LEGEND OF WAR
Chapitre 4
~ Il est curieux que le courage physique soit si répandu en ce monde et le courage moral si rare. ~
Mark Twain
8h27, en direction des 4x4.
Jamais Naruto n'aurait pensé à remercier Saï un jour. Pourtant, intérieurement, c'est ce qu'il fit, et plutôt deux fois qu'une. Sa présence et son débit de paroles, même s'il ne discourait que de choses creuses et ayant peu d'importance, permettaient de meubler la conversation, bien mieux que Sasuke ou lui-même n'auraient pu le faire. En tout état de cause, le brun à la chevelure pourvue d'épis rebelles paraissait encore remonté par leur précédent échange musclé.
Juste avant leur départ, Naruto avait opté pour un autre chemin afin d'explorer la zone et de sillonner les environs. Un chemin bien plus long et sinueux que celui qu'ils avaient emprunté initialement, mais qui leur faisait bénéficier d'une large ouverture sur la ville et sur son périmètre sablonneux considérable. Ce détour leur coûtait foncièrement un temps précieux, voilà maintenant trois bonnes heures qu'ils marchaient sans s'arrêter et surtout sans rechigner malgré leurs bardas aussi lourds que le plomb. Mais le fruit de cet effort leur permettait de mieux appréhender le terrain et ses pièges potentiels : bosquets, crevasses, dunes… Tout fut passé au peigne fin au sommet des falaises qu'ils foulaient. Les principales qualités d'un militaire résidaient dans sa rigueur, sa curiosité et son adaptabilité. Ils n'en étaient plus à leur coup d'essai, de surcroît. Un manque de préparation ne pouvait être envisagé et le droit à l'erreur, non toléré.
À quelques kilomètres des véhicules, le blond menait de front la troupe, mais de temps en temps, il jetait un coup d'œil par-dessus son épaule, et cela pour constater à chaque fois que l'expression sur le visage de Sasuke restait irrémédiablement pareille : tête inclinée, regard fixe sur le sol, lèvres scellées et tirées vers le bas, comme si l'on y avait pendu un poids de part et d'autre.
Cette fois-là, lorsqu'il se retourna, Naruto fit particulièrement attention à la fente qui traversait complètement sa commissure sur la largeur. Cette dernière était rouge et boursouflée, vraiment pas belle à voir.
Peut-être avait-il un peu abusé, se dit-il fugacement.
Mais en y réfléchissant bien, tout cela ne se serait jamais produit si Sasuke n'avait pas transgressé son injonction. Le fautif, c'était lui, et par là-dessus, il l'avait sciemment provoqué. Pourquoi aurait-il dû s'imputer du rôle de responsable de cette cacophonie ? Sa branlée, il l'avait voulu, et Naruto n'était pas du genre à se laisser démonter par le premier emmerdeur venu. Ainsi, il finit par conclure que l'Uchiha l'avait bien cherché et son succinct regret s'envola avec la première bise qui passait par-là.
En revanche, son baiser demeura une source de questionnements sans fin. Jamais il n'aurait cru que ce règlement de comptes s'achèverait de la sorte. Tout démontrait l'inverse d'un baiser de cinéma… Mais un baiser restait tout de même un baiser. Et en vérité, il en était encore secoué.
Ça n'avait été qu'un bref moment, furtif, mais suffisamment long pour que son cerveau décompose chaque microseconde et vienne lui rappeler inlassablement le résultat de son analyse. Un goût ferreux, une sensation de brûlure, une texture souple et rebondie, mais râpeuse, quoi que délicate, peut-être légèrement veloutée, mais toutefois moins lisse et moins douce que les lèvres d'Hinata…
Hinata…
Tout à coup, Naruto se sentit rougir jusqu'aux oreilles et son cerveau se mit sur pause. Cela voulait-il dire qu'il avait trompé Hinata ?! Avec un homme ?!
Très vite, il secoua la tête et se racla la gorge.
Non. Non, ce n'était qu'un accident. Une absurde calamité. Il n'avait pas voulu que cela se produise, il n'avait pas cherché la bouche de Sasuke comme il quémandait les lèvres de sa femme, cela n'avait rien à voir ! Il n'avait pas souhaité qu'il se jette sur lui, pas plus qu'il n'avait désiré qu'il lui vole ce baiser. Lui-même n'avait pas songé à le faire ! En plus, il n'avait même pas aimé ça !
