Depuis quelques temps, Danny venait aussi voir Naelle au journal pour qu'elle lui passe quelques infos sur des suspects potentiels. La concernée était ravie car elle pouvait passer plus de temps auprès de lui; il lui manquait terriblement lorsqu'elle ne le voyait pas pendant plusieurs jours. Elle pensait tout le temps à lui et ses sentiments grandissaient de jour en jour mais elle n'osait pas lui en parler de peur de tout gâcher entre eux et puis il y avait Eléna. De son côté, malheureusement, ça n'avait rien donné avec Josh. Malgré ses efforts sincères pour oublier Danny, ils n'avaient rien en commun et s'ennuyaient au plus haut point à chacune de leur rencontre jusqu'au fameux jour où Joshua n'était pas venu. Cela avait arrangé la jeune femme car elle ne savait pas comment s'y prendre pour lui dire qu'elle ne voulait plus le voir. Danny entra donc dans son bureau.

- bonjour dit-il.

- salut.

L'agent du FBI était surpris de l'accueil plutôt glacial qu'elle lui avait réservé. D'habitude elle souriait à sa venue, pas cette fois-ci.

- ça ne va pas ?

- si, je suis fatiguée c'est tout.

- hum, laisse-moi deviner c'est ce type sur Internet qui t'épuise la taquina-t-il. C'est quoi son nom déjà ?

- Josh mais ça n'a pas marché, répliqua-t-elle.

- désolé.

En fait, il était surpris par sa propre réaction car à cette nouvelle, il ressentit un certain soulagement mais n'y prêta pas attention.

- c'est Joy qui fait encore des siennes …comme d'habitude. Elle m'a stressée pendant toute la matinée.

- tu la détestes, n'est-ce pas ?

- non, j'ai juste envie de m'arracher un bras pour lui lancer à la figure à chaque fois que je la vois mais sinon je l'apprécie.

Danny sourit. Il adorait son cynisme. C'est une chose parmi beaucoup d'autres qu'ils avaient en commun.

- tiens, quand on parle du loup…murmura-t-il.

En effet, la sorcière fit son entrée un dossier à la main.

- bonjour beau gosse ! Adressa-t-elle à Danny.

Il sourit d'un rire presque forcé.

- alors t'as fait ce que je t'ai demandé ? reprit la fille du patron.

- Joy, je travaille pour ton père, pas pour toi.

- au contraire.

- tu rigoles ou quoi, je te mâche tout le travail et toi tu te fais les ongles alors épargne -moi tes sarcasmes, tu veux?

Danny ne savait plus où se mettre, il y avait tant de tension entre elles deux. Cette dispute lui faisait penser à lui et Martin au début de leur relation. Seulement, ils avaient vite dépassé cela pour devenir amis et puis Joy n'avait rien de comparable avec son collègue du FBI.

- je sais que tu me détestes, et ça depuis le premier jour.

- mais non tu te fais des idées, nia Naelle.

- si, tu n'as pas arrêté de me faire des crasses.

- désolée de te décevoir mais je n'ai pas assez de considération pour toi et je crois que tu te trompes de personne. C'est toi la fille à papa qui poignarde les gens dans le dos seulement parce qu'elle sait qu 'on couvre ses arrières.

Danny s'interposa finalement.Il voyait que ça dégénérait et il avait peur que Naelle en paie les conséquences car il savait que Joy rapportait tout à son père.

- Noelle…calme-toi, dit-il.

Mais rien n'y fit. Elle reprit de plus belle.

- tu veux que je te dise ? C'est toi le parasite ici, tu es malhonnête, prétentieuse et surtout tu ne sais pas écrire un article digne de ce nom. T'as vu ? Moi aussi je sais être condescendante. Tu n'en as pas le monopole. Seulement, tu es une vraie peste, ma vieille et tu le resteras !

- et toi alors ? Tiens je parie que tu n'as pas mis ton copain du FBI au courant pour ta super famille…

Naelle lança un regard noir vers la sorcière. Danny les observait toujours.

- La ferme ! t'as pas intérêt sinon…menaça-t-elle sa collègue.

- et bien sachez monsieur l'agent que votre petite protégée, qui se veut si sensée a une mère qui a tenté de tuer son propre fils ! Qu'est-ce que tu en dis, Naelle ? Pour un scoop, c'en est un, non ?

Naelle baissa les yeux, visiblement Joy s'était renseignée sur elle pour pouvoir mieux la rabaisser.Elle restait immobile sur sa chaise, elle ne pouvait plus parler. Danny qui voyait l'état de son amie était fou de rage contre Joy et lui adressa un regard furieux.

- alors qu'est -ce que je fais de ce dossier ? demanda Joy.

