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Rodney émergea du voile de douleur dans lequel il flottait. Son visage lui faisait atrocement mal, surtout près de l'oreille gauche, là où le colonel avait infligé le premier coup de poing.

Son épaule et son poignet gauches étaient également douloureux.

Il s'assit avec difficulté sur le lit et posa la main sur son ventre. Il la retira poisseuse de sperme et s'essuya avec le drap. Il resta un moment, hébété à fixer la tache sur le tissu. Il lui semblait que son cerveau fonctionnait au ralenti. Comme s'il lui offrait une trêve, un moment de répit avant que les souvenirs ne reviennent à la surface. Il tenta finalement de reprendre ses esprits mais tout était encore confus. John avait…il fit un effort et la mémoire lui revint. John avait disjoncté. Il l'avait frappé, brisé, humilié. John Sheppard s'était jeté sur lui, lui avait affirmé qu'il l'aimait et après avoir…il regarda avec dégoût la trace de sperme, il l'avait rejeté avec violence.

John l'avait trahi. Il y avait encore dix minutes il croyait vivre un moment de bonheur, il croyait faire l'amour avec celui qu'il aimait et maintenant…C'était comme un cauchemar. Une douleur lui barrait la poitrine. Est-ce que de toute sa vie il avait ressentit un chagrin pareil ? Il se le demanda et sentit le désespoir l'étreindre.

La nausée le saisit et il sentit un liquide chaud couler de son nez. Il s'essuya avec le revers de la main et contempla le sang qui la maculait.

Il fallait qu'il réagisse. Il ne pouvait pas rester comme cela.

La porte s'ouvrit doucement.

Rodney eut un mouvement de recul. S'il était encore sûr d'une chose c'était qu'il ne voulait pas revoir le colonel Sheppard franchir le seuil de sa chambre.

Mais la silhouette qui se faufila dans la pièce était différente.

-Aela est venue me prévenir. Elle m'a dit que vous aviez besoin d'aide.

La voix était douce et l'inflexion compatissante. Rodney reconnut le vieil homme, le chef du village qui les avait reçu avec tant de chaleur.

Rodney sentit aussitôt qu'il pouvait avoir confiance en cet homme. Il y avait dans son regard tellement de bonté qu'il craqua et se jeta dans les bras ouverts, secoué par les sanglots. Il avait besoin de chaleur. Il avait tout bêtement besoin d'être réconforté. Que quelqu'un le prenne dans ses bras et lui dise qu'il n'était pas seul, qu'on allait s'occuper de lui.

Le vieillard le laissa faire, compréhensif et bienveillant puis quand les sanglots commencèrent à s'estomper il se décida et guida le scientifique hors de la pièce.

Il allait soigner son corps et faire tout ce qui était en son pouvoir pour apaiser la douleur.

Les autres blessures, celles qu'on ne voyait pas, il ne connaissait aucun remède pour les soulager. Chacun devait trouver en lui la force nécessaire pour sortir du désespoir et renaître au monde.

Et parfois pardonner.

Le vieil homme en était persuadé.

Ooooooooooooooooooooo

Rodney McKay se réveilla plusieurs heures plus tard. Il se sentait …cotonneux. Il avait l'impression de planer. Il ouvrit les yeux, désorienté. Bon, voilà que le plafond fichait le camp. Ce n'était pas normal, ça. Le plafond devait se tenir tranquille. C'était son travail de plafond. Il tourna légèrement la tête et rencontra une paire de grands yeux noirs dans un petit visage à l'expression soucieuse.

-Dis au plafond d'arrêter de bouger, prononça t-il avec difficulté. Il sentait que son élocution était laborieuse et se demanda vaguement s'il s'était bien fait comprendre.

-Ben dis donc, t'es pas encore sorti du pays des rêves, toi. Tu devrais fermer les yeux et te rendormir. Ca ira mieux après.

Rodney écouta le conseil et ferma les paupières. Il se sentit dériver doucement. Il avait l'impression de flotter. C'était si bon après… Après quoi d'ailleurs ? Il y avait quelque chose d'important dont il devait penser. Il sentit une main douce et apaisante se poser sur son front. Il oublia ce qui le tracassait et sombra dans le sommeil.

A suivre…