« Calme-toi. » pensa-t-il. « Tu n'as absolument rien à te reprocher. »
Et cela ne fut que la plus pure et stricte vérité. Un signal s'était-il allumé à l'approche de son subalterne ? Avait-il eu l'impression de se perdre dans ses lagunes noires ? Avait-il eu chaud ? Éprouvé des tressaillements ? Avait-il perçu le moindre désir s'étendre en lui comme le magma d'un volcan ? Non. Non, non et non. Du moins, il s'en convainquit farouchement.
Là encore, le seul coupable de cet événement ubuesque se trouvait être Sasuke. Sasuke et ses lubies farfelues, Sasuke et ses fantasmes insolites, Sasuke et ses préférences… Avait-il voulu l'initier ? Lui faire croire qu'il pouvait retourner sa veste ? Le persuader que l'herbe était plus verte ailleurs ? Le pousser à commettre l'irréparable ? Le convaincre qu'il se voilait la face et que ce baiser, il l'avait partagé et apprécié autant que lui ?
Ça, jamais ! Il contestait, réprouvait cette idée. Il ne serait jamais comme lui… et continuerait de l'accuser, de lui faire porter toute la responsabilité de cet acte.
Réconforté d'avoir déniché quelqu'un à condamner aussi facilement, autre que sa propre personne, il remonta fièrement son port de tête. Hinata n'en saurait absolument rien de toute façon… Il n'y avait aucune raison de s'alarmer. L'incident était clos et ne se reproduirait plus jamais.
À l'arrière, Saï eut un regard soucieux pour la nouvelle recrue de la section Kurama. Il n'était pas idiot, il avait bien compris qu'une échauffourée avait éclaté entre Naruto et lui. Il n'officiait pas sous ses ordres depuis aussi longtemps que Kiba ou Neji, mais il savait à quel point son commandant était irascible, à quel point il détestait le désordre et l'anarchie. Sasuke n'avait peut-être pas l'allure et le comportement de l'employé modèle à ses yeux, mais il avait bravé le danger pour lui sauver la vie. Il déplorait l'absence de considération de Naruto et son manque de gratitude. Sans son courage, il aurait peut-être perdu la vie.
S'il était un peu tête brûlée, elle était néanmoins bien vissée sur ses épaules. À vrai dire, Saï lui faisait déjà une confiance absolue. De plus, sa réserve et sa modestie lui donnaient un charme mystérieux et irrésistible, devant lequel il avait bien du mal à garder son calme. Oui, Sasuke avait réellement tout pour lui plaire, tant pis si Naruto décidait de lui mener la vie dure malgré toutes ses qualités, lui se sentait prêt à la lui rendre délicieusement agréable et aérienne. Ainsi, il se rapprocha discrètement du bel apollon et fit tout pour lui rendre le sourire. Il se pencha et, d'un pouce, caressa la balafre rougeâtre sur sa joue, le faisant involontairement sursauter.
« C'est sexy, les cicatrices. Il paraît que les femmes adorent ça. Je comprends pourquoi. Ça te donne un air de vilain garnement… Elles craqueraient toutes, c'est sûr. Mais dommage pour ces dames, il n'y a que moi qui puisse en profiter ! Si elles nous voyaient… Elles seraient capables de me tuer par jalousie… Tu ne crois pas ? » lui glissa-t-il avec un sourire suborneur, avant de reprendre sa main.
Médusé, Sasuke cligna plusieurs fois des yeux et lui rendit un regard circonspect.
