Titre : « Vivre »

Auteur : Mokoshna

Manga : Naruto

Crédits : Naruto est la propriété de Masashi Kishimoto et de Jump. Je ne reçois pas d'argent pour cette fic, je ne risque pas d'en donner à qui que ce soit (vu l'état de mes finances ça n'irait pas loin de toute façon).

Avertissements : Spoilers du manga jusqu'au volume 26, chapitre 233. Après ça n'a plus vraiment d'importance puisque la fic suit sa propre voie. Par conséquent l'histoire risque d'être un peu (beaucoup ?) AU. Du Yaoi avec du SasuNaru, du Het avec du NejiHina, du LeeSaku, mais aussi du Yuri à partir d'ici.

Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Pfou... j'ai bien envie de laisser tomber l'énumération des couples et autres, tellement cette histoire évolue plus vite que leurs sentiments amoureux. Ne vous y trompez pas, il y a des choses qui sont décidées depuis longtemps, comme la manière dont vont évoluer les personnages et leurs motivations. Mais plus j'écris et plus je me rends compte que dans un monde d'intrigues aussi complexe que celui que j'ai voulu créer le grand amour est quand même assez casse-gueule. Une chose est sûre et j'y tiens, c'est le lien qui unit Sasuke et Naruto. Pour le reste, on verra où les aléas de l'écriture vont les mener.

Comme j'utilise des termes peut-être obscurs pour certains d'entre vous, j'ai mis des notes à la fin du chapitre pour expliquer certaines choses. Bonne lecture à tous et surtout n'hésitez pas à me dire ce qui ne va pas en cas de besoin !

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Chapitre 8 : Agiter

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Ino passa longuement le peigne dans les cheveux de Hinata. Ceux-ci avaient beaucoup poussé et atteignaient maintenant sa taille. Elle les attachait la plupart du temps avec un ruban rouge délicieusement brodé, cadeau de Neji qui l'avait rapporté du pays de l'Eau. Son cousin ne manquait jamais une occasion de lui ramener quelque chose de ses missions à l'extérieur, que ce soit un bijou, un vêtement ou simplement la description des contrées lointaines qu'il avait visitées. La jeune fille l'écoutait le regard pétillant ; durant ces instants passés à conter son récit, Neji avait l'impression que sa cousine oubliait son statut d'épouse cloîtrée pour l'accompagner sur les chemins en quête d'aventure. Quant à elle, elle lui apportait douceur et réconfort, un havre de paix vers lequel aller lorsque la colère sourde qui lui tordait les entrailles depuis trop longtemps menaçait de s'échapper pour se révéler au grand jour. Le sourire de sa cousine lui faisait l'effet d'un baume frais et apaisant.

- J'ai croisé l'équipe Gai avec Shikamaru et Temari, tout-à-l'heure en venant, fit Ino en lissant une mèche rebelle. Ils partaient ensemble pour le pays du Vent.

- Vraiment ? Une mission diplomatique, peut-être ?

- Je ne pense pas. D'après ce que j'ai compris, ils ne feront qu'un bout de chemin jusqu'à Suna. L'équipe Gai avait l'air d'avoir une mission à eux.

- Je vois, fit Hinata d'un air pensif. Et... comment va Sakura ?

C'était un sujet délicat, mais il y avait longtemps qu'Ino ne se laissait plus intimider par l'allure frêle de son amie et les regards hostiles qui l'attendaient à la sortie. Elle savait Hinata plus forte que ce que les autres voulaient bien croire, y compris Neji. A vrai dire, elle détestait la manière dont le jeune homme s'occupait de son épouse, et elle savait qu'elle n'était pas la seule. Il la gardait inutilement à l'écart, lui et toute sa famille. Les Hyuuga avaient-ils donc si peu confiance en l'une de leurs filles pour qu'ils la gardent ainsi en cage, comme une enfant infirme qui n'aurait pas la force d'affronter le monde ? Ou était-elle plutôt considérée comme une créature pathétique qui n'était plus capable de se défendre ?

- Ino, tu me fais mal ! geignit son amie en attrapant la mèche de cheveux que la jeune fille blonde venait de tirer d'un geste violent.

- Pardon !

Dépitée, Ino lâcha son peigne qui s'abattit sur le sol avec un bruit métallique. Elle détourna les yeux en rougissant tandis que Hinata dardait sur elle les siens. Cette dernière ramassa l'objet et se mit en devoir de démêler les noeuds qu'Ino avait rajouté par inadvertance. Elle poussa un soupir attristé qui attira l'attention de son amie.

- Hinata, je suis désolée.

- Ce n'est pas grave. Mais... Ino, tu n'as pas encore abandonné, n'est-ce pas ?

- Abandonné ? Que veux-tu dire ? Je ne vois pas...

Mais elle déglutit péniblement et se mit à réarranger le bouquet qu'elle avait amené à son amie et qui trônait à présent en bonne place dans un vase, sur une étagère qui jouxtait la porte d'entrée. Hinata finit de se coiffer et attacha ses cheveux comme à son habitude. Le rouge de son ruban laissait une tache vive sur la blancheur immaculée de son kimono, rappelant à Ino une tache de sang sur la neige. Elle commença à préparer du thé pour elle et pour son invitée.

- Je parle de ton rêve, dit-elle doucement en remuant la poudre d'un geste précis, rodé par l'habitude.

Le mouvement monotone de son fouet était une distraction bienvenue pour Ino. Elle quitta sa tâche pour s'asseoir sur ses talons, comme le voulait la coutume.

- Je suis une bonne fleuriste, fit simplement la jeune fille, mais sa voix laissait transparaître une once de tristesse qui aurait pu échapper à un autre que Hinata.

