Chapitre 40 : La baguette de Sureau

La bataille continuait de faire rage autour d'eux. Ils entendirent à présent d'autres cris que ceux des fantômes qui battaient en retraite.

-Où est Ginny ? lança Harry brusquement. Elle était ici. Elle devait revenir dans la Salle sur Demande.

- Tu crois que la salle fonctionnera encore après l'incendie ? demanda Ron.

Lui aussi se remit debout. Il se massa la poitrine et regarda à droite et à gauche.

- Tu veux qu'on se sépare et qu'on aille voir…

- Non, trancha Hermione qui se relevait à son tour.

Drago et Goyle étaient restés étalés par terre, impuissants. Ils n'avaient plus de baguette, ni l'un, ni l'autre. Elle se refusait catégoriquement de le regarder.

- Restons ensemble. Allons-y… Harry, qu'est-ce que tu as sur le bras ?

-Quoi ? Ah, oui…

Il ôta le diadème de son poignet et le leva devant lui. Il était encore chaud, noirci de suie. Hermione se rapprocha et parvint à déchiffrer les mots minuscules qui y étaient gravés : « Tout homme s'enrichit quand abonde l'esprit. » Un liquide semblable à du sang semblait suinter du diadème. Soudain, elle vit l'objet vibrer avec violence, puis il se brisa entre ses mains. Elle crut alors entendre un très faible, très lointain cri de douleur provenant non pas du château mais de la chose qui venait de se disloquer sous ses doigts.

- Ce devait être un Feudeymon ! gémit Hermione, les yeux fixés sur les morceaux du diadème.

-Pardon ?

-Le Feudeymon – le feu ensorcelé –, c'est l'une des substances qui détruisent les Horcruxes mais jamais, jamais je n'aurais osé m'en servir, c'est tellement dangereux. Comment Crabbe savait-il… ?

- Ce sont les Carrow qui ont dû lui apprendre, déclara Harry d'un air sinistre.

- Dommage qu'il ne les ait pas écoutés quand ils ont expliqué comment l'arrêter, dit Ron.

Tout comme Hermione, il avait les cheveux roussis et le visage noir de suie.

- S'il n'avait pas essayé de nous tuer, je regretterais vraiment sa mort.

-Mais tu ne te rends pas compte ? murmura Hermione. Cela signifie que si nous parvenions à amener le serpent…

Elle s'interrompit lorsque des cris, des hurlements et les bruits caractéristiques de combats singuliers emplirent soudain le couloir. Hermione jeta un coup d'œil et crut que son cœur allait cesser de battre : des Mangemorts avaient pénétré dans Poudlard. Fred et Percy venaient d'apparaître, reculant vers eux, tous deux aux prises avec des hommes masqués et encapuchonnés.

Elle jeta un dernier coup d'œil en direction de Drago qui était toujours assis à terre dans le couloir dévasté. Son cœur saignait de le voir si désespéré, anéanti. Elle aurait voulu se jeter dans ses bras, lui crier que même après tout le mal qu'elle avait enduré, elle ne cesserait de l'aimer. Mais l'heure n'était pas aux déclarations, elle devait se battre, détruire les Horcruxes… le serpent !

Harry, Ron et Hermione se précipitèrent à leur rescousse. Des jets de lumière jaillirent dans toutes les directions et l'homme qui affrontait Percy se hâta de battre en retraite. Son capuchon glissa alors de sa tête et ils virent un front bombé, des cheveux noirs parsemés d'argent…

- Bonjour, monsieur le ministre ! s'écria Percy.

Il lança un maléfice droit sur Thicknesse qui lâcha sa baguette et crispa les mains sur sa poitrine, visiblement très mal en point.

- Vous ai-je informé de ma démission ?

- Ma parole, Perce, c'est de l'humour ! s'exclama Fred tandis que le Mangemort qu'il combattait s'effondrait sous le choc de trois sortilèges de Stupéfixion simultanés.

Thicknesse était tombé par terre et de minuscules piquants jaillissaient ur toute la surface de son corps. Il semblait se transformer en une sorte d'oursin. Fred regarda Percy d'un air réjoui.

- Tu as vraiment fait de l'humour, Perce… Je crois que je ne t'avais plus entendu dire quelque chose de drôle depuis que tu…

L'atmosphère sembla alors exploser. Ils étaient tous regroupés, Harry, Ron, Hermione, Fred et Percy, les deux Mangemorts à leurs pieds, l'un stupéfixé, l'autre métamorphosé. Et ce fut en cet instant précis où le danger paraissait momentanément écarté que le monde éclata en morceaux. Hermione se sentit catapultée dans les airs, se protégeant la tête de ses bras, et laissa échapper un cri de surprise mêlé à la terreur qu'elle ressentait à cet instant.

Elle entendit également d'autres cris, les hurlements de ses compagnons, sans le moindre espoir de savoir ce qui leur était arrivé…

Autour d'eux, tout n'était plus que douleur et pénombre.