« Je ne sais pas… La beauté, c'est subjectif… »
« Ouais… Sûrement. En tout cas, les femmes, ce sont de vraies vipères entre elles… J'ai plein de copines, mais si tu les voyais se battre comme des chiffonnières dès qu'il s'agit d'un mec… Ça frôle le ridicule. C'est bien pour ça que j'ai une nette tendance pour les hommes. Au moins avec eux, ce n'est pas prises de tête, mais souvent galipettes. Beaucoup plus sympa. »
En d'autres circonstances, cette réflexion l'aurait fait pouffer, mais Sasuke n'était clairement pas d'humeur. Saï faisait pourtant tout son possible pour le divertir, il le voyait bien et apprécia sa mansuétude. Toutefois, il avait beau essayer de jeter ça aux oubliettes, la brusquerie de Naruto le blessait plus qu'il ne le voulait. Dire qu'il n'avait même pas eu l'occasion de lui réitérer dignement ses excuses… Ou plutôt, l'Uzumaki ne l'avait pas autorisé à le faire décemment. Nul pourparlers, ou abaissement des armes… Son seul recours semblait être continuellement la violence, et seulement la violence… Une voie difficile à comprendre pour Sasuke, qui privilégiait toujours une bonne discussion plutôt que l'usage des poings. Naruto adoptait toujours une attitude à la fois défensive et agressive envers lui, et cela depuis qu'il avait déposé un pied au camp de base. S'il avait tenté de le taquiner un peu, il se rendait bien compte que cela ne s'en tenait pas à une histoire de compétition entre celui qui possédait la plus grosse bite, mais bien à un réel problème de confiance et peut-être même à un problème lié à son égard pour la gent masculine.
Ressentait-il du dégoût pour lui ? Cette question lui fit tordre le nez. Peu probable… Il avait assurément outrepassé ses droits en lui imposant ce bouche à bouche idiot et incontrôlé… Mais son expression lui avait plutôt paru… effarouché. Sans compter que Saï venait de lui signifier aussi son orientation. De ce qu'il avait vu, Naruto le traitait normalement, et non comme un paria de la société. Une preuve de plus qui le disculpait…
Mais alors quoi…
En toute honnêteté, il manquait d'hypothèses. Naruto était un mâle alpha, ça se sentait à plein nez. Sans doute ne supportait-il pas son insoumission, son leadership naturel... ou peut-être était-ce seulement sa face qui ne lui revenait pas. Mais qu'il le veuille ou non, le Sergent-Chef n'aurait pas d'autres choix que de l'accepter : la mission ne faisait que commencer dans ce désert inhospitalier.
Voyant que Sasuke se creusait durement la tête, et il craignait de savoir pourquoi, Saï tenta de le rassurer.
« Tu sais, les gars avaient raison l'autre jour : Naruto n'est pas facile à vivre, mais c'est un bon chef d'équipe. Il n'aurait pas dû te cogner, bien sûr… Mais ne lui en tiens pas rigueur. Marche dans son sens et il te laissera tranquille. Tu verras, ça se tassera. »
Cette fois, Sasuke ne put réprimer un hoquet moqueur.
« Tu parles… Hors de question. Je ne suis pas une serpillière sur laquelle il aura le loisir de s'essuyer les pieds quand bon lui semble. Qu'il me cogne encore, s'il en a envie, je ne me prosternerai pas devant sa Seigneurie. Ça n'est jamais arrivé et ça n'arrivera pas de sitôt. De toute façon, il a décidé de me pourrir l'existence. Cet abruti est dépourvu d'intelligence. Il n'écoute pas les autres. »
De son côté, Saï éclata de rire.
« Merde… Je suis foutu avec vous deux… Comptez pas sur moi pour me mettre au milieu. Je compterai les points, mais c'est tout ! »
Sasuke s'autorisa un rictus, et même un reniflement sonore, qui gagna immédiatement le cœur de Saï, lequel ne cessait de s'abreuvoir à la source intarissable de l'admiration.
«… Dis, Sasuke… Quand on reviendra de mission… » poursuivit le jeune soldat, plus timidement. « J'aimerais beaucoup t'inviter à boire un verre… et pourquoi pas à dîner… ? Je connais un coin vraiment chouette à Konoha, très chic et… Ça me ferait plaisir. Si ça te dit… »
Confondu, Sasuke préféra d'abord se taire, étudiant d'un œil oblique son camarade, et perdit très rapidement le sourire. Le jeune caporal était flatteur, nul besoin de notice pour comprendre où il voulait en venir. Être courtisé, Sasuke en avait l'habitude : Dame Nature lui avait ratifié beauté naturelle et élégance ; même dans sa tenue officielle, il resplendissait comme un joyau sous l'éclat du soleil. En revanche, malgré toute la gentillesse que déployait Saï pour lui plaire, sa proposition tendait à se solder par un échec. Aussi charmant était-il, Sasuke préférait voir en lui un compagnon d'armes affectueux, hilarant et téméraire, plutôt qu'un éventuel amant.
