Chapitre 28 : la tour frappée par la foudre

Lorsqu'Hermione quitta la Salle sur Demande, Drago sentit un énorme vide lui parcourir le corps. Pour la première fois, il se sentait véritablement seul. Hermione ne reviendrait plus. Elle était partie patrouiller devant le bureau de Rogue tandis que les autres abrutis surveilleront le couloir du septième étage. Malgré cela, il ne se sentait nullement piégé à l'intérieur de la pièce. Au contraire, tout était prévu dans les moindres détails. Depuis le début de l'année, il avait planifié toutes les étapes de sa mission et grâce à Rogue, il connaissait toutes les mesures de sécurité mises en place par Dumbledore et de quelle manière il allait pouvoir les contrer.

Cela faisait presque une heure que Rosmerta lui avait envoyé un signal pour le prévenir que Dumbledore était parti boire un verre. Assis à terre, il attendait à présent celui de Barjow. La tête enfouie entre ses genoux, il essaya de faire le vide dans sa tête, de ne pas penser que l'étape finale de sa mission pourrait être fatidique. Sa mission commençait réellement maintenant, comprit-il enfin. Toute l'année, il avait espéré que ce moment arriverait, que cette Armoire serait enfin réparée. À présent, il redoutait plus que tout cet instant. Arriverait-il à aller jusqu'au bout ? Il n'en savait rien. Mais il n'avait pas d'autre choix, le sort de ses parents dépendait de lui.

Une demi-heure plus tard, une lumière rougeâtre apparut derrière la porte de l'Armoire. C'était le signal. Ils arrivent, pensa-t-il. Tout d'un coup, la porte s'ouvrit à la volée, laissant apparaître un homme massif au regard oblique, dont les traits étaient étrangement de travers. Ce dernier parcourra du regard l'immense salle avant de sortir de l'Armoire. Les uns à la suite des autres, plusieurs Mangemort rejoignirent bientôt Amycus Carrow qui commençait déjà à caresser la marque des Ténèbres sur son avant bras gauche.

Tout le monde était présent dans la salle. Drago s'apprêtait à refermer l'Armoire à Disparaître lorsqu'il sentit quelqu'un de l'autre côté de la porte la pousser violemment. Le Serpentard perdit l'équilibre et tomba à terre, relevant les yeux vers le nouveau visiteur. Une puissante odeur de terre et de sang submergea les narines de Drago, annonçant l'arrivée de ce personnage indésirable. Le corps massif, les cheveux en bataille, Fenrir Greyback sortit de l'Armoire et sourit de toutes ses dents pointues aux autres Mangemorts.

-Que le festin commence, fit-il dans une sorte d'aboiement rauque.

Drago sentit une goutte de sueur froide lui parcourir le dos. Il n'avait jamais demandé à Greyback de se joindre à lui ce soir ! Pour quelle raison se trouvait-il ici ?

-Que faites-vous ici ? Demanda froidement Drago en se relevant. Je ne vous ai pas invité à venir il me semble !

-Le Seigneur des Ténèbres à jugé lui-même que je méritais bien une petite récréation à Poudlard, répondit-il en claquant les dents.

-Ce n'est pas l'objectif de ce soir ! Nous devons nous dépêcher pour être prêts quand Dumbledore reviendra. D'après Rosmerta, il est parti depuis plus d'une heure, Il ne tardera pas à revenir quand il verra la marque des Ténèbres au-dessus de son école. Gibbon, continua Malefoy, tu t'occuperas de faire apparaître la marque sur la tour d'Astronomie. Et n'oublie pas de dresser la barrière magique qui empêchera les membres de l'Ordre de monter dans la tour. Vous autres, fit-il en désignant les autres Mangemorts, vous resterez dans le couloir pour vos occuper de tous ceux qui opposent une résistance. Compris ?

Tous approuvèrent d'un signe de tête, sans contester les instructions de Drago. Tout était enfin en place.

-Et attention, je ne veux pas de mort ! Désarmez-les simplement.

-Ce n'est pas à toi de juger ce point-là Malefoy, fit Amycus. Le Seigneur des Ténèbres nous a donné l'instruction de tuer le plus possible des membres de l'Ordre, sauf Potter, ajouta-t-il.

Drago tressaillit à l'idée qu'il puisse y avoir des morts de sa faute.

-D'accord, fit-il la gorge serrée, ne pouvant contredire les ordres du Seigneur des Ténèbres. Passons à la phase finale, à qui Barjow a-t-il confié la Poudre et la Main de la Gloire ? Demanda Drago en scrutant les sept Mangemorts qui formaient une ligne.

-À moi, fit une voix de femme. Alecto Carrow, la sœur d'Amycus, s'avança et tendit à Drago une bourse contenant de la Poudre d'Obscurité Instantanée du Pérou, ainsi qu'une vieille main desséchée : la main de la Gloire.

-Parfait, fit Drago.

Ils répétèrent une dernière fois de plus le plan, avant que Drago ne se décide d'avancer. Maintenant qu'il approchait si près du but, il se sentait de plus en plus mal, comme si un serpent se faufilait à l'intérieur de ses entrailles. À travers un miroir qui se trouvait dans la salle, Drago contemplait son reflet cadavérique. Il détourna aussitôt les yeux et préféra se concentrer sur sa mission. Mais son esprit était trop embrouillé, trop de pensées s'emmêlaient dans sa tête. Même s'il essayait de fermer son esprit contre des pensées parasites, il ne put s'empêcher de voir le visage d'Hermione. Que dira-t-elle lorsque sa mission sera finie ? Un sentiment de culpabilité l'envahit aussitôt à l'idée qu'Hermione puisse penser qu'elle ait été utilisée. Il savait qu'elle se sentirait coupable de l'avoir aidé, peut-être même qu'elle le détesterait à présent. Saurait-il vivre avec ce sentiment ? Savoir que jamais Hermione ne lui pardonnerait ses actes. Au moins, pensa-t-il, il serait vivant.

