Titre : « Vivre »
Auteur : Mokoshna
Manga : Naruto
Crédits : Naruto est la propriété de Masashi Kishimoto et de Jump. Je ne reçois pas d'argent pour cette fic, je ne risque pas d'en donner à qui que ce soit (vu l'état de mes finances ça n'irait pas loin de toute façon).
Avertissements : Spoilers du manga jusqu'au volume 26, chapitre 233. Après ça n'a plus vraiment d'importance puisque la fic suit sa propre voie. Par conséquent l'histoire risque d'être un peu (beaucoup ?) AU. Du Yaoi avec du SasuNaru, du Het avec du NejiHina, du LeeSaku, et bien d'autres encore mais ça vous verrez bien...
Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : On peut pas dire que Sakura est mon perso préféré, loin de là (je trouve qu'elle passe beaucoup de temps à chialer pour rien, mais bon ceci est un avis personnel). Je lui préfère largement Hinata pour les filles ; mais comme il faut bien que je m'occupe d'elle... Bon, ça va encore être une histoire de destinées individuelles ; je vais y arriver. Il faut juste que je me motive un peu pour les persos que j'aime moins, et comme de toute façon leur destin est plus ou moins lié à tous ce sera pas inutile. Donc là normalement ça devrait être des couples hétéros pendant deux ou trois chapitres (pas vraiment ma tasse de thé, je préfère quand même le yaoi et le yuri mais je vais faire de mon mieux). Et puis normalement ça devrait me motiver pour écrire plus, histoire d'arriver enfin aux parties qui m'intéressent... hum.
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Chapitre 5 / Adolescence : Sakura
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Sakura remua lentement la bouillie de riz qu'on lui avait servie pour son dîner ce soir-là. Elle n'y avait pas encore touché et la mixture était déjà froide. Pourtant, sa mère était un véritable cordon-bleu... Et elle aimait la bouillie de riz, en temps normal : nourrissante, bourrative et peu calorique, elle était parfaite pour son régime tant qu'on n'y mettait pas de viande trop riche. Et c'était plus chaud qu'une salade. Mais la simple odeur de nourriture la dégoûtait. Elle avait encore perdu du poids.
Lee était passé la voir, comme chaque jour. Elle admirait la détermination du garçon, sa gentillesse aussi. Il la traitait comme si elle était en verre. En fait, ils la traitaient tous comme ça : ses parents, Lee, le professeur Iruka qui avait tenu à venir lui rendre visite, même le Hokage qui était passée une fois pour voir comment elle allait...
Elle eut un geste rageur qui lui fit jeter violemment le bol contre le mur. Merde, merde, merde ! Qu'est-ce qu'ils avaient tous à la couver de la sorte ! Qu'est-ce qu'elle en avait à faire, de leur pitié ! Elle avait perdu tous ceux qui étaient proches d'elle. Sasuke et Naruto étaient partis, Kakashi avait disparu elle ne savait où, même Ino et Hinata ! Même elles, qui lui avait promis de l'aider à ramener Sasuke et Naruto ! Ils étaient tous partis !
Elle hurla. C'était tout ce qu'il lui restait à faire ; c'était tout ce qu'on lui permettait encore. Ses parents se précipitèrent à l'étage, bien sûr ; son père (son père ! Un bourreau de travail qui bossait soixante heures par semaine !) avait pris un congé d'un mois pour prendre soin de sa fille. Sa mère lui faisait mille gâteries et lui cuisinait tout ce qu'elle aimait, lui achetait de jolies choses... Et ils refusaient de la laisser sortir. Ils avaient enlevé la porte de sa chambre pour pouvoir accéder plus facilement à elle en cas de problème ; ils avaient mis hors de portée tout ce qui pouvait être dangereux, ils passaient la voir toutes les cinq minutes... Leur paranoïa la rendait folle. Elle avait l'impression d'étouffer ; tout ce qui lui restait pour passer sa frustration était les crises qu'elle faisait de temps à autre, histoire de se prouver qu'elle était encore en vie... Que quelqu'un viendrait pour elle, qu'on l'aimait encore, même s'ils étaient tous partis... même s'ils l'avaient abandonnée...
- Ma chérie, ça va aller, maman est là, maman va t'aider...
C'était toujours pareil. Sa mère la prenait dans ses bras et la bordait pendant plusieurs minutes, la voix blanche, pleurant et tremblant un peu, s'inquiétant beaucoup, et son père restait à côté sans savoir quoi faire, quoi dire, et il les fixait d'un air gêné, et elle se mordait la langue jusqu'au sang pour ne plus hurler, et elle serrait la robe de sa mère... elles finissaient souvent froissées, les robes de sa mère en ce moment.