« Saï… Tu sais, je… »
Malheureusement, il ne put terminer sa phrase. Cinq mètres plus en avant, Naruto stoppa franchement sa progression et leva le poing pour les informer de faire de même. Aussitôt, ils s'exécutèrent et les deux hommes singèrent leur chef en saisissant leur fusil à deux mains. Le blond plaqua un œil contre sa lunette et la dirigea vers leurs véhicules dont ils se rapprochaient, mais surplombaient toujours. Il ne lui fallut que quelques secondes pour distinguer une silhouette blanche près du coffre de l'un d'eux.
« Cible à dix heures. » les avertit-il. « Putain… Qu'est-ce qu'il fout ce con… ! Magnez-vous le cul, on y va ! »
Ni une, ni deux, Naruto rengaina son arme et pressa le pas pour rejoindre au plus vite les blindés, la mine aussi inquiète que belliqueuse, pestant à tout bout de champ contre celui qui avait nettement l'air de préparer un mauvais coup. N'en n'avaient-ils pas eu assez, la veille, lorsque Saï avait manqué de se faire exploser, et eux avec ?! À sa botte, ce dernier et Sasuke suivirent, accélérant au pas de course derrière lui.
Malgré sa carrure baraquée, Naruto filait comme une flèche pour abolir les derniers kilomètres. Devant un rocher d'une hauteur de trois mètres, il n'hésita pas à sauter et atterri à pieds joints avant d'accoler son dos à lui afin de se fondre au mieux dans le décor, fléchissant ensuite les jambes pour observer l'individu rodant toujours autour des 4x4. Plus que quelques mètres les séparaient, et Naruto avança prudemment, le tenant en joue, menaçant.
Peu de temps après, ce fut au tour de Saï et Sasuke de désescalader l'obstacle. Et lorsque l'Uchiha constata que '' l'ennemi '' n'était autre qu'un adolescent, ses yeux s'écarquillèrent. Il héla le blond, mais bien trop tard, celui-ci, pointe de fusil braquée, hurlait déjà sur le jeune homme, qui, pris par surprise, tomba les quatre fers en l'air, avant de dresser deux mains disculpes devant son visage apeuré.
« QU'EST-CE QUE TU FOUS ?! QU'EST-CE QUE TU FOUS PUTAIN ?! »
Entre le garçon à terre et le Sergent-Chef, ce ne fut que littéral charivari. Naruto s'égosillait à tue-tête dans un timbre éraillé, exigeant des explications, quand l'adolescent en faisait tout autant, mais dans un langage différent. Finalement, Sasuke s'interposa entre eux et haussa également le ton pour crier plus fort que les deux autres.
« Stop, stop… STOP ! »
Le calme reprit peut-être ses droits, mais Sasuke incarnait désormais la cible du regard assassin de Naruto.
« Bouge de là. » le somma-t-il une première fois.
« Oh non… » soupira Saï en roulant des yeux, conscient qu'un nouveau scandale allait éclater entre ces deux-là.
Mais Sasuke s'ancra bien au sol et refusa de s'en désolidariser, soutenant la paire de billes cobalt qui le fusillait. Puis il regarda furtivement le jeune homme derrière lui, tremblant comme une feuille et exprimant de petits couinements, avant de revenir jeter une œillade obstinée à son supérieur.
« Non. Regardez-le. Vous l'effrayez. »
Naruto inspira profondément et réitéra son ordre, l'accentuant cette fois d'un mouvement sec avec son arme à feu.
« Bouge ! »
« Ce n'est pas un ennemi ! » insista Sasuke.
« UCHIHA ! DÉGAGE DE LÀ ! »
« NON ! »
Leurs cris résonnèrent dans l'erg. Ils transpiraient à grosses gouttes, s'affrontaient visuellement, étaient encore à deux doigts d'en venir aux mains. Mais après une bataille acharnée de gros yeux et de respirations cadencées, Naruto capitula et se détourna en jurant comme un charretier.
