Titre : « Vivre »

Auteur : Mokoshna

Manga : Naruto

Crédits : Naruto est la propriété de Masashi Kishimoto et de Jump. Je ne reçois pas d'argent pour cette fic, je ne risque pas d'en donner à qui que ce soit (vu l'état de mes finances ça n'irait pas loin de toute façon).

Avertissements : Spoilers du manga jusqu'au volume 26, chapitre 233. Après ça n'a plus vraiment d'importance puisque la fic suit sa propre voie. Par conséquent l'histoire risque d'être un peu (beaucoup ?) AU. Du Yaoi avec du SasuNaru, du Het avec du NejiHina, du LeeSaku, mais aussi du Yuri à partir d'ici.

Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Hum... je sais que c'est une demande en l'air mais comme cette fic me prend plus de temps et d'énergie à écrire que les autres j'aimerais bien avoir les avis de mes lecteurs, si possible... D'habitude je ne réclame pas tellement les reviews mais là ce serait pas de refus, l'histoire de base est complexe avec des ramifications partout, j'aimerais juste savoir si je perds mon temps ou pas... A partir d'ici je peux faire simple et plus court ou complet et donc plus long (beaucoup plus long). Je n'aime pas perdre mon temps alors ce serait bien que je sache dès maintenant. Merci et bonne lecture

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Chapitre 10 : Choisir

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Ino accepta avec reconnaissance le verre d'eau que lui tendit Kurenai. Cela faisait cinq heures que Tsunade s'était enfermée à l'intérieur avec Hinata ; cinq heures à attendre dans l'angoisse de connaître le sort de la jeune fille brune. Ino avait pleinement confiance dans les capacités du Hokage mais le temps semblait s'écouler si lentement dans cette maison froide... Elle voulait savoir, très vite, et s'en aller. Elle n'en pouvait plus. En outre, ses parents devaient être inquiets ; elle leur avait simplement dit en partant qu'elle allait voir une amie après les livraisons...

- Tu es inquiète ? lui demanda Kurenai en voyant sa mine déconfite.

Ino la scruta avec embarras.

- Un peu. Et je me disais surtout que mes parents ne savent pas où je suis...

- Si ce n'est que ça, je peux envoyer un message à Inochi si tu veux. Ou tu préfères rentrer chez toi ?

- Non, je vais rester là. C'est le minimum que je puisse faire pour Hinata. Mais c'est vrai que je vous serais reconnaissante d'avertir mes parents.

Kurenai lui fit un sourire chaleureux, auquel elle répondit avec plus de réserve. Étrangement, elle se sentait minuscule face à une telle femme...

- Tu peux me tutoyer, tu sais, fit son interlocutrice. Je ne mords pas.

- Ce serait impoli, non ? Une simple civile, tutoyer un soldat haut gradé...

- Pas de ça. Je crois savoir que tu es l'une des meilleures amies de Hinata, non ? Alors tu as tout à fait le droit de me tutoyer comme les autres.

- Ah... je... merci, et cette fois-ci Ino lui sourit tout naturellement.

- C'est normal. C'est plutôt moi qui devrait te remercier d'avoir pris soin de Hinata depuis tout ce temps.

- Non, je...

Ino secoua la tête d'un air pensif.

- Elle le mérite.

Malgré tout, une douce vague de chaleur l'envahit peu à peu. Savoir qu'elle pouvait encore se rendre utile malgré son handicap la réconfortait et l'encourageait. Toutefois, elle remarqua que Kurenai avait pris un air grave.

- Qu'est-ce que tu sais exactement sur Hinata ? demanda-t-elle en plissant les yeux.

Ino parut étonnée ; quelle était la signification de cette question ?

- Qu'elle est malade, en quelque sorte. Que sa famille refuse qu'elle aille sur le terrain. Qu'elle n'est pas heureuse en tant qu'épouse cloîtrée de Neji. Et que si ce salaud lui fait du mal, kunoichi ou pas, il se recevra la plus formidable raclée qu'il ait jamais eu d'une femme en colère.

