Dans son salon, Overhaul observait d'un œil ennuyé Tomura Shigaraki, puis tourna sa tête vers l'autre personne. Une gamine aux cheveux violets en forme de boules, qui tourna sa tête vers lui ; mis à part son apparence ridicule, son regard aux reflets dorés faisait froid dans le dos. Mais pour un yakuza, c'était juste un autre gros poisson. D'une voix traînante, il prit la parole :

— Je ne m'attendais à autant de visiteurs, c'est inquiétant… Et vous êtes ?

— J'ai vraiment besoin de me présenter ? le railla le gamin aux cheveux blancs.

— Mon nom est Mastermind, aussi connue sous le nom de Mineta Minoru.

— Pour l'autre type, je sais de quoi il en retourne, mais pour toi… (il croisa ses doigts gantés) Je n'aime pas quand je n'ai aucune info sur mes potentiels… associés.

— Je travaille pour la réponse.

Un tressaillement les parcourut, lui et ses Huit Préceptes. Même le gamin aux cheveux blancs se tétanisa. Pour Overhaul, la Réponse était un vilain presque aussi terrifiant que All For One, mais à la différence de ce dernier, c'est qu'il agissait bien plus rapidement tout en disposant de ses atouts comme de chaussettes. Dans le milieu du crime, ce type insaisissable s'était mué en légende, jusqu'à son arrestation miracle que tout vilain pensait être un coup d'éclat. Mais une mort en cellule ne pouvait pas permettre d'échappatoire ?

Apparemment, si. Et sa séide se tenait devant lui, à condition que ce ne soit pas une imposture…

Soudain, elle sortit de sa poche une enveloppe qu'elle tendit à Overhaul. Il la prit délicatement, et l'ouvrit. Une simple pièce de monnaie frappée d'un sigle.

— C'est quoi, ce truc ? demanda Shigaraki en se grattant le coup.

— Une preuve de ma bonne foi. Bien ! Maintenant que vous savez pour qui je travailles… (elle prit une mallette à côté d'elle, et l'ouvrit sur la table) Je vous donne un gage pour notre bonne entente.

— Mimic, ordonna Overhaul.

Son manager vint vérifier qu'il n'y avait pas de piège dans la mallette, avant d'affirmer de sa voix grinçante que tout était en ordre. Il la passa à son chef, qui en sortit des petits tubes remplies d'un liquide jaunâtre. Il y en avait six, chacun portant un nom de héros.

— Une solution que mon boss a préparé. Un pour chaque héros.

— C'est bien beau, mais… (il reposa le tube) Nous possédons déjà une solution qui fonctionne partiellement, et bientôt définitivement. Pourquoi s'embêter avec des capsules qui ne marchent que sur une personne en particulier ? J'apprécie le geste, mais vous comprenez…

— Arrêtez de m'ignorer ! gronda Shigaraki.

Immédiatement, tous les yakuza pointèrent leurs armes vers le chien de la Ligue. Overhaul lui coula un regard ennuyé, avant de dire :

— Gamin, laisse parler papa et maman et on te promet qu'on te lira une histoire.

— Mon boss considère que Tomura Shigaraki est un élément essentiel à nos plans, intervint la fille. Laissez-le s'exprimer, ou notre accord sera nul et avenu.

— T'as de la chance, gamin, la poulette vient de te sauver, ricana Mimic, arrachant des rires moqueurs aux autres yakuza.

Shigaraki, contrairement à ce qu'Overhaul croyait, ne répondit pas à la provocation. À la place, il déclara :

— Mon objectif est simple : détruire la société de héros. Pour y parvenir, je souhaite bénéficier de l'aide des yakuza.

— De même, fit la jeune fille quand le chef des Huit Préceptes se tourna vers elle.

— On ne marchande pas comme des poissonnières ; qu'est-ce que vous proposez ? répondit Overhaul.

— De vous envoyer dans un monde sans Alters que vous pourrez dominer, répondirent à l'unisson le grinçant et la minaude.


— Plus vite !

Akira s'élança le long du parcours. Il faisait froid, il était quatre heures du matin, et il allait finir par dégobiller son frugal petit déjeuner ; du pain sec, du miel et un petit shot de lait. Soudain, une poutre mouvante fonda sur lui, et il se tordit en arrière pour l'éviter de justesse… Avant qu'une autre ne fauche ses jambes dans l'instant suivant.

— Plus fort !

Il se releva, et fonça vers le punching-ball pour lui asséner un coup aussi puissant que possible… Mais épuisé comme il était, il n'atteint même pas un score au dessus des 100, alors que normalement il passait la barre de 500.

— On arrête !

Essoufflé, il se traîna jusqu'à Majestic, qui, dans son habituel pyjama, sirotait un thé noir au citron. Le héros secoua sa tête de dépit, et se tourna vers les autres élèves derrière lui :

— Vous pouvez me dire pourquoi le prodige ne s'en est pas sorti ?