Pourtant, elle se contenta de lui tendre sa tasse avec cérémonie, que son amie accepta avec bonne grâce. Hinata remarqua qu'elle se mordillait la lèvre inférieure avec le bout des dents, signe infaillible de nervosité chez elle. Elle lui fit un sourire doux mais dénué de chaleur.

- Peut-être, mais avec le temps tu serais aussi devenue une excellente kunoichi.

- Tout comme toi, non ?

Son amie secoua la tête.

- Moi, c'est différent.

- En quoi ? Toi tu n'as pas perdu tes facultés pour te battre, contrairement à moi !

- Je... Chaque personne ici-bas a sa place. La mienne est de rester ici.

- Et de veiller au confort égoïste de Neji ? De faire en sorte que ton hypocrite famille ait l'air sans tache aux yeux du monde ? De permettre à ta soeur de prendre ta succession alors que tu es tout à fait en droit de réclamer ta place en tant qu'héritière ? C'est ça, la justice ?

Elle s'était à demi-levée dans sa diatribe, sa tasse complètement oubliée à côté d'elle. Hinata secoua la tête.

- Je n'ai jamais dit que c'était juste, fit-elle d'une toute petite voix. Mais quelquefois...

- Quelquefois c'est mieux de s'écraser comme une pauvre merde et de laisser passer, c'est ça ? De faire comme si ça ne t'atteignait pas alors que ta vie est fichue et que quoi que tu fasses, rien ne peut aller mieux ?

Hinata redressa brusquement la tête. Ino s'arrêta net ; elle avait voulu secouer un peu son amie qu'elle voyait soumise jusqu'à l'écoeurement aux lois de sa famille, et elle avait sous les yeux un visage aux traits tirés par une volonté incroyable, telle qu'elle n'en avait plus vu depuis le combat de Naruto contre Neji à l'examen Chuunin, des années auparavant. Tout comme Naruto avait fait preuve d'une détermination extraordinaire ce jour-là pour prouver à Neji que le destin d'un homme n'était pas scellé à sa naissance, les yeux de Hinata, ces yeux blancs sans iris ni pupille qui semblaient sans vie pour un étranger au clan, ses yeux brillaient d'une lumière folle et décidée. Elle serra les poings sur la louche qu'elle tenait encore ; Ino vit ses jointures devenir blancs, et en relevant les yeux sur son visage...

- Hinata, ton byakugan ! Il s'est activé !

- Non, pas maintenant...

- Quoi ?

Son visage se contracta en une grimace douloureuse, les veines à présent proéminentes autour de ses yeux prirent une teinte violacée. Ino voulut s'approcher pour la prendre dans ses bras mais son amie l'arrêta d'un geste tout en se tenant la tempe. La lueur de ses yeux s'était intensifiée.

- C'est encore pire, fit-elle avec une voix crispée. Ino, il faut que tu ailles chercher le Hokage !

- Tsunade ? Mais...

- Je t'en prie ! C'est vraiment important !

Elle s'affala presque sur le sol, ses mains raclaient le tapis situé sous elle en émettant un crissement ignoble. Ino hocha vivement la tête et se précipita à l'extérieur, mais une fois arrivée dans le couloir elle reprit son calme et se mit à marcher. Arrivée devant l'entrée, elle salua avec considération les membres de la famille Hyuuga qui l'attendaient et elle fit même une courbette à Hanabi, malgré le sourire un brin railleur de cette dernière. Le Hokage, avait dit Hinata. Pas une seule fois elle n'avait mentionné sa famille, et de toute manière Ino ne leur aurait pas confié la vie de Hinata si celle-ci était en danger. Il fallait qu'elle fasse vite. Elle savait qu'aucun d'entre eux n'irait voir la jeune fille avant le lendemain, lorsqu'ils lui apporteraient son petit déjeuner. Sauf rares exceptions, on la laissait toujours seule et n'eût été les visites de ses amis et de Neji, elle aurait passé le restant de ses jours dans la solitude et la réclusion. Ino réfréna le sentiment de colère et de frustration qui commençait à l'envahir et une fois hors de vue de la demeure des Hyuuga, elle se mit à courir.

Les membres de l'académie la virent arriver avec surprise. La plupart la connaissaient mais elle n'était pas venue seule depuis des années, sauf pour livrer quelques fleurs ou pour apporter un objet oublié à son père. Mais elle n'avait ni bouquet, ni paquet. Ses cheveux en désordre, son souffle saccadé laissaient deviner une affaire peu commune. Elle ne fit pas attention aux divers ninja qui lui adressaient la parole et se dirigea d'un pas ferme jusqu'au bureau des missions où elle demanda à voir le Hokage de toute urgence. Elle fut prise en charge par Genma Shiranui, qu'elle reconnut comme étant l'un des arbitres du dernier examen Chuunin.

- Ino, c'est ça ? fit-il de sa voix lente, la brindille entre ses dents se balançant au gré de ses mots. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Il faut que je parle au Hokage ! C'est Hinata ! Elle...

- Hinata Hyuuga ? Mais... elle n'est pas chez elle ?

- Si ! Mais elle vient de...

- De ?

Elle interrompit l'explication qu'elle allait lui donner à cause d'une idée qui lui traversa la tête. Shiranui ne semblait manifestement pas savoir ce qui se passait, pas plus les membres de la famille Hyuuga. Neji n'aurait jamais laissé sa femme souffrir de la sorte, du moins il ne serait pas parti nonchalamment en mission à l'autre bout du pays s'il avait craint pour sa santé. Même si elle blâmait la manière dont il traitait Hinata, il fallait avouer pour sa défense qu'il aimait du fond du coeur sa cousine. Et puis il y avait la façon dont elle avait présenté les choses. Elle connaissait bien son amie, depuis le temps, elle savait qu'elle tenait énormément aux titres. Hinata avait bien dit « le Hokage ». Pas simplement Tsunade, le médecin, la femme qui allait souvent (trop souvent ?) lui rendre visite. Elle le savait parce qu'elle n'arrêtait pas de la croiser en allant elle-même voir Hinata. Elle en était sûre, à présent. Elle avait réclamé « le Hokage ». Le chef de ce village. Mais bon sang, qu'est-ce qui se passait ? Puis elle se souvint du visage crispé de son amie...