Ron essaya de lui tenir la main, mais elle était à moitié enseveli sous les décombres du couloir qui avait subi une terrible attaque : un courant d'air froid lui indiqua que le flanc du château était éventré. Alors qu'elle se débattait parmi les gravats pour se remettre debout, elle entendit alors un cri déchirant qui lui remua les entrailles, un cri qui exprimait une souffrance que ni le feu ni aucun maléfice ne pouvait provoquer. Elle se débattait davantage pour se libérer. Elle regarda à ses côtés mais Ron n'était plus là. Elle eut la sensation qu'un froid glacial lui parcourait le corps.

A ses côtés, Harry se leva, chancelant sous les débris, sa joue saignait abondamment.

Enfin, elle su se remettre debout et vit, trois jeunes hommes aux cheveux roux étaient serrés les uns contre les autres, à l'endroit où l'explosion avait défoncé le mur. Harry saisit la main d'Hermione tandis qu'ils titubaient et trébuchaient sur les pierres et les débris de bois.

- Non… non… non ! hurla quelqu'un. Non ! Fred ! Non !

Percy secouait son frère, Ron agenouillé à côté d'eux, mais les yeux de Fred regardaient sans voir, le fantôme de son dernier rire toujours gravé sur son visage.

C'était la fin du monde, alors pourquoi la bataille n'avait-elle pas cessé, pourquoi le château n'avait-il pas sombré dans un silence horrifié, pourquoi chacun des combattants n'avaient-ils pas déposé les armes ? Elle eut l'impression que son esprit tombait en chute libre, tournoyant dans le vide, échappant à tout contrôle, incapable de saisir cette réalité impossible, car Fred Weasley ne pouvait pas être mort, ses sens avaient dû la tromper…

Puis, par la brèche ouverte dans le mur de l'école, elle vit tomber un corps. Des maléfices jaillirent de l'obscurité et volèrent vers eux, frappant le mur derrière leur tête.

- Couchez-vous ! hurla Harry, alors que de nouveaux sortilèges surgissaient dans la nuit.

Ron et Harry avaient tous deux attrapé Hermione, l'obligeant à se coucher par terre, et Percy s'était allongé sur le corps de Fred pour le protéger d'autres mutilations.

-Viens, Percy, il faut partir d'ici ! s'écria Harry.

Mais Percy refusa d'un signe de tête.

-Percy !

Hermione vit des traces de larmes sur le visage noirci de Ron qui avait pris son frère aîné par les épaules et essayait de l'entraîner. Mais Percy ne voulait pas bouger.

Elle aussi les larmes coulaient à flot sur son visage, n'arrivant pas à accepter la réalité… Fred, mort.

- Percy, tu ne peux plus rien pour lui ! On va…

Mais à ce moment, elle vit avec horreur d'énormes araignées monstrueuses, de la taille d'une petite voiture, qui essayaient de passer par l'énorme trou du mur défoncé : l'un des descendants d'Aragog s'était joint au combat. Elle poussa un cri effrayé et Harry se retourna aussitôt. A leur tour, Ron et Harry crièrent en même temps et leurs sortilèges se combinèrent pour frapper les monstres qui fut projetés en arrière, les pattes agitées d'horribles secousses, puis disparurent ns l'obscurité.

- Il a amené des amis ! s'exclama Harry, en jetant un coup d'oeil à travers l'ouverture du mur éventré par les maléfices.

D'autres araignées géantes grimpaient au flanc du château, libérées de la Forêt interdite dans laquelle les Mangemorts avaient dû pénétrer.

Ils lancèrent sur elles d'autres sortilèges de Stupéfixion, précipitant le chef des monstres sur ses congénères qui roulèrent au bas de la muraille, hors de son champ de vision. Puis de nouveaux maléfices volèrent au-dessus de sa tête, passant si près qu'elle sentit leurs ondes de choc lui ébouriffer les cheveux.

- Partons d'ici ! MAINTENANT !

Harry poussa Hermione devant lui en même temps que Ron, puis se baissa pour saisir le corps de Fred sous les aisselles. Percy, comprenant ce qu'il essayait de faire, cessa d'étreindre le cadavre de son frère et l'aida. Ensemble, penchés le plus bas possible pour éviter les sortilèges qui volaient vers eux depuis le parc, ils emmenèrent Fred à l'abri.

- Ici, dit Harry.

Ils l'installèrent dans une niche, occupée d'habitude par une armure.

Lorsqu'ils eurent finir de le déposer et s'être assuré que le corps était bien caché, Harry suivit Ron et Hermione. Elle jeta un coup d'œil au alentour mais le couloir était entièrement dévasté. Sous tout ce tumulte, elle n'avait pu voir où était passé Drago. La panique montait de plus en plus en elle, jamais elle n'avait été autant terrifiée de toute sa vie. Drago ?! Où était-il ? Avait-il réussi à s'enfuir ? Elle voulu retourner à l'endroit où elle l'avait aperçu pour la dernière fois, mais Harry et Ron la tirait vers eux. Elle ne parvenait plus à discerner quoique ce soit : le bout du couloir rempli de poussières et de gravats, les vitres des fenêtres depuis longtemps pulvérisées, une foule de gens qui couraient en tous sens, amis ou ennemis, il n'aurait su le dire. Tournant l'angle du mur, Percy poussa un mugissement de taureau :

- ROOKWOOD !

Il se précipita vers un homme de haute taille qui poursuivait deux élèves. Sur sa droite, elle vit avec soulagement une tapisserie derrière laquelle ils pourraient se cacher. D'un pas rapide, elle attira Ron vers elle, mais celui-ci se débattait pour rejoindre son frère.