Drago ouvrit lentement la porte, et lança rapidement dans l'entrebâillement la Poudre d'Obscurité qui plongea le couloir dans le noir complet. Il reconnut la voix de Weasmoche à l'autre bout du couloir s'exclamer :

-Par merlin que se passe-t-il ?!

-Lumos, Lumos ! Pourquoi ça ne fonctionne pas ?! S'écria une deuxième voix féminine.

Drago referma la porte et fit signe aux autres Mangemorts de le suivre. Il serrait contre lui la main de la Gloire et sortit le premier de la salle sur Demande. Il commença à courir, frôlant au passage un des membres de l'AD. Illuminé par la main de la Gloire, Malefoy guida les Mangemorts qui suivaient ses pas, jusqu'à la tour d'astronomie. Tout au long du chemin, il dispersa de la Poudre d'Obscurité dans le couloir, au cas où si les membres de l'AD décideraient de le suivre. Mais au fur et à mesure qu'il se rapprochait du lieu, ses réserves de poudre commençaient à diminuer. Lorsqu'ils arrivèrent à l'étage inférieur de la tour, Drago constata que la petite bourse était presque vide à présent. Mais il ne s'en souciait pas, ils étaient presque arrivés à destination quand soudain, il vit apparaître à l'autre bout du couloir la garde rapprochée de Dumbledore.

Ils s'arrêtèrent aussitôt, surpris par le nombre inattendu des membres de l'Ordre du Phénix. Drago s'était préparé à ce que ceux-ci interviennent tôt ou tard au cours de sa mission, mais il ne s'imaginait pas si rapidement. Bien qu'ils aient l'avantage sur eux, Drago avait appris à ne pas sous-estimer le nombre de baguettes, particulièrement lorsqu'il s'agissait de l'Ordre du Phoenix.

Parmi ceux-ci, il reconnut son ancien professeur de Défense contre les forces du mal, le loup-garou, un autre Weasley à en juger par ses cheveux roux et sa cousine que sa famille tout entière avait reniée. Il faillit éclater de rire lorsqu'il aperçut derrière eux, les anciens membres de l'Armée de Dumbledore. De tous ceux qui étaient censés le surveiller dans le couloir, il n'y avait que Weasmoche, sa sœur et cet empoté de Londubat. Il comprenait à présent pourquoi cela avait été si facile de sortir de la Salle sur Demande.

Au même moment, ils sortirent tous leur baguette en la pointant chacun sur le camp adverse. Pendant une fraction de seconde, ils se regardèrent avec un air de défi dans le regard, lorsque les Carrow crièrent :

-Allez-y !

Aussitôt, des étincelles rouges et vertes jaillirent de tous les côtés, frôlant Drago à quelques centimètres de ses oreilles. Il plongea pour éviter un sortilège de désarmement que lui avait lancé Tonks, et lança à son tour un sort de stupéfixion qui passa à côté d'elle. L'accès vers la tour d'astronomie était bloqué par l'Ordre à présent, il ne voyait plus de quelle manière il arriverait à monter les escaliers pour attirer Dumbledore dans la tour.

Du coin de l'œil, il vit que Greyback fonçait vers le groupe tandis que les autres Mangemorts commençaient à battre en retrait. Il devait absolument attirer l'Ordre loin de l'entrée qui menait à la tour.

-Dispersez-vous ! Hurla Drago à l'intention des Mangemorts.

Tous commencèrent à s'éparpiller dans les couloirs, tout en lançant des sortilèges de morts aux membres de l'AD qui poursuivaient les Mangemorts. Avec une chance inouïe, les lumières de couleurs vertes ne touchaient jamais leur cible, passant de justesse à côté d'eux. La diversion de Malefoy commençait à porter ses fruits : la garde de Dumbledore se dispersait dans le couloir, laissant un libre passage vers les escaliers. Malefoy se retourna, cherchant Gibbon des yeux pour lui donner le signal.

-Gibbon, fit-il à l'homme massif qui se trouvait derrière lui, tu sais ce qu'il te reste à faire.

Il lui fit un mouvement de tête pour lui montrer qu'il avait compris ses instructions, et s'enfonça dans le couloir pour passer par la porte qui menait aux escaliers de la tour d'astronomie. Drago continua le combat et réussit à désarmer par derrière Londubat, puis se tapit contre le mur du couloir adjacent à celui où la bataille faisait rage. Le cœur battant à cent à l'heure, il espérait qu'Hermione resterait en bas à surveiller le bureau de Rogue. Il n'avait pas prévenu son professeur que sa mission aurait lieu ce soir, pour le tenir à l'écart du combat, de son combat, pensa-t-il. Il passa sa tête au coin du mur et vit Gibbon redescendre quelques minutes plus tard pour reprendre part au combat, mais le sortilège de Mort que lança Rowle vers Lupin le toucha en pleine poitrine, et il s'effondra. Le couloir était illuminé d'éclair de toutes les couleurs qui jaillissaient des baguettes, on ne distinguait plus qui visait qui, tant tout le monde esquivait les sortilèges lancés. Avec horreur, il vit Greyback allongé sur un corps, avant que Lupin ne lui lance un sortilège qui le fit voleter à plusieurs mètres. Il ne réussit pas à distinguer la malheureuse victime qui était à terre, car Lupin s'était aussitôt plongé sur lui, mais il pria qu'il ne s'agissait pas d'un des Weasmoche, sinon Hermione le haïrait.