Kurenai se surprit à rire. Quelle drôle de fille, quand même, que cette Ino Yamanaka ! Elle paraissait timide au premier abord, puis elle se mettait à dire des choses comme ça et on perdait tout d'un coup tous ses repères. Elle se souvenait vaguement de la fille qu'il avait vue en examen chuunin et de l'élève qu'Asuma lui décrivait de temps à autre, au temps où il était encore professeur. C'était une vraie furie, paraît-il, plus expansive, plus effrontée et déchaînée que ses camarades garçons. Kurenai ne l'avait jamais vraiment connue et s'en était tenue aux dires de ses amis ; pourtant, lorsqu'elle avait voulu acheter un bouquet de fleurs en rendant visite à Hinata, elle était passée par la boutique des Yamanaka histoire d'en profiter pour passer le bonjour à Inochi... et elle l'avait vue, douce et réservée, conseiller quelques modestes fleurs des champs à un vieux couple sans le sou qui allait rendre visite à leur fils blessé. Elle avait fait preuve d'une gentillesse étonnante pour une furie de premier ordre ; et la manière dont elle avait rougi lorsque les deux vieillards l'avaient chaleureusement remerciée avait été si adorable...

- C'est à peu près ce que je lui ai dit quand il a voulu partir chercher Hinata à Hotaru, fit-elle à son tour. C'est drôle comme les gens autour d'elle peuvent être protecteurs.

- Il faut dire, elle est trop mignonne des fois ! Une vraie bouille de gamine avec ses grands yeux ! s'exclama Ino en riant de bon coeur.

Kurenai se sentit extrêmement gauche à ce moment-là. Néanmoins, elle continua sur la lancée de leur conversation tout en surveillant la jeune fille blonde du coin de l'oeil.

- Sans parler de ses poses maniérées ! La première fois que je l'ai vue, j'ai hésité entre la serrer dans mes bras et lui foutre une claque.

- A ce point ? Et tu as fait quoi ?

- Aucun des deux. Ça aurait fait mauvais genre pour mon premier jour avec mes nouveaux élèves.

Elles se sourirent longuement tout en se dévisageant, surprises malgré elles de leur bonne entente. Kurenai la vit comme en rêve remettre délicatement une mèche de cheveux tombante derrière son oreille, tout en jetant un coup d'oeil gêné autour d'elle, comme si elle avait quelque chose à cacher. Ses mains étaient fines et bien entretenues malgré son métier ; c'en était surprenant... Mais en considérant que les Yamanaka étaient les plus grands esthètes de Konoha (et s'en réclamaient), ça ne l'était pas tant que ça, finalement. Si Ino suivait effectivement les traces de son père, cela promettait.

La jonin se souvenait vaguement de leur jeunesse, bien qu'elle fût plus jeune qu'Inochi, et de loin. Celui-ci n'avait pas tellement attiré l'attention jusqu'à son adolescence, où il était soudainement devenu la coqueluche de toutes les jeunes filles du coin. Elle lui avait demandé sa recette des années après qu'il fut marié et confortablement installé, alors qu'ils avaient été tous deux assignés à la même mission, dans le même groupe. Il lui avait répondu en riant qu'il s'agissait en réalité d'une capacité spéciale de leur famille. A leur adolescence, les Yamanaka étaient capables de libérer autour d'eux des phéromones d'un genre particulier très efficaces, comme une fleur à sa maturité sexuelle... ce qui expliquait leur position de premier plan à la section « Espionnage et séduction ».

La porte de la chambre s'ouvrit à cet instant et lentement, une Tsunade passablement épuisée fit son apparition. De grosses gouttes de sueur perlaient sur sa peau quelque peu flétrie. Kurenai se précipita à ses côtés alors qu'elle était sur le point de s'affaisser au sol et la retint entre ses bras.

- Hokage ! Vous allez bien ?

- Oui, fit-elle d'une voix enrouée, je suis juste un peu fatiguée... mais Hinata est saine et sauve.

Ino laissa échapper un soupir de soulagement.

- Est-ce que je peux la voir ? demanda-t-elle timidement, au moment où Tsunade se reprenait et essayait tant bien que mal de se relever en titubant un peu.

- Pas tout de suite. En attendant, j'ai besoin de nourriture. Ma petite, fit-elle en s'adressant à Ino, dis aux Hyuuga de m'apporter à boire et à manger. Ce ne sera pas du luxe, après ce que j'ai fait.

- Bien ! s'écria la jeune fille blonde en partant illico.

Kurenai attendit qu'elle fut hors de vue pour se tourner vers Tsunade avec un visage empreint d'inquiétude.

- Qu'est-ce qu'elle a ?

- C'est bien ce qu'on pensait. Le lien qui l'unissait au Kyuubi a fini par devenir incontrôlable.