- Harry, par ici ! s'écria Hermione.

Pendant que Harry se dirigeait vers eux, Hermione continuait de retenir Ron de l'empêcher de courir après Percy.

- Écoute-moi… ÉCOUTE-MOI, RON !

- Je veux aider… Je veux tuer des Mangemorts…

Les traits de son visage, sali par la fumée et la poussière, étaient déformés, et il tremblait de rage et de chagrin.

- Ron, nous sommes les seuls à pouvoir en finir ! S'il te plaît… Ron… Il nous faut le serpent… nous devons tuer le serpent ! insista Hermione. Nous allons nous battre ! Il le faudra, pour atteindre le serpent ! Mais ne perdons pas de vue ce que nous devons f… faire ! Nous sommes les seuls à pouvoir en finir ! répéta-t-elle.

Elle aussi pleurait. Tout en parlant, elle essuyait son visage avec sa manche déchirée, roussie. Sans lâcher Ron, elle se tourna vers Harry et respira profondément pour se calmer.

- Il faut que tu saches où se trouve Voldemort, puisque le serpent doit être avec lui, n'est-ce pas ? Vas-y, Harry… regarde ce qui se passe dans sa tête !

Obéissant à Hermione, il ferma les yeux et aussitôt, elle le vit se plonger dans une sorte de léthargie. Ron et Hermione le regardèrent, leur visage marqué par l'appréhension des visions de Harry. Que voyait-il ? Où était Voldemort en ce moment ? Ils essayaient de garder leur calme, mais Hermione entendit la respiration de Ron continuer à s'accélérer. Son visage était décomposé, marqué par un mélange de haine et de peur. Elle aurait aimé le serrer contre elle, le rassurer mais elle n'y parvint pas. Alors, d'un geste délicat elle lui prit la main et la serra.

Enfin, avec un haut-le-corps, Harry s'arracha à sa vision et rouvrit les yeux.

-Il est dans la Cabane hurlante. Le serpent est avec lui, entouré d'une protection magique. Il vient d'envoyer Lucius Malefoy chercher Rogue.

- Voldemort est dans la Cabane hurlante ? s'exclama Hermione, outrée. Il ne… Il n'est même pas en train de se battre ?

- Il pense que ce n'est pas nécessaire, dit Harry. Il pense que c'est moi qui vais aller vers lui.

-Mais pourquoi ?

- Il sait que je recherche les Horcruxes… et il ne se sépare plus de Nagini… De toute évidence, il faudra bien que je me rende auprès de lui, si je veux m'approcher de la créature…

-Très bien, dit Ron en redressant les épaules. Il n'est pas question que tu y ailles, c'est ce qu'il veut, c'est ce qu'il attend. Donc, tu restes ici pour t'occuper d'Hermione et moi j'irai le chercher…

Harry lui barra le chemin.

- Vous deux, vous ne bougez pas. Je vais y aller sous la cape d'invisibilité et je reviendrai dès que je…

- Non, l'interrompit Hermione. Il serait beaucoup plus logique que je prenne la cape et…

- N'y pense même pas, gronda Ron.

Hermione avait tout juste eu le temps de répondre : « Ron, je suis aussi capable que toi de…», lorsque la tapisserie au sommet de l'escalier sur lequel ils se tenaient se déchira soudain.

- POTTER !

Deux Mangemorts masqués avaient surgi devant eux, mais à peine avaient-ils fait le geste de lever leurs baguettes qu'Hermione s'était déjà écriée :

- Glisseo !

Sous leurs pieds, les marches s'aplatirent aussitôt en formant un toboggan. Harry, Ron et Hermione furent précipités vers le bas de l'escalier, incapables de contrôler leur chute, glissant à une telle vitesse que les sortilèges de Stupéfixion des Mangemorts passaient loin au-dessus de leur tête. Ils traversèrent comme une flèche la tapisserie qui masquait le pied de l'escalier et atterrirent dans un couloir en roulant sur eux-mêmes, pour finir leur course contre le mur opposé.

- Duro ! s'exclama Hermione en pointant sa baguette.

Deux craquements sonores, à donner la nausée, retentirent derrière la tapisserie qui s'était changée en pierre et contre laquelle leurs poursuivants venaient de s'écraser.

- Écartez-vous ! hurla Ron.

Harry, Hermione et lui s'aplatirent dans l'embrasure d'une porte tandis qu'une horde de pupitres au galop fonçait devant eux, menée à la baguette par le professeur McGonagall qui courait à toutes jambes et ne sembla pas s'apercevoir de leur présence. Ses cheveux défaits étaient tombés sur ses épaules et elle avait une entaille sur la joue. Lorsqu'elle tourna l'angle du mur, ils l'entendirent crier :

- CHARGEZ !

