Chapitre 31 : Little Tall Creek

-Si tu ne te décides pas Granger, on passe la nuit ici !

Le soleil disparaissait lentement à l'horizon, projetant ainsi un halo de lumière rougeâtre qui s'étendait à perte de vue sur toute la plaine sauvage et désertique du paysage. La terre battue et aride, sur laquelle ils marchaient depuis des jours entiers, traversait un interminable désert parsemé de vieux arbustes séchés et leur offrait une impressionnante palette de couleurs à couper le souffle : aussi rougeâtre que les braises d'un feu, le coucher du soleil semblait se fondre dans le sol pour former, parfaitement, une teinte orangée si particulière. De sa vie, jamais Hermione n'avait assisté à un coucher du soleil aussi spectaculaire. Au loin, d'immenses rochers se dressaient devant eux, projetant une ombre fantomatique sur ce tableau paisible et serein. La nuit ne tarderait pas à tomber et un vent frais commença déjà à se lever, balayant d'un mouvement léger la terre sèche, formant des nuages de poussière.

-Installons la tente entre ces deux rochers, ils nous protégeront du vent.

Drago acquiesça et ils se dirigèrent d'un pas pressé, leur visage enfoui dans le col de leur cape de sorcier pour se protéger du sable qui fouettait violemment leur visage. Enfin, lorsque la tente - apportée par Hermione avant leur fuite - fut montée, les deux fugitifs se blottirent l'un contre l'autre pour se protéger de la température qui commençait à baisser en ce début de soirée. Bien que ce soit l'été, les soirées dans cette partie du désert étaient encore plus glaciales qu'une nuit d'hiver en Angleterre, le vent soufflait avec une telle intensité qu'ils ne pouvaient faire un pas de plus. Le plus interpellant était le contraste de température entre la nuit et le jour. Durant la journée, la chaleur du désert devenait tellement insoutenable qu'ils préféraient poser leur tente dans le peu d'ombre qu'offraient certains gros rochers ou arbres desséchés qu'ils pouvaient trouver sur leur chemin.

L'inconvénient de ces fréquents arrêts était qu'ils n'avaient parcouru qu'une infime partie du sud-ouest du pays sans réussir à trouver la moindre trace des parents d'Hermione. Ils transplanaient, de ville en ville, semblable à des fourmis perdues dans une immense fourmilière, à la recherche d'une quelconque indication administrative concernant Mr et Mme Wilkins, sans succès. Après quelques semaines à arpenter les villes, la jeune fille fut contrainte de reconnaître que son maléfice de modification de mémoire était trop puissant pour qu'on puisse les retrouver et que ses parents se trouvaient probablement dans un coin reculé de l'Australie. À présent, ils arpentaient les déserts, à la recherche de villages ou passants qui pourraient leur fournir la moindre indication sur ses parents.

Une fois la tente installée, Drago et Hermione s'engouffrèrent à l'intérieur, se recouvrant d'épaisses couvertures tout se serrant l'un contre l'autre autour d'un feu magique enfermé dans un bocal comme Hermione réussit si bien à exécuter. Plus les jours passaient, plus les conditions de vie de leur périlleuse expédition se compliquaient au point que leur réserve de nourriture diminuait dangereusement, ce qui n'améliorait pas l'humeur maussade de Drago, habitué aux somptueux repas et confort qu'offrait le manoir des Malefoy. Avec une pointe d'ironie, elle repensa au comportement semblable de Ron, quelques mois plus tôt. Hermione, quant à elle, était habituée à ce mode de vie austère, son année de recherche d'Horcruxe l'avait endurcie si bien qu'elle supportait sans peine la faim, le froid et la fatigue.

Après avoir avalé une de leurs dernières réserves de soupe en boite, Hermione se blottit dans les bras de Drago, la fatigue l'emportant doucement dans les bras de Morphée. Elle remonta jusqu'à son menton l'épaisse couverture en laine et s'étendit tout le long sur le lit de camp. Grâce au sortilège d'expansion, remarquablement effectué, ils bénéficiaient de tout le confort nécessaire pour leur expédition : un vieux canapé-lit récupéré dans le grenier leur servait pour dormir, leur petite table de jardin ainsi que deux chaises pliantes comme table à manger. Elle avait même réussi à installer une salle de bain, rudimentaire certes, mais tout de même fonctionnelle.

Ses paupières devenaient lourdes, la respiration lente et régulière de Drago la berçait.

-Granger ? murmura-t-il doucement.

-Hmm ?

-Et si… ils avaient quitté l'Australie, tout simplement.

Hermione mit du temps à comprendre où Drago voulait en venir.

- Mon sortilège de modification de souvenirs est formel là-dessus : leur plus grande ambition est de vivre ici, jamais ils ne seraient partis après si peu de temps.