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- Je suis désolée, Lee, mais elle est fatiguée, elle est allée se coucher... Non, vraiment, tu pourrais repasser demain ?
- Bien sûr, madame Haruno, je comprends... je repasserai...
Et Lee repartait bredouille. Cela arrivait une fois sur deux. Sakura n'était en état de voir personne ; Sakura était fatiguée, il fallait la laisser tranquille. Elle était tranquille depuis des mois. Lee n'en pouvait plus de la voir si... tranquille. C'était le seul mot qui lui venait à l'esprit. Il commençait vraiment à l'avoir en horreur. La Sakura qu'il avait connue et dont il était tombé amoureux était une jeune fille enjouée qui lui assénait une claque au moindre geste qu'elle considérait déplacé de sa part. La Sakura qui était la fleur de son existence riait, parlait, mangeait (ou pas, selon son régime), bougeait comme n'importe quelle fille de son âge. Mais cette Sakura ne quittait plus sa chambre ; cette Sakura ne sourirait plus, ne parlait presque plus, ne mangeait plus du tout, cette Sakura piquait des crises graves (il y avait assisté par accident une fois où il était venu plus tôt) où elle jetait ses affaires contre les murs et hurlait de toute la force de ses poumons affaiblis par son manque de considération pour son corps. Cette Sakura avait peint sur ses murs au feutre rouge, noir, bleu et orange des esquisses de personnages qui ressemblaient à s'y méprendre à Sasuke et Naruto. Il les avait vu quand il s'était introduit une fois par la fenêtre, si inquiet qu'il était de ne pas avoir de nouvelle. Il l'avait aussitôt regretté, bien sûr, et en le surprenant le père de Sakura avait bien failli le tuer avec le vieux fusil qu'il gardait dans un coin en cas d'attaque. Heureusement que sa femme l'avait reconnu et avait parlé à son mari, sinon...
- Toujours rien ? demanda Tenten qui une fois n'était pas coutume, était venue avec lui.
- Non. Je repasserai.
- Comme toujours, soupira son amie. Je me demande si tu ne perds pas ton temps.
- Que veux-tu dire ?
Et il fronçait ses épais sourcils, les rendant plus touffus encore. Tenten remua la tête.
- Ca fait déjà un moment. Je ne sais pas pourquoi ses parents ne lui font pas encore voir un psy.
- Tenten ! Sakura n'est pas folle !
- Je ne dis pas ça, Lee, mais elle a besoin d'aide, n'importe qui avec un minimum de jugeote peut voir ça !
- Ca suffit. Je refuse d'en entendre davantage.
- C'est ça votre problème, à ses parents et à toi ! Vous refusez de voir la vérité en face !
- Tenten... l'avertit son camarade.
- Ecoute, j'en ai parlé avec le professeur Iruka l'autre jour. Il a dû le dire aux Haruno aussi.
- Elle va bien. Elle a juste... besoin de notre amour et de notre soutien.
- Ca va pas non ? Ses parents l'ont enfermée chez eux ! En quoi ça va l'aider de rester à broyer du noir entre quatre murs ? Lee !
- Je ne sais pas... je ne sais plus.
Il baissa les yeux, l'air épuisé. Ils étaient arrivés dans l'une des avenues les plus fréquentées du village ; quelques passants les regardaient avec un peu de curiosité mais sans trop se soucier d'eux. Lee Rock était connu pour ses frasques et son excentricité ; et ils n'osaient même pas penser à son maître, Gai Maito...
- Et puis d'abord, comment ça se fait que tu en aies parlé avec le professeur Iruka ?
- Il est passé l'autre jour pour voir mes parents à propos de mon petit frère. Dans la conversation, il a mentionné qu'il était allé chez les Haruno juste avant, alors...
- Oh.
- Tu le connais, toujours à s'inquiéter pour ses élèves. Mais j'ai quand même été bien étonnée d'apprendre qu'il avait été particulièrement proche de Naruto. Tu le savais, toi ?
Lee serra les dents. Tenten n'attendait que cela.
- Ne mentionne pas le nom de... de ce...
- Et voilà.
- Tenten !
- Quoi ? Tu préfères que je dise « Sasuke » ? Parfait ! Sasuke !
- La ferme !
- Sasuke ! Naruto ! SASUKE ! NARUTO !