- Harry, mets la cape, dit Hermione. Ne t'inquiète pas pour nous…

Mais il la déploya sur eux trois. Si grands qu'ils fussent, il doutait qu'on puisse voir leurs pieds dans la poussière qui saturait l'atmosphère, les gravats qui tombaient de toutes parts et le scintillement des sortilèges. Ils dévalèrent l'escalier voisin et se retrouvèrent dans un couloir rempli de combattants. De chaque côté, les tableaux accrochés aux murs étaient peuplés de personnages peints qui hurlaient des conseils et des encouragements pendant que les Mangemorts, masqués ou à visage découvert, affrontaient élèves et professeurs. Dean avait réussi à s'emparer d'une baguette et se battait contre Dolohov. Parvati était aux prises avec Travers. Harry, Ron et Hermione brandirent aussitôt leurs propres baguettes, prêts à frapper, mais tout le monde courait, virait, zigzaguait si vite qu'en lançant un sortilège, ils risquaient fort de toucher quelqu'un de leur propre camp.

Concentrés sur le combat, ils guettaient la moindre occasion d'agir, lorsqu'un grand « whIIIIIIIIIIII ! » retentit. Hermione leva les yeux et vit Peeves. Filant au-dessus d'eux, il jetait des gousses de Snargalouf sur les Mangemorts dont la tête fut soudain engloutie par des tentacules verdâtres qui se tortillaient comme de gros vers.

- Argh !

Une poignée de gousses était tombée sur la cape d'invisibilité, à l'endroit où Ron avait sa tête. Les racines vertes et gluantes semblèrent suspendues en l'air dans une étrange position, tandis que Ron essayait de s'en débarrasser.

- Il y a quelqu'un d'invisible, là-bas ! s'écria un Mangemort masqué, le doigt tendu. Dean profita de la distraction momentanée du Mangemort et le frappa avec un sortilège de Stupéfixion. Dolohov essaya de répliquer mais Parvati l'immobilisa à l'aide d'un maléfice du Saucisson.

-ALLONS-Y ! hurla Harry.

Tous trois resserrèrent la cape autour d'eux et se ruèrent en avant, tête baissée, au milieu de la bataille, glissant un peu sur les flaques de jus de Snargalouf. Ils se dirigeaient vers l'escalier de marbre qui menait dans le hall d'entrée.

- Je suis Drago Malefoy, c'est moi, Drago, je suis dans votre camp !

Drago, en haut des marches, suppliait un autre Mangemort masqué de l'épargner. Le cœur d'Hermione se serra, réalisant qu'il n'avait plus de baguette. Elle sortit la sienne au moment où Harry stupéfixa le Mangemort au passage. Malefoy, soudain rayonnant, regarda autour de lui, cherchant son sauveur, mais Ron lui donna un coup de poing à travers la cape. Malefoy tomba en arrière sur le Mangemort inconscient, la bouche ensanglantée, proprement stupéfait.

Elle regarda Ron d'un air outré, puis réalisa qu'elle ne s'en souciait guère pour le moment.

- C'est la deuxième fois qu'on te sauve la vie, ce soir, abominable faux-jeton ! lança Ron.

Il y avait d'autres combattants du haut en bas de l'escalier ainsi que dans le hall. Les Mangemorts étaient partout : Yaxley, près de la porte d'entrée, affrontait Flitwick. À côté d'eux, un Mangemort masqué se battait contre Kingsley.

Des élèves couraient en tous sens, certains portant ou traînant des amis blessés. Harry expédia vers le Mangemort masqué un sortilège de Stupéfixion qui le manqua mais faillit frapper Neville. Celui-ci avait surgi de nulle part, les bras chargés d'une Tentacula vénéneuse qui s'enroula joyeusement autour du Mangemort le plus proche et le fit vaciller.

Harry, Ron et Hermione dévalèrent l'escalier de marbre. Du verre se brisa sur leur gauche et le sablier des Serpentard qui comptabilisait les points de leur maison déversa ses émeraudes un peu partout. Plusieurs personnes surprises en pleine course glissèrent et chancelèrent dangereusement. Lorsque tous trois arrivèrent au bas des marches, deux corps tombèrent pardessus la balustrade, au-dessus de leur tête, et une forme grise, indistincte, se précipita à quatre pattes à travers le hall pour planter ses dents dans l'une des deux victimes.

- NON ! hurla Hermione.

Sa baguette produisit une détonation assourdissante et Fenrir Greyback fut rejeté en arrière, loin du corps de Lavande Brown qui remuait faiblement sur le sol. Greyback heurta de plein fouet la rampe de marbre de l'escalier et se débattit pour se remettre debout. Mais, dans un éclair blanc aveuglant et un craquement sonore, une boule de cristal lui tomba sur la tête et il s'effondra sur le sol, inerte.

- J'en ai d'autres ! s'écria le professeur Trelawney par-dessus la balustrade. Il suffit de demander ! Tenez…

Avec un geste semblable à celui d'un joueur de tennis au service, elle sortit de son sac une énorme sphère de cristal, agita sa baguette en l'air et envoya la boule fracasser une fenêtre de l'autre côté du hall. Au même moment, les lourdes portes de bois de l'entrée s'ouvrirent à la volée et d'autres araignées gigantesques pénétrèrent de force dans le hall.

Des cris de terreur s'élevèrent de toutes parts : les combattants se dispersèrent, les Mangemorts tout comme les élèves de Poudlard, et des jets de lumière rouge et verte volèrent vers les nouveaux monstres qui frémirent de toutes leurs pattes et se cabrèrent, plus effrayants que jamais.

- Comment on s'y prend pour sortir ? s'exclama Ron, sa voix dominant les hurlements.