Malefoy resta plusieurs minutes contre le mur, personne ne sachant qu'il se trouvait à quelques mètres du combat. Il attendait patiemment, les minutes lui semblaient aussi longues que des heures. Des perles de sueurs commençaient à dégouliner de son front, terrorisé à l'idée que bientôt, il devrait accomplir sa mission, tuer le plus grand sorcier de tout les temps, lui, un adolescent de seize ans.

Il jeta à nouveau un regard furtif au combat, l'Ordre commençait à battre en retrait et à perdre face aux Mangemorts qui étaient acharnés. Il attendit encore quelques minutes, puis estima qu'il était temps d'agir. Malefoy fit le vide en lui, jeta les quelques miettes de Poudre qui restaient au fond de la bourse et se lança dans le couloir assombri, déterminé à venir à bout de cette mission qu'il portait sur son dos depuis le début de l'année. Sans prêter attention au reste du combat, il courut sans s'arrêter, enjambant le corps de la victime de Greyback.

Il monta enfin l'escalier et ouvrit la porte à la volée. Son effet de surprise lui donna un avantage considérable : il pourra désarmer Dumbledore.

- Expelliarmus!

À la lueur de la Marque, il vit la baguette de Dumbledore s'envoler en décrivant un arc au-dessus des remparts. Debout contre les remparts, le visage livide, Dumbledore ne manifestait toujours aucun signe de panique ou de détresse. Il se contenta de regarder celui qui l'avait désarmé et lança :

-Bonsoir, Drago.

Malefoy s'avança, jetant un rapide coup d'œil alentour pour s'assurer qu'il était seul avec Dumbledore. Son regard tomba sur le deuxième balai.

-Qui est avec vous ?

-Une question que je pourrais te retourner. À moins que tu n'agisses seul ?

-Non, déclara-t-il. J'ai des renforts. Il y a des Mangemorts dans votre école, ce soir.

- Intéressant, dit Dumbledore, comme si Malefoy était en train de lui montrer un travail scolaire ambitieux. C'est très bien, vraiment. Tu as donc trouvé le moyen de les faire entrer ?

-Oui, répondit Malefoy, la respiration saccadée. Juste sous votre nez et sans que vous vous en rendiez compte !

-Ingénieux. Pourtant… pardonne-moi, mais… où sont-ils en ce moment ? Tu n'as pas l'air d'avoir beaucoup de renforts.

- Ils ont dû affronter quelques membres de votre garde rapprochée. Ils se battent à l'étage inférieur. Ce ne sera plus très long… Je suis monté le premier. J'ai… j'ai un travail à accomplir.

- Eh bien, dans ce cas, accomplis-le, mon garçon, conseilla Dumbledore à voix basse.

Il y eut un silence. Maintenant que Dumbledore se trouvait à sa merci, sa tâche serait très aisée. Néanmoins, il avait l'impression que la détermination qu'il avait ressentie en traversant le couloir s'était aussitôt estompée lorsqu'il avait croisé le regard bleu perçant du Directeur. Ses yeux n'exprimaient pas de la pitié, ni de la peur, mais simplement de la compréhension.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Le Directeur lui souriait, comme s'il venait de retrouver un vieil ami depuis longtemps oublié.

- Drago, Drago, tu n'es pas un tueur.

-Comment le savez-vous ? répliqua aussitôt Malefoy.

Il ressentit aussitôt une profonde gêne, comme si Dumbledore savait lire au fond de lui, et voir qu'il avait la capacité d'aimer et non tuer. Il sentit une chaleur lui monter aux joues à l'idée que Dumbledore soit au courant de ses sentiments envers Hermione.

- Vous ne savez pas de quoi je suis capable, reprit-il d'un ton plus résolu. Vous ne savez pas ce que j'ai fait !

- Oh, si, je le sais, assura Dumbledore avec douceur. Tu as presque réussi à tuer Katie Bell et Ronald Weasley. Tu as désespérément essayé de me tuer moi-même tout au long de l'année. Pardonne-moi, Drago, mais ces tentatives étaient bien timides… si timides, pour être franc, que je me demande si tu y as vraiment mis tout ton cœur…

-Bien sûr que oui ! s'exclama Malefoy avec véhémence. J'y ai travaillé toute l'année et ce soir…

Le bruit d'un cri étouffé retentit en bas de l'escalier. Malefoy se raidit et jeta un regard en arrière.

- Quelqu'un est en train de livrer un beau combat, commenta Dumbledore sur le ton de la conversation. Mais que disais-tu… Ah oui, tu as réussi à introduire des Mangemorts dans l'école, ce que j'estimais impossible je dois l'admettre… Comment t'y es-tu pris ?

Malefoy ne répondit pas. Il écoutait toujours ce qui se passait au-dessous et semblait presque paralysé. Plus le temps passait, plus il craignait qu'Hermione prenne part au combat.

-Peut-être devrais-tu faire le travail tout seul, suggéra Dumbledore. Imagine que tes renforts soient repoussés par ma garde rapprochée ? Comme tu t'en es peut-être rendu compte, il y a aussi des membres de l'Ordre du Phénix, ce soir. Et finalement, tu n'as pas vraiment besoin d'aide… Je n'ai pas de baguette pour me défendre.

Malefoy se contenta de le regarder. Il devait agir vite, mais penser à Hermione l'empêchait d'accomplir son acte.

-Je comprends, dit Dumbledore d'un ton aimable en voyant qu'il restait immobile et silencieux. Tu as peur d'agir tant qu'ils ne t'auront pas rejoint.