- Le byakugan, murmura-t-elle, fascinée. C'est comme ce jour-là...

- Quoi ? demanda un Genma un peu perdu. Mais enfin, Ino, qu'est-ce que tu racontes ?

- Je vous en prie ! Il faut absolument que je parle au Hokage !

- Tu veux voir le Hokage ? Mais... elle est occupée, et...

- Qu'est-ce qu'il y a ? fit alors une voix féminine.

- Ah, Kurenai, tu tombes bien ! s'exclama Genma en adressant un sourire crispé à sa vieille amie. C'est Ino, elle veut voir le Hokage à propos de la petite Hyuuga, je crois...

- Hinata ?

Kurenai prit un air alarmé, que trahissait à peine sa posture digne. Hinata lui avait déjà parlé maintes fois de son ancien professeur. Ino savait à quel point la jeune fille brune l'admirait, et en la voyant de plus près elle commençait à comprendre un peu son point de vue. Quelques années plus tôt, elle aurait été intimidée par le regard froid qu'elle lui lançait, le hochement de tête qu'elle lui fit l'aurait terrorisée plus sûrement que l'idée de perdre ses cheveux (qui étaient pourtant sa plus grande fierté). Mais elle avait changé, et ses peurs aussi. Kurenai informa Genma qu'elle s'en occupait et lui fit signe de la suivre. Le tout dans une maîtrise de soi parfaite, et le coeur d'Ino se gonfla de jalousie, une jalousie pure qui côtoyait la haine. Il y avait des centaines de femmes de cette carrure dans tout le pays, et elle n'en faisait pas partie. La moindre gamine sortant de l'académie avait plus de chances de devenir une kunoichi émérite qu'elle. Elle hocha gravement la tête et prit une décision silencieuse.

Peu importait le prix, elle ferait tout pour reprendre son ancien statut.

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Naruto frappa du poing dans la paume de son autre main, et une onde de choc couleur feu, au souffle puissant et brûlant, se déchaîna autour de lui en soulevant la poussière et même des bouts de terre. Il était prêt. Il enfonça son pied dans le sol ; les muscles tendus et le sourire arrogant d'un jeune homme à sa première chasse, tout dans sa posture laissait deviner l'imminence d'une attaque.

Sasuke lui adressa un ricanement méprisant. Le manteau sombre qu'il portait se souleva sous l'effet de la brise et il fit signe à Naruto d'y aller. Celui-ci ne se fit pas prier.

D'un mouvement puissant de la cheville, il s'était propulsé en avant à toute vitesse, tendant le poing avec la ferme intention de l'enfoncer dans le corps de Sasuke. Ce dernier ne bougea même pas. Naruto s'attendait à ce qu'il esquive au tout dernier moment, mais il tint bon et une main gantée sortit de sous son manteau, révélant des vêtements noirs qui lui collaient tellement au corps qu'on aurait dit qu'ils avaient été cousus sur lui. En temps normal, son amant aurait marqué une pause pour contempler à loisir l'anatomie du jeune homme, mais ils étaient en situation de combat et la moindre distraction aurait pu lui être fatal.

Le poing de Sasuke se referma sur le sien, la puissance provoquée par le choc creusa une niche de plusieurs mètres de circonférence sous leurs pieds. Les sourires satisfaits qu'ils échangèrent donnèrent le véritable signal de leur affrontement.

Naruto attrapa d'un geste vif le bras tendu de Sasuke. Le bloquant avec sûreté en enfonçant ses doigts dans la chair, il se servit de l'appui qu'il avait au sol pour soulever d'un coup son adversaire et le propulser à terre. Du moins, c'était son intention. Sasuke fit pivoter son tronc à mi-course, ses jambes s'accrochèrent autour du cou de Naruto sans qu'il sache vraiment comment et la situation se trouva vite inversée, même s'il avait encore le bras de Sasuke bien calé dans sa main. Son adversaire fit peser son poids sur sa nuque et il n'eut d'autre choix, pour ne pas finir le cou brisé, que de se laisser tomber sur le sol. Mais ses jambes étaient encore libres. Alors que Sasuke s'apprêtait à lui asséner un coup de poing avec son autre main, il propulsa ses pieds dans le dos de son adversaire qui perdit l'équilibre un instant, assez pour que Naruto puisse se démêler de sa poigne et s'éloigner de lui. Il se mirent debout en un instant, à quelques mètres à peine l'un de l'autre.

Il ne s'était pas passé une seconde depuis le début de l'attaque.

Sasuke contempla la silhouette de son adversaire d'un air satisfait. Pas mal du tout pour un échauffement rapide avec la puissance du Sceau au maximum. Il avait même rajouté quelques entraves de sa composition. Naruto avait décidément fait des progrès.

- Bien, fit-il d'une voix claire, maintenant débarrasse-toi de ta première entrave. Dans cinq minutes, tu laisseras tomber la deuxième aussi, et ainsi de suite jusqu'à ce que je sorte.

Naruto hocha la tête. Il fouilla au niveau de la taille de son survêtement orange et noir et en sortit une lourde ceinture de métal qui émit un sifflement aigu en se détachant. Un peu de fumée grise s'en échappa ; il n'y fit pas attention. Il la jeta devant lui d'un geste lent. Elle s'enfonça profondément dans la terre en propageant une odeur âcre ; Sasuke vit le sol autour d'elle se gonfler en grosses bulles furieuses qui éclatèrent en expulsant plusieurs giclées de terre, qui recouvrèrent rapidement le trou.

