrêtable, et possédait cette force de conviction que le blond respectait, similaire à sa propre faim.
Il fit exploser ses paumes et vola vers Shishikura. Kirishima s'avança, mais Ochaco l'arrêta d'un geste :
- Mais il va se faire avoir !
Elle resta silencieuse, une sueur froid glissant sur sa joue. Comment pouvait-elle vaincre un adversaire du type : "je te touche, je te tue ?". Dans un certain sens, c'était presque similaire à ce Tomura Shigaraki auquel Izuku avait été confronté aux galeries marchandes : tant que les conditions n'étaient pas remplies (les cinq doigts), on ne courrait aucun risque.
Elle réfléchit à toute allure, plongeant dans ses souvenirs du camp d'été pour trouver une tactique... Allez, n'importe quoi qui puisse m'aider !
...
C'était pendant le deuxième jour d'entraînement au combat au corps à corps ; Ochaco avait passé des heures à tenter de renverser Tiger, mais ce dernier était impossible à toucher, et chaque fois qu'elle tentait un coup, elle s'en prenait deux plus puissants.
Au bout d'un moment, elle s'était tournée vers Momo, la meilleure au corps à corps avec Akira, et lui avait demandé :
- Comment on peut vaincre un adversaire qui a un Alter au contact mortel ?
...
On utilise un leurre ! se rappela Ochaco. Elle tapota l'épaule de Kirishima, qui se tourna vers elle, et lui fit un signe de tête. En courant sur le côté, avec les explosions et la fumée, ils seraient moins visibles, déjà que l'autre était en plein combat contre une bête furie... Quand Ochaco vit le dos du première, elle fonça pour lui donner un coup de pied catapulté à pleine vitesse.
Elle faillit se faire toucher par un morceau de chair ; le type l'avait sûrement laissé là pour pouvoir couvrir ses arrières ; mais Kirishima la poussa sur le côté pour qu'elle l'évite. Merci, Kirishima-kun ! pensa Ochaco avec un sourire soulagé.
- Gwargh ! lâcha ce dernier en tombant par terre, avant de se faire plaquer au sol par Kirishima qui l'envoya au tapis en moins de deux.
- Pfiou ! (Ochaco se redressa, et tapota ses mains) J'ai bien crû que j'allais finir en charpie ! Merci Kirishima !
Pendant que l'autre lui faisait la pose traditionnel "pouce en l'air viril", elle se tourna vers Katsuki... qui avait l'air d'être médusé.
- Euh... Tout va bien ?
- Vous...Vous...
Il explosa presque littéralement.
- VOUS M'AVEZ VOLÉ MON COMBAAAT !
Elle le regarda avec un air ennuyé, avant d'entendre du bruit qui venait de derrière. Elle se retourna, pour voir que tous les concurrents s'étaient libérés de leur masse de chair.
- Bon, bah, on y retourne ! fit Kirishima en se durcissant.
- Allez ! cria Ochaco pour s'encourager, préparant à toucher ses adversaires pour les faire voler.
- Hé...
Elle se tourna légèrement ; Katsuki ne la regardait pas, mais il souriait. Avec un air qui ne lui ressemblait pas. Ou alors c'est à ça qu'il ressemble ? supposa-t-elle.
- C'était..., commença-t-il, toujours aussi maladroit pour donner des compliments.
- Ouiiii ? sourit malicieusement Ochaco.
-...c'était super ce que t'as fait tout à l'heure ; je pense pas que j'aurais pu gagner contre lui sans toi.
Elle se figea, et il tourna son regard vers elle ; c'était comme si le fait de le voir aussi déterminé l'avait rendu aussi affamé que lui.
- T'as intérêt à faire la même chose, et mieux ! J'ai pas besoin d'un poids mort.
Un sourire naquit sur les lèvres de la brune ; je n'ai aucun souci à me faire... Car je suis là pour lui, et il est là pour moi !
- Tu vas pas en revenir, lui assura la jeun fille, tandis qu'ils fonçaient en hurlant vers leurs adversaires.
Shouko était en train de boire de l'eau quand elle entendit la voix de Mera résonner encore une fois : trois nouvelles personnes s'étaient qualifiés, et il ne restait plus qu'une soixantaine de place. Elle espérait que les trois faisaient partie de sa classe, mais vu le niveau des adversaires, ça restait à voir...