Cette fois-ci, les passants la regardaient aussi, choqués. Ils avaient tous plus ou moins entendu parler de la désertion des deux garçons par on-dit, bien sûr... Une respectable mère de famille passa en vitesse en traînant son fils qui s'attardait. Les gens commencèrent à murmurer.
- LA FERME TENTEN ! TU NE COMPRENDS PAS CE QUE C'EST !
- NON JE NE COMPRENDS PAS ! COMMENT VEUX-TU QUE JE COMPRENNE, TU N'EN PARLES JAMAIS ! NI TOI NI NEJI ! MARRE D'ETRE LA TROISIEME ROUE DU VELO !
Ils haletaient tous les deux. Tous ceux autour d'eux qui n'étaient pas encore partis commençaient à s'esquiver en les traitant de jeunes fous à voix basse (et d'adolescents pour certains, en hochant la tête d'un air entendu).
- Qu'est-ce que vous faites ?
Ils abandonnèrent leur dispute pour se tourner vers Shikamaru, qui leur faisait face en arborant une superbe expression ennuyée. Tenten sentit un frisson la parcourir en reconnaissant la jeune fille blonde qui l'accompagnait, son immense éventail posé nonchalamment sur l'épaule.
- Temari de Suna, fit-elle d'un air pincé.
Elle se souvenait encore de la défaite cuisante que lui avait fait subir son ancien adversaire au tournoi Chuunin. Ca avait à peine duré cinq minutes... et elle s'en était sortie avec assez de bleus et de courbatures pour l'occuper pendant des semaines.
- Hum ? On se connaît ? fit paresseusement son interlocutrice.
Tenten serra les poings, visiblement dépitée (et un peu énervée que cette pimbêche ne se souvienne même pas d'elle !). Shikamaru poussa un petit rire narquois qui fit presque se dresser sur sa tête les cheveux de Lee.
- T'abuses, c'était ton premier adversaire à l'examen Chuunin, lui rappela Shikamaru.
- Oh. C'est vrai, j'avais affronté une pauvre fille avant toi...
Elle esquiva de justesse un coup de pied puissant qui visait son crâne. Tenten contempla avec surprise la jambe de Lee que Temari avait bloquée d'une main.
- Tu me cherches, gamin ?
- Je vous interdis de parler ainsi de ma coéquipière ! s'écria Lee en fixant Shikamaru. C'est l'une des meilleures kunoichi que je connaisse !
- Sans doute l'une des seules, non ? lui répondit-elle avec dédain.
Shikamaru sembla hausser un sourcil avec intérêt. Tiens, tiens...
- Bon, ça va, intervint l'intéressée en se retenant à grand-peine de lui sauter à la gorge, tu n'as pas fait tout ce chemin de Suna pour m'insulter, je suppose ?
Temari eut un rire bref qui l'énerva davantage. Lee dardait un regard haineux en direction de Shikamaru, qui fit comme si de rien n'était. Tenten avait cru comprendre que le Chuunin paresseux avait fait quelque chose de grave pour provoquer l'hostilité de Lee, mais elle ne voyait vraiment pas quoi... Son ami n'était pas du genre rancunier, d'habitude. Sauf si cela concernait Sakura...
- Désolé pour l'interruption, dit doucement Shikamaru en faisant mine de repartir. Mais comme vous bloquiez le passage... Tu viens, Temari ?
- Pas de problème. A bientôt, peut-être, ma jolie.
Et elle fit un clin d'oeil complice à Tenten, la faisant presque sursauter. Lee la regarda en se grattant la tête. Temari profita de leur surprise pour se rapprocher de la jeune fille aux chignons et lui fit une bise délicate sur la joue. Cette fois-ci, Lee ouvrit de gros yeux en forme de soucoupes. Tenten restait clouée sur place. Une rougeur vivace lui colorait les joues.
- Qu'est-ce que... !
Mais Temari avait déjà disparu au détour d'une allée avec Shikamaru. Lee avait la mâchoire qui traînait presque à terre. Il resta bloqué dans cette position pendant dix bonnes minutes, jusqu'à ce qu'il se souvienne qu'il avait un rendez-vous d'entraînement avec Gai dans l'après-midi. Quant à Tenten, elle n'osa regarder personne dans les yeux de toute la journée.
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- Je vais être directe, fit Tsunade en affectant une moue sévère. Maître Iruka m'a prévenu de la façon dont vous traitiez votre fille, et je dois avouer que franchement cela me tape sur les nerfs.
