68-Un véritable Ange Gardien

Jessie courait en direction des sous-sols et finit par apercevoir que les dégâts avaient été aussi importants à cet endroit de l'immeuble, ce qui la fit douter sur son choix : n'aurait-elle pas dû commencer par Don et Stella ? Avait-elle été réellement objective dans son choix ou son lien fraternel avait guidé son cœur et son instinct ?

Jurant pour interrompre toutes ces interrogations intérieures, la jeune détective se précipita vers la buanderie, lieu où se trouvaient ses deux collègues lors de son dernier coup de fil. Elle n'avait pas le temps de se culpabiliser, elle devait agir, point.

Une fois arrivée, Jessie vit avec horreur que de nombreux débris de ciment, de béton et d'autres matières bouchaient le passage, empêchant quiconque de rentrer et de sortir. Et merde ! S'ils étaient là, ça n'allait pas…Sa pensée fut interrompue par un bruit mat, puis un autre rapidement suivi d'un autre. Ils étaient là ! Et ils essayaient de sortir…

Observant rapidement les alentours, Jessie remarqua une grille d'aération sur le mur à sa gauche mais vit immédiatement que quelque chose clochait…Pourquoi de l'eau dégoulinait le long de ce mur ? Et ça semblait provenir de la bouche d'aération…

La jeune femme fut enfin rejointe par Danny, transportant les plans et du matériel de secours, et d'une petite équipe d'agents. Bon, il fallait prendre les choses en main et vite !

Jessie : Enfin ! Bon, écoutez-moi bien. Nous avons deux agents coincés dans cette buanderie !

Danny : Ok. (aux agents) Commencez à déblayer mais faites très attention. Les fondations ne sont peut-être plus très stables…

Les agents opinèrent de la tête et commencèrent leur travail avec rapidité et prudence, encouragés par les coups sourds portés de l'autre côté de ce barrage de béton.

Jessie se tourna de nouveau vers Danny, qui posait le matériel divers qu'il avait amené.

Jessie : Montre-moi les plans.

Danny (les dépliant et les étalant sur le sol) Voici le plan architectural et celui-là, c'est celui de tous les conduits de l'immeuble où passent l'eau, l'électricité et l'air. Voici ceux du sous-sol…

Les sourcils froncés, Jessie examina minutieusement les deux plans, les superposant, et se mit soudain à regarder en direction de la buanderie puis vers celle de la grille d'aération, les yeux agrandis pas la stupéfaction. Oh non…

Danny la fixa quelques instants en la voyant soudain si angoissée. Ça ne ressemblait pas du tout à Jessie…

Danny (intrigué) Jessie ? Qu'y a-t'il ?

Jessie (retirant son blouson et sa ceinture) Fais couper l'eau de ce putain d'immeuble !

Danny : Quoi ? Mais pourquoi ?

Jessie : Ils sont entrain de se noyer ! Grouille !

Danny (composant un numéro, observant Jessie) Jessie ! Mais qu'est-ce que tu fous ?

La détective ne prit pas le temps de lui répondre et commença à se préparer pour ce qu'elle s'apprêtait à faire. « Tenez bon, j'arrive… » pensa-t'elle, alors qu'elle prenait une bouteille d'oxygène avec un masque, emballait son arme dans un sac plastique parfaitement hermétique et étanche et qu'elle attrapait la hache fixée au côté d'une lance à incendie. Cet immeuble était peut-être vieux mais au moins, il était dans les normes au niveau sécurité…

Une fois tout ce matériel rassemblé, Jessie passa une corde dans les passants de son jean, attachant tout ce qu'elle venait de prendre, et se dirigea vers la bouche d'aération, arrachant avec une étonnante facilité la grille qui lui en bloquait l'entrée. Et avant que Danny ne puisse réagir et l'arrêter, la jeune femme grimpa à l'intérieur et se mit à ramper aussi vite qu'elle pouvait, traînant son fardeau derrière elle.

Danny (se précipitant vers le conduit) Jessie ! T'es cinglée !

Jessie (continuant son avancée) Pas l'choix, Danny ! Dépêchez-vous de déblayer, c'est tout !

Danny (protestant) Jessie ! JESSIE ! (frappant le mur de ses poings, se retournant et rejoignant les agents) Vous l'avez entendue ? Allez, on se dépêche ! On a maintenant trois agents en danger de mort !