En quelques bonds, Sasuke s'éloigna de de leur lieu d'entraînement. Il ne l'avait pas choisi par hasard, pas plus qu'il n'avait oublié ce que la montagne (la seule du pays des Plaines) au pied de laquelle il se trouvait enfermait. Une grotte s'ouvrait à son flanc, juste devant lui. Il s'y aventura à pas mesurés. Elle n'était pas très profonde mais un sentiment accablant accueillait tous ceux qui essayaient d'y entrer, comme un poids sur votre poitrine qui vous écrasait au cours de l'avancée et qui refusait de vous quitter tant que vous n'étiez pas sorti. Le jeune garçon en fit abstraction et bientôt, il se retrouva devant une paroi lisse sur laquelle étaient gravées d'étranges inscriptions à demi effacées. Sasuke n'eut pas besoin de lever les yeux pour savoir ce qu'il y avait d'écrit. Il avait eu accès à des archives complètes gracieusement fournies par leur « associé », qui faisait état de tout ce qui était là et davantage.

Derrière cette paroi, en sommeil depuis des siècles, se trouvait un Oni qu'un moine avait banni parce qu'il terrorisait la région. Le moine en question n'avait pas eu la force de vaincre son ennemi mais son pouvoir avait suffi à l'enfermer dans la montagne artificielle qu'il créa de ses mains, libérant les habitants et apportant la paix et la prospérité. Malheureusement, le moine était mort suite à son acte d'héroïsme. Des siècles plus tard, plus personne dans le pays ne se souvenait de lui ou du démon ; le sceau qui enfermait ce dernier était néanmoins si puissant qu'il suffisait à éloigner les curieux de la montagne.

Quelle ironie, de savoir que le moine qui avait enfermé ce démon avait souffert du même sort que le Yondaime plus de quinze ans auparavant. Mais contrairement au héros de Konoha, le souvenir du moine avait sombré dans l'oubli. Aujourd'hui, Sasuke allait réveiller ce démon pour pouvoir tester la force du sien. Naruto et le Kyuubi n'attendaient plus que lui.

Il mordit violemment le bout de son index droit, laissant échapper un filet de sang vermeille avec lequel il traça l'incantation nécessaire au réveil de l'Oni. Ça n'était pas bien difficile ; il avait passé les deux dernières années à étudier tout ce qu'il pouvait trouver sur les arts occultes, les sceaux et autres invocations diverses. Il y allait de sa vie et de celle de Naruto ; après tout, tous deux étaient sous l'emprise d'un sceau terrible qu'on leur avait donné contre leur volonté... Inconsciemment, il plaqua sa main libre sur l'emplacement de son cou où se trouvait l'ancienne marque laissée par Orochimaru. Elle n'agissait plus autant, grâce notamment aux conseils précieux de leur allié mais mieux valait ne pas se relâcher. Le moindre écart, la moindre hésitation pourrait ouvrir une brèche béante à travers laquelle la conscience d'Orochimaru s'introduirait sans vergogne, chassant la sienne propre... Et avec un Naruto complètement dévoué à Sasuke, il n'osait pas imaginer le désastre que cela causerait. Il voulait tuer Itachi, pas aider involontairement un pseudo-dictateur fou à asservir le monde.

Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment de s'encombrer de pensées inutiles. Le sceau se brisait déjà sous ses doigts, chassé par l'incantation qu'il traçait de son sang. Aussi efficace soit-il, il était trop vieux pour pouvoir espérer résister à la marque de Sasuke.

Il fallait à présent qu'il s'éloigne. Sa force n'était pas suffisante pour lui permettre d'affronter seul un Oni dans la force de l'âge ; et celui-ci avait dormi si longtemps, il devait être parfaitement reposé mais aussi affamé et furieux... Heureusement, il lui faudrait un peu de temps avant de pouvoir pleinement se libérer. Largement assez pour qu'il puisse se mettre en lieu sûr. Le démon tomberait directement sur Naruto en sortant, qui était en train de préparer en douceur la venue du Kyuubi. Ce n'était pas chose facile. La créature était loin d'être docile ; malgré tous leurs efforts et la bonne volonté de Naruto, ils n'avaient réussi qu'à le libérer jusqu'à la troisième queue et ce à un prix assez élevé, puisque la dernière fois qu'il était sorti...

Un mugissement formidable interrompit le cours de ses souvenirs. L'Oni ? Mais le sceau était encore intact ! Il avait calculé qu'il lui faudrait encore dix bonnes minutes avant de pouvoir ne serait-ce qu'éroder la première couche de la paroi...

Celle-ci se mit à trembler de plus en plus fort. Sasuke vit avec horreur des craquelures apparaître çà et là, craquelures qui allaient en s'agrandissant... Le démon était réveillé et forçait sa prison pour sortir plus vite. Il n'avait pas de temps à perdre s'il ne voulait pas être la première victime de sa rage !

Il se détourna du spectacle du mur en pierre ravagé au moment où une main rouge gigantesque passait à travers celle-ci en expédiant des rochers dans toute la grotte. Sasuke se précipita vers la sortie, le coeur battant. Surtout, ne pas regarder en arrière ! Il ne pouvait pas se permettre de se retrouver entre les deux monstres lorsque ceux-ci commenceraient à se battre !

- Naruto ! Il est derrière moi ! hurla-t-il à l'intention de son ami.

Le jeune garçon blond lui jeta un regard surpris. Sasuke n'avait-il pas prévu de se laisser une avance, comme à son habitude ? Il enleva à la hâte ses dernières entraves. Ce n'était pas très prudent mais la situation semblait l'exiger... Il avait rarement vu son ami dans un tel état de panique, lui qui d'ordinaire maîtrisait parfaitement ses invocations.