— Je suis pas… Huff… un prodige…

— Il a trop compté sur sa mémoire des paternes du parcours, souligna Momo, toujours impartiale quand il s'agissait de critiques.

— Parfaitement ! (il se tourna vers Akira de nouveau) Tu utilises trop ta tête, et bien qu'en avoir dans la caboche, ça aide vraiment, tu ralentis quand tu réfléchis trop. Ne penses pas sans arrêt ; tente de ressentir ton environnement. Allez, recommence !

Akira acquiesça, et se plaça sur la ligne de départ. Ne pense pas, ressens. On aurait dit un vieux conseil de samurai bourré au saké… Il s'étira pendant que la machinerie antique se mettait en branle, et il commença à observer les…

— Ressens ! lui cria Momo.

Il sursauta, avant de sourire. Ressentir. Encore une fois, son cerveau démarra au quart de tour pour décortiquer le mot. Apprendre maintenant, tester plus tard ; ressentir n'était pas quelque chose de conceptuel, mais de physique. On avait des sens, et les réflexes faisaient le reste. Retenir le paterne servait pour un cours, mais là, on passait dans un entraînement qui pouvait se modifier au gré du bon vouloir de la machine.

Il s'élança, évitant le premier obstacle immobile. L'aléatoire prenait son sens dans l'accumulation d'une infinité d'événements déterminés. Aucun cerveau n'était assez puissant pour toutes les prendre en compte, mais les sens… Un courant d'air soudain l'étonna, et il s'arrêta dans sa course. Un poteau passa devant son nez. Là, où il aurait put percuter le jeune homme une seconde trop tard.

C'était comme le Déphasage, mais en plus dur. Il fallait être concentré à 100 % en permanence sans réfléchir, et ça demandait bien plus d'énergie que de peser le pour et le contre. Réagir, et non agir. Telle une feuille dans un tourbillon, il s'emporta entre les roulis, les glissades et les poteaux qui surgissaient d'on ne sait où, jusqu'à atteindre le sac de frappe.

Réagir. Son corps se tendit comme un roseau. Il sentit l'énergie accumulée lors de ses précédents bonds et esquives, densifiant son poids sur le côté gauche de sa hanche. Akira tournoya sur lui-même, avant d'aplatir le sac d'un coup de pied en marteau. La machine vibra sous le choc, et afficha ce score : 1000.

Akira sourit, et se rendit compte qu'il n'entendait rien d'autre que le son des battements à sa tempe. Le vent lui semblait lointain, et les vibrations du sol bien plus éphémères. Soudain, tout redevint à la normale quand il entendit :

— C'est bien ! Reviens ici.

Il revint vers son instructeur et ses camarades. Majestic regarda son portable, et montra le temps qu'Akira avait effectué : il avait gagné huit secondes.

— Que tu le veuilles ou non, tu es un prodige, sourit malicieusement le héros-magicien. Tu as senti ?

— Ressenti, répliqua-t-il au tac au tac, ce qui fit sourire l'autre.

— Les autres ! Je veux que vous fassiez mieux que lui.

— Mieux qu'un « prodige » ? s'étonna Ogata.

— Oui, mieux. Vous devez être des génies.

Akira vint s'asseoir et boire de l'eau, tandis que Sara se lançait dans l'entraînement, avec une agilité redoublée. Momo s'assit à côté de lui, des cernes sous son visage. Elle commenta :

— Cinq heures du matin, et toujours pas d'affaires…

— Le quartier est calme, vu qu'il est loin de la ville.

— Hmm… (soudain, elle changea de sujet :) Si je te pose des questions indiscrètes, tu mettras ça sur le compte de la fatigue ?

— Possible… Dis toujours.

— Tout se passe bien avec Kyoka ?

Akira cracha son eau avec abondance, attirant les regards interrogateurs de Majestic et Ogata. Momo pouffa, tandis qu'il s'essuyait la bouche.

— C'est petit, ça… Tu m'attaques quand je suis vulnérable ?

— « Soumettre l'ennemi par la force n'est pas le summum de l'art de la guerre, le summum de cet art est de soumettre l'ennemi sans verser une seule goutte de sang. »

— Sun Tzu serait fier de compter Creaty dans ses connaissances.

— Bien pensé, les compliments, mais je suis trop curieuse pour y succomber, sourit-elle malicieusement.

Il soupira, avant de dire :

— On s'est réconciliés, mais rien n'en ai sorti. C'est peut-être mieux comme ça, en fait…

— Je te connais bien ; tu t'attaches tellement aux autres qu' aller plus loin signifie pour toi leur faire du mal. Sauf que, contrairement à toi, tout le monde n'est pas en sucre.

— Je lui ferais du mal. C'est évident.