Et tous redoublèrent d'effort, retirant le plus rapidement qu'ils pouvaient les blocs de bétons qui bloquaient le passage. Danny ne put s'empêcher de jeter un dernier coup d'œil vers la bouche d'aération où s'était engouffrée Jessie…

Danny : C'est de la folie pure, Jessie…

oOo

Jessie pestait contre l'abruti qui avait conçu cet immeuble tout en continuant à ramper dans le conduit humide et poussiéreux. Pourquoi avait-il décidé de faire ce foutu système d'aération en pente ? Déjà que ce n'était pas simple de ramper mais si en plus elle devait grimper…

La jeune détective finit enfin par arriver au coude plutôt étroit. « Ma vieille, t'as intérêt de te faire mince…et de réussir ton coup dès le début… » pensa-t'elle. Elle ne pourrait pas faire le chemin inverse…C'était vraiment un trajet sans retour. Mais Don était son ami, tout comme Stella, et elle n'était pas du genre à les abandonner dès qu'une difficulté pointait son nez…

Prenant une profonde inspiration et s'assurant que le matériel qu'elle avait pris était bien accroché, Jessie se glissa enfin dans le conduit, se faufilant dans le coude en se maigrissant au maximum, et passa enfin, tressaillant à l'incroyable fraîcheur de l'eau. Ho putain ! Elle allait choper la crève de sa vie ! Mais cela n'avait pas la moindre importance. Seuls Stella et Flack comptaient…

Le poids de la bouteille d'oxygène et de la hache l'aida dans sa descente et bientôt, la détective se trouva à flotter dans la buanderie et chercha ses collègues du regard. Elle aperçut alors Flack, étendu au sol, les yeux clos et ne semblant plus respirer. Non, elle ne pouvait être arrivée trop tard…

oOo

Stella continuait de frapper la porte avec son extincteur mais faiblissait peu à peu, l'oxygène commençant à manquer. « Désolée, Don, je n'ai pas pu…J'ai été incapable de te sauver… » se culpabilisa-t'elle. L'experte se tourna alors vers l'amour de sa vie et vit Jessie sortir de la gaine d'aération, surprise. Mais qu'est-ce qu'elle faisait là ?

Jessie retint ses larmes et chercha immédiatement Stella, sachant exactement ce que voudrait Don : si lui ne pouvait être sauvé, Stella devait survivre ! La détective la vit alors, bougeant à peine mais la fixant avec une immense tristesse, et la rejoignit rapidement, lui donnant le masque pour qu'elle puisse respirer et tenir le temps qu'elle règle l'autre problème. Et l'experte aperçut soudain une lueur de détermination dans les yeux vert ambré de Jessie. Elle les sauverait ! Elle les sauverait tous les deux !

La jeune détective lui reprit quelques secondes le masque pour prendre une bouffée d'air et se dirigea vers la porte, se collant au plancher. Elle attrapa alors son arme emballée dans le sac et colla le canon contre la porte. En principe, elle devrait pouvoir tirer plusieurs fois avant que l'eau ne rende son pistolet inutilisable et créer ainsi une petite brèche qu'elle pourra élargir à l'aide de sa hache.

Avant de tirer, la jeune détective regarda où se trouvait maintenant Stella et sentit son cœur se serrer en la voyant : la scientifique avait gardé son masque à oxygène, le passant à Flack toutes les minutes, et serrait le corps du jeune homme tout contre le sien, son visage exprimant une immense douleur. Un éclair de certitude traversa le regard de Jessie, qui reporta toute son attention sur la porte. Oh non ! Don Flack Jr ne mourrait pas aujourd'hui !

La détective put tirer six fois et attaqua enfin la brèche avec la hache. Jamais elle n'avait mis autant de puissance et de force dans un geste aussi simple…Mais la situation l'exigeait...À moins que ce ne soit son cœur ?

Enfin, la jeune femme réussit à faire un trou assez important pour que toute l'eau inondant la buanderie s'évacue. Mais il ne restait plus qu'à espérer que Danny ait fait couper l'eau, sinon ce qu'elle venait de faire ne servirait à rien…

oOo

Alors qu'il retirait un nouveau bloc de ciment, Danny vit de l'eau s'écouler à ses pieds et se douta que Jessie y était pour quelque chose. Heureusement, l'eau avait été coupée mais l'urgence était toujours là car vu la quantité qui continuait à couler le long du sol, des secours médicaux ne seraient pas de trop…

oOo

L'eau continua à s'évacuer peu à peu et enfin, les trois policiers furent au sec. Jessie se précipita vers les deux amoureux et vit Stella en pleurs. Mais la jeune détective refusait que Don puisse mourir et elle le savait suffisamment intelligent pour qu'il se garde une porte de sortie…

Jessie (prenant la scientifique par les épaules, l'obligeant à fixer son attention sur elle) Stella ! Qu'est-ce qu'il a fait ?

Stella (sanglotant) Il…Don…Il s'est sacrifié…Il s'est sacrifié pour moi…

Jessie (la secouant un peu) Comment ?