-Ah bon, répondit-il simplement. Tu sais, je t'admire Granger. Toi, Potter et Weasley vous n'aviez jamais reculé devant aucun danger. C'est vrai que durant longtemps vos manies à jouer les héros m'agaçaient, mais je comprends à présent que c'était simplement de la jalousie. J'enviais votre courage, votre force et votre détermination à affronter n'importe quel danger qui se présentait devant vous, alors que moi… je me défilais à la première occasion…après tout, je suis à Serpentard, soupira-t-il tristement.

-Tu ne t'étais pas défilé l'année dernière quand j'avais besoin d'être sauvée, objecta Hermione d'un ton ferme en le regardant droit dans les yeux.

-Pas au Manoir…

-Nous n'avions pas le choix ! Je le comprends à présent Drago… j'ai tellement souffert de… de ce qu'il s'est passé…

Son corps trembla au souvenir de la pointe de Bellatrix Lestrange qui lui tailladait la peau, elle se mit à frissonner de la tête aux pieds bien que l'épaisse couverture en laine la protégeait du froid. Drago la serrer contre lui, sa présence la rassurait tellement que plus rien ne semblait l'atteindre. Ils étaient seuls, à l'autre bout du monde, sans nouvelle du monde des sorciers… de Harry, Ginny et Ron.

Avec un déchirement au cœur, elle pensa à son meilleur ami. Que se passait-il en ce moment même ? Les Aurors étaient-ils à leur recherche dans toute l'Angleterre ? Elle espérait que leur fuite ne leur ait pas apporté trop d'ennuis… Rester dans l'ignorance lui était insupportable. À plusieurs reprises, Drago lui avait suggéré d'envoyer un hibou à Harry, simplement pour prendre de leurs nouvelles, mais les risques étaient trop important comme le soulignait Hermione. De plus, son ami pouvait être sous surveillance du Ministère, ce qui lui attirerait certainement des ennuis . d'un commun accord, ils décidèrent de rester prudent jusqu'à ce qu'on retrouve les parents de Hermione.

Malgré son ton assuré, elle ne pouvait s'empêcher d'appréhender la suite des événements : où allaient-ils se rendre demain ? Allaient-ils continuer à errer sans but précis ? Elle ne pouvait se détacher de cette impression d'être revenue un an plus tôt, dans leur quête des Horcruxes.

-Ne t'en fais pas, Hermione. Nous retrouverons tes parents et quand tout cela sera terminé, nous retournerons en Angleterre pour enfin mener une vie normale, enfin aussi normale qu'elle puisse l'être, plaisanta-t-il à mi-voix, ce qui fit esquiver un sourire sur les lèvres d'Hermione.

-Une vie normale, ça doit être intéressant… je me demande à quoi cela ressemble.

Ils se regardèrent puis éclatèrent de rire à s'en tordre le ventre. En l'espace d'un instant, il sembla que toute la pression à laquelle il devait faire face tous les jours s'envola aussitôt pour laisser place à ce moment d'insouciance ils étaient seuls dans ce désert, perdus à l'autre bout du monde, mais rien ne pouvait les atteindre dans cet instant de fou rire incontrôlable sauf ce bruit sourd qui les fit tous deux sursauter. Hermione laissa échapper un cri suraigu à en briser les tympans lorsqu'une ombre noire se forma sur la paroi de la tente.

-Qu'est-ce que c'est ? murmura Hermione dans un seul souffle.

L'ombre s'éloigna et à nouveau le même bruit se reproduisit, faisant trembler la tente. Instinctivement, ils dégainèrent leurs baguettes magiques pointées droit devant eux en direction de l'ombre qui s'agrandissait semblable à une bête gigantesque.

-Les sortilèges de protection ont cédé, réalisa Hermione avec horreur.

Prenant leur courage à deux mains, ils se dirigèrent lentement vers la fine fente de la tente, leurs baguettes toujours braquées vers la chose qui se trouvait à l'extérieur. Aussitôt ils se trouvèrent nez à nez devant une créature semblable à un gros sanglier ailé particulièrement féroce dont les deux crocs surdimensionnés à sa taille étaient dangereusement pointés dans leur direction, prêts à charger. Durant une seconde qui semblait durer une éternité, la bête les fixait de ses petits yeux noirs brillant comme des scarabées. De la fumée sortait de son nez lorsqu'il grattait le sol de sa patte, décidé à foncer à tout instant. Hermione serra fermement sa baguette, elle sentait ses paumes devenir moites de sueur tandis que des frissons lui parcouraient le dos.

-Tout doux… fit Drago d'une voix à peine audible.

-Drago… murmura Hermione en essayant de remuer le moins possible ses lèvres pour ne pas énerver la bête. Qu'est-ce que c'est ?

