33-Deux zombies
Jessie était à sa place habituelle, c'est-à-dire assise sur le bureau de Flack, et attendait d'ailleurs ce dernier, tout en se demandant si elle devait mettre la Phase Quatre à exécution aujourd'hui ou attendre un peu. Il lui restait encore quelques points à régler…
La jeune femme vit enfin son partenaire arriver et remarqua avec satisfaction sa tête de déterré. Youhou ! Sa nuit a dû être peuplée de rêves très perturbants…et plutôt intéressants…
Jessie (lui mettant une grande claque dans le dos à son arrivée) Salut, Donnie Boy !
Don (grommelant) Tu t'es toujours pas trouvée une chaise, Jessie ?
Ouch ! En tout cas, Flack était de très mauvais poil quand il n'avait pas fait sa nuit…
Jessie (avec humour, voulant le détendre) Mais j'aime bien ton bureau. Il est confortable…
Don leva ses yeux bleus cerné vers elle, visiblement irrité, et grogna. Bon, manifestement il ne lui dirait rien tant qu'elle ne lui tirerait pas les vers du nez… Ça tombait bien, c'était sa spécialité !
Jessie (se donnant un air concerné) Qu'est-ce qui t'arrives, Donnie Boy ? T'as pas l'air en forme.
Don : J'ai eu quelques soucis pour dormir.
Jessie : Cauchemars ?
Don (rougissant) Heu…
Bingo ! Elle avait réussi son coup !
Jessie (jouant l'intriguée) Non ? Quoi alors ?
Et Flack se referma comme une huître, à la grande déception de Jessie. Non, il ne pouvait pas lui en parler. Surtout pas de ça et surtout pas à elle !
Voyant qu'elle n'avait plus le choix, la jeune détective abattit sa dernière carte et son seul atout.
Jessie (croisant les bras) T'as rêvé de Stella, c'est ça ?
Flack releva alors la tête, surpris. Comment pouvait-elle le savoir ? Comment savait-elle pour ses sentiments envers Stella ?
Don (sous le choc, balbutiant) Que… ? Comment tu… ?
Jessie (avec un sourire malin) Tu t'rappelles de notre sortie au ciné ?
Don (grommelant, lui montrant son œil encore un peu bleui) Mon œil en a encore un souvenir…
Jessie : Ben…T'as fait une jolie et très intéressante déclaration…d'amour…
Don (stupéfait) Quoi ?
Jessie (l'imitant) « Stella…Je vous aime, Stella… ». C'est sûr que ça m'a pas trop plu…Tu t'en rappelles ?
Don (inquiet) Je…J'ai vraiment dit ça ?
Jessie : Ouais. Dans ton sommeil et en m'serrant dans tes bras. Ça fait toujours plaisir d'entendre le nom d'une autre…
Don (la saisissant par les épaules avec force en se levant de sa chaise) Tu lui as pas dit ? Dis-moi que tu lui as rien dit !
Jessie (levant les mains, étonnée par sa réaction) J'ai rien dit, juré.
« Mais j'ai prévu quelques plans pour vous réunir » pensa Jessie, amusée.
Jessie (reprenant la conversation en dégageant ses épaules de la poigne de Don) Alors ? Tes rêves ? Stella ?
Flack soupira bruyamment, finalement vaincu. Peut-être qu'en parler avec quelqu'un l'aiderait un peu et lui permettrait de se concentrer sur son travail…
Don (soupirant une nouvelle fois) T'as gagné…J'ai bien rêvé de Stella…Toute la nuit…
Jessie : Et elle faisait quoi dans tes rêves ?
Don (suppliant) Jessie…
Jessie (persuasive) Donnie Boy…
Don (soupirant encore, vaincu) Pas elle…Nous…
Jessie (plaisantant) Tous les trois ? Wow !
Don (lui donnant une tape sur le crâne) Mais non, andouille ! Moi et Stella !
Jessie (faussement dépitée) J'me disais aussi… (malicieuse) T'es un mec bien sage, toi, bien comme il faut…
Don (grommelant) Je me passerais volontiers de tes commentaires…
Jessie : Pour c'que j'en disais…Alors, que faisiez-vous dans tes rêves ?
Don (rougissant violemment) Heu…
Jessie (sur un ton de confidence) Tu peux m'le dire. Peu d'choses me choquent, tu sais…
Don : C'est bien là le problème. Et t'avoir pour confidente ne m'enchante guère…
Jessie : J'ai gardé ton secret jusque-là. Pourquoi j'en parlerai maintenant ?
Flack devait s'avouer que la jeune femme disait vrai : elle avait tenu sa langue jusqu'ici. Mais parler de ce genre de sujet à une femme, même aussi masculine que Jessie, c'était plutôt gênant et inhabituel…Pourquoi n'en avait-il pas parlé à Danny ? Parce qu'il le chambrerait jusqu'à la fin de ses jours…
Jessie (l'encourageant) Allez, Donnie Boy ! J'veux des détails !
Aïe, aïe, aïe ! La jeune femme était partie dans sa danse du scalp, ce qui voulait dire qu'elle n'allait plus le lâcher…
Don (hésitant) On…On était entrain de…
Jessie (buvant ses paroles) De ?
Don (bas) Faire l'amour…
Jessie : De quelle manière ?
Don (haussant un sourcil, interrogateur) Comment ça, de quelle manière ?
Jessie : C'était doux ? Pornographique ? Tendre ? Sauvage ? Amoureux ? Passionné ? J'peux encore continuer, si tu veux…
Don : Non, j'ai compris. Et tu peux déjà oublier pornographique…
Jessie : En effet…T'as utilisé le terme « faire l'amour » et pas « coucher ensemble », « s'envoyer en l'air », « bais… »
Don (l'interrompant vivement) Stop ! N'en dis pas plus !