Les Haruno baissèrent le regard. Personne n'osait contredire le Hokage quand elle avait cette expression-là bien fermement ancrée sur le visage... La présence insistante de Jiraiya n'arrangeait pas les choses. Deux Sannin en même temps dans leur modeste demeure, c'était un peu trop pour ce couple somme toute assez banal... La seule exception à leur normalité était Sakura, leur fille unique, qui avait absolument tenu à être une kunoichi à l'âge requis pour entrer à l'académie. Ils ne le lui avaient pas refusé. Ils ne refusaient presque jamais rien à leur fille unique, leur trésor... Tsunade eut une pensée agacée envers tous ces parents bien intentionnés qui passaient les caprices de leur gosse alors que manifestement ils faisaient fausse route. Mais bon, dans le cas de Sakura tout n'était peut-être pas perdu... à condition qu'ils y mettent aussi du leur. Iruka lui avait dit que la jeune fille était plutôt douée et avait une maîtrise impressionnante de son chakra. Avec un peu de chance, elle arriverait à en faire quelqu'un, de cette gamine cassée par la vie...
- Je vais m'occuper personnellement de votre fille. Elle sera mon élève.
- Mais... protesta sa mère, mais un regard bien placé du Godaime la remit vite en place.
- Suffit. Nous l'emportons avec nous. Ne vous en faites pas, fit-elle avec plus de douceur, nous la remettrons vite sur pieds.
Les Haruno n'eurent plus qu'à s'incliner en la remerciant. Quelque part, ils étaient un peu soulagés de se débarrasser du fardeau qu'était devenue leur fille en quelques mois. D'autant plus qu'on disait qu'elle était liée à deux traîtres au village... Non, vraiment, c'était sûrement pour son bien. Elle serait mieux avec Tsunade ; après tout, qui pouvait se vanter d'être l'élève du Hokage en personne ?
Ils trouvèrent Sakura dans sa chambre, en train de contempler les gribouillis informes qu'elle avait fait sur les murs. Sa mère avait voulu les enlever mais elle avait à peine commencé à passer un coup d'éponge imbibé de détergent que Sakura s'était mise à hurler comme une démente, l'accusant de vouloir effacer ses amis. Qu'ils partiraient avec l'eau, comme ils étaient partis sans elle. A la fin, les dessins étaient restés et Sakura avait souri, et c'était ce qui importait.
- C'est plutôt glauque, dis donc. Elles sont toutes comme ça, les chambres des gamines de nos jours ? demanda Jiraiya en regardant l'endroit où Sakura dirigeait ses yeux. J'ai l'impression de revoir les dessins d'Orochimaru à l'époque où cet espèce de docteur visionnaire avec son discours sur la sexualité des enfants a voulu qu'on dessine notre « moi intérieur ».
- Je me souviens, fit Tsunade avec une grimace. Tu avais dessiné deux pastèques énormes côte à côte et aussi une banana split dégoulinante de chantilly. C'était d'un goût...
- Mais c'est parce que j'avais faim ! Vraiment ! Pas ma faute si ce charlatan est parti en live sur la signification cachée de la faim qui agitait mes entrailles ! Forcément que j'ai dit oui, j'avais pas compris !
- Mouais... quand on voit comment tu as tourné on se demande...
- N'empêche, il était bien barré, ce docteur Ebisu. Je l'aimais bien, en fin de compte.
- Ebisu... on n'a pas un ninja qui s'appelle comme ça dans nos rangs ? fit Tsunade en réfléchissant.
- Si, je crois qu'il s'agit de son petit-fils.
- Oh.
Sakura n'avait pas bougé de la discussion. En fait, elle semblait presque heureuse. Ses amis étaient là, avec elle. Tsunade se rapprocha d'elle et agita sa main devant son visage, sans obtenir plus de réaction. Elle fit la grimace, et Jiraiya qui la connaissait bien sortit de la pièce et entraîna avec lui les parents de Sakura qui étaient venus aux nouvelles.
La femme aux seins proéminents fit craquer ses doigts, doucement, un par un. Elle fixa les croquis agonisants sur les murs, et son sang ne fit qu'un tour. Jiraiya se mit devant les Haruno, et il fit bien puisque l'instant d'après sa vieille amie fit voler le mur en béton d'un coup bien placé. Les gravats évitèrent Sakura mais volèrent un peu partout en faisant un bruit abominable. La jeune fille hurla. Ce fut de très courte durée. Tsunade la fit taire d'une claque.