La grotte de laquelle il était sorti vibra d'horrible manière au son d'un cri terrible. La montagne toute entière parut frémir ; puis, sortant de l'ouverture béante, une main rougeaude et trapue aux doigts sertis de griffes acérées et sales frappa contre la paroi d'un geste rageur. L'Oni émergea enfin en entier. Il était tel que l'avait décrit Sasuke la veille.

Il était gigantesque, plus grand même que le Tsuchigumo que lui avait fait affronter Sasuke deux ans auparavant. Mais son ami lui avait avoué que l'araignée géante n'était que de puissance moyenne comparée à la créature qui le lorgnait de ses yeux courroucés. Sa peau toute entière était d'un rouge vif, sur lequel l'ocre de son pagne déchiré tranchait de manière grotesque. L'épaisse crinière qui entourait son visage furibond semblait agitée de soubresauts nerveux ; Naruto fixa les crocs qui sortaient de sa bouche et les cornes qui ornaient sa tête... Cette créature paraissait différente de celles que lui avait fait combattre Sasuke jusque-là, elle avait l'air intelligente mais en même temps il émanait d'elle une force brute effrayante qui n'était pas sans lui rappeler celle des invocations des Sannin, qu'il avait pu apercevoir des années plus tôt...

Sasuke l'avait dépassé en courant, sans doute pour aller se mettre à l'abri. C'était plus prudent. Naruto sentait déjà l'aura familière de Kyuubi pénétrer ses membres, leur donnant une vitalité surhumaine. Son corps fut pris d'un soubresaut ; le chakra qu'il reçut en surplus lui donna le vertige et il se surprit à grogner de contentement. Le Kyuubi voulait prendre le contrôle.

Plutôt mourir, songea Naruto. Je sais très bien ce que tu feras une fois libre, monstre. Tu voudras te venger de Sasuke pour avoir voulu te dominer. Pas question !

Il se mit en position. L'Oni avait remarqué sa présence et dardait à présent sur lui ses yeux furibonds. Il parut reconnaître son adversaire. Déjà, le chakra du Kyuubi avait commencé à envelopper le corps de Naruto. Il s'affaissa presque à quatre pattes, ses mains se courbèrent en griffes, son visage prit un air sauvage que renforçaient la pousse de ses crocs et l'allongement de ses pupilles. L'Oni poussa un cri dément. Un kitsune ! Sept-cent ans passés à dormir dans cette grotte, et la première chose qu'il voyait en se levant était un kitsune, non, pire, un Kyuubi ? Son sang ne fit qu'un tour. Il plongea une main dans la montagne qui parut scintiller légèrement. Elle en sortit un gourdin colossal en pierre, qu'il brandit devant lui en signe de menace.

Naruto recula un peu, impressionné malgré lui ; pourtant, sa part démoniaque se déchaîna et il put mesurer toute l'intensité de la colère du Kyuubi. Il avait un Oni devant lui, l'un de ses ennemis naturels ! Naruto n'avait plus ressenti une telle vigueur en lui depuis qu'il avait réussi à sortir sa troisième queue. Ce combat s'annonçait des plus intéressants !

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- Ils ont commencé ? demanda le compagnon de route qu'on lui avait assigné pour cette fois, un certain Hijiri Tsumon.

- Oui, fit-il simplement.

- Et...

- Et ?

- Ce que j'aime bien avec toi tu vois, répliqua Hijiri en riant, c'est que t'es un bavard et un marrant. Toujours le bon mot pour tes camarades.

Son compagnon ne répondit pas. Il restait immobile à contempler le spectacle de la bataille qui débutait en contrebas. Hijiri siffla en voyant l'immense traînée que l'Oni avait faite dans la terre en la raclant avec son gourdin, sans doute une tactique pour intimider son adversaire. La silhouette feu et noire qu'était Naruto avait esquivé l'attaque grossière sans même y penser, portée par son instinct. Le chakra qui se dégageait des deux entités était si important qu'il faisait se dresser les cheveux sur la tête de Hijiri, alors qu'il était à bonne distance des combattants, sur un aigle de papier et d'encre gigantesque que son compagnon avait fait apparaître pour leur permettre d'assister plus confortablement (et plus prudemment) à la joute.

- Et tu comptes rester encore longtemps, Sai ou quel que soit ton nom ?

Pas de réponse. Mais de toute façon, Hijiri commençait à avoir l'habitude. Il s'installa aussi commodément que possible et sortit une barre énergétique du sac de voyage qu'il avait emporté, dans laquelle il croqua à pleines dents. Puis il fit la grimace.

- Beûrk. Les rations de Konoha sont toujours aussi dégueulasses.

- Alors pourquoi tu continues à les manger ?

Ah, enfin une réaction. Hijiri fit un immense sourire au jeune garçon qui n'avait pas quitté la scène de l'affrontement des yeux. Il était bizarre, ce garçon. Un vrai néant de sentiments. Enfin, si ça lui faisait plaisir de jouer les sacs à glaçons... En tout cas, ça ne risquait pas de lui arriver !

Hijiri Tsumon était pour sa part un optimiste convaincu. Si, vraiment. C'était assez incongru venant d'un membre de la section « Torture et interrogatoire », mais bon ! Il avait toujours été comme ça et il n'était pas près de changer, même avec toutes les saletés qu'il faisait chaque jour au nom de Konoha et les embrouilles dans lesquelles il se trouvait mêlé jusqu'au cou. Il avait passé une bonne partie de sa vie à torturer les gens à petit feu, à les tuer quand il le fallait, à commettre les pires bassesses et les pires abominations pour la cause qu'il croyait juste. Car c'était ça, le truc. La foi. Il n'était pas intimement persuadé d'être meilleur que les autres ou d'avoir choisi le camp du gentil ou quoi, juste que la cause à laquelle il s'était ultimement ralliée lui plaisait le plus. Et c'était tellement commun, de nos jours, de trahir son village pour un tiers. C'était même presque... cool. Comme d'annoncer tout à trac aux gens au milieu d'un sublime et délicieux dîner que vous faisiez partie des bourreaux attitrés de Konoha, pour juste après décrire les détails du métier avant le dessert. C'était tordant, de voir la face dégoûtée et horrifiée des gens recracher leur nourriture à l'évocation des tripes et autres joyeusetés qu'il manipulait quasiment chaque jour. Ça le mettait même en appétit. Du coup, plus personne ne l'invitait à manger, allez savoir pourquoi.