-Je n'ai pas peur ! Gronda Malefoy, sans faire cependant le moindre geste pour attaquer Dumbledore. C'est vous qui devriez avoir peur !

- Pourquoi donc ? Je ne crois pas que tu vas me tuer, Drago. Tuer n'est pas aussi simple que le croient les innocents… Dis-moi plutôt, pendant que nous attendons tes amis… Comment as-tu réussi à les faire entrer ici ? Il semble qu'il t'ait fallu beaucoup de temps pour trouver le moyen d'y parvenir.

Malefoy semblait combattre une forte envie de hurler ou de vomir. Il déglutit et respira profondément à plusieurs reprises, lançant des regards mauvais à Dumbledore, sa baguette pointée droit sur son cœur.

Puis, comme si c'était plus fort que lui, il dit :

- J'ai dû réparer cette Armoire à Disparaître qui était cassée et dont personne ne s'était plus servi depuis des années. Celle dans laquelle Montague s'est perdu l'année dernière.

-Aaaah.

Dumbledore avait poussé un soupir qui était pour moitié un gémissement. Il ferma les yeux un instant.

-C'était astucieux… Il y en avait deux, j'imagine ?

-L'autre est chez Barjow et Beurk, répondit Malefoy. Il existait une sorte de passage entre elles. Montague m'a dit que quand il s'est retrouvé coincé dans celle de Poudlard, il était prisonnier d'une sorte de vide, mais parfois, il entendait ce qui se passait dans l'école, et parfois ce qui se passait dans la boutique, comme si l'armoire voyageait entre les deux. Lui, cependant, n'arrivait pas à se faire entendre de qui que ce soit… Finalement, il a réussi à sortir en transplanant bien qu'il n'ait jamais passé son permis. Il a failli en mourir. Tout le monde a pensé que c'était une excellente histoire, mais j'ai été le seul à comprendre ce que cela signifiait – même Barjow ne le savait pas. Moi seul ai compris qu'il y avait peut-être un moyen de pénétrer à Poudlard grâce à ces deux armoires si j'arrivais à réparer celle qui était cassée.

-Très bien, murmura Dumbledore. Donc, les Mangemorts ont pu passer de chez Barjow et Beurk jusque dans l'école… un plan ingénieux, très ingénieux… Et, comme tu le disais, juste sous mon nez…

-Oui, répondit Malefoy qui, bizarrement, tirait courage et réconfort des éloges de Dumbledore. Oui, exactement !

-Mais il y a eu des moments, poursuivit Dumbledore, où tu n'étais pas sûr de pouvoir réparer l'armoire ? Tu t'es donc rabattu sur d'autres méthodes plus grossières, moins bien imaginées, m'envoyer par exemple un collier ensorcelé qui ne pouvait atteindre qu'une mauvaise cible… ou empoisonner un hydromel que j'avais très peu de chance de jamais boire…

- Il n'empêche que vous ne saviez pas qui se cachait derrière tout ça, ricana Malefoy.

Dumbledore glissa légèrement contre le rempart de la tour, ses jambes faiblissant.

- Il se trouve que si, répondit Dumbledore. J'étais sûr que c'était toi.

-Dans ce cas, pourquoi ne pas m'avoir empêché d'agir ? interrogea Malefoy.

-J'ai essayé, Drago. Le professeur Rogue, sur mes instructions, a gardé l'œil sur toi…

- Pas sur vos instructions, c'est à ma mère qu'il a promis…

- Bien sûr, Drago, c'est ce qu'il te disait, mais…

- C'est un agent double, espèce de vieillard stupide, il ne travaille pas pour vous, contrairement à ce que vous croyez !

Connaissant le passé de Rogue, Malefoy était consterné de voir à quel point Dumbledore lui vouait une confiance aveugle. Et pourtant, malgré les propos de Drago, celui-ci maintenait ses positions :

-Il faut admettre que nous différons sur ce point, Drago. Il se trouve que j'ai confiance dans le professeur Rogue…

- Eh bien, vous vous mettez le doigt dans l'œil ! Railla Malefoy. Il m'a proposé son aide …il voulait toute la gloire pour lui… il voulait participer à l'action… « Qu'est-ce que vous faites ? me disait-il. C'est vous, le coup du collier ? Voilà qui était stupide, cela aurait pu tout gâcher…» Mais je ne lui ai pas révélé ce que je préparais dans la Salle sur Demande. Quand il se réveillera demain, tout sera terminé et il ne sera plus le favori du Seigneur des Ténèbres, il ne sera plus rien, comparé à moi !

Et enfin, pensa-t-il sa famille sera à nouveau honorée et libre de l'emprise du Seigneur des Ténèbres. Ses parents seront si fiers de lui…

- Très flatteur, dit Dumbledore d'une voix douce. Il est toujours agréable de voir son travail apprécié, bien sûr… mais tu as quand même dû avoir un complice… Quelqu'un à Préau-Lard qui a pu glisser à Katie le… le… aaaah…

Dumbledore ferma une nouvelle fois les yeux et dodelina de la tête comme s'il était sur le point de s'endormir.

- Bien sûr… Rosmerta, reprit-il. Depuis combien de temps est-elle soumise au sortilège de l'Imperium ?

-Vous avez enfin compris ? lança Malefoy d'un ton sarcastique.