- Comment ça se fait ?

- Le sceau. Il n'est plus aussi puissant, et cela affecte même Hinata. Ils doivent avoir trouvé un moyen de l'affaiblir. Si on ne fait rien, l'esprit de la petite risque d'être encore plus abîmé. Je lui ai mis un autre sceau de ma composition pour l'instant, mais je ne sais pas combien de temps il va tenir.

- Il n'y a rien à faire, alors ?

- Rien à notre échelle. Reste à attendre des nouvelles de l'expédition de Gai.

- Hinata ne tiendra peut-être pas jusque-là...

- Pourtant, c'est tout ce que nous avons.

Kurenai secoua la tête.

- Je refuse de la voir mourir dans de telles souffrances.

- Pas plus que moi, crois-moi. Mais l'existence des Jinchuuriki est déjà auréolée de tant de mystères... Le seul moyen d'espérer la libérer de son « lien » avec le Kyuubi créé par le Byakugan serait de retrouver celui-ci et de sceller chaque ouverture entre eux deux.

- Mission impossible, donc...

- Pas tant que ça. Il nous faut faire confiance à Gai et ses petits.

Kurenai soupira.

- J'aurais pu les accompagner...

- J'ai besoin de toi ici et tu le sais bien, rétorqua Tsunade. Dans mon entourage, tu es celle qui connaît le mieux les Hyuuga.

- Neji aurait pu faire l'affaire...

- Non. Non, surtout pas lui.

Elle secoua la tête et fit un sourire à Ino qui revenait en hâte, une servante portant un plateau de victuailles sur les talons.

- Souris, on nous regarde.

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Sasuke se réveilla sur un son de gargouillis informe, comme un fruit trop mûr que l'on aurait foulé du pied sans y prendre garde. Une douleur lancinante lui traversait les membres, le dos et le bras en particulier... Il n'osait pas encore ouvrir les yeux. Un grognement atroce fit alors trembler l'air, et le bruit de fruit écrasé reprit, plus fort que jamais. Il tenta de rassembler ses souvenirs. Seule, l'image de Naruto lui vint en tête ; un Naruto souriant portant encore le bandeau de Konoha, à l'époque où ils étaient encore gennin auprès de Kakashi... Les autres membres de son groupe lui faisaient signe de loin, Naruto en tête. Puis le visage de Sakura vint s'imprimer sur cette image, un visage baigné de larmes, qui lui demandait de rester avec elle...

- Tu te réveilles ? fit une voix gutturale, qu'il reconnut comme étant celle de leur informateur.

Il poussa un gémissement sourd. La douleur s'était intensifiée ; il n'arrivait plus à bouger le bras et il lui semblait bien que sa respiration était aussi plus saccadée et difficile...

- Ne bouge pas trop, continua la voix. Tu as plusieurs côtes et le bras cassé, sans parler de ta colonne vertébrale et de ta tête qui ont subi un sacré choc. T'as de la chance de ne pas être bon pour le fauteuil roulant.

- Naru... to... réussit-il à croasser avec effort.

- Le gamin va bien, lui répondit son interlocuteur en l'aidant à relever la tête. Tu n'as qu'à en juger par toi-même.

Ses yeux entrouverts eurent un peu de mal à distinguer les détails de la scène. Tout était flou, incertain ; mais le bruit qui avait attiré son attention à son réveil se retrouvait à présent devant lui... Il lui fallut encore un peu de temps, mais il put finalement voir. Il n'en avait pas tant besoin, de toute manière ; il avait deviné à l'odeur ce dont il pouvait s'agir.

Le vent lui battait à intervalles réguliers les joues, rendues sensibles par le raclement qu'elles avaient subi à terre. Une poche d'air se formait de temps à autre pour une raison inconnue mais cessait d'un coup et il pouvait se passer plusieurs minutes avant qu'une autre ne prenne sa place ; c'était comme si tout souffle avait été aspiré par la silhouette penchée devant lui, comme si elle respirait le vent et le rendait sans même s'en rendre compte...