D'où son virement de cap. C'était comme une sorte de changement professionnel à la ninja. Votre boulot ne vous satisfait plus, vous vous faites chier à découper les membres des ennemis capturés et à arracher leurs doigts et un oeil pour les plonger dans l'acide devant eux ? Changez de camp. Choisissez un autre patron auquel vous jurerez une fidélité sans faille (du moins jusqu'au prochain). C'était facile, particulièrement risqué et moralement indéfendable. Parfait pour lui, en somme. Et cerise sur le gâteau, le boss en question et sa cause lui donnaient des frissons (il avait appris depuis longtemps à ne plus faire la distinction entre frissons de plaisir et frissons d'horreur, boulot oblige. C'était plus pratique comme ça et moins encombrant à la longue). Du vrai bonheur en boîte.

- Il a l'air d'assurer, le gamin, dis donc, s'exclama-t-il joyeusement en voyant le bras géant de Naruto porter un coup formidable à son adversaire, le faisant valser sur plusieurs centaines de mètres.

- C'est normal. Il s'agit du réceptacle du Kyuubi. La puissance des Bijuu dépasse tout ce qu'on peut imaginer.

Était-ce l'imagination de Hijiri, ou bien les yeux de Sai brillaient-ils à l'annonce de ses mots ? D'ailleurs, il l'avait rarement entendu en utiliser autant, du moins avec lui. Intéressant. Et il suivait le moindre mouvement de Naruto d'un air presque avide (pour Sai), il lui semblait même que ses doigts tremblaient légèrement... Pour un expert du corps humain comme lui, les plus infimes réactions, les plus petits tics nerveux étaient une source d'informations précieuse. C'était grâce à cette capacité d'observation minutieuse qu'il pouvait voir qu'un ennemi mentait, dissimulait quelque chose ou était tout simplement sur le point de rendre l'âme. En outre, Hijiri avait aussi un petit truc bien à lui, une sorte de secret de famille...

Tiens, ça aussi c'était cool, les techniques familiales (et accessoirement utile mais bon, qui était-il pour juger du mérite d'une technique ou d'une autre). Pas étonnant qu'on fasse des pieds et des mains pour tenter de les acquérir. Il en avait charcuté, des cobayes à la section « Médecine et investigation » (qu'il squattait de temps à autre quand l'envie lui prenait de changer un peu la finalité pour laquelle il utilisait ses talents). Mais bon, en fin de compte c'était encore la même chose. Non, il fallait qu'il élargisse un peu son horizon. Et quoi de mieux pour ça que de trahir son village natal en suivant la volonté d'un mystérieux (enfin, pas pour lui vu qu'il l'avait rencontré en personne) et charismatique leader auto-proclamé d'une organisation plus secrète encore que l'Akatsuki ?

Donc, trahison, cool. Surveillance d'un gamin qui tentait de jouer les dieux de pacotille en voulant contrôler un Bijuu, moins cool mais intéressant à regarder, surtout si comme il le devinait un peu son propre compagnon de voyage était en train de développer un béguin monstre pour le Jinchuuriki du Kyuubi. Mission de protection pour empêcher que ces fouineurs de Konoha ne viennent déranger ce sale gosse de Sasuke Uchiha avant qu'il n'arrive à trouver le moyen de manipuler le Kyuubi à sa guise, super cool.

Non, le problème c'était l'attente avec Sai et surtout trois kilos de rations venant tout droit des stocks de Konoha...

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Sasuke vit avec horreur la massue enflammée de l'Oni s'abattre sur la forme à deux queues de Naruto, le propulsant à terre en laissant une marque profonde qui creusa la plaine. A la prochaine saison des pluies, le trou causé par la déflagration se transformerait en un petit lac aménagé dont le fond porterait la trace du passage du Kyuubi. Naruto se releva avec peine ; du sang coulait à gros torrents des plaies ouvertes que sa transformation ajouté au combat avaient causées. Il tituba, une fois, deux fois, ses queues frémirent. L'Oni se rapprochait à toute vitesse, les crocs saillants et le gourdin tendu en avant. Celui-ci était fortement ébréché du fait de la violence des chocs qu'il avait à supporter. Il était difficile de distinguer le sang du démon sur sa peau écarlate, mais les grosses flaques qui jonchaient la plaine à plusieurs endroits pouvaient témoigner de la fureur de leur affrontement. Naruto ne bougeait plus. Seules, ses queues frétillaient encore un peu.

Sa troisième queue ! Il en était donc arrivé à cette extrémité ? Il lui fallait plus de puissance pour vaincre son ennemi, mais il ne maîtrisait encore imparfaitement sa troisième transformation...

L'Oni parut comprendre sa manoeuvre ; avec un cri de rage qui résonna sur la plaine, il mit toutes ses forces dans le coup qu'il allait porter...