Il y eut un autre cri au-dessous, un peu plus fort cette fois. Nerveux, il jeta encore un coup d'œil derrière lui, puis se tourna à nouveau vers Dumbledore qui poursuivit :

-Donc, cette pauvre Rosmerta a été obligée de se cacher dans ses propres toilettes pour donner le collier à la première élève de Poudlard qui entrerait seule ? Et l'hydromel empoisonné… Bien entendu, Rosmerta pouvait y verser le poison à ta place avant d'envoyer la bouteille à Slughorn en croyant que ce serait mon cadeau de Noël… Oui, très habile… très habile… Ce malheureux Mr Rusard n'aurait jamais pensé, bien entendu, à vérifier une bouteille de chez Rosmerta… Dis-moi, comment t'y prenais-tu pour entrer en relation avec elle ? Je croyais que tous les moyens de communication entre l'école et l'extérieur étaient surveillés.

- J'utilisais des pièces de monnaie ensorcelées, répondit Malefoy, tandis que sa main dans laquelle il tenait sa baguette était agitée de tremblements. J'en avais une, elle avait l'autre, je pouvais ainsi lui envoyer des messages…

À nouveau, il ressentit un profond sentiment de dégoût quand il pensa que c'était par ce système qu'il communiquait aussi avec Hermione tout au long de l'année.

-N'est-ce pas le moyen de communication secret dont se servait l'année dernière le groupe qui s'était donné pour nom l'armée de Dumbledore ?

Dumbledore parlait d'une voix légère, sur le ton de la conversation.

-Oui, c'est eux qui m'ont donné l'idée, dit Malefoy avec un sourire de travers. J'ai aussi eu l'idée d'empoisonner l'hydromel grâce à la Sang-de-Bourbe Granger. Je l'ai entendue dire à la bibliothèque que Rusard n'arrivait pas à reconnaître les potions…

Il essayait de tenir son rôle jusqu'au bout, il ne voulait rien laisser paraître lorsqu'il parlait d'Hermione, de peur que Dumbledore réussisse à cerner le moindre changement vis-à-vis d'elle. Pour rien au monde, il ne voulait qu'Hermione soit soupçonnée de l'avoir aidé.

- S'il te plaît, n'emploie pas ce mot offensant devant moi, l'interrompit Dumbledore.

Malefoy pris dans son rôle, éclata d'un rire grinçant.

-Ça vous ennuie que je dise Sang-de-Bourbe alors que je ne vais pas tarder à vous tuer ?

- Oui, ça m'ennuie, répliqua Dumbledore, quant à me tuer, Drago, tu as eu de longues minutes pour le faire. Nous sommes seuls. Jamais tu n'aurais pu espérer me trouver si peu en état de me défendre et pourtant, tu n'as toujours pas agi…

La bouche de Malefoy se tordit involontairement comme s'il venait de goûter quelque chose de très amer.

-En ce qui concerne les événements de ce soir, continua Dumbledore, je suis un peu perplexe… Tu savais que j'avais quitté l'école ? Oui, bien sûr, se répondit-il à lui-même, Rosmerta m'a vu partir, elle t'a sûrement prévenu en utilisant tes pièces de monnaie…

- Exactement, confirma Malefoy, mais elle m'a dit que vous vouliez simplement boire un verre, que vous alliez revenir…

-J'ai bu un verre, sans aucun doute… Et je suis revenu… tant bien que mal, marmonna Dumbledore. Tu avais donc décidé de me tendre un piège ?

- Nous avons fait apparaître la Marque des Ténèbres au-dessus de la tour en sachant que vous vous dépêcheriez de venir voir qui avait été tué, dit Malefoy. Et ça a marché !

-Plus ou moins…, répliqua Dumbledore. Dois-je en conclure que personne n'a été tué ?

- Quelqu'un est mort, annonça Malefoy d'une voix qui sembla monter d'un octave. Un de vos alliés… Je ne sais pas qui, il faisait sombre… J'ai enjambé le corps… J'étais censé attendre ici votre retour, mais les gens du Phénix se sont mis en travers du chemin…

- Oui, ils font souvent ça, remarqua Dumbledore.

Il y eut au-dessous une détonation et des cris plus sonores que jamais, comme si on se battait dans l'escalier en colimaçon qui menait au sommet de la tour.

-Il ne reste plus beaucoup de temps, quoi qu'il arrive, dit Dumbledore. Alors, examinons tes options, Drago.

-Mes options ! s'exclama Malefoy. Je suis là avec ma baguette à la main… Je m'apprête à vous tuer…

- Mon cher ami, cessons de jouer à ce jeu. Si tu avais dû me tuer, tu l'aurais fait dès que tu m'as désarmé, tu n'aurais pas perdu de temps à bavarder agréablement sur les moyens mis en œuvre.

- Je n'ai aucune option ! s'écria Malefoy qui était devenu brusquement aussi pâle que Dumbledore. Je dois aller jusqu'au bout ! Sinon, il me tuera ! Et il tuera toute ma famille !

- Je mesure la difficulté de ta position, dit Dumbledore. Pourquoi donc crois-tu que je n'ai pas essayé de t'arrêter plus tôt ? Parce que je savais que tu aurais été tué si Lord Voldemort s'était rendu compte que je te soupçonnais.

Malefoy eut une grimace en entendant prononcer le nom.

-Je n'ai pas voulu te parler de la mission qu'il t'avait confiée et dont j'étais au courant, de peur qu'il se serve contre toi de la legilimancie, poursuivit Dumbledore. Mais maintenant, au moins, nous pouvons dialoguer sans détour… Aucun mal n'a été fait, tu n'as blessé personne, bien que tu aies eu de la chance que tes victimes imprévues aient survécu… Je peux t'aider, Drago.

-Non, vous ne le pouvez pas, répliqua Malefoy, la main qui tenait sa baguette secouée d'intenses tremblements. Personne ne le peut. Il m'a ordonné de le faire, sinon, il me tuerait. Je n'ai pas le choix.