Gigantesque, la silhouette cruelle s'élevait à la hauteur de leur position, mais plus loin, bien plus loin. Il avait été recueilli par l'envoyé de son maître, et ils se trouvaient à bonne distance de ce qui avait été Naruto... Une silhouette informe, vaguement animale, aux oreilles et à la gueule démesurée qui se finissait en un rictus carnassier. Cinq queues frétillantes, obscènes, agitaient l'air sans provoquer la moindre brise; tout était comme en suspend, l'air, le bruit environnant, la vie même, et ces yeux qui se tournaient quelquefois dans leur direction, jaunes et béants, semblaient faits de malice pure... A ses pieds, une masse rouge sombre affreuse, grouillante encore du dernier souffle de vie de l'Oni, achevait de se décomposer. Quelquefois, de grosses bulles se formaient à la surface et éclataient en projetant sur plusieurs mètres une flaque de viscères ; et ce qui restait de solide, le monstre y plantait ses crocs et l'arrachait de la force de sa mâchoire, ou y mettait les pattes et appuyait, serrait... provoquant le seul bruit qui régnait autour d'eux.

- Pas joli, hein ? Il est comme ça depuis qu'il t'a vu à terre. Un moment il était encore un peu normal, et puis paf ! Il s'est mis à briller et à pousser d'un coup et il a bouffé l'autre monstre en détruisant tout sur son passage.

En effet, le sol autour de lui semblait avoir été balayé par une tornade... mais la montagne où avait été enfermé l'Oni était hors de vue.

- Il a aussi rasé le bout de terre qui se trouvait au milieu. Pas joli joli, je te dis. Tout y a passé autour de lui. Heureusement que Sai et moi, on sait se débrouiller côté défense.

Sai ? Sasuke tourna la tête de côté, là où se trouvait un adolescent de son âge, les yeux fixés sur le champ de bataille. « Sai » ne cilla pas en sentant son regard posé sur lui. Il portait une tenue noire fonctionnelle mais presque indécente qui montrait ostensiblement son ventre ; l'expression désabusée qu'il avait lui rappelait un peu celle de Shikamaru Nara... après qu'il ait eu une ablation du coeur. Et il ne savait pas pourquoi, mais sa manière de fixer d'un air absent et pourtant intense la silhouette de Naruto lui déplaisait fortement...

- Où sommes-nous ? fit-il en se relevant un peu plus, oubliant complètement sa douleur.

- Au sommet d'un arbre de papier et d'encre que mon gentil compagnon a fait apparaître, lui répondit tout naturellement l'autre homme. Au fait, je t'ai déjà dit mon nom ?

- Pas à ce que je sache, répliqua froidement Sasuke.

- Oups. Autant pour moi. Hijiri Tsumon, pour te servir, mon grand.

- Je ne suis pas votre « grand », grogna Sasuke entre les dents.

- Ah, non, bien sûr... ce n'est qu'une façon de parler...

Il éclata d'un rire exagéré. Sasuke voulut lever le bras pour le frapper mais il se rendit compte qu'il arrivait à peine à le bouger...

- Je vais te soigner ça, fit Hijiri en voyant la grimace sur le visage du jeune garçon. J'aurais fait ça plus tôt mais j'ai dû m'occuper d'abord des blessures plus graves.

- Vous êtes médico-nin ? s'étonna son interlocuteur.

- Je me débrouille. Enfin, c'est logique, quand on sait bien casser, l'inverse doit être vrai, n'est-ce pas ? En tout cas, ne bouge pas, je vais te recoller les bouts comme il faut, tu vas voir. Je suis un pro dans ce domaine, comme pour l'inverse, d'ailleurs.

Mais il ne se taisait donc jamais ? Sasuke fit une grimace pas seulement causée par la douleur physique. Sur bien des points, ce type lui rappelait Naruto, cette manière de parler pour ne rien dire, ses tics énervants de gamin sous caféine... Et le sourire franc qu'il lui lançait sans honte, comme s'ils étaient déjà les meilleurs amis du monde ! Il n'avait parlé qu'une seule fois à ce type, lorsqu'il l'avait prévenu de l'arrivée imminente d'envoyés de Konoha quelques jours auparavant, mais cela lui semblait déjà des années...

- La ferme, jappa-t-il lorsque Hijiri se mit à lui raconter la matinée qu'il avait passée à essayer de faire dire plus de dix mots à son partenaire immobile.

- Tsk, un peu nerveux, non ? Mais le gamin blond a gagné, c'est bon.

- Justement, au lieu de jacasser vous devriez trouver comment le remettre dans son état normal. Attendez une seconde...

Mais il ne put poursuivre à cause d'un craquement sonore qui annonça la remise en place nette de son os cassé. Il eut le souffle coupé par la surprise et la souffrance. Hijiri lui fit un sourire avenant.