... et fut arrêté net par une rafale de vent gigantesque, presque une tornade, qui le fit se reculer avec surprise, les yeux exorbités par la consternation. Lorsque le vent se fut affaibli, il aperçut devant lui un Karasu-Tengu, qui, bien qu'étant considérablement plus petit, n'avait pas moins de prestance que lui. L'immense éventail qu'il tenait à deux mains tremblait encore de la tempête qu'il venait de provoquer ; de son bec effilé sortit un croassement rauque, un avertissement qu'eux seuls pouvaient comprendre. L'Oni poussa un mugissement furieux : de quel droit le peuple des airs osait-il interrompre son combat contre un vulgaire kitsune ? Mais la créature nouvellement apparue ne sembla pas impressionnée ; au contraire, elle se mit avec défi entre lui et sa cible. Naruto n'avait toujours pas bougé. Même le tremblement de ses queues avait disparu.

- Naruto ! fit alors la voix angoissée de Sasuke.

Il s'était précipité sur le lieu du combat malgré le danger ; l'Oni était sur le point de tuer son ami... Et il aurait réussi, s'il n'avait pas envoyé son Karasu-Tengu, la créature mythique à tête de corbeau qui était devenue son protecteur grâce au pacte de sang qu'il avait effectué avec lui un an auparavant.

Tremblant de colère, il se mit entre Naruto et l'Oni, prêt à combattre et à défendre son ami, ou à fuir au besoin... Son plan serait complètement gâché si Naruto mourrait ici. Il fallait qu'il le défende, coûte que coûte.

Le démon en face de lui le lorgna de ses yeux cruels. Puis poussant un rire tonitruant qui fit trembler l'air, il se précipita sur le Karasu-Tengu pour l'attraper. Celui-ci esquiva d'un geste prompt et se mit à agiter son éventail avec dextérité, et à chaque mouvement une rafale tranchante se dirigeait sur son adversaire, de plus en plus souvent jusqu'à ce que les coupures profondes qui zébraient sa peau se confondirent avec les crevasses de ses muscles. Un étang de sang commençait à se former sous ses pieds, et il tentait encore de blesser son ennemi.

Le voyant affaibli, Sasuke commit alors l'erreur de croire qu'il avait remporté la victoire. Il lui tourna le dos pour pouvoir s'occuper de Naruto, ce qui fit qu'il ne vit pas l'écart soudain de la trajectoire du dernier coup de l'Oni. Le Karasu-Tengu l'aperçut au dernier moment, mais il était déjà trop tard. Le bout de la massue que le démon tenait encore rencontra le dos de Sasuke qui en eut le souffle coupé ; il sombra vite dans l'inconscience. Son corps fut projeté juste devant l'ombre du Kyuubi. Un de ses bras formait un angle étrange.

Naruto baissa les yeux sur le profil cassé qui était allongé à ses pieds. Sasuke respirait encore, mais très faiblement ; le Karasu-Tengu se mit à disparaître, petit à petit, en lançant un dernier regard désolé à son maître...

Le gémissement aigu partit du fond de sa gorge, lentement, et il enfla, enfla... Il finit par se transformer en un braillement guttural qui prit une ampleur telle qu'on l'entendit à l'autre bout du pays. Le chakra qui l'entourait et qui avait diminué s'intensifia d'un coup ; la terre trembla de manière significative. L'air semblait bouillir autour de lui.

- Sasuke, réussit à murmurer Naruto dans son délire, le bras tendu vers la forme inanimée de son ami.

De l'eau apparut soudain autour de lui, montant jusqu'à former un océan dans lequel il se dirigea avec peine. La dépouille de Sasuke flottait loin en avant, et elle prenait de plus en plus de distance malgré les efforts désespérés qu'il faisait pour essayer de la rattraper...

Il se retrouva d'un coup devant un portail imposant et terrible sur lequel était apposé un simple bout de papier marqué d'un sceau. Entre les barreaux, dont chacun était au moins aussi épais qu'un tronc de chêne, il pouvait distinguer une ombre titanesque dont les yeux brillants, comme deux phares indicateurs, lui donnaient l'impression d'une limite à ne surtout pas franchir. Il hésita à peine. Sasuke, son Sasuke avait besoin de lui.

A peine avait-il pénétré dans la prison que le buste du Kyuubi apparut, monstrueux et féroce. Il ouvrit ses mains autour de Naruto et les referma d'un coup sec ; et entre ses doigts griffus, une lumière intense illumina l'atmosphère, un ricanement sinistre se fit entendre.

Le Kyuubi avait entièrement pris possession du corps de son hôte.

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Hinata se mordit la langue jusqu'au sang. Non ! Il ne fallait pas qu'elle hurle ! Personne ne devait savoir ! Son front se contracta douloureusement, ses yeux lui brûlaient... Elle avait l'impression que le haut de sa tête voulait exploser. Si elle avait pu, elle se serait arrachée les yeux pour ne plus avoir à subir ça, pour ne plus avoir mal...

Elle suait à grosses gouttes et se tordait de manière grotesque sur le sol. Renversés, les accessoires de la cérémonie du thé, jetés à terre et foulés depuis longtemps, les friandises qu'elle servait avec gentillesse à ses invités. Le mal descendait de plus en plus, il envahissait son corps tout entier, et elle brûlait, brûlait, que tout cela finisse, Naruto, que quelqu'un l'aide, Naruto...

- Hinata ? fit la voix lointaine et inquiète de Tsunade, qui s'était précipitée au domaine des Hyuuga suite à l'avertissement d'Ino et de Kurenai.