-Rejoins le bon camp, Drago, et nous te cacherons mieux que tu ne saurais l'imaginer. En plus, je peux envoyer des membres de l'Ordre chercher ta mère dès ce soir pour la cacher aussi. Actuellement, ton père est en sécurité à Azkaban… Le moment venu, nous pourrons le protéger à son tour… Passe du bon côté, Drago… Tu n'es pas un tueur…

Malefoy regarda Dumbledore dans les yeux.

- Je suis arrivé jusqu'ici, non ? dit-il lentement. Ils pensaient que je ne sortirais pas vivant de ma tentative, mais je suis là… et vous êtes en mon pouvoir… C'est moi qui ai une baguette à la main… vous, vous êtes à ma merci…

-Non, Drago, répondit Dumbledore à voix basse. C'est ma merci qui compte à présent, pas la tienne.

Malefoy resta silencieux. Il avait la bouche ouverte, sa main toujours tremblante. Soudain, il repensa à cet instant, où il était avec Hermione ici même, dans cette tour. Ce moment lui semblait appartenir à un autre monde, comme s'il s'agissait d'un souvenir lointain d'une vie antérieure, mais il se souvenait précisément de ce qu'elle lui avait dit : elle aussi lui avait fait cette même proposition, celle de rejoindre l'autre camp.

Qu'arriverait-il s'il acceptait l'option de Dumbledore ? Arriverait-il à mettre en sécurité ses parents face au Seigneur des Ténèbres ? Pourrait-il envisager un avenir avec Hermione… À cette pensée, il baissa légèrement sa baguette, lorsqu' un martèlement de pas retentit dans l'escalier. Quelques secondes plus tard, Malefoy fut violemment repoussé par quatre Mangemorts qui firent irruption au sommet de la tour. Apparemment, les Mangemorts avaient remporté le combat qui s'était déroulé au-dessous. Amycus pouffa de rire d'une voix sifflante.

-Dumbledore coincé ! S'exclama-t-il.

- Dumbledore sans baguette, Dumbledore seul ! Bravo, Drago, bien joué ! Fit sa sœur.

- Bonsoir, Amycus, dit Dumbledore, très calme comme s'il recevait des amis à dîner. Tu es venu avec Alecto… C'est charmant…

La femme eut un petit rire courroucé.

-Tu crois que tes fines plaisanteries vont t'aider sur ton lit de mort ? ricana-t-elle.

- Des plaisanteries ? Oh, non. C'est ce qu'on appelle les bonnes manières, répliqua Dumbledore.

- Vas-y donc, dit Greyback en un rugissement

- C'est toi, Fenrir ? demanda Dumbledore.

- En effet, répondit-il de sa voix râpeuse. Ça te fait plaisir de me voir, Dumbledore ?

- Non, pas vraiment…

Fenrir Greyback sourit, montrant des dents pointues. Du sang coulait sur son menton et il se léchait lentement les babines, avec une expression obscène.

-Tu sais à quel point j'aime les enfants, Dumbledore.

- Dois-je en conclure que tu n'attends même plus la pleine lune pour attaquer, désormais ? C'est très inhabituel… Tu as donc un tel goût pour la chair humaine qu'il ne lui suffit plus d'être satisfait une fois par mois ?

- Exactement, répondit Greyback. Ça te choque, n'est-ce pas, Dumbledore ? Ça te fait peur ?

- Je ne peux pas prétendre en tout cas que ça ne me dégoûte pas, répliqua Dumbledore. Et en effet, je suis un peu choqué que Drago t'ait amené dans cette école où habitent tous ses amis…

- Ce n'est pas moi qui l'ai fait venir, dit Malefoy dans un souffle.

Il ne regardait pas Greyback, ne voulait même pas lui jeter un coup d'œil.

- Je ne savais pas qu'il serait ici…

-Je ne manquerais pour rien au monde une visite à Poudlard, Dumbledore, lança Greyback de sa voix rauque. Il y a ici tant de gorges à lacérer… Délicieux, délicieux…

Il leva un ongle jauni avec lequel il se cura les incisives, lorgnant Dumbledore.

- Je pourrais m'occuper de toi en guise de dessert, Dumbledore…

-Non, dit sèchement Yaxley, le quatrième Mangemort. Nous avons des ordres. C'est Drago qui doit le faire. Vas-y, Drago, dépêche-toi.

Malefoy semblait moins résolu que jamais. Il avait l'air terrifié en regardant Dumbledore, dont le visage encore plus pâle n'était pas à la même hauteur que d'habitude, car il s'affaissait de plus en plus contre le rempart de la tour.

-En tout cas, il n'en a plus pour très longtemps, si vous voulez mon avis ! Fit Amycus en provoquant le rire sifflant de sa soeur. Regardez-le. Qu'est-ce qui t'arrive, Dumby ?

- Oh, une moindre résistance, des réflexes plus lents, Amycus, répondit Dumbledore. Bref, la vieillesse… Peut-être que ça t'arrivera aussi un jour… Si tu as la chance de parvenir jusque-là…

- Qu'est-ce que ça veut dire ? Hein ? Qu'est-ce que ça veut dire ? s'écria le Mangemort, soudain violent. Toujours pareil, avec toi, pas vrai Dumby, tu causes et tu ne fais rien, rien de rien. Je ne comprends même pas pourquoi le Seigneur des Ténèbres se donne la peine de te tuer ! Allez, Drago, vas-y !

Mais à cet instant, d'autres bruits de lutte retentirent un peu plus bas et une voix cria

- Ils ont bloqué l'escalier ! Reducto ! REDUCTO !

- Vite, Drago, maintenant ! dit avec colère Yaxley.