- Ça va mieux ? J'ai remis le méchant bras cassé en place, susurra-t-il alors que son visage prenait une expression béate. Mais tu n'as pas poussé de cri, Sasuke-chou, quelle déception...

Sasuke attrapa vivement un senbon qu'il gardait dans ses manches en prévision des situations difficiles et le lui planta dans la cuisse. L'autre homme remua à peine alors que l'aiguille lui transperçait la chair, faisant couler un filet de sang qui enduisit son pantalon de rouge... Sasuke put remarquer à ce moment que Hijiri n'avait rien de plus sur lui que les éléments habituels d'un chuunin ou peut-être un jonin de Konoha ; même sa tête n'était pas inoubliable...

- Ce n'est pas très gentil, ça, parut sangloter Hijiri, je te soigne et toi tu me plantes un senbon ? Vilain, vilain...

Sasuke le fixait avec de gros yeux. Hijiri arracha l'aiguille en question et la lécha d'un air avide en le fixant du coin de l'oeil... avant de la replonger dans son autre main tendue, un immense sourire satisfait en direction du jeune garçon. Sasuke se tenait sur les coudes, une mine de profond dégoût lui déformait le visage... Puis il fit un petit sourire, lentement, qui se transforma en un rire aigu puis en gloussement hystérique.

Sai n'avait pas bougé.

- Il a fini, dit-il simplement.

Sasuke se tut et regarda en direction de Naruto.

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Ino rentra sans encombre chez elle, rassurée sur le sort de Hinata. Elle fut raccompagnée par Kurenai qui passa son temps à discuter avec elle sur le trajet : sur le temps qu'il faisait, sur les fleurs qui poussaient en cette saison, sur les connaissances qu'elles avaient en commun. Ino remarqua que l'autre jeune femme évitait de citer Hinata ou sa situation dans ses propos ; elle ne lui avait pas non plus révélé le pourquoi du comment de l'affaire...

Ino avait parlé, parlé encore et encore jusqu'à ce qu'elles arrivent devant chez elle ; à vrai dire, elle n'avait jamais autant parlé en présence d'une parfaite inconnue. Mais tout ce qu'elle disait lui paraissait affreusement banal et inintéressant. Pourtant, Kurenai ne semblait pas s'en formaliser ; au contraire, elle était comme heureuse de l'écouter, cette fille qui n'avait plus ce qu'il fallait pour devenir ninja...

- J'espère qu'on se reverra, lui murmura la jeune femme en faisant mine de partir. Ce fut vraiment un plaisir de discuter avec toi, Ino.

- Ah... mais je ne t'ai pas ennuyée ?

- Pourquoi cela ?

- Ce n'est pas très... passionnant, ce que je dis. Je parle surtout de fleurs et de ragots entendus de la bouche de mes clients. Il y a mieux, comme sujet de conversation.

- Comme quoi ? s'étonna sincèrement sa nouvelle amie.

- Eh bien, je ne sais pas, des sujets de guerre, des nouvelles techniques, ou des choses vues à l'étranger...

Kurenai secoua la tête ; elle arborait un sourire un peu las.

- Au fond, c'est toujours la même chose, tu sais, dit-elle en soupirant. Et puis c'est un peu déprimant, à la longue, de faire le compte des personnes que tu connais qui sont encore en vie, ou de savoir que beaucoup d'autres personnes ici-bas sont bien plus puissantes que toi, ou de savoir simplement que tout ce qu'on a jamais fait de mieux dans sa vie, en fin de compte, c'est tuer... Même si c'est pour le village, ce n'est quand même pas le genre de vie qu'on est fier d'annoncer au premier venu.

- Mais ce n'est pas que ça !

- Au début, non. Mais dans ce boulot, on se rend vite bien compte qu'on ne peut pas toujours faire comme on veut...

Elle eut la surprise de sentir deux bras menus entourer sa taille et la serrer fort ; reniflant, sanglotant, Ino plongea sa tête entre ses seins pour pleurer...

- Ne dis pas ça, fit-elle, le corps agité de soubresauts. Je ne veux pas...

- Tu ne veux pas quoi ? demanda Kurenai, doucement, en la prenant dans ses bras.

- Je ne veux pas savoir que mes regrets ne servent à rien...

Kurenai sourit tristement.

- Je crois que j'en aurais aussi à revendre, question regrets...