La Genin se tenait la joue, l'air complètement abasourdie. A ses pieds, un bout de mur où se trouvait encore la tête de Sasuke la narguait. Tsunade l'écrasa sans pitié.
- Ca suffit, ma petite, grogna le Hokage en la soulevant par le col de sa robe. Tu as assez chialé pour toute une vie. Il est temps de te réveiller, et crois-moi ce sera pas du luxe.
Jiraiya relâcha les Haruno qui fixaient leur Godaime en tremblant. Le vent s'engouffra par l'ouverture qu'elle venait de creuser à mains nues. A l'extérieur, un ivrogne qui cherchait à boire dans le fossé ramassa la main tendue de Naruto et la jeta au loin.
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Les coups qu'elle portait furent de plus en plus puissants jusqu'à ce qu'enfin elle éclate le sac de toile, faisant voler le sable à l'intérieur. Mais cela ne suffisait pas. Elle sortit chercher une carrière remplie de pierres. De grosses pierres. Elle savait qu'il y en avait une pas loin des limites du village. Les sculpteurs amateurs s'en servait comme lieu d'apprentissage ; il y avait du matériau en abondance. Sakura arriva à l'endroit indiqué en un coup de vent. Le couple d'artistes qui se trouvait sur place se dépêcha de vider les lieux. La jeune fille était déjà bien connue pour ses colères répétées comme pour sa force phénoménale qui pouvait abattre des montagnes. Même si elle sabotait les pierres les plus belles de la carrière ; ils tenaient trop à leur vie pour oser croiser son chemin quand elle était dans cet état. Elle se vengea en dévastant l'immense falaise qui était là depuis des millénaires et en créant d'autres gros blocs.
Frappant, pleurant, elle n'entendit pas le garçon qui l'avait suivie de loin. Il lui agrippa tout d'un coup les mains ; le cri de rage qu'elle poussa raffermit sa détermination.
- Ca suffit, Sakura, fit Lee en la prenant dans ses bras. Ce n'est pas comme ça que tu lui feras changer d'avis.
- LA FERME ! C'EST DE SA FAUTE, A CETTE TRUIE !
Il secoua la tête, ignorant ses mains sales qui lui tambourinaient le buste. Elle n'avait mise aucune force dans ces coups-là, heureusement pour lui ; mais son désespoir se voyait dans la manière dont elle frissonnait, la manière dont elle évitait son regard...
- Je te déteste, murmura-t-elle sans conviction.
- Je sais.
Elle se calma finalement au bout d'un quart d'heure. Lee se montra très patient, comme toujours. La jeune fille lui en était à chaque fois de plus en plus reconnaissant. Il la suivait depuis le début sans un mot pour se plaindre, sans faillir une seule fois. Il avait été là quand Tsunade avait commencé à l'entraîner pour qu'elle devienne médico-nin. Il avait été là quand ses parents étaient venus la voir, de moins en moins souvent et à présent ils se contentaient de lui envoyer une carte une fois par semaine. Il avait été là quand elle avait voulu aller voir Hinata et qu'elle n'avait trouvé qu'une gamine fragile qui ne l'avait pas reconnue, et avait pleuré quand elle avait évoqué le nom de Naruto. Il avait même été là à la sortie de ses séances chez le psychologue, où elle finissait immanquablement en larmes, le coeur lourd et la volonté renforcée. Elle ramènerait ses amis. Elle ne savait pas encore comment, mais elle ramènerait Sasuke et Naruto.
Ou alors elle les tuerait de ses propres mains. Elle s'était entraînée très dur pour cela, plus que n'importe qui d'autre. Quand elle n'essayait pas de se reconstruire psychologiquement, elle prenait des cours avec Tsunade ou un autre professeur quand le Godaime n'avait pas le temps. Elle s'exerçait tout le temps, seule ou avec Lee et Tenten. Gai les rejoignait quelquefois, quand il n'était pas en mission, en train de se battre contre Kakashi ou de draguer Iruka (péniblement et avec peu de subtilités, comme à son habitude). C'était sa routine et sa vie, mais elle avait appris à l'aimer. Elle avait même rejoint le groupe de Lee, puisque Neji les avait quitté pour s'occuper de sa famille et de Hinata. Enfin, elle avait sa place quelque part.
