Jiro se pencha pour écouter les vibrations dans l'immeuble, mais rien. Elle avait pourtant crû entendre des bruits de pas qui se dirigeaient vers eux ! Elle se tourna vers Shoji et secoua sa tête. Asui-chan lâcha dans un coassement :

— C'est bizarre, j'aurais juré que des participants nous aurait cherché ici.

— Ils se sont peut-être dégonflé, râla Denki.

— Dans ce cas, trouvons-les nous-même.

La proposition de Momo fut accueillie par des hochements de têtes, et ils sortirent de la salle pour prendre les couloirs qui menaient vers l'escalier. En descendant, Jiro sentit une légère odeur de brûlée, comme des câbles électriques qui surchauffaient.

— Denki, tu… ?

— Ouaip, confirma-t-il, l'air inquiet. Va falloir rester sur nos gardes.

— Dépêchons-nous, fit Shoji.

Les cinq finirent de dévaler les escaliers à toute vitesse, quand ils tombèrent nez à nez… avec des cadavres en charpie. Devant cette vision d'horreur, Jiro ne put se retenir et vomit, suivie de près par Denki. Même si les autres n'avaient pas réagi aussi violemment, elle les sentait pétrifiés de terreur. Le silence ponctué de hoquets fut brisé par Tsuyu :

— Qui est là ?

Tous se tournèrent vers la direction de son regard, et dans la pénombre, une silhouette se dessinait. Petit à petit, leur vision s'affina, et l'horreur se dessina sur le visage de Jiro ; cette silhouette fine mais musclée, ses épaules larges, cette posture un peu penchée sur la gauche… Et cette tenue blanche et dorée dont les mains étaient couvertes de sang gouttant.

— Oh ? fit la silhouette de cette voix qu'elle voulait à tout prix écarter. Je ne vous avais pas vu, j'étais tellement absorbé dans ma mission.

— Merde ! jura Denki.

En un instant, le cerveau de la jeune héroïne se bouscula de possibilités qui auraient vu aboutir ce résultat impossible. Le ressentiment ? Il lui en avait touché deux mots l'autre fois, mais de-là à réagir de cette façon… Pourtant, il était violent avec Mineta, se rappela-t-elle tandis que leur camarade de classe se tournait lentement vers eux. Il est instable psychologiquement, c'est même lui qui nous l'a dit.

— Akira, tu n'es pas dans ton état normal, fit Tsuyu d'un ton calme. On va appeler les secours, et tout rentrera dans l'ordre.

— Elles respirent encore, indiqua Momo. Ce sont des élèves de Seiai !

— Tu n'as rien fait de mal, ajouta Jiro en s'avançant prudemment. C'est le stress qui a fait cela, les examinateurs comprendront, ils ont ton dossier médical.

Akira la regarda avec un air confus, avant de se mettre à sourire. Une courbure presque impossible, inhumaine qui faisait froid dans le dos. Jiro recula instinctivement.

— Vous m'avez laissé concourir alors que je suis « mentalement instable » selon votre référentiel stupide ? (il secoua sa tête, faisant claquer sa langue de désapprobation) Franchement, les héros me dégoûtent par leur manque de tolérance.

— Tu délir…

Un souffle passa à côté de Jiro, et elle sentit une vive douleur au bras… avant de constater que c'était Akira qui l'avait broyé dans sa main, se déplaçant à une vitesse bien supérieure qu'imaginée. Elle gronda de douleur, l'entraînement au camp l'avait fortifié mentalement. Elle croisa alors son regard : puits froid sans fond, sans substance. Pure malice dans un délice de souffrances inavouées.

— Je t'aime, petite héroïne, ricana-t-il en la lâchant sur le sol comme une poupée de chiffon. Maintenant, cours !

— Akira, non ! cria Momo, mais c'était trop tard.

Une lumière aveuglante jaillit des pieds du malade et balança un dropkick en direction de la blessée. Celle-ci se jeta sur le côté, ne prenant même pas le temps de faire une roulade et tomba sur son bras brisé, s'arrachant un cri de douleur. Une seconde plus tard, et elle aurait subi le même sort que le sol : pulvérisé.

— Quel plaisir ! J'ai l'impression de renaître ! s'extasia le costumé blanc aux mains pourpres.

Soudain, un sifflement dans l'air accompagnèrent la langue de Tsuyu et les bras de Shoji qui enserrèrent les pieds et les mains d'Akira, tandis que Momo plongea sur lui pour le renverser, et lui enfiler un casque opaque, l'empêchant d'utiliser son Alter, puis s'écarta pour laisser Denki sécher leur adversaire.