Mais avant que Harry ou Hermione aient pu répondre, ils furent tous les trois brutalement écartés : Hagrid avait dévalé l'escalier comme un boulet de canon en brandissant son parapluie rose à fleurs.

- Ne leur faites pas de mal, ne leur faites pas de mal ! beugla-t-il.

- HAGRID, NON !

Sans qu'elle s'y attende, Harry sortit de sous la cape d'invisibilité et se mit à courir, penché à angle droit pour éviter les maléfices qui illuminaient le hall tout entier.

- HAGRID, REVENEZ !

Derrière lui, Ron et Hermione lui crièrent de revenir. Hermione voulu s'enlever à son tour de la cape mais Ron la retint :

-N'Y VAS PAS ! Cria-t-il pour couvrir les bruits du vacarme qui régnait dans le hall d'entrée.

-MAIS IL VA SE FAIRE CAPTURER ! Hurla Hermione, les larmes coulant sur sa joue.

Ron réfléchit, puis leur ôta la cape et prit la main d'Hermione avant de courir à toutes jambes vers Harry. Quand ils arrivèrent, un géant de six mètres de hauteur se dressait devant lui, la tête cachée dans l'ombre. Seuls ses tibias velus, épais comme des troncs d'arbre, étaient éclairés par la lumière qui filtrait à travers les portes ouvertes du château. Dans un mouvement souple et brutal, le géant défonça d'un poing massif une fenêtre des étages supérieurs et une pluie de verre brisé tomba sur Harry, l'obligeant à reculer à l'abri de l'entrée.

- Oh, mon Dieu ! hurla Hermione.

Elle leva sa baguette, prête à stupéfixer le géant mais Ron l'en empêcha :

- NE FAIS PAS ÇA ! Si tu le stupéfixes, il va écraser la moitié du château…

- HAGGER ?

Graup apparut à l'angle du château. À cet instant seulement, Elle se rendit compte que Graup était en effet un géant de petite taille. Le monstre gargantuesque qui essayait de broyer ses victimes dans les étages du château se retourna et poussa un rugissement. Les marches de pierre tremblèrent lorsqu'il s'avança à pas lourds vers son congénère plus petit.

La bouche tordue de Graup s'ouvrit toute grande, découvrant des dents jaunes de la taille d'une brique. Ils se jetèrent alors l'un sur l'autre avec une sauvagerie de lions.

- COUREZ ! beugla Harry.

La nuit fut remplie des bruits de coups et des cris atroces que produisait la lutte des géants. Harry saisit la main d'Hermione et se rua dans le parc, Ron sur leurs talons. Ils couraient si vite qu'ils étaient arrivés à mi-chemin de la Forêt interdite quand ils durent à nouveau s'arrêter net. Autour d'eux, l'atmosphère s'était figée. Elle eut le souffle coupé, l'air qu'elle respirait sembla se solidifier dans sa poitrine. Des formes s'avançaient dans l'obscurité, des silhouettes ondulantes, noires comme un concentré de ténèbres, se dirigeant vers le château en une grande vague mouvante, leurs visages dissimulés sous des capuchons, leur respiration semblable à un râle… Hermione arriva à hauteur de Harry. et, derrière eux, le tumulte de la bataille fut soudain assourdi, étouffé, par un silence épais que seuls les Détraqueurs pouvaient répandre dans la nuit…

- Allez, Harry ! dit Hermione. Les Patronus, vite, Harry !

Elle brandit sa baguette, sa main tremblante et pensa de toute ses forces à souvenir heureux. Comme à son habitude, elle pensa à Drago, au moment de bonheur qu'ils avaient passé ensemble mais la loutre s'agita quelques instants avant de s'effacer. A ses côtés, Ron avait un teint cadavérique, son terrier argenté surgissait dans les airs, vacilla faiblement puis expira. Harry, quant à lui, restait pétrifié.

- ALLEZ, HARRY ! hurla Hermione.

De leur pas glissant, une centaine de Détraqueurs s'approchaient, comme s'ils aspiraient l'espace les séparant. Enfin, brusquement, un lièvre, un sanglier et un renard argentés s'envolèrent au-dessus de la tête de Harry, de Ron et d'Hermione. Les Détraqueurs reculèrent à l'approche des créatures. Trois autres personnes étaient sorties de l'obscurité et les entouraient, leurs baguettes tendues, continuant de faire avancer leurs Patronus : Luna, Ernie, Seamus.

- C'est bien, dit Luna d'un ton encourageant, comme s'ils étaient revenus au temps des séances d'entraînement de l'A.D., dans la Salle sur Demande. C'est bien, Harry… Allez, pense à quelque chose d'heureux…

- Quelque chose d'heureux ? répéta-t-il, la voix brisée.

- Nous sommes toujours là, tous ensemble, murmura-t-elle, et nous nous battons. Vas-y, maintenant…

A leur tour, une loutre, un terrier et le cerf de Harry surgirent se mêlant aux Patronus de leurs amis. La nuit retrouva aussitôt sa tiédeur et Hermione entendit résonner avec force les bruits de la bataille.