Puis Ino s'était réveillée. Ils avaient réussi à la sauver, elle ne perdait plus son énergie mais au prix de ses pouvoirs... Elle ne pourrait plus jamais utiliser de chakra de toute sa vie. La technique qu'avait utilisée sur elle Sasuke était l'équivalente d'une technique interdite : elle subtilisait à sa victime toutes ses réserves de chakra et les bloquait à vie. Personne ne savait encore comment la contrer, sauf peut-être Sasuke... Raison de plus pour le retrouver. Mais Ino était alors venue la voir, elle ! Elle s'était excusée, alors que c'était à Sakura de le faire ! Elle lui avait dit en pleurant qu'elle renonçait à sa condition de kunoichi. C'était fini pour elle. Elle avait une situation qui l'attendait, heureusement, elle deviendrait fleuriste comme ses parents, mais plus question d'envisager une carrière dans le nindo... Son rêve était brisé. Elle était partie sans ajouter un mot, laissant une Sakura frustrée, dépitée... et en colère.
Elle n'avait pas le droit ! Ino était sa rivale !
Elle aurait pu devenir une experte en taijutsu, n'est-ce pas ?
- Ce n'est pas aussi simple, avait dit Lee quand elle l'avait suppliée de parler à Ino. C'est aussi une question de moral. Si elle n'est pas motivée pour continuer, si elle ne pense pas du fond de son coeur qu'elle y arrivera, elle ne pourra pas.
Et Sakura était partie passer sa colère dans la salle d'entraînement, puis dans la carrière aux statues. Lee savait à quoi s'en tenir et l'avait suivie, doucement. Elle s'était tellement habituée à sa présence et à sa force... Il la soutenait mieux qu'elle-même. Il la serra un peu plus fort, fronçant ses sourcils d'un air inquiet.
- Je suis si fatiguée, murmura Sakura en essuyant ses larmes et en se redressant finalement. Quelquefois, j'ai envie d'en finir, mais alors tu es là... Merci, Lee.
Il rougit en lui adressant le plus beau sourire heureux qu'il avait. La jeune fille dont la colère était tombée brusquement le regarda d'un air pensif, jusqu'à ce qu'il remue, un peu gêné.
- Quoi ? fit-il en évitant ses yeux. J'ai quelque chose sur le visage ?
Sakura lui fit un sourire doux.
- Rien, je me disais que de près, tu étais presque mignon. C'est bizarre, non ?
Si Tenten avait été là, elle n'aurait pas hésité à prendre un oeuf et à l'éclater sur la tête de son ami pour le faire cuire. Mais elle n'était pas là, et les quelques degrés de plus du corps du garçon ne servirent qu'à lui donner mal à la tête (et aux joues). Sakura s'était retournée et n'avait rien vu. Elle essayait de nettoyer le désordre qu'elle avait mis.
- J'espère que les artistes ne seront pas trop fâchés, fit-elle en redressant un gros bloc de granite qui ressemblait à un dolmen. Je fous toujours le bordel, ils doivent en avoir marre. J'irai m'excuser plus tard. Lee ?
Le garçon secoua la tête pour faire disparaître ses dernières traces de rougeur. Sakura le regardait curieusement.
- Oui, Sakura ?
- Je crois que je vais aller voir Ino cet après-midi, après la séance avec Maître Gai. Tu veux bien venir avec moi ?
- Bien sûr.
- Merci.
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Kakashi regarda s'éloigner le couple de loin. Jiraiya avait évoqué la condition de son ancienne élève lorsqu'il l'avait vu en passant, deux mois plus tôt. Il n'y avait pas fait attention sur le moment, jusqu'à ce qu'il entende un sculpteur se plaindre à son ami que la jeune fille était en train de détruire leur plus beau site. Curieux, il était allée voir.
Il l'avait trouvée en larmes dans les bras de Lee. Elle s'était calmée, avec peine, mais elle allait mieux. C'était son affaire. Il ne faisait que passer. Elle ne dépendait plus de lui, à présent, et il partit sans un regard de plus. Si elle allait bien...
Ses pas le menèrent dans un petit quartier tranquille du village. Une route bordée d'arbres passait devant un immeuble aux balcons recouverts de fleurs. Il avait entendu dire que le professeur Iruka était malade et n'avait pas pu venir à l'académie. Donc il avait fait un détour pour prendre de quoi faire à manger, et au supermarché il avait croisé ce sculpteur. Mais c'était juste un contretemps. Il fallait qu'il prenne soin d'Iruka.
Deux coups brefs, un coup plus fort. C'était comme ça qu'il signalait sa présence à Iruka, à chaque fois qu'il venait le voir. Il espérait que Gai n'était pas là. La dernière fois, ils s'étaient croisé et leur dispute avait bien failli dévaster le petit appartement du professeur des petites classes. Iruka les avait mis à la porte en les menaçant de ne plus adresser la parole à aucun des deux s'il faisaient le moindre dégât à l'extérieur aussi. Ils étaient rentrés à leur domicile dépités, mais le village était sauf.