Une fois sûrs qu'il était hors combat, Momo déclara :

— Il faut qu'on s'enfuie avec les blessées !

— Je refuse ! rétorqua violemment Jiro, se levant malgré son bras blessé. On peut pas le laisser-là !

— Tes sentiments personnels n'ont rien à faire sur le terrain, répliqua sèchement sa déléguée.

Jiro ouvrit la bouche pour répliquer, mais Denki la prit par l'épaule, lui indiquant du regard qu'il ne servait à rien de débattre là-dessus. Sûrement consciente de sa rudesse, Momo ajouta :

— Nous n'allons pas le laisser juste ici ; vous autres, prenez-vos balles.

— Quoi ? (Denki, qui s'était rangé du côté de la déléguée, retourna sa veste) Tu vas pas lui ôter la chance d'avoir un permis provisoire, alors qu'il a même pas eu de stage !

Les autres étaient d'accord avec lui, mais… Encore faudrait-il qu'il soit capable de ne pas causer des ravages à la moindre incartade, pensa douloureusement Jiro. Étonnement, ce fut elle qui admit :

— Après tout, il pourra retenter sa chance l'année prochaine. Mais promets-moi qu'on le soutiendra de tout notre cœur pour qu'il se rétablisse.

—…pour qui me prends-tu ? souris tristement Momo.

Elle aussi ne souhaitait vraisemblablement pas la défaite de son ami, mais c'était nécessaire. À contrecœur, Jiro et Momo placèrent leurs balles sur les cibles d'Akira, le disqualifiant. La première était qualifiée, ne manquait plus que Momo.

— Tu es sûre que tu ne veux pas être qualifiée maintenant ?

— C'est gentil, Jiro, mais on ne peut plus revenir en arrière – elle sortit un portable de sa poche – j'appelle les examinateurs pour qu'ils viennent les chercher, lui et Seiai. Et puis…

Elle prit une balle et la pressa contre la cible d'une des élèves de l'autre école, choquant ses camarades. Sans prendre un ton justificatif, la déléguée déclara simplement :

— Nous sommes sur un champ de bataille ; ne gaspillez pas les opportunités qu'on vous offre.

Personne ne la contredit, tous la suivirent dans son geste ; être un héros, c'est aussi faire des sacrifices. Mais penchés sur l'horreur dans laquelle Seiai se trouvaient, ils ne remarquèrent pas la boue informe et incolore qui laissait glisser une petite blonde, se faufilant parmi les ombres pour s'enfuir de tout soupçon.

Cette manœuvre inutile, maladroite et peu orthodoxe allait tout de même chambouler le monde des héros dans sa totalité.


Akira se réveilla après avoir senti des gentilles secousses sur son épaule. Il cligna des yeux, pour constater qu'il s'agissait d'élèves d'Isamu, dont les cibles étaient vertes et qualifiés. Ces derniers le dévisageaient d'un air inquiet, celui l'ayant secoué lui demanda :

— Eh, tout va bien ?

— Bwah ? Où qu'on est ? (Soudain, la mémoire lui revint) La Ligue ! Il faut que je…

Oi, calmos ! L'épreuve est terminée, on t'a ramené jusqu'à la salle de transition.

Akira tourna sa tête de droite à gauche ; en effet, il était entouré d'une foule d'élèves attendant que la prochaine épreuve soit annoncée. Pour sa part, on l'avait assis sur une chaise le temps qu'il reprenne ses esprits. Après avoir remercié les élèves d'Isamu, il se leva et chercha en toute hâte sa classe, mais ne trouva que Todoroki-chan.

— Oh, c'est toi, lâcha-t-elle en le voyant s'approcher. Je t'ai vu avant de venir ici.

— La Ligue. Elle est ici.

Sa camarade écarquilla les yeux avec un mélange d'étonnement et de peur, et il ne se passa guère de temps avant qu'elle demanda :

— Ils t'ont attaqué ?

— Assommé, pour être exact – Akira jeta des coups d'œil furtifs autour de lui – Il se peut qu'un de leurs nouveaux membres se soit glissé parmi nous.

— Ce serait de la folie ! Aucun vilain ne serait assez idiot pour…

— Pas si ces derniers le sont effectivement. Ou alors ce sont des fanatiques sociopathes de Stain, et la Ligue s'en servirait, j'en suis certain. En tout cas, je me souviens du visage d'une fille, blonde avec des yeux mordorés… Merde !