Mais c'est pas vrai ! Cette fille n'avait donc aucune limite, aucune pudeur !
Jessie : Alors ? C'était comment ?
Don : Quelle fois ?
Jessie (amusée) Ho ? Y a eu plusieurs fois ?
Don : Oui. Et c'était différent à chaque fois…Mais il y avait toujours de…
Jessie (terminant à sa place) De l'Amour ?
Don (s'empourprant) Oui…
Ho…C'était si mignon…Jessie le trouvait adorable ! Ce grand détective tout intimidé par ce qu'il ressentait le rendait encore plus attachant et accentua son envie de réussir à les réunir.
Jessie : C'était plutôt agréable comme rêves, non ? Alors pourquoi ça t'a empêché de dormir ?
Don : Avec la farce idiote de Kaile d'hier, mes rêves sont devenus…criants de réalisme. J'avais vraiment l'impression de la toucher, de la sentir et je la voyais telle qu'elle est…Et je me réveillais en sueur…et…heu…
Jessie (le voyant baisser les yeux, embarrassé) Très en forme…Je vois…Mais, je ne comprends toujours pas…
Don : Stella est ma collègue et surtout mon amie. Et elle ne sera sans aucun doute pas autre chose…Je suis un gosse pour elle…
Jessie : Donnie Boy…
Don : Tu sais, j'ai déjà rêvé d'elle…Même, je rêve tout le temps d'elle…Mais jamais comme ça. C'était pas aussi fort, aussi intense, aussi…
Jessie : Vivant ?
Don (étonné qu'elle comprenne) Heu…Oui…Et maintenant, j'arrête pas d'y penser…Et je m'en veux de…
Jessie : De penser à Stella comme ça ? De la voir comme une femme ? Tu sais, la mettre sur un piédestal ne t'aidera pas à avancer avec elle…
Don : Laisse tomber, Jessie. C'est à sens unique…Il n'y aura jamais rien…
Jessie (posant une main compatissante sur son épaule) Don…
Don (avec un sourire triste) Inutile de me bercer d'illusions, Jessie…Faut juste que je m'adapte à ces nouveaux rêves. Ça prendra un peu de… (interrompu par son portable) Flack.
Alors que le détective commençait une conversation téléphonique, Jessie l'observa, peinée, remarquant pour la première fois la tristesse présente au fond de ses beaux yeux bleus malgré sa fatigue visible. Cela ne l'avait même pas effleurée que son partenaire en souffrait autant. Pourquoi hésitait-il ? A cause de cette sacro-sainte amitié ? De son âge ? Vraiment… Ok, elle allait forcer la dose ! Et la Phase Quatre devait se faire aujourd'hui par n'importe quel moyen !
oOo
Natalie était dans la salle de repos à siroter tranquillement un café, attendant qu'on l'appelle pour une enquête, un immense sourire heureux aux lèvres en se remémorant son rendez-vous avec Mac, quand Stella débarqua, visiblement épuisée.
Natalie : Bonjour, Stella ! (remarquant ses cernes) Vous allez bien ?
Stella (semblant seulement la remarquer maintenant) Ho, Natalie…Bonjour… Ça va, merci… Enfin…
Voyant la demande silencieuse de Stella, Natalie se rappela que sa jumelle avait fait d'elle la confidente de sa supérieure et finit donc par s'asseoir sur le sofa, l'invitant à la rejoindre, prête à l'écouter.
Natalie (un peu mal à l'aise) Que vous arrive-t'il ? Vous avez l'air tellement fatigué…
Stella (souriant faiblement) C'est parce que je le suis…J'ai fait des rêves assez… perturbants.
Natalie (innocente et intriguée) Perturbants ?
Stella fixa sa jeune collègue, surprise. Elle lui avait pourtant semblé plus mature, la veille…Là, on aurait dit une adolescente candide…Mais visiblement inquiète pour elle.
Stella : Oui. J'ai rêvé…De Flack. Toute la nuit…
Natalie commença à voir où était le problème et maudit sa sœur et ses plans idiots, n'osant même pas imaginer dans quel état devait être Flack… Stella semblait si bouleversée… Mais peut-être était-ce une bonne occasion pour lui poser des questions qui la travaillaient, elle aussi…Mais pas tout de suite…D'abord, Stella…
Natalie : Et…Qu'est-ce qu'il faisait ?
Stella (sachant par Mac à quel point Natalie était sensible à ce sujet) Disons qu'on pourrait interdire mes rêves aux moins de dix-huit ans… (voyant l'air effaré de la jeune femme, se défendant) Il n'y avait rien de répréhensible ! C'était très…amoureux et tendre…Et surtout, très vivant. (avec tristesse) A mon âge, après Frankie, je me berce encore d'illusions…
Natalie : Pourquoi penser que ce ne serait pas possible entre vous ? Regardez-moi. Je croyais que je ne serais plus capable de toucher un homme et pourtant…
Stella (souriant) Et je suis heureuse pour vous, Natalie. Mais ici, c'est différent…Flack et moi nous connaissons depuis longtemps…L'amitié est maintenant trop fortement ancrée entre nous…
Natalie soupira, ne sachant quoi lui répondre, totalement désolée pour sa collègue et maudissant son inexpérience. Elle ne pouvait pas l'aider ! Natalie se rappela alors la conversation qu'elle avait eue avec sa jumelle la veille, justement au sujet de Flack et Stella et de son « opération Cupidon ». Vraiment, elle ne comprenait pas sa sœur…