— Si tu pars de ce postulat, c'est normal que ça finisse de cette façon. Mais à en juger par toutes tes actions, tout ce que tu lui veux, c'est du bien.

Il tourna son regard vers elle, qui lui rendit un encourageant. Jouir d'un personnage aussi génial était vraiment sa plus grande chance, se dit-il en lui souriant.

— J'irais la voir ce soir.


Kyoka bailla bruyamment, avant de se servir une tasse de café. Elle n'aimait pas cette boisson sombre et amère, mais la sensation d'être réveillée en permanence était presque devenue un atout vital pour elle. Entre patrouilles, arrestations et sauvetages, elle dormait très peu, car les vilains agissaient aussi de nuit. Un bruit attira son attention, et elle regarda par la fenêtre.

— Ouvre ! fit Akira en tapant contre la vitre.

Elle sursauta, renversant son café sur sa tenue de héros. Pendant que l'autre se confondait en excuses, elle lui ouvrit la fenêtre.

— Tu aurais pu m'envoyer un message…

— Surprise !

Elle roula des yeux, avant de sourire. Revoir ce benêt lui fit le plus grand bien. Mais c'est lorsqu'il ouvrit les bras en grand qu'elle ne sut quoi faire à l'instant T. Indécise, elle resta là, à le regarder sourire, jusqu'à qu'il se fane dans une mine soucieuse.

— Tout va bien ? s'enquit-il.

— Fatiguée, avoua-t-elle en baillant de nouveau. Les journées sont rudes… C'est quoi toute cette saleté sur tes vêtements ?

— L'entraînement de Majestic. Il est sacrément physique, contrairement à ce qu'on pourrait penser. Et toi ? Ton supérieur te maltraite pas ?

— Non, il est sympa. Un peu trop m'a-tu-vus sur les bords…

— Tout pour te plaire, quoi !

— Qu'est-ce qui t'arrive, encore ? On dirait que t'as pété une durite… T'as rien pris d'illégal, j'espère ?

— Pas du tout ! Juste des conseils d'une amie…

Kyoka plissa des yeux, suspicieuse. Mais bizarrement, il n'avait pas l'air de préparer de mauvais coups… Tout du moins, la façon dont il la regardait était inhabituelle, pour ne pas dire un peu creepy ; il la dévorait des yeux. Et le pire, c'est que cela ne la gênait pas tant que ça. Oh et puis merde ! Elle s'approcha à grands pas de lui, le prit par le col et l'embrassa.

Tout explosa.

Un peu à la manière d'un fleuve qui éclate à cause d'un éclair. Ses sensations s'allumèrent d'une telle force qu'elle en eut le souffle coupé, son cerveau lui envoyant des signaux complètement irrationnels aux goûts insaisissables et fantastiques. Le goût de ses lèvres, un mélange de salé et de sucré, avec une pointe amer. Du café ? Quelle importance… Elle s'accrocha à elles, s'échinant à aspirer tout l'air de sa bouche.

La jeune fille le sentit tout d'abord surpris, mais il s'abandonna aussi vite. Il la prit dans ses bras puissants et la serra si fort qu'elle crût que son costume allait se déchirer. Sa langue échangea des mots inaudibles avec la sienne, des phrases qu'elle seule pouvait comprendre. Une indivisible cohésion naquit par ce silence éloquent, puis ils refirent surface, haletants.

Elle fit un geste kitch, presque dégoûtant de son point de vue ; réajuster une mèche de cheveux. Mais il faisait trop chaud, tout d'un coup… Ses cheveux prenaient la moiteur suintante de tous ses sentiments, débordant de son cuir chevelu en présage d'un raz-de-marée.

Son regard. Il était avide, avili par une journée de dur labeur. Elle aussi se sentait crade. Débonnaire, même. Mais c'était plus fort qu'elle ; elle revint à la charge avec plus de passion, brûlante de fièvre. Sa tête tournait, c'était enivrant, exaltant. Puis les descriptions se dissolurent dans un siphon sensationnel.

Le temps perdit de sa substance, seul le présent se maintint par la présence physique des meubles qu'ils dérangeaient, des respirations rauques. Ils jouaient à chat avec leurs bouches, prononcèrent des mots indistincts jusqu'à qu'Akira brise ce tintamarre de murmures amoureux.

— Je n'accepte aucun compromis ; toute entière je te veux.

— Arrête de faire le poète, souffla-t-elle en retour.

— Ça ne te plaît pas ?

—…j'ai une préférence pour les lyrics.