Naelle ne répondait toujours pas lorsque Danny arracha violemment le dossier des mains de la sorcière.

- c'est bon je m'en charge, dit-il, froidement.

- ok.

Elle s'éloigna du bureau. Danny l'interpella.

- tu sais Joy, pour une fille qui porte un aussi joli prénom …

- oui ?

Elle s'attendait à un compliment de sa part.

- tu n'apportes que le malheur autour de toi .

Elle soupira et quitta la pièce. Danny prit alors la main de son amie pour la réconforter.

- elle devrait porter un balai, ironisa Danny, décidément c'est vraiment une sorcière.

Ils avaient pris l'habitude de se renvoyer la balle mais pour la première fois de leur rencontre, Naelle ne répondit pas à sa plaisanterie, pas cette fois. Elle était trop sous le choc et restait muette, ce qui ne lui ressemblait pas.

- je vais, je vais me rafraîchir , excuse -moi.

Elle se leva d'un coup et courut jusqu'aux toilettes.

- Noelle, attends ,cria Danny.Est -ce que tout va bien ?

Elle se mit à marcher , il la suivit dans le couloir.

- Laisse-moi t'aider ! Dit-il.

Elle s'arrêta et le fixa.

- c'est du passé.

-Est - ce que je peux faire quelque chose?

Il mit sa main sur son épaule.

- et bien, elle a toujours été comme ça …

- non , je voulais dire pour toi … viens je te raccompagne…

Ils avaient atteint l'ascenseur. Elle entra.

- non c'est bon , je veux dire, c'est pas comme si j'avais déjà prêté attention à ce qu'elle dit ! J'ai l'habitude ! Ca ne m'atteint plus !

Il retint les portes de l'ascenseur avec son pied.

- tu es sûr .. je peux…

- non , ça va aller , merci, répliqua-t-elle.

Ils se regardèrent jusqu'à ce que les portes ne se ferment. Il savait que ce n'était qu'une façade et il avait raison. Une fois seule, elle éclata en sanglots. Il avait voulu la retenir mais elle avait pris la fuite. Il soupira, il était désolé de ne rien pouvoir faire pour elle. Quand elle revint dans son bureau , il était toujours assis là à l'attendre.

- qu'est - ce que tu fais là ? Tu n'aurais pas dû rester.

Il la fixait.

- je voulais rester.

- dans le bureau d'une fille à la famille de fous ?

- tu n'es pas la seule,crois-moi, tout le monde a ses propres failles.

Il se regardèrent en silence quand il ajouta :

- tu veux qu'on aille boire un café ? J ' ai un peu de temps…

- c'est gentil mais je dois rester au bureau …

- au bureau ? Tu comptes travailler après ce qui s'est passé ?Demanda-t-il.

- et bien comme je te l'ai déjà dit, on est débordés.

- oh je t'en prie Noelle, pas de ça avec moi,tu as besoin d'une pause.

- non , je regrette je ne peux pas, dit -elle.

- allez...viens.

Il essaya de la retenir par le bras mais elle l'enleva brusquement.

- t'es sourd ou quoi ? Je t'ai dit que je ne pouvais pas !

Elle le transperça du regard. Danny ne l'avait jamais vu comme ça.

- Je trouve que c'est très cruel de la part de Joy de t 'avoir infligé ça. Elle a sûrement dû fouiller dans ton dossier personnel, ajouta-il.

- comment tu le sais? T ' as regardé aussi ?

- Tu n'as pas à avoir honte, tu sais.

- oui ou non ? Réponds !

- ne le prends pas sur ce ton, tu étais un suspect potentiel alors il fallait bien...

-ah oui , c'est vrai, j'oublie toujours cette partie de l'histoire.Celle du journaliste qui est en fait un agent du FBI.Tu sais quoi, tu ferais mieux de partir maintenant.

- attends.

- n'oublie pas de fermer la porte en sortant.

Danny la fixa puis après quelques secondes de réflexion, il se leva de son siège. Il savait qu'elle avait d'abord besoin de se calmer.

- très bien, je te laisse.

Il se dirigea vers la sortie puis se retourna :

- tu sais Noelle, personne n'y arrive seul, personne.

A cette remarque, elle poussa un soupir.

- quoi ? demanda-t-il.

- non, laisse tomber.

- si, vas-y je t'écoute.

- et bien c'est très ironique de t'entendre dire ça, répondit-elle.

- pourquoi ça ?

- parce que ….de nous deux c' est toi qui joue la sécurité pour ne pas souffrir et pour oublier. Tu ne laisses personne entrer dans ta vie.

- il ne s'agit pas de moi…

- bien sûr que si, quand on te voit c'est évident, tu es typiquement le genre d'homme qui veut toujours régler ses problèmes tout seul sans en parler à personne…dit-elle.