Mais la main de Malefoy tremblait toujours tellement qu'il était incapable de viser.

- Je vais m'en occuper moi-même, gronda Greyback en s'avançant vers Dumbledore les bras tendus, les dents découvertes.

- J'ai dit non !

Il y eut un éclair de lumière et le loup-garou fut projeté en arrière. Il heurta les remparts et vacilla, l'air furieux.

- Drago, vas-y ou alors écarte-toi pour que l'un de nous…, vociféra Alecto.

Mais au même instant, la porte s'ouvrit une nouvelle fois et Rogue apparut, la main crispée sur sa baguette. Ses yeux noirs balayèrent la scène, allant de Dumbledore, affalé contre le rempart, jusqu'aux Mangemorts, y compris le loup-garou enragé et Malefoy. Le cœur de Drago se serra à la vue de Rogue. S'il était sorti de son bureau, où était Hermione dans ce cas ? Est-ce ces cris que l'on pouvait entendre dans le couloir ? Il était paralysé plus que jamais, incapable de penser à quoi que ce soit d'autre.

- Nous avons un problème, Rogue, dit Amycus, dont le regard et la baguette étaient dirigés l'un et l'autre vers Dumbledore. Ce garçon ne semble pas capable de…

Mais quelqu'un d'autre avait prononcé le nom de Rogue, d'une voix très faible.

- Severus…

Pour la première fois depuis la soirée, Dumbledore avait un ton suppliant.

Rogue resta silencieux. Il s'avança et repoussa brutalement Malefoy. Les Mangemorts reculèrent sans un mot. Même le loup-garou paraissait intimidé.

Rogue observa Dumbledore un moment, et l'on voyait la répugnance, la haine creuser les traits rudes de son visage.

-Severus… S'il vous plaît…

Rogue leva sa baguette et la pointa droit sur Dumbledore.

- Avada Kedavra!

Un jet de lumière verte jaillit de la baguette de Rogue et frappa Dumbledore en pleine poitrine. Celui-ci fut projeté dans les airs comme par une explosion, avant de disparaître dans le vide.

- Vite, filons d'ici, dit Rogue.

Il attrapa Malefoy par la peau du cou et l'obligea à franchir la porte, en passant devant les autres. Greyback, ainsi que les autres Mangemorts les suivirent, haletant d'excitation. Tenu par Rogue, Malefoy descendit dans le couloir faiblement éclairé qui était envahi de poussière. La moitié du plafond semblait s'être effondrée et un combat faisait rage un peu plus loin entre les autres Mangemorts et ce qu'il restait de la garde rapproché de Dumbledore. Alors qu'il essayait de trouver Hermione du regard, Rogue s'écria :

-C'est fini, il faut partir, maintenant !

Ils traversèrent indemnes la bataille qui faisait rage autour d'eux, puis tournèrent à l'angle du mur où Malefoy s'était caché il y avait trente minutes de cela.

Ils devaient courir vite, les membres de l'Ordre étaient certainement à leurs trousses. Drago s'apprêtait à tourner en direction du septième étage lorsque Rogue l'attrapa violemment par la manche.

-Le couloir est surveillé, nous devons quitter l'enceinte de Poudlard.

Poussé par une profonde bouffée d'adrénaline, Drago courra le plus vite possible. À chaque couloir, il chercha des yeux une tignasse brune, mais il ne vit personne. Il ne savait pas s'il était censé être rassuré ou inquiet, mais il devait avant tout quitter l'école. Ils devaient avoir une bonne longueur d'avance sur les membres de l'Ordre qui étaient dans le couloir en train de se débattre avec les Mangemorts restés au combat, ce qui rassura Drago.

Des cris commençaient à retentirent dans tout le château, signifiant que tous les élèves étaient réveillés à présents. Ils passèrent en courant devant un groupe d'élèves de Poufsouffle en pyjama, qui regardaient la scène d'un air effaré.

Ils arrivèrent enfin dans le Hall d'entrée et descendirent en précipitation les marches en marbre de l'immense escalier. Parmi la foule d'élèves qui semblaient pris de panique, Drago continua de regarder autour de lui le moindre signe d'Hermione.

Enfin, il la vit, devant l'entrée du couloir qui menait au cachot de Rogue. Elle le regarda passer devant elle, avec un mélange d'horreur, de pitié, mais également de honte. Ce regard déchira le cœur de Drago – ce qu'il lui restait du moins- comme jamais. Il continua de la regarder, pour lui montrer qu'il était désolé de tout ce qu'il se passait, mais Hermione baissa les yeux, blessée de cette trahison.

Avec sa baguette, Rogue força l'ouverture de la grande porte en chêne qui s'ouvrit aussitôt. Ils s'apprêtaient à repousser le groupe d'élèves qui se trouvaient devant la grande porte lorsqu'une lumière rouge jaillit derrière eux et vint heurter le sablier géant de Gryffondor qui se fracassa et rejeta tous les rubis qu'il contenait dans un ruissellement. Drago se retourna et vit Rowle les suivre de près, la baguette pointée vers le groupe d'élèves.

Ils sortirent enfin du château, l'air froid de la nuit lui déchira les poumons tandis qu'ils se dirigeaient vers le portail, au-delà duquel on pouvait transplaner…

Il continua de courir, insensible au point de côté qui commençait à lui brûler comme une flamme. Ils passèrent ensuite devant le gros balourd de Hagrid qui sortait de sa cabane en rugissant contre le Mangemort qui les suivait, croyant qu'ils étaient poursuivis. Drago regarda derrière son épaule, et vit Rowle lancer des maléfices en cascade sur le demi-géant. Au loin, il vit une forme noire couchée à terre se relever et continuer la poursuite.