- Eh, toi !
Elle se retourna ; c'était le type de Shiketsu, le grand qui avec les cheveux rasés. Il la regardait avec un drôle d'air ; une sorte de... colère sourde dormait dans son regard, et il avait l'air de vouloir en découdre.
- Oui ? fit Shouko, nullement intimidée.
- Tu... Tu...
Elle pencha sa tête sur le côté ; voilà qu'il tremblait comme une feuille, son visage passant de l'incrédulité à la confusion, en se mélangeant à l'émotion initiale. Un peu agacée, elle croisa ses bras et ajouta :
- Qu'est-ce que tu me veux, à la fin ?
- Ah ! Mes excuses ! (il s'inclina comme la première qu'elle l'avait vu, en écrasant sa tête contre le sol) Je pensais que tu étais Shoto Todoroki !
- Je l'étais, soupira Shouko. Maintenant, c'est Shouko Todoroki. Une attaque de vilain m'a fait... ça. Enchanté de te connaître.
- Tu... (il se redressa, l'air soudain soucieux) Tu te souviens pas de moi ?
Shouko leva un sourcil, et lâcha d'un air troublé :
- Je devrais ?
Le type de Shiketsu se figea, et c'est là qu'il commença à rire doucement.
- Même ton regard a changé, alors je devrais pas m'en soucier...
- Quel regard ? (Comme il commençait à partir, elle le retint par le bras) De quoi tu parles ?
Quand il se retourna, Shouko recula de quelques pas ; son visage n'exprimait qu'une profonde déception, et un soupçon très palpable de haine. Pourtant, et bizarrement surtout, elle sentait que ça n'était pas dirigé contre elle.
- C'est rien, juste... des mauvais souvenirs avec l'autre type. Désolé de t'avoir dérangé...
Il la laissa donc là, aussi confuse que le jour où elle avait appris d'Akira que les arbres communiquaient entre eux. Est-ce que j'aurais perdu la mémoire ? Non, c'était impossible : elle se souvenait très bien des journées passées à se faire battre par son père, à tenter de sympathiser avec Touya et Natsuo, et quand Fuyumi la prenait dans ses bras... Même le visage de sa mère était claire dans sa tête !
Elle remonta ses souvenirs avec précaution, mais lorsqu'elle tenta de se rappeler de ce type, rien. Pas le moindre indice sur son nom de famille ou son Alter qu'elle n'avait découvert aujourd'hui. Qu'est-ce qui se passe ? paniqua-t-elle en se plaquant une main contre son visage.
- Eh !
Elle sursauta.
- Tout va bien, Todoroki-san ?
Elle se tourna ; c'était Tokoyami, qui, d'ordinaire impassible, avait l'air inquiet. Reconnaissante que son camarade l'ait sorti de son état aggravé, elle lui sourit et secoua sa tête.
- Juste une insolation, j'ai trop utilisé mon Alter... (elle changea rapidement de sujet : ) Bravo pour ton passage ! Tu n'as pas trop galéré ?
- Un peu ; j'étais en forêt pour que Dark Shadow et moi aient un avantage, mais pas mal de gens m'ont fait des mauvais coups. Au final, j'ai réussi à en coincer deux et à les abattre (Son regard se perdit dans le vague) Je n'ai fait qu'un avec les ténèbres, c'était un plaisir symphonique.
- Ok... (elle tourna sa tête autour d'elle) J'ai vu Akira après qu'il soit sélectionné, mais il est pas encore rentré. T'as pu l'apercevoir ?
- Non, reconnut le garçon-oiseau. J'étais sûr qu'il serait arrivé avant tout le monde ; sans offenses !
- Aucun problème, soupira Shouko en se tenant la tête. Je te laisse, je vais prendre une aspirine.
Son camarade acquiesça, et elle le laissa dans la foule tandis qu'elle se dirigeait vers les toilettes pour aller vomir. Quand elle eut terminé, elle se barbouilla le visage d'eau pour regarder son reflet dans le miroir.