« Putain de merde, Uchiha, j'te jure… Tu perds rien pour attendre. »
Attendant que la menace soit réellement écartée, Sasuke pivota après quoi vers le jeune adulte en vidant l'air de ses poumons. Ce dernier, vêtu très légèrement d'un poncho rapiécé, d'un pantalon en toile blanc et d'une paire de sandales délabrées, n'osait toujours pas bouger un cil, de peur de recevoir une quelconque correction. Le brun devina sa crainte et sentit se déployer en lui une vague de tristesse. Ce gamin malnutri ne venait pas piéger leurs véhicules, non… À en juger par l'attirail qu'il transportait, à savoir un pauvre bidon qui avait, semblait-il, probablement vécu les premières minutes de l'ère planétaire et un bout de tuyau rafistolé, le but de sa visite se tenait plutôt à vouloir siphonner leurs réservoirs.
Sans brusquerie, Sasuke s'agenouilla et posa doucement son fusil derrière lui, prenant ensuite entre ses doigts le drain à gauche de l'enfant tremblotant pour l'examiner, veillant à maintenir un contact oculaire rassurant.
« Mazout ? » interrogea-t-il d'une voix amicale en lui désignant le tube.
Immédiatement, le Sergent vit ses yeux s'illuminer.
« Mazout, mazout ! » lui répondit-il en hochant la tête.
Sasuke acquiesça à son tour.
« Vous voyez. C'est de l'essence qu'il veut, pas poser une bombe. » signala-t-il à Naruto, un peu bêcheur.
Le blond, qui avait pris ses distances, grinça des dents et renifla juste dédaigneusement.
« Ah oui ? Qu'est-ce que t'en sais ? Il a peut-être une ceinture explosive sous son chandail, t'es allé vérifier ? »
Dépité, l'Uchiha secoua la tête.
« Vous êtes irrécupérable… Il n'y a pas que des kamikazes sur Terre, arrêtez de voir le mal partout. Ce gamin a juste besoin d'un peu d'aide. »
Ainsi, Sasuke se remit sur ses jambes et gagna le coffre de l'un des blindés, avant de se tourner vers le chef de la section Kurama.
« Ouvrez le coffre. » demanda-t-il.
« Jamais. Je t'interdis de lui fournir la moindre goutte d'essence. » menaça Naruto en se rapprochant. « Je vais le mettre aux arrêts et lui faire cracher tout ce qu'il sait. Il vient forcément de cette savane. Il connaît sans aucun doute la faction ennemie. »
« Non, vous ne ferez pas ça. » continua Sasuke sur un ton neutre, mais qui ne laissait pas place à la négociation. « Ouvrez le coffre. S'il vous plaît. »
Une grosse veine visible apparut sur la tempe de Naruto. Lentement, la moutarde lui monta aux narines.
« Qui te dit qu'il n'est pas à la solde des terroristes ?! T'es complètement malade ! L'épisode d'hier ne t'a pas suffi ?! Je vais lui flanquer une bonne raclée et après ça, on avisera ! Maintenant, tire-toi ! »
Mû d'une colère noire, Sasuke alla se coller quasiment contre le nez de l'Uzumaki et contracta tous les muscles de son visage en pointant un doigt catégorique vers les dunes.
« Vous voulez vraiment faire ça devant sa mère ? Oui, vous avez raison, montrez-lui donc quel genre d'homme vous êtes : un excité qui use et abuse de la brutalité, un mufle qui ne comprend que la violence. Allez-y ! Faites-le ! »
Naruto, qui s'échauffait pourtant sur place, coulissa son regard vers l'endroit indiqué par Sasuke. Et en effet, assise sur les talons et les mains jointes, une femme semblait prier pour le garçon toujours à moitié étendu qu'il retenait sous son emprise.
« L'observation du terrain. Voilà une qualité que vous devriez mettre plus en avant, au lieu de jouer les gros durs à longueur de journée. Vous savez parfaitement quel effet vous procurez et vous profitez du fait d'inspirer la terreur pour placer tout le monde sous votre coupe. » cracha sans vergogne Sasuke. « Si vous touchez à ce gosse, je m'interposerai jusqu'à ce que sa mère arrive pour vous foutre la décalottée que vous méritez. »
Réalisant son excès de zèle, le blond se pinça les lèvres pour ne pas répliquer… parce qu'il n'eut tout simplement rien à ajouter. Cette fois, Sasuke lui avait clairement cloué le bec. Toutefois, pour ne pas perdre la face, il se permit de répondre en cahotant la tête :
« …Très bien, comme tu voudras Monsieur le Justicier, file-le-lui, son essence. Retiens une chose : on n'en a pas terminé, toi et moi. Je t'avais prévenu, qu'il fallait pas me chier dans les bottes. »
Joignant les gestes à la parole, Naruto lui jeta quasiment les clés du char de combat en plein visage, lesquelles tombèrent dans le sable brûlant, et s'éloigna.