-Aucune idée, on aurait dû écouter plus attentivement Loufoca…

-Qu'est-ce qu'on fait ?

-On le Stupéfix ? suggéra-t-il à voix basse.

-Et si ça l'énerve ? répondit Hermione en pensant aux dragons.

Comme si la bête les comprenait leurs messes basses, celle- ci laissa échapper un grognement féroce dans leur direction tout en agitant violemment ses ailes, sa respiration s'accélérant de plus en plus comme s'il était prêt à exploser. Sans laisser échapper une seconde de plus, Drago lança un sortilège de stupéfixion vers l'animal, mais le jet de lumière rouge ricocha contre ses défenses.

-Ses défenses neutralisent les enchantements, comprit Hermione d'un ton horrifié. C'est de cette manière qu'il a brisé nos sortilèges de protection !

Cependant la bête ne semblait pas du tout apprécier qu'on lui lance des sortilèges en pleine face et à la manière d'un taureau particulièrement féroce, celui-ci gratta le sol de sa patte épaisse dotée de sabots. En une fraction de seconde, l'animal ressemblant à un immense sanglier chargea sans hésiter dans leur direction quand il fut frappé en plein fouet dans sa course par un jet de lumière rouge qui le toucha par-derrière. Sans comprendre ce qu'il lui était arrivé, la bête s'effondra à terre à quelques mètres de distance de Drago et Hermione. Les yeux écarquillés, les deux sorciers regardèrent consterner l'animal inerte couché sur le sol qui paraissait aussi inoffensif qu'une peluche. Lentement, Hermione s'approcha de l'animal, l'inspecta prudemment pour s'assurer qu'il n'y avait plus aucun danger quand elle aperçut leurs sauveurs : au loin, deux jeunes sorciers voletaient comme des oiseaux de nuit sur des balais, leur baguette brandie en direction d'un petit troupeau de sangliers ailés similaires au leur, qui s'envolaient à quelques mètres de hauteur pour échapper aux sortilèges de stupéfixion lancés contre le troupeau. Après quelques démonstrations aériennes surprenantes, les deux jeunes sorciers se posèrent au sol et marchèrent à la rencontre de Drago et Hermione.

-Il était moins une, fait jovialement le garçon.

-Si nous n'étions pas intervenus, commenta la fille sur le même ton rieur, vous seriez certainement écorché vif.

-Voilà qui est rassurant, grommela Drago, merci pour votre aide nous vous en sommes très reconnaissants.

-Il n'y a pas de quoi, mon pote ! Au fait, moi c'est Matthew Reilly et elle, c'est ma sœur Samantha.

Cette précision fut à première vue bien inutile, constata Hermione. On ne pouvait nier en observant Mathieu et Samantha qu'ils soient frère et sœur : tous deux portaient la même chevelure blonde d'or ondulé qui contrastait avec leur peau bronzée éclairée par la lumière céleste de la lune. Mais le plus frappant était ce même regard bleu transparent qui illuminait leurs yeux rieurs en forme d'amende.

-Enchanté, répondit Hermione, moi c'est Pénélope Deauclair et voici Blaise, mon heu… cousin. Dites-moi, qu'est ce que c'était cette créature ? demanda Hermione en désignant d'un coup de tête l'animal toujours inerte à terre.

-C'est un Chrysaor, répondit studieusement Samantha. Ces bêtes ont des propriétés magiques incroyables ! Leurs défenses ont le pouvoir de repousser n'importe quel sortilège. Contrairement ce que les vieilles coutumes ancestrales racontent, ils ne sont du tout maudits, mais simplement, ils aiment s'aventurer sur nos terres à la recherche de nourriture. Malheureusement ils saccagent nos récoltent et effraient nos bêtes c'est pourquoi nous les chassons en dehors de nos frontières. Ils sont assez colériques, je suppose que vous l'avez remarqué.

-Assez colérique ? S'exclama Drago, tu rigoles ou quoi.

Il parcourra rapidement d'un regard inquiet tout l'horizon comme pour s'assurer qu'aucun Chrysaor ne viendrait à nouveau les déranger. Avec un souvenir moqueur, Hermione se rappela que Drago n'était jamais très enthousiaste en cours de soin et créatures magiques.

-Qu'est-ce que vous faites dans cette partie du désert ? demanda Matthew, intrigué. Généralement ces terres sont désertes, les non-magiciens ne les fréquentent pas à cause des créatures dangereuses qui y rôdent.

Hermione et Drago s'échangèrent un bref regard. Pouvaient-ils faire confiance à ces deux étrangers et leur raconter le véritable but de leur voyage ?