- On ne pourra jamais assez vous remercier, dit Ron d'une voix tremblante en se tournant vers Luna, Ernie et Seamus, vous venez de nous sauver la…

Avec un rugissement et une démarche à faire trembler la terre, un autre géant se dressa dans l'obscurité, venant de la Forêt interdite. Il brandissait une massue plus grande à elle toute seule que n'importe lequel d'entre eux.

- COUREZ ! s'écria à nouveau Harry.

Les autres n'avaient pas besoin du conseil. Ils avaient déjà pris la fuite, d'extrême justesse, car l'énorme pied de la créature s'abattit à l'endroit précis où ils s'étaient trouvés un instant auparavant. Ron et Hermione coururent comme si le Diable en personne était à leur trousse.

- Éloignons-nous ! hurla Ron.

Le géant brandit à nouveau sa massue et ses mugissements retentirent dans la nuit, à travers le parc où des explosions de lumière rouge et verte continuaient d'illuminer l'obscurité.

- Le Saule cogneur ! dit Harry. Allons-y !

Aussitôt, ils se mirent à courir, courir de toutes leurs forces à travers le parc obscur. Au bout de quelques mètres, elle sentit une pointe fulgurante à son côté droit. Essayant de ne pas faire attention à la douleur, ils passaient en courant à côté des jets de lumière qui sillonnaient l'obscurité tout autour d'eux, au bouillonnement du lac dont l'eau s'agitait comme les vagues de la mer et aux arbres qu'on entendait craquer dans la Forêt interdite, bien qu'il n'y eût pas le moindre souffle de vent.

Harry arriva le premier à hauteur du saule cogneur et se mit à contourner le saule dont les branches fendaient l'air autour de lui et examina dans l'obscurité son tronc épais, essayant de repérer dans l'écorce du vieil arbre le noeud qui permettait de l'immobiliser. Ron et Hermione le rattrapèrent. Elle était si essoufflée qu'elle n'arrivait plus à parler.

-Comment… Comment allons-nous entrer ? demanda Ron, hors d'haleine. Je vois… l'endroit… si seulement… Pattenrond était là…

- Pattenrond ? s'indigna Hermione, la respiration sifflante, courbée en deux, se tenant la poitrine à deux mains. Tu es un sorcier, ou quoi ?

- Hein oui… c'est vrai…

Ron jeta un coup d'oeil alentour puis dirigea sa baguette vers une brindille, sur le sol, et prononça la formule :

- Wingardium Leviosa !

La brindille décolla de terre, tournoya dans les airs comme si elle était emportée par une rafale de vent, puis fila droit vers le tronc, à travers les branches menaçantes qui s'agitaient en tous sens. Elle heurta un point précis, tout près des racines et l'arbre cessa aussitôt de se contorsionner, devenant soudain immobile.

- Parfait ! haleta Hermione.

- Attendez.

Pendant une seconde d'incertitude, alors que les détonations et les crépitements de la bataille emplissaient l'atmosphère, Harry semblait hésiter. Tout comme elle, Ron semblait deviner ses pensées.

- Harry, nous te suivons, entre là-dedans ! dit Ron en le poussant en avant.

Harry se tortilla pour se glisser dans le passage qui s'enfonçait sous terre, caché par les racines de l'arbre.

A leur tour, Ron et Hermione s'enfoncèrent dans le passage secret menant à la cabane. Ils étaient beaucoup plus à l'étroit que la dernière fois qu'il s'y était faufilé. Le tunnel avait un plafond bas. Ils avaient dû se courber pour le parcourir, près de quatre ans auparavant, mais maintenant, ils étaient obligés d'avancer à quatre pattes. Devant, Harry illumina le passage avec sa baguette. Enfin, le tunnel commença à remonter vers la surface et un mince rai de lumière apparut. Alors qu'ils étaient sur le point d'arriver à la fin du tunnel, Hermione réalisa qu'ils n'avaient plus la cape pour les cacher. Aussitôt, elle tira la cheville de Harry :

- La cape ! murmura-t-elle. Mets la cape !

Il tâtonna derrière lui et elle posa dans sa main libre l'étoffe glissante qu'elle avait roulée en boule. Il murmura « Nox » pour éteindre sa baguette et continua d'avancer à quatre pattes, totalement invisible sous la cape. Enfin, ils arrivèrent au bout, des voix lui parvinrent, en provenance de la pièce qui se trouvait devant eux, légèrement étouffées par une vieille caisse placée à l'extrémité du tunnel pour en interdire l'accès.

Le souffle coupé, elle suivit Harry et rampa jusqu'à l'entrée du passage et regarda à travers une fente minuscule, entre la caisse et le mur.

De l'autre côté, la pièce était faiblement éclairée mais elle voyait Nagini onduler et s'enrouler comme un serpent d'eau, à l'abri de sa sphère ensorcelée, parsemée d'étoiles, qui flottait en l'air sans le moindre support. Elle apercevait également le bord d'une table et une main blanche aux longs doigts qui jouait avec une baguette. La voix de Rogue s'éleva alors et Hermione sentit son coeur faire un bond : Rogue se trouvait à quelques centimètres de l'endroit où ils étaient tapis, hors de vue. Comment allaient-ils s'y prendre pour atteindre le serpent ? Se demanda-t-elle, prise de panique, son cœur tambourinant plus que jamais dans sa poitrine.