- ce n'est pas vrai , je sais demander de l'aide quand j'en ai besoin et je parle …

- sûrement pas …affirma-t-elle.

- très bien alors donne-moi un exemple.

- d'accord ….alors …voyons voir …ah oui tiens, tu ne m'as jamais rien dit sur le fait que tu ne bois jamais …ou ta famille…tu n'en parles jamais.

- tu sais quoi j'y vais, ça vaut mieux.

- tu vois qu'est - ce que je viens de dire ? tu prends la fuite, tu ne t'impliques jamais ! accusa-t-elle.

- non , seulement, tu es tellement en colère pour l'instant que tu cherches à me provoquer, tu veux que je m'énerve et bien sache que je n'ai pas l'intention d'entrer dans ton jeu.

Il quitta la pièce et Naelle jeta un de ses dossiers contre la porte, de rage.

Le soir même, elle rentra à la maison lorsque sur les escaliers devant son appartement, elle l' aperçut. Il était assis visiblement entrain de l'attendre. Il lui souriait, elle savait que ce n'était que par amitié mais comment résister il était si craquant !

- hé.

- salut, répondit -elle.

Elle s'arrêta debout en face de lui sur une des marches.

- alors comment ça été ? demanda-t-il.

- et toi ?

- j'ai demandé le premier.

Il était content de l'avoir fait sourire.

- on a pu boucler à temps.

- nous aussi, la disparue a été retrouvée saine et sauve, dit Danny. Au fait, merci pour tes infos.

- c'est bien, je suis contente pour toi.

- et avec Joy, ça s'est arrangé ?

- je n'ai pas envie de parler d'elle.

Ils se regardèrent un moment puis ils dirent à l'unisson :

- je suis désolé.

Ils échangèrent un sourire.

- vas- y.

- non toi , dit-elle.

- tu ne veux pas t'asseoir, d'abord ?

- je suis mieux debout.

Elle voulait garder le contrôle car lorsqu'elle se trouvait trop près de lui, qu'elle sentait son parfum, elle ne maîtrisait plus rien. C'est alors qu'il tapota avec sa main sur une des marches de l'escalier et la regarda. Finalement, elle céda.

- donc, on est tous les deux désolés.

- oui, c'est assez bien résumé, ironisa-t-elle.

Danny ne savait pas quoi dire, il cherchait ses mots.

- tu as raison je ne me confie pas aux gens alors je pense que c'était injuste d'exiger la même chose de ta part, je n'avais pas le droit de t'en faire le reproche.

- tu peux répéter ? dit-elle, avec le sourire.

- tu savoures ta victoire, hein ?

- non, je comprends et je m'excuse aussi.Tu faisais seulement ton travail en enquêtant sur moi.Je crois seulement que ça me rend folle que t'en saches autant sur mon passé alors que je ne sais presque rien sur ta vie d'avant.

Elle marqua une pause puis reprit le fil de ses pensées.

- ….mais je me suis rendu-compte que ce n' était pas une compétition, assura-t-elle.

Danny hocha la tête. Le silence s'installa puis Naelle prit finalement son courage à deux mains.

- c'est vrai, ma mère a tenté de débrancher Jason car il souffrait trop… à la fin. Il me l'a demandé mais je n'ai pas pu alors…ma mère s'en est chargé, seulement…les docteurs l'ont réanimé.Elle aurait dû aller en prison mais la justice a été clémente.Depuis, ça a tout changé entre nous.On est pas fâchées, ou si...enfin...je sais plus.

Elle soupira.

- pour ça, il faudrait déjà qu'on se voit. Elle ne m'a rien dit mais je crois qu'elle ne me pardonne pas le fait que je me sois défilée.

- ce n'est pas le verbe que j'emploierai. Elle pourrait se montrer plus indulgente…

- oui, mais elle doit penser que je suis qu'une lâche.

- et bien, elle a tort.

- merci, sourit Naelle.

Danny détourna son regard d'elle quelques minutes et prit une mine encore plus sérieuse.

- si je ne t'ai rien dit sur mon passé c'est parce que j'avais peur de te décevoir. Pour ce qui est de la boisson , je…

- non , c'est bon , je peux attendre, je sais que tu m'en parleras un jour , quand tu seras prêt.

- merci, mais c'est important pour moi que tu saches la vérité…maintenant.

Danny hésita un moment puis il plongea son regard dans celui de Naelle et eut le courage de se lancer. Comme si c'est elle qui lui en avait donné la force.

- Voilà, je suis alcoolique et je n'ai pas bu depuis ….

Et pour la première fois il se confia à elle. L'alcoolisme, ses parents, l'accident, son frère, il aborda tous ces sujets. Ce qui ne fit que renforcer encore un peu plus leur déjà solide amitié.