Elle hurla de terreur, bondissant en arrière. Une fille entra pour voir si Shouko allait bien, cette dernière lui assurant que c'était juste le stress, et la chassant d'un regard glacial. Puis, pour se calmer, elle respira tranquillement jusqu'à que les battements de son cœur cesse.
Là, dans le reflet, elle avait aperçu la pire immondice que le monde aurait créé. Le Mage, les Gardiens, les Skol'mok ou même les Autres auraient été moins effrayants...
La Chose l'avait retrouvé.
Akira, épuisé, s'affala contre un mur.
Il avait surestimé son endurance ; ouvrir une trentaine de portails, exécuter trois Stratosphéranges et garder activer pendant deux minutes son Sang Euphorique de l'Ange, ça l'avait drainé de fond en comble. Haletant, il prit quelques minutes pour reprendre son souffle, et baissa les yeux : son costume était en lambeaux. Il râla ; il en avait un de rechange, mais le fait que celui-ci soit détruit était la preuve qu'il allait devoir repasser au labo, et se faire enguirlander par Power Loader, ou Mei Hatsume...
Fatigué... Le monde tournoyait autour de lui, et il avait soif et faim. Pourtant, ses cibles luisaient et il devait rentrer au plus vite
- Tu veux un peu d'eau ?
- Oui, merci, fit le jeune homme en prenant la bouteille qu'on lui tendait, et but. Aaah, ça fait du bien... Mais...!
Il se tourna vivement, et reconnut immédiatement le visage de la personne à côté de lui ; rougissant comme une pomme, c'était la fille qu'il avait rencontré au championnat... et qui était là quand il s'était fait aspirer son âme par Jiki, dans la planque des vilains. La Ligue... Merde ! pensa-t-il, tendant de bouger, mais son corps ne lui répondait plus. Elle m'a drogué ?
Le monde tourna de plus en plus vite, tandis que le visage de cette fille s'approchait, s'approchait, et se fendait dans un large sourire de plus en plus inhumain. Un rire retentit, mais son cerveau était trop brouillé pour savoir si c'était le sien ou celui de la blonde.
Il tomba dans les pommes.
Quand Himiko était persuadée qu'Akira Arata n'était plus conscient, elle sortit son téléphone à clapet et dit :
- C'est bon, j'ai réussi !
- Bien joué, Himiko ! résonna la voix de "l'avocat-bizarre-homme-d'affaires" qui avait récemment prit contact avec la Ligue. Maintenant, cache le corps et bois une goutte de son sang.
- Une goutte ? s'étonna-t-elle en tirant Akira comme un sac à patates. Ce ne sera pas suffisant !
- Le sang de notre ami est différent de ceux que tu as déjà goûté ; si tu en bois plus, tu risques soit de ne plus jamais retrouver ton apparence, soit d'exploser !
Elle gonfla ses joues, agacée, mais elle allait quand même suivre le conseil du monsieur zarbi ; Tomura lui avait dit de faire confiance à ce type, sinon adieu les pépètes. Quand Akira fut bien dissimulé entre deux poubelles, elle planta une seringue et y récolta une goutte. Puis, elle porta l'outil médical au dessus de sa bouche ouverte, fit tomber la goutte et avala.
Oh.
Une explosion de saveurs, de couleurs et d'énergie surgit dans son corps. Avec une volonté écrasante, elle fit taire la douleur qui naissait en elle... mais qui fut vite remplacée par une félicité san pareille. Aaah, je me sens tellement légère... Sans même qu'elle eut besoin de faire appel à son Alter, elle se transforma directement en ce beau jeun homme.
Elle tâta son visage ; aucune imperfection, la transformation était parfaite. Pire, elle sentait déjà les souvenirs rémanents et les émotions du type couler en elle comme un fleuve de délices secrets... Ce qu'il pensait de lui, des autres. Son but, ses rêves, ses passions !
Son amour secret...
Elle aurait adoré pouvoir sentir ses vêtements, vivre dans sa peau, embrasser celle qu'il voulait embrasser... Je veux aimer encore plus ! se convainquit-elle.
- Toga...
La voix, glaciale et menaçante, la ramena à la réalité. Avec un soupir de regret, elle partit vers l'endroit le plus dense en personnes pour accomplir sa mission. Car, après tout, n'y avait-il pas meilleur façon de ressentir l'amour que de boire dans sa source même ?