- … Maître, leur résistance s'effondre…

- … Et cela se produit sans ton aide, répliqua Voldemort de sa voix claire et aiguë. Si habile sorcier que tu sois, Severus, je ne pense pas que tu puisses changer grand-chose, maintenant. Nous sommes presque au but… presque.

- Laissez-moi retrouver ce garçon. Laissez-moi vous livrer Potter. Je sais que je peux le capturer, Maître. S'il vous plaît.

Rogue passa devant l'interstice, entre la caisse et le mur, tandis que Voldemort se levait. Jamais elle ne l'avait vu de si prêt, elle pouvait distinguer ses yeux rouges, son visage aplati, reptilien, dont la pâleur luisait légèrement dans la pénombre. Elle sentit tous les membres de son corps trembler et ses cheveux se hissèrent sur sa nuque. - -J'ai un problème, Severus, déclara Voldemort d'une voix douce.

- Maître ? dit Rogue.

Voldemort leva la Baguette de Sureau, la tenant avec délicatesse et précision comme un chef d'orchestre.

- Pourquoi ne fonctionne-t-elle pas avec moi, Severus ?

Dans le silence qui suivit, Hermione crut entendre le serpent siffler légèrement tandis qu'il enroulait et déroulait ses anneaux, ou peut-être était-ce le soupir chuintant de Voldemort qui se prolongeait dans l'air ?

- M… Maître ? reprit Rogue d'une voix neutre. Je ne comprends pas. Vous… Vous avez accompli avec cette baguette de véritables prouesses magiques.

- Non, répliqua Voldemort. J'ai accompli ma magie habituelle. Il est vrai que je suis extraordinaire, mais cette baguette ne l'est… pas. Elle n'a pas produit les merveilles qu'elle promettait. Je n'ai remarqué aucune différence entre cette baguette et celle que je me suis procurée chez Ollivander il y a bien des années.

Le ton de Voldemort était calme, songeur, mais elle sentit qu'il dissimulait une colère qui ne tarderait pas à exploser.

- Aucune différence, répéta Voldemort.

Rogue resta silencieux. Elle comprit que Rogue sentait le danger, s'il essayait de trouver les mots justes, de rassurer son maître. Voldemort se mit à faire les cent pas autour de la pièce. Elle le perdit de vue quelques secondes pendant qu'il marchait ainsi, parlant de la même voix mesurée.

- J'ai réfléchi longtemps, profondément, Severus… Sais-tu pourquoi je t'ai fait rappeler en pleine bataille ?

-Non, Maître, mais je vous supplie de me laisser y retourner. Laissez-moi retrouver Potter.

- On croirait entendre Lucius. Ni l'un ni l'autre vous ne comprenez Potter comme je le comprends. Il est inutile de le chercher. Potter viendra à moi. Je connais sa faiblesse, vois-tu, son plus grand défaut. Il ne supportera pas de voir les autres tomber autour de lui en sachant que c'est pour lui qu'ils meurent. Il voudra arrêter cela à tout prix. Il viendra.

-Mais, Maître, il se peut qu'il soit tué accidentellement par quelqu'un d'autre que vous…

- Les instructions que j'ai données aux Mangemorts ont été parfaitement claires. Capturez Potter. Tuez ses amis – tuez-en le plus possible – mais ne le tuez pas, lui.

« C'est de toi cependant que je veux te parler, Severus, et non pas de Harry Potter. Tu m'as été précieux. Très précieux.

- Mon Maître sait que je cherche seulement à le servir. Laissez-moi partir pour retrouver ce garçon, Maître. Laissez-moi vous le livrer. Je sais que je peux…

- Je t'ai déjà dit non ! trancha Voldemort.

Il se tourna à nouveau et Hermione perçut, à travers le corps transparent de Harry, l'éclat rouge de ses yeux. Le bruissement de sa cape évoquait le glissement d'un serpent sur le sol.

- Ma préoccupation, en ce moment, Severus, c'est ce qui se passera quand j'affronterai enfin ce garçon !

- Maître, la question ne se pose sûrement pas…

- Mais si, la question se pose, Severus. Elle se pose.

Voldemort s'arrêta et, à nouveau, Hermione le vit nettement. Il glissait la Baguette de Sureau entre ses doigts blancs, le regard fixé sur Rogue.

Son cœur allait exploser dans sa poitrine. Avec horreur, elle ne présageait rien de bon pour Rogue, sentant l'excitation du serpent monter de plus en plus. A ses côtés, elle entendit la respiration saccadée de Ron. Elle essaya de chercher sa main, pour être rassurée, mais le passage était trop étroit et ils risqueraient de faire du bruit.

- Pourquoi les deux baguettes que j'ai utilisées ont-elles échoué lorsque je les ai dirigées contre Harry Potter ?

- Je… Je l'ignore, Maître.

- Tu l'ignores ? Ma baguette en bois d'if a toujours accompli ce que je lui demandais, Severus, sauf quand il s'est agi de tuer Harry Potter. Par deux fois, elle a raté. Sous la torture, Ollivander m'a parlé des deux coeurs jumeaux et il m'a conseillé de prendre une autre baguette. C'est ce que j'ai fait, mais la baguette de Lucius s'est brisée face à Potter.

- Je… Je n'ai pas d'explication, Maître.