Les deux autres femmes attendaient en retrait, l'air perdu, surveillant la porte de telle sorte qu'on ne vienne pas les déranger. Le clan avait été désagréablement surpris de voir débarquer à l'improviste le Hokage et sa suite, qui avait demandé avec précipitation à voir Hinata. Elle avait même poussé le vice jusqu'à entrer sans attendre leur invitation, en les sommant de les laisser seules à seules. Aucun d'entre eux n'avait osé discuter un ordre du Hokage, même si Hiashi lui avait jeté un coup d'oeil alarmé. Tsunade savait bien qu'au fond, le chef actuel des Hyuuga aimait sa fille, même s'il n'avait que peu de fois eu l'occasion de le prouver. Mais les hommes de ce clan avaient une manière si phallocrate de traiter leurs filles, surtout celles qui ne semblaient pas faire preuve de force d'âme ! Hanabi était une exception, mais seulement parce qu'elle suivait à la lettre les directives de la famille. Même Neji n'avait pas pu s'empêcher de couver à sa manière la fille qu'il aimait, jusqu'à l'étouffer presque...

Mais heureusement, Hinata était une jeune fille solide, malgré tous les signes qui laissaient deviner le contraire. Sinon, comment aurait-elle pu supporter seule la malédiction qui lui avait été imposée tout en restant dans l'ombre de cette famille, sans dire un mot ni se plaindre ? Comment aurait-elle pu supporter d'être le seul ancrage sûr de Neji, le seul mur qui le séparait de la folie latente qui l'attendait ? Hinata Hyuuga était une fille exceptionnelle, mais personne ne s'en était rendu compte. Et à présent, elle était détruite à petit feu par le fardeau qu'elle avait accepté de porter pour les deux hommes qu'elle aimait.

Jamais. Tsunade ne le permettrait pas, pas tant qu'elle serait en vie. Elle fit signe aux deux autres femmes de l'attendre à l'extérieur. Kurenai dut traîner Ino qui avait les jambes sciées par l'anxiété, mais ses mains moites témoignaient pour elle. Elle avait peur. Peur de perdre son élève, peur de perdre la fille de son coeur. Mais le Hokage savait ce qu'elle avait à faire. Le Hokage sauverait Hinata, n'est-ce pas ?

Lançant un dernier regard au corps agité de soubresauts de son ancienne élève, elle fit coulisser les portes de la chambre et se tourna vers Ino. Le sourire rassurant qu'elle tenta de lui donner n'était pas très convaincant, mais il parut faire l'affaire puisque son vis-à-vis hocha la tête et s'installa par terre.

Kurenai s'assit à côté d'elle et se mit à attendre.

A suivre...

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Bon, je me suis dit qu'un petit lexique ne ferait pas de mal pour ceux et celles qui ne sont pas à l'aise avec les termes utilisés.

La cérémonie du thé, ou Chanoyu : J'ai mis une version simplifiée du fait de l'isolement volontaire de Hinata, de la version sans doute légèrement différente dans le monde de Naruto et aussi parce que ça me faisait chier de retranscrire chaque étape dans la narration. Mais en réalité, une vraie cérémonie du thé est plus longue et plus ritualisée. J'ai en gros gardé le principal en simplifiant, mais normalement ça aurait dû donner ça :

L'hôte prend la cuiller et la boîte et verse du matcha (trois cuillerées par invité) dans le bol ; il puise une louche d'eau chaude dans la bouilloire, en verse le tiers environ dans le bol et remet le reste dans la bouilloire. Il bat ensuite la mixture avec le fouet jusqu'à ce qu'elle ait à peu près la consistance et la couleur verte d'une soupe aux pois assez épaisse. Le thé ainsi préparé s'appelle le koicha. Le matcha utilisé pour cette préparation est composé de jeunes feuilles prélevées sur des arbres à thé qui ont de vingt à soixante-dix ans d'âge, ou davantage. L'hôte pose le bol à la place voulue, près du foyer ou du brasero, et l'invité d'honneur s'approche, à genoux, pour le prendre.

Et encore, là c'est assez simple... remerciez-moi de ne pas passer par la version longue à chaque fois parce que sinon on n'en aurait jamais fini...

Bijuu, Jinchuuriki : Le Bijuu est tout simplement l'un des neuf démons qu'a imaginé Kishimoto dans le monde de Naruto, chacun ayant une à neuf queues. Le Jinchuuriki est leur hôte, l'humain sacrifié dans lequel on a enfermé le Bijuu pour le contrôler ou le contenir. Le Bijuu de Gaara est Shukaku ou Ichibi (Une Queue), celui de Naruto est Kyuubi qui a comme son nom l'indique neuf queues.

Hijiri Tsumon : Il me fallait un illustre inconnu pour ce passage, j'ai décidé d'utiliser Hijiri Tsumon qui est un vrai perso pas connu pour deux balles de Naruto que j'ai découvert grâce à Hitto-sama dans sa fic Le journal du Grand Hijiri Tsumon (un peu de pub n'a jamais fait de mal) Je l'ai adapté à mes goûts et comme il me plaît bien, je pense qu'il va passer du statut de guest-star d'un chapitre à véritable personnage-clé. Je ne remercierais jamais assez Hitto-sama pour ça.

Oni et Karasu-Tengu : Ce sont deux créatures du folklore japonais.

Pour faire simple, un Oni est un démon typique à la stature massive, qui vit dans la montagne. Il a une couleur de peau variable et possède des griffes, des crocs et des cornes. Il s'habille la plupart du temps avec un pagne (souvent en peau de tigre) et utilise une massue spéciale pour se défendre. Les Oni sont réputés féroces et selon certaines sources, l'un de leurs ennemis naturels est le kitsune. Un bon exemple d'Oni est pour ceux qui connaissent, la famille de Lum dans Urusei Yatsura de Rumiko Takahashi.

Le Karasu-Tengu est un cousin proche du Tengu (un autre type de démon mais bon je passe). De forme humanoïde, il a une tête de corbeau et des ailes dans le dos. Il porte des vêtements traditionnels japonais et son domaine est le ciel. Tout comme le Tengu, il utilise un éventail géant avec lequel il contrôle le vent. On dit aussi que cette créature affectionne les intrigues et les complots, se rangeant souvent du côté de ceux qui veulent renverser le pouvoir en place...