-Nous y sommes presque Drago, l'encouragea Rogue en continuant à courir.

-Attention, nous sommes suivis !

Au moment où Rogue se retourna, il entendit une voix trop familière s'exclamer :

-Stupéfix !

Le jet de lumière manqua la tête de Rogue qui s'exclama :

-Courez, Drago ! puis fit volte-face.

Drago continua de courir en direction du portail qui se rapprochait, mais il ne pouvait quitter des yeux le maître des potions qui s'arrêta pour affronter Potter.

-Endol… commença Potter

Mais Rogue para le maléfice, le projetant en arrière sans lui laisser le temps d'aller jusqu'au bout. Ce dernier roula par terre puis se releva pendant que le gigantesque Mangemort hurlait derrière lui :

- Feu!

Une explosion retentit derrière lui et une lumière dansante aux teintes orangées se répandit sur eux : la cabane du demi-géant était en flammes.

-Crockdur est à l'intérieur, espèce d'abominable…, s'écria celui-ci.

- Endol…, lança Potter pour la deuxième fois, visant la silhouette de Rogue illuminée par l'incendie, mais ce dernier para à nouveau le maléfice.

Drago continua de courir, prenant des distances sur la scène qui se déroulait à quelques mètres. À présent, il ne percevait plus aucun son, sauf les aboiements du chien qui provenait de la cabane en feu. Quelques secondes plus tard, il arriva enfin au portail. Il jeta un dernier coup d'œil à Rogue qui continuait à contrer les sortilèges de Potter. Avec une dernière vision du parc en pleine nuit, il tourna les talons sur lui-même et pensa : Au manoir !

Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, il reconnut aussitôt la longue haie d'ifs impeccablement taillée qui longeait l'allée vers le manoir. Il se trouvait au pied du portail en fer forgé qui menait à l'entrée de sa maison, son foyer, pensa-t-il. Une boule au ventre, il appréhendait malgré tout de rentrer, même si sa mission était achevée, finie, réalisa-t-il avec un sentiment d'allégresse.

Même si ce n'était pas lui qui avait tué Dumbledore, il avait réussi sa part du contrat. Un sentiment de rage s'empara aussitôt de lui. Rogue, pensa-t-il en bouillonnant, il lui a volé sa réussite ! Il était sur le point de tuer ce vieillard imbécile avant que Rogue n'arrive et n'accomplisse sa mission. Mais l'aurait-il fait ? Se demanda-t-il. Aurait-il été capable de jeter ce sort funeste ? Il se souvint de sa dernière pensée avant l'arrivée de Rogue : Hermione. Pendant une fraction de seconde, un avenir avec elle aurait été possible…mais à présent, c'était perdu d'avance. Le cœur brisé, il se souvint de son regard dans le hall d'entrée…

Il ne supportait plus d'être seul avec ses pensées. Il fit les cent pas devant le portail, guettant l'arrivée de Rogue. Cinq minutes plus tard, sa silhouette noire apparut enfin devant Drago. Alors que d'ordinaire il gardait toujours un air implacable, l'expression de Rogue était à présent troublée, ils l'avaient échappé belle.

-Venez Drago, ne perdons pas une minute, rentrons.

À nouveau, il prit Drago part la manche.

-Lâchez-moi, je ne suis plus un enfant !

-Nous devons nous dépêcher, le Seigneur des Ténèbres doit attendre notre venue.

-Je ne me présenterai pas devant lui avec vous ! Vous allez me ridiculiser !

-Cessez vos enfantillages, Drago ! Je vous ai sauvé la vie ! Vous devriez m'être beaucoup plus reconnaissant…

-Vous plaisantez, vous avez sauvé votre peau comme toujours ! Sinon le Serment Inviolable de ma mère vous aurez tué ! Alors, vous avez veillé à m'aider et dans la même occasion, me voler ma gloire auprès du Seigneur des Ténèbres !

-Le Seigneur des Ténèbres nous sera reconnaissant à tous les deux, fit Rogue avec vénération. Il sera très impressionné par le travail acharné que vous avez mené tout au long de l'année pour avoir réussi à introduire des Mangemorts à Poudlard, soyez-en certain.

-Mais c'est moi qui devais le tuer ! Et s'il tue mes parents, car j'ai failli… vous…vous n'auriez pas dû intervenir ! Rugit à nouveau Drago. Vous m'avez empêché de… de…

-De devenir un assassin, acheva Rogue.

-Qu'est-ce que cela change ?

-Ca change que vous n'auriez plus du tout eu d'espoir avec Hermione Granger.

Drago ne savait quoi répondre à cela, pris de court par cette réponse inattendue de son ancien maître des potions. Sa rage se transforma aussitôt en profonde tristesse.

-C'est déjà trop tard, fit Drago. Vous aviez raison, elle ne me pardonnera jamais ce que j'ai fait ce soir.

-Ne perdez pas espoir, rien n'est perdu.

-Vous semblez avoir changé d'avis, fit remarquer Drago. Vous étiez moins optimiste quand j'étais à l'infirmerie.

Rogue se contenta de regarder Drago, comme s'il le voyait vraiment pour la première fois avant de lui répondre dans un murmure :

-Vous me rappeliez quelqu'un que j'ai connu et qui a préféré s'effacer plutôt que d'avouer ses sentiments… Je peux vous le dire Drago, vous y penserez chaque jour d'avoir baissé les bras.

Il posa sa main sur l'épaule de Drago, le laissant méditer sur ses paroles, puis envoya un Patronus pour signaler leur présence au manoir.

-À jamais, ajouta-t-il.