- Alors garde-les ! Ou mieux... jette-les aux orties !

Ino redressa la tête, la mine décidée. Ses yeux brillaient, moitié à cause de ses larmes, moitié à cause d'autre chose que Kurenai n'arrivait pas à déterminer...

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Jette-les ! S'ils te sont si pénibles, jette-les là où tu ne pourras plus jamais les retrouver !

- Ino ?

Le regard fou de la jeune fille l'inquiétait bien un peu... jusqu'à ce que celle-ci, emportée par elle ne savait quelle force mystérieuse, se jeta sur elle et colla ses lèvres sur les siennes, avide, déterminée... Elle l'entraîna vers le sol, Kurenai tentant d'amortir du mieux qu'elle pouvait leur chute. Interdite, la jeune femme brune se mit à répondre à ce baiser sans fondement, cédant à une impulsion qui l'engloutit entièrement. Les ongles d'Ino lui raclait les bras, sa bouche partait à toute vitesse sur la sienne, sa langue se battait sans vouloir céder... Et un gémissement sourd, désespéré, sortait de sa gorge, comme la plainte d'un animal blessé en passe de rendre l'âme...

- Ino ? fit alors une voix étouffée.

Une voix masculine. La tête un peu hagarde d'Inochi apparut à une fenêtre, les yeux scrutant la rue pour essayer de distinguer la forme de sa fille unique... Ino se releva d'un bond, le visage vide. Ses traits auparavant déformés par la passion et le désespoir étaient à présent arrangés en un masque parfait, blanc et froid. Elle remit ses vêtements fripés en place et se recoiffa d'un geste habile de la main.

- Je suis là, père, siffla-t-elle en direction de la fenêtre.

Kurenai se leva elle aussi, un sentiment de honte empourprant ses joues. Et dire qu'elle avait été là, dans la rue, avec la fille d'Inochi, en train de...

- Qui est avec toi ? reprit le chef de la famille Yamanaka, aux aguets.

- C'est moi, Inochi, intervint la jeune femme en question en se montrant à la lumière faiblarde émise par un lampadaire un peu usé. J'ai pensé que ce serait mieux si je raccompagnais ta fille.

- Kurenai ? C'est gentil. Tu veux passer prendre un thé ?

- Pas ce soir, il est tard. Une autre fois, peut-être ?

- Comme tu voudras. Bonne nuit.

- Bonne nuit, Inochi.

Elle le salua longuement, profitant de sa posture courbée pour retrouver un peu de son souffle. Elle se jura aussi qu'on ne l'y reprendrait plus à se faire sauter dessus par une fille plus jeune qu'elle ; du moins, jusqu'à ce que la fille en question ait l'âge...

Elle fit un sourire timide à Ino en relevant la tête mais celle-ci avait détourné les yeux, une drôle de lueur flottant dans ceux-ci... et elle se mordait la langue. Kurenai eut un pincement au coeur.

- Si tu veux qu'on en reste là... fit-elle le plus silencieusement possible avant de partir.

- Ce n'est pas ça.

- Hein ?

- Bonne nuit, Kurenai. On se reverra.

- Mais...

Ino était partie sans attendre sa réponse. Kurenai la vit rentrer chez elle en souriant à son père. Confuse et un peu blessée, elle s'éloigna sans un regard en arrière, l'esprit hanté par l'image de la jeune fille et de son sourire.

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La carcasse de l'Oni n'était plus guère reconnaissable, même les parties dures de son organisme avaient fondu ou étaient dissimulées par la chair en bouillons. Sasuke perçut des étincelles autour d'eux, attisés à chaque grognement de la bête qui restait au centre de la plaine, furibonde...

- On n'y arrivera jamais, fit-il en voyant le résultat du combat. On ne peut plus arrêter Naruto maintenant.

- C'est toi son maître, non ? répliqua Hijiri en lui adressant un clin d'oeil complice. Trouve quelque chose !

- Quoi ?

- On peut attendre qu'il se fatigue, murmura alors Sai, les yeux toujours fixés sur le monstre.

- Il aura le temps de détruire le pays avant ça, reprit avec délice Hijiri.

- Depuis quand tu te soucies du sort des habitants ?

- Ah, ce serait dommage de laisser toute cette chair à canon en devenir se perdre !

Il éclata de rire.

- Et puis ça risquerait d'attirer inutilement l'attention sur nous. On enverrait des hommes se débarrasser de Naruto et tout ça... Non, c'est vraiment pas l'idéal.

