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-Carson, comment va t-il ?

Le docteur Carson Beckett poussa un soupir. Le colonel Sheppard était encore là. Le militaire avait fait le pied de grue devant l'infirmerie toute la nuit, exigeant des nouvelles de Rodney à chaque fois qu'il apercevait le médecin.

-Ecoutez, John, lâcha Beckett avec sympathie, vous devriez aller vous reposer. Rodney va mieux. Il s'est réveillé il y a un instant mais il va certainement se rendormir. Il est épuisé, comme vous d'ailleurs.

-Il est réveillé ! s'exclama le militaire. Alors je peux le voir ? Seulement un instant, je vous en prie, Carson.

Le médecin hésita. D'un coté, connaissant Sheppard il n'aurait pas la paix tant que ce dernier n'aurait pas accédé à sa requête mais de l'autre, est-ce que Rodney voulait le voir ?

Carson n'était pas dupe. Il s'était passé quelque chose de grave entre les deux hommes. Cela remontait à un mois auparavant lors d'une mission. A leur retour Rodney était arrivé à l'infirmerie avec diverses ecchymoses et un poignet blessé. Il était soi-disant tombé dans les escaliers en pierre d'une maison en voulant chercher à boire en pleine nuit. Carson était médecin et on ne la lui faisait pas à lui. Rodney n'était pas tombé. On lui était tombé dessus plutôt.

Il avait interrogé le scientifique mais celui-ci s'était enfermé dans le silence et quand il avait questionné le colonel Sheppard, celui-ci s'était défilé à son tour.

Carson les avait observé tous les deux et avait remarqué que les deux hommes ne se parlaient plus. Mieux encore, il avait surpris une scène qui l'avait édifié : Le lendemain de ce fameux retour de mission, à l'infirmerie, il allait entrer dans la petite pièce où il avait installé le scientifique et il avait surpris une conversation entre les deux hommes. Il se rectifia : non, pas une conversation, plutôt un monologue. Seul Sheppard parlait. A son ton il suppliait même. Et Rodney restait muet. Puis Carson était entré et John s'était enfui.

Le médecin ne savait pas vraiment ce qui s'était passé mais il en avait déduit que Sheppard n'était pas étranger aux blessures de McKay.

Il observa le militaire. Ses yeux étaient cernés et il était mort d'anxiété et de fatigue. Mais il ne s'en irait pas. Le médecin prit sa décision :

-Colonel Sheppard, je vais demander à Rodney s'il accepte de vous voir un instant. Mais s'il refuse je vous demanderais de vous en aller et de ne pas insister, lâcha t-il finalement.

Le militaire acquiesça et le médecin disparut à l'intérieur de la pièce.

John Sheppard resta seul dans le couloir désert. Son cœur battait à tout rompre. Deux minutes passèrent, puis cinq. L'attente était insupportable. La porte finit par s'ouvrir et Carson fixa le visage plein d'appréhension.

-Allez, dit-il simplement. Il ouvrit la porte et laissa les deux hommes seuls.

John Sheppard s'approcha lentement du lit. Rodney le regardait, pale et silencieux. Le militaire avait une boule dans la gorge. Il ne pouvait plus parler. Il s'assit au bord du lit et glissa sa main sous celle de Rodney. Il sentit celle du scientifique se refermer sur la sienne alors il enfouit son visage dans l'épaule de l'autre homme et les larmes se mirent à couler. D'abord lentement puis il éclata en sanglots. L'autre main de Rodney glissa dans ses cheveux et il se sentit mieux qu'il ne l'avait été depuis un mois.

Les deux hommes restèrent ainsi, sans parler. John ferma les yeux. Il entendit la respiration du scientifique prendre un rythme paisible et régulier. Rodney s'était rendormi. Il se laissa aller et dériva à son tour vers le sommeil.

John Sheppard fut réveillé par une main posée sur son épaule. C'était Carson Beckett qui était penché sur lui.

-John, maintenant laissez-le dormir en paix. Il doit se reposer et vous aussi chuchota le médecin.

Le militaire se releva doucement et libéra sa main de celle de Rodney. Il le contempla quelques secondes. Il aurait voulu rester là au chaud contre le scientifique toute la journée et toute la nuit encore. Jusqu'à son réveil. Ils avaient tant de choses à se dire.

Mais le médecin le poussa fermement vers la porte.

-Allez dormir John, lui enjoignit-il d'un ton compatissant.

Le militaire obéit et rejoignit ses quartiers. Il s'écroula sur son lit et s'endormit comme une masse. Il se réveilla le soir et contacta immédiatement Beckett qui lui donna des nouvelles de Rodney. Ce dernier avait récupéré mais il était trop tard pour recevoir de la visite. Sheppard fronça les sourcils mais ne dit rien. Le médecin avait raison. Il ne devait pas être égoïste, Rodney devait se reposer.

Quand le lendemain à l'aube il se présenta à l'infirmerie le militaire fut surpris d'y trouver Elisabeth et Carson qui discutaient. La porte de la chambre de Rodney était ouverte et John vit que le lit était vide.

Avant qu'il ne demande d'explication, Elisabeth s'avança vers lui :

-John, Rodney m'a appelé hier soir pour me demander une faveur. Il avait besoin de prendre quelques jours pour se rétablir et réfléchir, seul. Ce sont ses propres termes. Je lui ai accordé tout ce qu'il me demandait, il le méritait bien et le docteur Beckett est d'accord avec moi.

John Sheppard la fixait incrédule.

-Où est-il ? demanda t-il d'un ton péremptoire. Il essayait de garder son sang-froid mais ses mains tremblaient.

-John, calmez vous, intima Elisabeth. Rodney a droit à quelques jours de tranquillité. Il en a besoin. Lorne l'a emmené ce matin très tôt vers la destination de son choix et je vous demande de respecter son souhait. Il reviendra, ajouta t-elle avec un sourire de sympathie et vous verrez que tout ira mieux. Nous avons tous besoin de souffler un peu de temps en temps et Rodney comme les autres.

John Sheppard eut un sourire amer. Ce n'était pas le scénario qu'il avait imaginé. Rodney n'était pas resté bien sagement à l'attendre, le pardon au bout des lèvres et les bras ouverts. Est-ce qu'il saurait attendre lui ? Il fallait qu'il revoit Rodney, qu'il l'assure de son amour et qu'il s'assure du sien. Mais Rodney était un homme libre et s'il avait besoin de s'éloigner John respecterait sa décision. Mais pas longtemps. Il se donna trois jours. Non quatre. Et après si ce dernier n'était pas revenu il irait lui-même à sa rencontre.

John Sheppard n'était pas un homme patient.

A suivre…