À l'ombre d'un cactus, le Sergent-Chef observa la transaction se faire. Mais ce qu'il fixait véritablement derrière ses lunettes fumées, si longuement qu'il aurait pu lui trouer la peau, n'était autre que Sasuke. Il affichait un délicat sourire lorsqu'il tendit l'un de leurs jerrycans au jeune nomade, devenu bien plus fringant depuis qu'il s'était écarté du groupe. Coincé sur cette bouche abîmée par sa frappe, Naruto ne s'en dépêtra pas. Si d'un côté il avait eu extrêmement envie de la meurtrir encore, voir tant de volupté sur elle occupa continuellement son esprit. Tantôt pressée, tantôt léchée, tantôt mordillée, il n'en perdit pas une miette. Il voulait le détester, le haïr d'être aussi opiniâtre et insolent, mais dans son corps, il se passait quelque chose de tout à fait inédit.
Il en avait connu de toute sorte, des recrues. De l'aspirant prétentieux sorti de l'école, qui croyait avoir tout vu et tout fait, au sous-officier maladroit qu'il fallait constamment couvrir parce qu'on l'avait pris dans les bureaux pour ''dépanner''. Mais Sasuke était d'un genre nouveau.
Il avait raison, à la seule force de sa voix de baryton, il terrifiait le monde. C'était un sentiment de puissance inégalable, mais Sasuke n'y était absolument pas sujet. Il le défiait, encore et encore… et refusait obstinément de lui être inférieur.
Si l'admettre était inconcevable, et il avait beau le récuser à tort et à travers, Naruto prit bien conscience que l'Uchiha faisait naître en lui un sentiment d'intérêt. Juste une pointe, une étincelle… mais pourtant bien présente.
En se tordant les lèvres, il réarrangea ses bras contre son torse. Sasuke le perturbait autant qu'il l'asticotait … et le rendait curieux. Au fond de lui, un match entre tous ces chambardements s'était engagé. Et cela, il l'ignora.
Ce fut l'heure des au revoir pour Saï, Sasuke et le jeune vagabond. Déjà à mi-chemin, précieux cadeau contre lui, il fit de larges mouvements de bras dans leur direction pour les saluer avant d'aller rejoindre sa mère en de petites foulées. C'est avec une grande satisfaction que Sasuke admira leurs retrouvailles au sommet du tertre doré, tel un tableau presque magique, peint à l'aquarelle. Solennellement, la femme, bras tendu d'une part, porta ensuite une main à son cœur pour les remercier avant de disparaître avec son fils, mettant un point final à l'immense sentiment de devoir accompli qui régna en Sasuke. Cette rencontre tranchait avec celle qui s'était achevée par une tragédie. La guerre n'était-elle que ceci ? Horreur et effroi ? En s'inclinant respectueusement devant cette désertoise, il eut l'espoir d'apporter à ce pays en belligérance un peu de répit.
Auprès du Sergent, l'engouement de Saï s'intensifia. Sasuke était un véritable modèle de munificence. Il possédait ce don peu commun d'être proche de l'autre sans même le connaître et d'inspirer confiance en un coup d'œil. Saï n'aurait pu contredire ce point-là : avec Sasuke, il se sentait pleinement en sécurité. Il était peut-être moins trapu que Naruto, mais il se persuada que ses bras devaient être tout aussi, et sinon plus, d'une force incroyable et ses épaules, un endroit agréable où déposer sa tête.
À cette pensée, le coin de ses lèvres s'éleva et comme précédemment, d'une pression de phalange, il vint caresser la pommette amochée, surprenant encore son aîné.