- J'aime cet endroit, fit-il à la porte.
Iruka lui ouvrit à ce moment-là. Il était en pyjama et il ne fallait pas être bien malin pour voir qu'il n'allait pas bien. Ses cheveux, habituellement retenus par un élastique serré, retombaient misérablement sur ses épaules ; il ne les avait manifestement pas lavés depuis plusieurs jours et ils exhalaient une légère odeur âcre. Ses yeux étaient voilés, il reniflait avec énervement dans un vieux mouchoir sale qui avait vu de meilleurs jours.
- Kakashi ? fit-il en poussant un grognement irrité. Qu'est-ce qu'il y a encore ?
- C'est le ravitaillement, dit le Jounin le plus joyeusement possible.
Il brandit son sac de provisions sous le nez de son collègue. Iruka le laissa rentrer avec suspicion, mais si ça partait d'une bonne volonté... Avec précaution et un peu de crainte, il regarda une dernière fois si Gai n'était pas dans les parages. Mieux valait être prudent avec ces deux énergumènes.
- C'est très gentil à vous, fit-il en le poussant vers son salon. Je vous fais du thé ?
- Inutile. Je vais le faire.
- Mais...
- Tût, tût. Je m'en charge. Reposez-vous.
Et Kakashi l'installa doucement dans l'unique fauteuil du salon, tandis qu'il se dirigeait lui-même vers la cuisine. Iruka entendit un peu de bruit, l'agitation de tiroirs et de placards qu'on ouvrait, le tintement de la vaisselle sortie et le léger bruissement de l'eau qui coulait du robinet vers la bouilloire. Puis le claquement de la prise branchée, le sifflotement de Kakashi qui sortait des choses à grignoter... Iruka poussa un profond soupir. Il en faisait encore trop.
- Vous êtes allé voir un médecin, alors ?
- Oui. C'est une grippe, c'est la saison. D'ailleurs je ne sais pas si c'est très prudent que vous soyez là... je pourrais vous la refiler.
- Aucun problème. Ca me ferait des vacances et vous pourriez vous occuper de moi.
- Je suppose...
L'Anbu posa une assiette de gâteaux de riz devant eux, mais Iruka n'avait pas faim. Il se contenta d'attendre que l'eau soit assez chaude pour le thé, tandis que Kakashi grignotait un bout de beignet aux haricots rouges.
- Vous ne devriez pas travailler à cette heure-ci ? fit le professeur, cherchant désespérément un sujet de conversation.
- Non, c'est plutôt calme en ce moment.
- Je vois.
Ils attendirent l'eau chaude en silence. Iruka ne savait vraiment pas quoi dire. Ils n'avaient jamais été très proches ; il s'étonnait d'ailleurs que Kakashi lui témoigne autant d'intérêt, malgré le lien avec Naruto qu'ils avaient tous deux... Il lança un coup d'oeil en direction du Jounin mais rien dans sa posture ne laissait deviner ce qu'il pensait. Tout au plus paraissait-il ennuyé.
- Je ne comprends pas, fit Iruka en passant sa main dans ses cheveux gras, pourquoi êtes-vous si...
- Si ?
- Si... amical ! Nous nous connaissons à peine !
- Tu.
- Quoi ?
- Tu pourrais me tutoyer, non ? Depuis le temps que je viens te voir.
- Vous... si tu veux, fit-il en voyant la moue que faisait Kakashi (il se demanda comment il pouvait voir ça à travers son masque, mais c'était bien l'impression que ça donnait... bizarre).
La bouilloire siffla à l'instant. Iruka fut tellement soulagé en voyant Kakashi s'éloigner pour la cuisine qu'il s'affala presque entièrement dans son siège. Le sifflement s'arrêta et il put écouter la voix mélodieuse du Jounin prendre le relais et susurrer un air qu'il reconnaissait vaguement comme une chanson grivoise traditionnelle du village. Il espérait seulement qu'il ne la chantait pas à voix haute devant les enfants... Elle était vraiment très, très obscène.