Tu t'es tourné pour m'entendre, et tu as dis : « si seulement pour aujourd'hui, je n'ai pas peur, prends mon souffle, prends mon souffle »

— Du Berlin, sérieux ? T'as aucune originalité…

— J'ai plus de place dans ma mémoire quand tu es là…

Au fur et à mesure de leur petit jeu verbal, leurs corps s'étaient rapprochés. Leurs vêtements entravaient ce contact. Kyoka était persuadée que si leurs peaux se touchaient, à la chaleur qu'elles dégageaient, ils allaient entrer en fusion. Mais ça valait le coup d'essayer.

D'abord, elle retira sa veste, toujours cherchant le souffle d'Akira qui faisait de même avec elle. Puis, lentement, il l'aida à enlever son T-shirt. Il sourit en riant comme un gamin :

— Tu es sûr que personne ne va nous voir ? C'est quand même la cuisine…

— Ils sont tous en réunion, ils ne remonteront pas avant une heure…

Ils rirent de leur bêtise, de leur prise de risque inutile et pourtant qui valait tout l'or du monde. Leurs mouvements furent bientôt pris en charge par cette furie invisible, quasi-divine, qui les emporta vers des mondes fluorescents aux formes hypnotisantes. Avec une force tranquille, il commença par toquer à la porte d'entrer. Même là, c'était un gentleman. Alors elle ouvrit. Et son esprit et son âme se mélangèrent dans l'élixir d'une jouissance suprême.

Miraculeusement, elle gardait le réflexe de ne pas crier, mais cela ne dura pas… Elle lança un cri de victoire. Oui, de victoire ; elle savait qu'elle avait enfin trouvé sa partie manquante, cette chose qu'elle avait si souvent critiqué. Au lieu d'un simple son percutant les murs, son cri résonna.

Elle ouvrit les yeux.

Ils étaient sur de l'herbe foisonnante, sous un dôme de coruscantes aux milles couleurs. Une pluie d'étoiles filantes ravit ses yeux pointaient vers le ciel, ce ciel froid et noir contrastant avec la chaleur du corps à ses côtés. Et c'est là qu'elle les vit.

La magie. Elle sut immédiatement que c'était elle. Tout autour, des petites bulles sautillantes scintillaient en titillant les deux danseurs fougueux. La jeune amante sentit les particules la frôler… Elles dansent pour nous ! pensa-t-elle à moitié délirante. Mais au fond, n'était-ce pas ce qu'il lui avait promis, ce soir où il lui avait tout raconté ?

« Je te montrerais comment je vois le monde quand tu es à mes côtés ».

Et chaque petite particule était emplie d'une félicité incomparable. Ces petites choses n'étaient que les canaux des émotions d'Akira… Les yeux de Kyoka revirent vers ceux qu'elle ne saurait quitter. Il la regardait avec une telle intensité que c'en était abrutissant. Se noyer dans ses yeux était sans doute la mort la plus délectable qu'on aurait pu lui proposer.

— Je t'aime, annonça-t-il comme pour se justifier.

— Je t'aime.

Trois mots. Lui, elle, ce qui se passait entre eux. Facile, et pourtant si compliqué. Soudain, la chaleur s'intensifia, et précipitamment, elle cria :

— Fais gaffe !

Comment briser un moment magique… Bien joué, Kyoka ! Mais on ne pouvait la blâmer ; elle était trop jeune pour tomber enceinte.

— J'avais prévu le clou du spectacle.

Elle ne le sentit pas partir. À la place, une drôle vibration naquit dans son ventre, et des lumières éclatèrent au dessus d'eux. Elle s'arracha de son regard pour voir : dans la nuit sombre, des myriades de disques dorés libéraient des minuscules feux d'artifices.

— Qu'est-ce que t'as fais ? demanda-t-elle, sincèrement époustouflée.

— J'ai ouvert un portail pour récupérer mon… hrmm… bref, et a utilisé mon Babiron no Sen no Mon pour le séparer, le surchauffant au passage pour le désintégrer. Sympa, non ?

— Je regrette d'avoir demandé ; c'est formidablement dégueulasse et bizarrement magnifique (elle se mit à rire quand il se retira pour se coucher à côté d'elle) Franchement, il se passe quoi dans ta tête ?

— Des tas de choses, mais je te le redis : quand t'es là, y a rien d'autres.

— Beau parleur, se contenta-t-elle de répondre en regardant les étoiles.

Puis elle tourna la tête vers lui, et vit à quel point son regard était magnifique ; un vert feuille qui reflétait le ciel nocturne ? On aurait dit que la forêt avait pris son envol. Il remarqua son regard, et le lui rendit. Elle sourit.

Ils restèrent là, à se regarder ou compter les étoiles filantes. La réalité les rattrapèrent quand le ciel se teinta d'un rose mauve à l'horizon. Kyoka lança :

— Au fait, comment on fait pour rentrer ?

À son air, elle savait qu'il n'avait pas pensé à ce détail. Elle soupira, se réconfortant dans la contemplation de ce magnifique lever de soleil. Et en profita pour coller sa tête sur son épaule, aussi.