Darcy

Voilà, je lui avais tout avoué et le résultat fut mieux qu'espéré. Que j'ai pu être malavisé d'avoir quitté Longbourn sans oser lui parler !

Je me suis senti d'emblée libéré du poids de mon grand tourment. Ma poitrine s'est aussitôt gonflée de tout l'amour que j'avais à lui donner.

Seuls dans cette campagne qui m'était inconnue, nous vivions des instants de purs bonheur où le reste du monde n'existait plus. J'ai pu lui exprimer combien Elisabeth m'était chère et elle me fit comprendre combien je l'étais pour elle également.

Nous marchâmes au hasard avec le désir non voilé de faire traîner cet instant le plus longtemps. Nous étions si absorbés par ce que nous avions tous deux à confier que plus rien d'autre ne comptait.

Nous reparlâmes, non sans ironie, de Lady Catherine et de médire qu'en voulant nous séparer, elle aura permis finalement que nous retrouver.

Elisabeth ne cessait de se reprocher les paroles qu'elle m'avaient autrefois adressées. De mon côté je tentais de la rassurer que si celles-ci avaient pu, dans un premier temps, me heurter, elles m'avaient surtout permises de réaliser combien je me leurrais sur l'homme que j'étais.

Je lui serais pour toujours reconnaissant de sa franchise et de m'avoir ouvertement reproché ce que d'aucun n'avait jamais osé, l'image d'un homme orgueilleux et suffisant. Une leçon que j'étudie depuis chaque jour que Dieu fait.

Nous parlâmes de la lettre qui lui avait, dit-elle, fait forte impression, tout comme ma soudaine amabilité lors de sa visite à Pemberley. Nous nous remémorâmes ces instants magiques à jamais gravés.

Puis, elle regarda autour d'elle et sourit d'avoir trouvé ce qu'elle cherchait. Elle cueillit une fleur sauvage et me la tendit. Je ne compris pas de suite son message et pris la tige, interdit. Voyant que je ne réagissais pas elle me précisa qu'il s'agissait d'une Reine des prés.

Ainsi donc voilà la fleur à laquelle j'ai osé la comparer ? Je la trouvais quelconque et peu parfumée. Je me sentis désabusé. Elle le remarqua et je lui avouais ma déception. Elisabeth est à mes yeux bien plus extraordinaire que cette fleur sans saveur.

Elle rit et je réalisais combien j'adore déjà l'entendre rire.

– Je trouve au contraire que votre choix était très avisé. Je me sens comme cette fleur, Mr Darcy, très ordinaire.

Je voulus riposter mais elle me rappela que je l'avais moi même qualifiée de passable et insipide à mon goût. Est-ce que cette phrase maladroite me poursuivra t'elle jusqu'au bout?

Je la regardais dépité mais ses yeux reflétaient toute la malice qui m'avait dès le début attirée. Sacré demoiselle, avec vous je ne suis pas prêt de m'ennuyer !

– Ceci dit, j'ignorais que vous étiez poète, Mr Darcy !

– Je l'ignorais moi même, Elisabeth. Disons qu'une certaine muse m'a inspiré.

– Et il vous a fallu bien plus qu'un sonnet pour exprimer ce que vous ressentiez ! Dit-elle en faisant clairement référence à notre première conversation au bal de Meryton.

Elle exprima alors combien mes vers l'avaient touchée. J'en fus ravi.

Je lui informais que je suis même retourné à l'auberge de Lambton après mon séjour à Londres afin de vérifier si le carnet n'y avait pas été oublié !

Je lui tendis mon bras afin de l'inviter discrètement à se rapprocher. Elle ne se fit pas prier et glissa son fin poignet autour de mon bras en souriant. Je me sentais fier et osais même caresser cette petite main lovée.

Nous continuâmes notre promenade, parlant sans discontinuer de notre amour fraîchement dévoilé, de Georgiana, de Jane et de Bingley.

Pas un instant, j'ai regardé ma montre à gousset, à aucun moment elle sembla s'ennuyer. Nous marchâmes des heures durant, au hasard de nos foulées. Je ne sais si Elisabeth savait elle-même quel chemins nous avons empruntés.

Soudain, une brise vint la faire frissonner, nous ramenant à la réalité. Il se faisait tard et le soleil doucement commençait à se coucher. Nous n'étions que deux, ayant agréablement plongé dans l'oubli nos compagnons de flânerie.

Ma tendre amie commença à redouter la réaction de ses parents et la contrariété que nous allions leur occasionner. Je craignais de mon côté qu'on me reproche d'avoir passé tant de temps avec leur fille sans être chaperonnés.

Puis l'idée que Mr Bennet puisse m'imposer de l'épouser pour l'avoir déshonorée me fit sourire tout en regrettant déjà de ne pas l'avoir embrassé comme j'en rêvais intérieurement.

Je lui posais néanmoins un baiser sur sa petite main avant de la lui rendre et cela sembla joliment la troubler.

Que notre arrivée tardive fut remarquée serait un euphémisme. Mais à mon étonnement, les reproches furent plus tournés sur ma dulcinée. Ensuite Mrs Bennet vint à la plaindre de m'avoir consacré ainsi toute une après midi. Si elle savait...

Le repas était déjà bien entamé et on nous pressa de nous installer. Deux places restaient vacantes en bout de tablée, avec la charmante surprise de me retrouver aux côtés de ma promise. Voilà qui était inespéré !

L'aveu récent de nos sentiments secrets rendaient les choses étrangement transformées. Je ne voyais plus d'un même œil cette maisonnée, cette ambiance bruyante et désordonnée, cette famille si atypique et ses habitudes qui autrefois m'offusquaient.

De mon point d'observation, je voyais Bingley béatement heureux auprès de sa fiancée. Je ne l'enviais en aucune façon. Je savourais le coupable plaisir qu'il m'était donné de ne pas avoir encore à subir tous les mots affables et les attentions. Mais je savais que très bientôt il me faudrait, à Mr Bennet, demander son approbation.

La maîtresse de maison me posa une question que, perdu dans mes pensées, je n'avais pas écouté. C'est alors que, subrepticement, je sentis une main se poser sur la mienne me faisant revenir à la raison. Avec une voix modérément assurée, Elisabeth rendit à sa mère la réponse que celle-ci attendait. Cela eut le bénéfice de la distraire et de se retourner vers Bingley, que sans aucun doute elle préférait.

Sous la table, clandestinement jointes, nos deux mains étaient alors tout ce qui comptait. C'était la preuve que je n'avais pas rêvé. Que cette femme que j'admirais m'acceptait et partageait mes sentiments. Cette main, elle me l'accordait et que, très prochainement, un symbolique anneau l'ornerait.