Rogue ne regardait plus Voldemort. Ses yeux sombres fixaient toujours le serpent lové dans sa sphère protectrice.

- J'ai cherché une troisième baguette, Severus. La Baguette de Sureau, la Baguette de la Destinée, le Bâton de la Mort. Je l'ai prise à son ancien maître. Je l'ai prise dans la tombe d'Albus Dumbledore.

Rogue s'était maintenant tourné vers Voldemort, et son visage ressemblait à un masque mortuaire. Il était blanc comme du marbre et ses traits avaient une telle immobilité que lorsqu'il parla à nouveau, ce fut comme un choc de voir que quelqu'un vivait encore derrière ces yeux vides.

- Maître… Laissez-moi aller chercher ce garçon…

- Tout au long de cette nuit, alors que je suis au bord de la victoire, je suis resté assis dans cette pièce, reprit Voldemort, la voix guère plus haute qu'un murmure, à me demander, encore et encore, pourquoi la Baguette de Sureau refusait d'être ce qu'elle devrait être, refusait d'agir comme la légende dit qu'elle doit agir entre les mains de son possesseur légitime… Et je crois que j'ai trouvé la réponse.

Rogue resta muet.

-Peut-être la connais-tu déjà ? Après tout, tu es un homme intelligent, Severus. Tu as été un bon et fidèle serviteur et je regrette ce qui doit malheureusement arriver.

- Maître…

- La Baguette de Sureau ne peut m'obéir pleinement, Severus, parce que je ne suis pas son vrai maître. Elle appartient au sorcier qui a tué son ancien propriétaire. C'est toi qui as tué Albus Dumbledore et tant que tu vivras, la Baguette de Sureau ne pourra m'appartenir véritablement.

- Maître ! protesta Rogue en levant sa propre baguette magique.

- Il ne peut en être autrement, répliqua Voldemort. Je dois maîtriser cette baguette, Severus. Maîtriser la baguette pour maîtriser enfin Potter.

D'un mouvement du bras, Voldemort donna un grand coup dans le vide avec la Baguette de Sureau. Ce geste n'eut aucun effet sur Rogue qui, pendant une fraction de seconde, sembla penser qu'il avait été épargné. Mais l'intention du Seigneur des Ténèbres devint très vite manifeste.

La cage du serpent tournoya dans les airs et avant que Rogue ait pu faire autre chose que pousser un cri, elle lui avait entouré la tête et les épaules.

Voldemort s'exprima alors en Fourchelang. Elle n'eut pas besoin de parler le Fourchelang pour comprendre l'ordre de Voldemort et elle ferma aussitôt les yeux. Un horrible hurlement retentit à ses oreilles. Elle serra plus fort les paupières, comme si elles étaient sur le point de s'enfoncer dans ses orbites. Incapable d'entendre ce cri horrible, elle plaqua ses mains sur ses oreilles, mais le hurlement continuait de percer.

- Je regrette, dit froidement Voldemort.

Elle réussit à entrouvrir les yeux et vit Voldemort se détourner. Il n'y avait aucune tristesse en lui, aucun remords. Le moment était venu de quitter la cabane et de prendre le commandement des opérations, avec une baguette qui, à présent, lui obéirait pleinement. Il la pointa vers la cage étoilée qui s'éleva et libéra le corps de Rogue Celui-ci s'affaissa sur le côté, un flot de sang se déversant des blessures de son cou. Voldemort sortit de la pièce dans un grand mouvement de cape, sans un regard en arrière, et le grand serpent le suivit, flottant derrière lui dans son immense sphère protectrice.

- Harry ! murmura Hermione derrière lui.

Mais il avait déjà pointé sa baguette sur la caisse qui lui bouchait la vue. Elle se souleva à deux centimètres du sol et s'écarta sans bruit. Le plus silencieusement possible, il se faufila à l'intérieur de la pièce. Ron et elle le suivirent, et vit avec horreur leur ancien maître des potions, gisant à terre. Harry enleva sa cape d'invisibilité et se pencha vers lui, tandis que ses doigts essayaient d'étancher la plaie sanglante de son cou. Les yeux de Rogue se posèrent sur Harry. Il essaya de parler. Lorsque Harry se pencha, Rogue saisit le devant de sa robe et l'attira vers lui.

Un râle, un gargouillement abominable sortit de sa gorge.

- Prenez-… les… Prenez-… les…

Quelque chose d'autre que du sang ruisselait du visage de Rogue. D'un bleu argenté, ni gaz, ni liquide, la substance jaillissait de sa bouche, de ses oreilles, de ses yeux. Hermione comprit ce qu'il essayait de faire et vit aussitôt apparaître une flasque, surgie de nulle part. À l'aide de sa baguette, Harry y versa la substance argentée. Lorsque la flasque fut pleine et que

Rogue sembla ne plus avoir en lui une goutte de sang, l'étreinte de sa main sur la robe de Harry se desserra.

- Regardez-… moi, murmura-t-il.

Les yeux verts de Harry croisèrent les yeux noirs de Rogue mais un instant plus tard, quelque chose sembla s'éteindre au fond du regard sombre qui devint fixe, terne, vide. La main qui tenait encore Harry retomba avec un bruit sourd et Rogue ne bougea plus.