-Heu…en réalité nous sommes de simples touristes anglais, nous… avons terminé nos études à Poudlard c'est pourquoi nous avons entrepris ce voyage à travers plusieurs pays pour s'enrichir de leurs vieilles coutures, mentit Hermione en espérant que le ton aigu de sa voix haut perchée ne la trahisse pas.

-Wouh ! S'exclama Matthew, vous venez de l'école Poudlard ! Incroyable !

-Matthew est fasciné par les écoles de sorcelleries du monde entier, expliqua sa sœur. Il avait même un correspondant français de l'école de Beauxbâtons, comment s'appelait-il déjà ? demanda-t-elle en pouffant de rire.

-Antoine Saint Jean, répondit-il avec un vague sourire qui évoquait certainement le souvenir d'une brève amitié épistolaire. Mais racontez-nous plutôt comment c'est être élève à l'école Poudlard ?

-Matthew, soupira sa sœur, tu vois bien qu'ils sont exténués, je ne crois pas que c'est une heure convenable pour papoter en pleins milieux du désert ! Vous ne devriez pas rester ici, d'autres bêtes rôdent dans les environs, pas seulement des Chrysaors, mais aussi des animaux beaucoup plus féroces et affamés qui ne refuseraient pas un peu de viande fraîche.

Hermione ne put s'empêcher de ressentir ce ton jubilatoire avec lequel Samantha les mettait en garde contre les dangers du désert, ce qui ne manqua pas de lui rappeler Hagrid lors de leurs anciens cours de soin et créatures magiques. Elle essaya de ne pas prêter attention à ces propos, mais les poils de sa peau commencèrent à se dresser derrière sa nuque lui indiquaient le contraire. Il vrai qu'ils entendaient souvent des grognements d'animaux sauvages durant la nuit tombée, mais ils se sentaient parfaitement en sécurité dans leur tente, encerclée par leurs sortilèges de protection. Maintenant qu'ils venaient faire la connaissance des Chrysaors, ils n'étaient plus entièrement rassurés.

-Elle a raison, ajouta Matthew, vous devriez nous suivre jusqu'au village vous y seriez beaucoup plus en sécurité.

-Votre village ? Où se trouve-t-il ? demanda Drago.

-A quelques kilomètres d'ici, derrière ces gros rochers, indiqua Matthew en désignant du doigt l'horizon qui s'étendait au loin où l'on pouvait apercevoir trois montagnes de rochers aussi immenses qu'une falaise. Alors, qu'est-ce que vous en dites ?

Hermione et Drago se regardèrent sans oser s'échanger le moindre mot. Si seulement elle pouvait pratiquer l'occlumancie en ce moment même, pensa Hermione, frustrée. Après quelques secondes de lourd silence durant lesquels Samantha et Matthew ne les lâchaient pas des yeux, ils acceptèrent leur invitation, démontèrent la tente en quelques minutes à coup de mouvements de baguette magique et décollèrent sur les vieux balais de leurs nouveaux amis.

Accrochée derrière Samantha, Hermione se cramponna fermement à sa taille de peur de tomber par-dessus le balai vétuste qui penchait sans cesse dangereusement vers la droite à chaque virage. De temps en temps Samantha donnait de petits coups d'accélération, mais l'antique balai bourdonnait avant de ralentir davantage. Après plus d'une heure de vol, ils franchirent enfin les collines pour apercevoir au loin, cachées par une forêt dense, un petit village pittoresque, divisé en deux parties par une fine rivière, serpentant à travers les arbres pour se jeter dans une partie l'océan.

Enfin, les deux jeunes australiens se posèrent sur la terre aride et poussiéreuse, au pied d'une grande arche dont les poteaux en bois étaient sculptés d'étranges visages déformés par des grimaces grotesques. Au milieu de l'arche, Hermione reconnut l'écriture de runes anciennes gravées grossièrement dans le bois dont elle ne pouvait comprendre la signification sans l'aide de son dictionnaire.

« Oh indigène, toi qui t'aventures sur ces terres anciennes, ôte-toi de l'esprit toutes barrières et entre », lut sagement Samantha.

-Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Drago d'un œil sceptique.

-C'est un sortilège de protection, répondit aussitôt Hermione qui se souvint d'un livre qu'elle avait emprunté à la bibliothèque sur les sortilèges de vieilles magies. Seules les personnes qui croient véritablement à la magie peuvent y entrer, je suppose qu'aux yeux des moldus ce lieu doit être désert.

- Des moldus ? Ah vous voulez parler des non-magiciens ! C'est exact, répondit Samantha, impressionnée. Avec le temps, ils ne croient plus en la magie même si elle se trouve sous leur nez. Alors vous venez ?

D'un pas incertain, Hermione et Drago enjambèrent le pas et franchir l'arcade.

-Bienvenu à Little Tall Creek, leur souhaita Matthew, un grand sourire dessiner sur son visage jovial.