- Alors cherche quelque chose, toi aussi.

- Oui patron ! Tout ce que vous voulez ! chanta-t-il presque, la mine radieuse.

Sasuke fulminait. Ce Hijiri ! Il était un peu trop heureux pour quelqu'un qui décrivait une menace imminente, un désastre d'une telle ampleur... Il avait certes guéri l'essentiel de ses blessures avec une rapidité digne des meilleurs médico-nin de son ancien village mais l'aura malsaine qu'il exhalait lui faisait froid dans le dos, c'était dire... Et pourtant, il n'y avait rien en lui de malfaisant si ce n'était le sens de ses propos, dits sur un ton badin qui prêtait à sourire. Son apparence était tout ce qu'il avait de plus banale. Il n'avait même pas les oreilles percées ; un ninja de plus dans la longue liste de ceux qui travaillaient à Konoha... Car il était de Konoha, il en était sûr à présent. Un traître déserteur ? Mais il portait fièrement le bandeau du village sur le front, il avait le sourire réjoui des innocents (dans tous les sens du terme) et son maintien décontracté faisait plus penser à un livreur de ramen qu'à un criminel recherché...

- Ah ! Mais j'y pense, fit brusquement Hijiri en se tapotant la joue de surprise, les gens qui sont censés venir vous arrêter... Ils doivent arriver quand, déjà ?

- S'ils vont vite, ils seront là demain, je pense, dit Sai.

- Ils vont faire vite, ils ont Sakura Haruno dans leurs rangs.

Sasuke sursauta.

- Sakura ?

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Ino se peigna longuement les cheveux devant la glace, admirant d'un air morne les longues mèches soyeuses qui tombaient délicatement sur ses épaules. Dire que ces même cheveux avaient été sa plus grande fierté lorsqu'elle avait été encore kunoichi... Après tout, toute la technique familiale des Yamanaka reposait dans leur utilisation. Mais à présent...

A présent, cette belle chevelure n'était plus qu'un ornement de plus à ajouter à ce corps inutile. Cueillir des fleurs, les arranger et les livrer aux clients, c'était tout ce qu'elle était capable de faire, tout ce qui lui restait à faire. Peu importe si ses amies étaient malheureuses en couple ou s'entraînaient comme des forcenées pour atteindre un objectif tordu qui les rendrait encore plus misérables ; ses cheveux étaient beaux et soyeux, et elle vendait des fleurs...

Elle jeta son peigne de rage. A qui voulait-elle faire croire ça ! Elle n'était plus rien sans son nindo ! Juste une fille ordinaire bonne à jeter aux oubliettes. Et Kurenai avait beau dire, elle ne savait pas ce que c'était que de se sentir inutile et faible, indigne de porter le nom de sa famille...

- Ino ? Ma chérie ? J'ai entendu du bruit...

Son père, Inochi, était toujours le premier à accourir quand il pensait que sa petite princesse se sentait mal ou était peut-être en danger. Elle rentra sa colère au plus profond d'elle-même et lui fit un sourire charmeur.

- Tout va bien, père, j'avais seulement un noeud dans les cheveux qui m'énervait.

- Tu veux de l'aide, mon coeur ?

- Non, ça ira, merci.

- D'accord. Le petit déjeuner est prêt, tu devrais descendre tant que c'est chaud.

- J'arrive.

Il s'en alla, doucement, avec la grâce qui lui était naturelle. Ino admirait plus que tout ce père si suave et beau qui se battait avec nonchalance et harmonie... Toute sa vie, elle avait voulu lui ressembler et accomplir les mêmes prouesses sur le terrain, voire le dépasser...

- Tu rêves, ma belle, soupira-t-elle. C'est vrai ; je devrais abandonner...

- Et pourquoi ça ? fit une voix dans son dos, une voix qu'elle n'avait jamais entendue de sa vie.

Elle se retourna lentement.

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Shikamaru regarda ses amis s'éloigner à toute vitesse. Un peu plus tôt, ils avaient senti une secousse agiter la terre, très légèrement mais assez pour qu'ils se posent des questions... Il n'y avait quasiment jamais de tremblement de terre à Suna, et en tout cas ils ne se manifestaient jamais en cette période de l'année. Puis ils avaient reçus des rapports étranges de leurs hommes postés aux frontières ; soit-disant, un bruit courait sur une vieille légende oubliée et un monstre... Au vu de la mine grave de ses anciens camarades de Konoha, il se dit que ça n'étonnerait personne si cela avait quelque chose à voir, de près ou de loin, avec les deux chers déserteurs qu'ils poursuivaient. Une telle coïncidence, alors qu'ils étaient sur le point de les retrouver, était suspecte. Et cette histoire de monstre pouvait aussi bien être un signe supplémentaire...