Stella : Il…Il m'a donné son oxygène…Tout son oxygène…

Jessie leva les yeux, jurant. Vraiment, Donnie Boy…

Stella (reniflant) Mais…Mais je crois qu'il…

Jessie : Qu'il quoi ?

Stella : Ses muscles se sont mis à avoir de violents spasmes avant qu'il…

Jessie : Tu penses qu'il a eu une crise d'hypothermie ?

Stella hocha la tête mais la jeune détective put voir que l'espoir avait déserté la scientifique. Mais ce n'était pas son cas !

La détective écarta Stella pour traîner Don au milieu de la pièce pour qu'elle puisse manœuvrer plus facilement puis ordonna à l'experte de la rejoindre.

Jessie : Couche-toi sur lui sauf au niveau de la poitrine. Il a besoin de chaleur.

Stella : Mais, je suis…

Jessie (presque avec colère) Fais c'que j'te dis !

Stella s'exécuta et Jessie commença le massage cardiaque et la respiration artificielle. C'était vraiment léger mais elle n'avait pas vraiment le choix…

Jessie : Allez, Donnie Boy ! Tu vas pas lâcher maintenant, pigé !

Jessie continua ses gestes, y allant avec plus de force, continuant d'encourager son partenaire, tandis que Stella frictionnait le détective vigoureusement.

Jessie insuffla une nouvelle fois de l'air à Don et en voyant le regard presque désespéré de Stella, elle avait vraiment l'impression de respirer pour trois : pour elle, pour Don…et pour Stella. D'ailleurs, celle-ci ne cessait de murmurer :

Stella : Don…Je t'en prie…Ne me laisse pas toute seule…J'ai besoin de toi…

Ces paroles redonnèrent une flambée de détermination à Jessie, qui mit encore plus de vigueur dans ses manœuvres de secours et elle crut même sentir un craquement sous sa main…Mais c'était sans importance…Flack devait revenir !

Jessie : Allez, merde, Don ! T'as enfin eu la fille ! Enfin, j'me suis fait chier pour qu'tu l'aies ! Me dis pas qu'tu vas l'abandonner maintenant !

Et comme si ses paroles étaient ce dont Flack avait besoin, le jeune homme finit par tousser fortement, crachant un peu d'eau mais respirant enfin, et ouvrit grand ses incroyables yeux bleus. Soupirant de soulagement, Jessie finit par s'asseoir sur le plancher humide de la buanderie, passant sa main dans ses longs cheveux trempés, tandis que Stella redressa Don pour le serrer contre elle, les larmes coulant à flot sur ses joues, répétant son prénom encore et encore et caressant ses cheveux noirs. Flack passa doucement un bras autour du corps svelte de la scientifique, surpris de se retrouver encore parmi les vivants.

Stella tourna son visage vers Jessie, souriante, et prit sa main dans la sienne.

Stella : Merci…Merci, Jessie…

Jessie : De rien…Mais, j'savais bien que Donnie Boy était un costaud…

Flack finit par la regarder à son tour, son corps encore secoué par des frissons, et lui sourit avec une immense gratitude. Elle l'avait encore sauvé…

Don : Merci…

Jessie haussa les épaules, comme si c'était la plus normal des choses. Il l'aurait fait pour elle, non ? En passant ces quelques mois avec eux, la jeune femme savait qu'aucun d'entre eux ne l'aurait laissée tomber si c'était elle qui s'était trouvée à leur place…

Soudain, un grand fracas fit sursauter les trois policiers et ils virent débarquer Danny et son équipe. Jessie ne put s'empêcher de rire, toute tension ayant quitté son corps et son esprit.

Jessie : Bravo ! La cavalerie arrive toujours en retard !

Don : Surtout si c'est Danny qui la dirige.

Danny (vexé) Dans ces cas-là, tu demanderas à quelqu'un d'autre de venir te sauver…

Jessie et Stella rirent devant cette nouvelle chamaillerie puis les secouristes vinrent enfin s'occuper d'eux. Don était encore faible et Stella n'était pas passée loin de l'hypothermie. Et malgré les protestations virulentes de Jessie, les secouristes la forcèrent à les accompagner pour les amener tous les trois à l'hôpital.

Et alors qu'ils s'installaient dans les ambulances, Don, allongé sur un brancard observa quelques instants Jessie et pensa : « On m'a vraiment envoyé le plus étrange des Anges Gardiens…Mais il est efficace… » Et le détective s'endormit doucement, enfin au chaud, la main de Stella étroitement serrée dans la sienne. Quant à Jessie, elle regarda avec satisfaction son petit couple et se dit à elle-même : « J'l'avais bien dit qu'il mourrait pas aujourd'hui… »