Sous le regard confus de Shouko face à sa réaction, Akira paniquait ; il venait enfin de comprendre qui se cachait derrière ce traquenard. En tentant de retrouver son calme, il chercha (en vain) le reste de la classe, mais il n'y avait personne.

— Où sont les autres ?

— Je n'ai vu que Bakugo, Kirishima et Uraraka-chan. Le reste, je ne pense pas qu'ils sont passés.

Merde… Pourtant, Akira s'était persuadé de la réussite totale de sa classe, surtout avec des têtes comme Momo, Izuku ou même cette ordure de Mineta. Il se plongea dans ses appréhensions avec une telle intensité qu'il sursauta quand il entendit :

— Akira ?

Le ton qu'elle avait pris, un couteau chauffé à blanc lui taillada le cœur. Lorsque le jeune homme se retourna, ce fut pour croiser un regard effaré, ou effrayé ; il n'aurait su le dire. Aux côtés de Kyoka se trouvaient Momo, Denki, Tsuyu et Shoji, tous couverts de poussière et de sang. Anxieux, Akira s'approcha de sa petite amie, mais elle recula. Les autres le regardaient avec effroi.

— Qu'est-ce qui vous arrive ? et il se tourna vers Momo, qui prit un air désolé. Ce fut Denki qui répondit :

— On n'avait tort de te laisser faire ça.

Hein ? Akira tourna successivement la tête, pour ne voire que des visages empreints d'inquiétude ou de pitié… Et de peur. Non, non ! Pas encore. Il… Il devait leur expliquer !

— C'était la Ligue ! Ils ont un métamorphe dans leur escadr…

— ARRÊTE D'ÉVITER LA CONVERSATION ! explosa Kyoka.

Elle attira l'attention de tous les autres élèves, qui se tournèrent vers eux, interrogateurs. Akira, lui, se pétrifia sur place ; le visage de sa petite amie était déformée par la rage et la tristesse.

— Tu es malade, Akira-kun, ânonna-t-elle sur un ton plus calme, presque conciliant. On a eu tort de ne pas t'empêcher de participer à un tel évènement.

Elle s'approcha de lui, et il recula, les yeux écarquillés comme un animal sauvage.

— Cet examen est optionnel, tu le tenteras l'année prochaine. En attendant, tu dois rester calme.

— Je…

Impuissant, il entendit les murmures et autres messes basses qui s'échappaient de bouches candides mais cruelles, grignotant petit à petit toute porte de sortie ; on aurait dit que l'air commençait à se renfermer sur lui-même, l'emprisonnant dans un carcan.

— Akira, intervint soudain Momo avec un ton plus brutal. Ne panique pas, j'ai prévenu des gens.

— Vous me trahissez tous… ricana-t-il, preuve ironique qu'il perdait sûrement la boule. Vous vous liguez contre moi sans me faire confiance !

— C'est parce qu'on tient à toi qu'on ne peut pas te faire confiance… avoua Denki avec un sourire triste. Allez, fais pas d'histoires.

J'ai passé la première épreuve. Puis j'ai rabattu le caquet à ces magiciens de malheur, et voilà comment je suis récompensé !? Il recula de quelques pas, buta sur quelque chose ; derrière lui, il y avait Sato qui agrippa son épaule avec un fermeté paternelle. Akira blêmit quand il croisa son regard.

— Tout va bien se passer.

Une lueur dorée.

— LÂCHE-MOI !

Il se débattit et parvint à s'échapper de la prise, avant de le bousculer. Mais la foule était dense, comme un toile d'araignée dont le fabriquant n'était autre que ce petit salaud aux cheveux collants qui ricanait dans un coin. Akira l'entendait, ce rire. Sinistre et fou comme tous ceux qui avaient goûté au plaisir de l'omniscience.

Des mains l'empêchèrent d'aller plus loin, moites à cause de la fatigue ou autres. L'échappatoire, auparavant illusoire avait échappé à toute forme d'imagination. Pendant un bref instant, Akira envisagea la possibilité d'utiliser son pouvoir pour s'échapper, mais… Je leur donnerais raison. Des cris survinrent, mais les sons se firent indistincts, et les odeurs et images se brouillèrent. Quelqu'un avait peu être utilisé son Alter pour l'endormir.

Il sombra, encore. Avec amusement, il se dit que vu que ça devenait une habitude, il devait investir dans un coussin portable…