Oh, il n'avait pas bêtement fui l'adversité comme tout le monde l'avait pensé, se réfugiant à Suna pour éviter d'endosser sa soit-disant culpabilité dans l'affaire Sasunaru. Il avait enquêté de son côté, à commencer par Hotaru. Pourquoi les deux amis s'étaient-ils arrêtés là ? Pourquoi cette araignée avait-elle surgi à ce moment précis, pourquoi l'avaient-ils combattue ? Quelle était cette étrange aura autour de Naruto ?

Il savait par Sakura que Sasuke rêvait de venger sa famille en tuant son frère. Il avait farfouillé un peu partout, mais il avait finalement eu toute l'histoire ; tout ce que le « dernier » Uchiha devait à son frère aîné... et ce qu'il cherchait à accomplir en s'enfuyant, il l'avait bien deviné en recoupant tout ce qu'il avait entendu. Donc, Sasuke cherchait à devenir plus fort. Mais pourquoi avoir accepté Naruto près de lui, lui qu'il avait toujours traité de faible depuis le début de leur collaboration dans le groupe sept ? A moins que Naruto n'ait quelque chose en plus, et dans ce cas ce devait être en relation avec sa drôle d'apparence la dernière fois qu'il l'avait vu... Une queue, une énorme quantité de chakra. Des griffes, des crocs, une apparence lupine. Sasuke qui s'arrogeait sa force avec une certaine avidité, Naruto qui combattait un Tsuchigumo, enfermé depuis des siècles sous le village Hotaru par un ancien guerrier... Il avait demandé aux notaires du village. Seule une formule spéciale, oubliée depuis longtemps, pouvait libérer le monstre. Mais qui avait fait cela ? Sasuke ? Naruto ? Et dans ce cas, où s'étaient-ils procuré la formule en question ? Et que cherchait Sasuke en faisant affronter ce monstre à Naruto ?

Naruto... était-il seulement humain ? Une apparence lupine... Bien sûr, qu'il avait fait le rapprochement, depuis le temps qu'on leur racontait des histoires terribles sur le Kyuubi et ses pouvoirs démesurés... Mais Naruto ? En même temps, cela expliquait la haine à peine dissimulée que les habitants de Konoha lui témoignaient. Si Naruto était effectivement le Kyuubi (réincarnation ou simple réceptacle ?), il ne devait pas être bien vu de la ménagère moyenne...

Il aurait pu demander des explications à Tsunade, et advienne que pourra. Il aurait pu. Mais il avait en fait un peu peur de la réponse. Et s'il connaissait le fin mot de l'histoire, pourrait-il encore dormir sur ses deux oreilles, comme il avait eu tant de mal à le refaire deux ans plus tôt ?

Deux bras entourèrent ses épaules, un souffle chaud lui caressa la nuque en enlevant la tension qui s'y était concentrée. Il oublia en un instant ses craintes.

- Tu réfléchis encore trop, fit la voix sensuelle de son amant.

- Tu crois ?

- J'en suis sûr.

- Ah. Je devrais peut-être arrêter, alors ?

Il plongea ses yeux dans ceux de Gaara.

- Tu ne travailles pas ?

- Je me suis accordé une pause. On m'avait dit que les envoyés de Konoha allaient partir.

- Tu arrives trop tard. Ils sont déjà...

- Je sais. Je ne suis pas venu pour eux.

- Oh.

Un silence confortable s'installa entre eux, à peine perturbé par les bruits du village qui se préparait à une nouvelle journée. Shikamaru prit la main de Gaara et se dirigea vers le bâtiment du Hokage.

A suivre...

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Pour ceux qui se demandent, la dernière partie a été décidée depuis longtemps (le premier chapitre en fait) et je ne la changerai pas. Un jour, j'écrirai même un spin-off sur ces deux-là, pour expliquer le pourquoi du comment de leur liaison et ce qui se passe du côté de Suna.

En tout cas, merci d'avoir suivi et j'espère que cela continuera (quand même) à vous plaire.