« Je suis heureux de t'avoir rencontré. T'es incroyable. »
Si Sasuke resta totalement interdit, affichant seulement deux mirettes ébahies, en arrière, comme agitée par un spasme, l'une des mains de Naruto chiffonna spontanément la manche de sa veste retroussée jusqu'au coude. Son ciel intérieur poursuivit son assombrissement quand son caporal fit glisser entre ses doigts une longue mèche noire bleutée appartenant à Sasuke, riant de la réaction sur le minois de ce dernier. Ce rire… il le trouva insupportable à écouter.
Mais ils n'eurent pas plus le temps de bavasser ou de médire. Un son assourdissant mit leurs sens en alerte. Tous les trois levèrent la tête et la tournèrent à gauche et à droite pour tenter de savoir d'où il provenait. Puis, précipitamment, ils virent revenir dans leur direction cette mère et ce fils qu'ils avaient aidé.
Celui-ci leur hurla dans sa langue quelque chose qu'aucun d'eux ne comprit. Mais ses amples balayages de bras leur indiquaient de s'éloigner… de fuir. Le son se rapprocha. Et avant qu'ils ne puissent prendre la menace au sérieux, derrière la dune, quatre motocross avec un homme cagoulé pilotant chacune d'entre elles cheminaient à vive allure jusqu'à eux.
Tout à coup, les premières salves en rafale débutèrent. Et en réaction, Naruto hurla :
« À COUVERT ! »
La riposte fut instantanée. Planqués tous les trois derrière les tanks, les mitrailleuses délivrèrent des dizaines de balles fulgurantes en réponse.
Au milieu de cette bataille soudaine, l'adolescent et la femme courraient pour échapper à ce canardement. Mais la pauvre, n'ayant aucun endroit où se cacher, se trouva être une cible facile dans cette zone de tir, mais surtout une victime d'une balle perdue. L'une d'elles, provenant de l'ennemi, la toucha à l'épaule, la faisant chuter de toute sa longueur.
Sasuke regarda la scène avec le plus grand des désespoirs. Sans réfléchir, il se rua vers elle en lançant à ses deux alliés :
« Couvrez-moi ! »
« NÉGATIF ! Uchiha, reviens ici ! » lui aboya Naruto.
Mais bien sûr, Sasuke n'écouta que son instinct et son courage infini. À découvert, il fut lui aussi une proie de choix pour le quatuor de malfaiteurs, bien plus agiles dans le sable avec leurs bécanes. Les balles fusèrent toutes dans sa direction, manquant de peu de l'atteindre à son tour pendant qu'il coursait pour rejoindre la madone et son fils qui avait fait demi-tour pour la secourir.
« PUTAIN ! » brailla l'Uzumaki en attrapant précipitamment sa radio. « Taka, besoin d'aide près des 4x4, on se fait pilonner par des enfoirés de fils de pute ! »
« Kurama, on a fait un détour, nous sommes à cinq kilomètres de votre position. On fait au plus vite, vous pouvez tenir ? » le questionna la voix de Neji.
« Merde… ! Va chier ! » persiffla Naruto avant de lui répondre. « Grouillez-vous, ces enculés sont de vrais serpents, ils ont des putains de motocross ! »
« Reçu Kurama, tenez bon, on arrive. »
Sous haute tension, Naruto serra les dents en mitraillant autant qu'il le put les hommes masqués, zigzaguant sans cesse pour éviter leur assaut. La flamme de la détermination brûla dans ses yeux clairs en voyant Sasuke défendre cette famille, au péril de sa vie. Son cœur s'emballa furieusement en imaginant le pire.
Tenir… Il fallait tenir… Ne surtout pas les lâcher. Et protéger Sasuke.
À suivre…
Hellooo'ow ! :D
Ça barde, ça barde !
Un peu d'action au milieu de cette bonne dose de mauvaise foi et de voilage de face ! XD
Vous noterez toutefois que Naruto pense - beaucoup - à Sasuke.
N'est-ce pas so romantic ? Non ? Vous ne voyez toujours pas l'amour et la passion entre ces deux idiots ?
Eh bien c'est tout à fait... normal ! XD Ayez un peu de pitié pour Saï, enfin...! XP
J'espère que vous avez aimé ce petit chapitre !
Merci infiniment pour vos commentaires et votre engouement pour LOW, je suis conquise !
Je vous embrasse et j'espère vous dire à très vite !
Votre dévouée,
TLIOM