Le thé était brûlant, et il ne l'en apprécia que mieux. Sa fièvre avait un peu baissé depuis les premiers jours mais il était si las ; vivement que ça se finisse ! Sa classe lui manquait, et au moins en cours il ne recevait pas la visite de Jounin aux moeurs étranges. Il n'en pouvait déjà plus des déclarations enflammées de Gai, et il arrivait même à Kakashi de se comporter en épouse attentionnée. C'était bien sa veine. Lui qui voulait fonder une famille avec une gentille femme simple, voilà qu'il était le sujet de la convoitise amoureuse de deux des ninja les plus puissants de Konoha (et des plus excentriques aussi). Ca lui apprendra à se mêler des affaires des autres. Il avait seulement voulu réconcilier ses collègues (et le fait que l'un d'eux ait été le professeur particulier de Naruto changeait tout !), ils lui couraient maintenant après. Enfin, Gai le faisait (il avait soit-disant eu le coup de foudre quand Iruka était allé le voir... alors qu'il l'avait croisé des dizaines de fois dans la salle des missions !). Kakashi était un mystère. Il ne savait même pas que le Jounin était attiré par les hommes... Aux dernières nouvelles, c'était un pervers notoire et un lecteur assidu du livre pour adultes « Icha Icha Paradise ». Iruka avait déjà jeté un coup d'oeil à ce torchon (par pure curiosité, bien sûr !). C'était un hymne triomphant à l'hétérosexualité la plus débridée. Pas une seule trace de déviance. L'amour et la jouissance de la femme dans toute sa splendeur.
- Alors ?
Il fallait qu'il change de sujet. Il n'était pas en état de discuter de quoi que ce soit de sexuel avec Kakashi. Pas quand il portait un vieux pyjama déchiré, des cheveux gras de trois jours et un nez faisant penser à une fontaine ouverte. Sans parler de sa superbe diction forcée et de l'état de faiblesse ambiant qui semblait le suivre partout.
- Alors quoi ?
- Pourquoi ce soudain intérêt pour moi ? Nous ne nous connaissons pas suffisamment. Enfin je crois.
- Pourquoi pas ?
- Kakashi...
- J'ai vu Sakura, aujourd'hui.
Le visage d'Iruka sembla s'illuminer.
- C'est vrai ? Qu'est-ce qu'elle faisait ?
- Elle partait avec Lee.
- Et ?
- C'est tout.
- Tu lui as parlé ?
- Non.
- Elle t'a vu ? fit-il un peu énervé.
- Non.
- Alors pourquoi tu me dis ça ?
- Pour changer de sujet de conversation. Ca a marché ?
Iruka retint un juron qu'il avait appris à l'âge de dix ans de la bouche du Sandaime en personne, lorsqu'il s'était cogné le gros orteil contre un banc.
- Kakashi ! souffla-t-il. Soit tu me dis à l'instant ce qui te motive, soit tu pars d'ici ! Et ne crois pas que je plaisante ! Je traite assez avec des gamins chaque jour pour que ce soit le cas !
L'Anbu secoua la tête. Iruka aurait voulu pouvoir lui écraser la théière sur ce qui lui servait de crâne vide. Sa fièvre recommençait à monter et il en avait franchement marre des visites fréquentes et irraisonnées de cet homme. Il aurait voulu savoir une bonne fois pour toutes à quoi s'en tenir !
- Et si je disais que je t'aime ? chuchota Kakashi.
- Je dirais que c'est un gros mensonge.
- Ah... d'accord. Je ne dirais rien, donc.
Et il resservit Iruka en thé. Celui-ci poussa un autre soupir, plus profond. Ce n'était pas encore aujourd'hui qu'il saurait. Et il n'avait pas vraiment envie de le mettre dehors. Kakashi était un très bon cuisinier malgré les apparences, et il n'avait pas mangé un repas digne de ce nom depuis des jours.
Mais ce n'était que partie remise !
A suivre...
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Bon, ok il se passe pas grand-chose. Mais ça devrait aller mieux dans le prochain chapitre ! Et surtout, je suis débarrassée de Sakura pour l'instant. Ca fait un paquet de chapitres que je n'aime pas la direction qu'elle a prise dans le manga (depuis qu'elle a chialé après Naruto pour qu'il aille chercher Sasuke en fait). Je l'aimais bien au début, pourtant ! Elle voulait rattraper ses coéquipiers. Mais c'est vite devenu la jolie fille qui reste en retrait en chialant et qui intervient de temps en temps parce qu'il faut bien lui donner un rôle. Même son combat contre Sasori était pas terrible (et pas crédible : ils sont aussi faibles à l'Akatsuki ?). A côté, je trouve Hinata plus émouvante. Et Temari me fait triper avec ses airs féministes.
