Les chevaliers d'or.
Cérémonie rituelle des présentations. Nous descendions à présent les marches en compagnies de nos maîtres pour rencontrer l'un après l'autre nos futurs frères d'armes. Une fois n'est pas coutume, la visite commença par la douzième maison.
Je pars du principe, Lecteur inconnu, que tu connais déjà les chevaliers d'or, aussi vais-je passer rapidement sur chacun d'eux.
Douzième maison. Son gardien nous attendait déjà sur le seuil visiblement curieux de connaître les nouveaux arrivants. Aphrodite, chevalier d'or des Poissons. Mon cœur manqua un battement au moment de le voir, et je me retins de justesse pour ne pas ouvrir les yeux de stupeur. Par tous les Dieux, que cet homme était beau. D'une beauté à vous couper le souffle. A croire que la Déesse de l'Amour elle-même s'était évertuée à le façonner de manière à ce qu'il fasse honneur à son nom. Le suédois nous salua chaleureusement. Extraverti, démonstratif, lui aussi ne retint de ma présence que le mot « femme », mais pas de la même manière que les autres, et j'eus droit, dès notre première rencontre, à toutes sortes de commentaires dont le but visible était de me rendre un peu plus féminine, sous le regard indulgent de mon maître et celui, franchement amusé de mon frère. Pauvre Aphrodite, il ne savait visiblement pas où il tentait de mettre les pieds.
Onzième temple. Son chevalier nous attendait lui aussi sur le perron, mais sa présence, moins que de la curiosité, révélait plutôt son intention de nous faire comprendre qu'il attendait de notre part le respect de demander la permission avant de traverser sa demeure. « Majestueux ». « Un seigneur des temps anciens ». Telle fut ma première impression lorsque je fus, pour la première fois, présentée à Camus, le chevalier d'or du Verseaux. Sa beauté, sans pour autant prétendre égaler celle d'Aphrodite, était cependant remarquable. Une beauté froide, glacée. Imposant, ce chevalier imposait le respect au premier regard. Mon maître m'informa que Camus était mon compatriote, français lui aussi. Shaka informa Sorrente qu'il avait passé beaucoup d'années à s'entraîner en Sibérie. Son visage resta de marbre à nous savoir originaire de la même contrée. Lui mien aussi. Néanmoins, plus pour le plaisir personnel de pouvoir reparler ma langue maternelle, ne serait-ce que pour quelques phrases, je le saluais en français. Il me répondit de même, et je pus voir apparaître dans ses yeux, l'espace d'une seconde, la même petite étincelle de nostalgie que mes paupières fermées n'avaient pas trahie… mais ma voix peut-être. Je sentis instinctivement naître en moi une profonde sympathie pour ce chevalier des glaces. Je ne le savais pas encore, mais ma rencontre avec Camus venait, irrémmédiablement de changer ma vie… et la sienne. A la grande surprise de nos maîtres, en prenant congé, Camus me proposa de venir lui rendre visite. Le Verseaux n'était pas quelqu'un de très sociable apparemment.
Dixième maison. La maison du Capricorne. Rien de spécial que je puisse commenter sur cette première rencontre avec Shura. C'est un chevalier assez timide et introverti, faisant néanmoins preuve d'une dévotion sans borne pour sa Déesse. Son accueil fut franc et son jugement réservé.
Neuvième maison. Aioros du Sagittaire, le martyr d'Athéna. Un gamin ressuscité dans un corps d'homme, si je peux me permettre. N'y vois aucune malice dans mes propos, Lecteur inconnu. Je veux dire par là, que je le sentais perdu. Mort à mon âge, et vivant à nouveaux alors qu'il devait avoir dans les 25 ans. Aioros inspirait immédiatement la sympathie et le respect. On sentait chez lui la force et le courage se mêler à un besoin de vivre et de s'amuser. J'étais heureuse pour lui qu'il puisse bénéficier d'une seconde chance. Il nous accueilli avec cet air de grand frère protecteur que tout le sanctuaire apparement lui connaissait bien.
Huitième maison. Le chevalier d'or du Scorpion nous attendait sur le seuil, lui aussi impatient de nous connaître. Je restais également bouche bée devant lui. Milo était d'une très grande beauté. Une beauté sauvage, une beauté à l'état brute. On sentait s'émaner de son cosmos beaucoup de force et de violence. Cependant, Milo faisait office de grand gamin du sanctuaire. Le meilleur ami de tout le monde. Mais je sentis d'instinct que je ne devais pas m'y fier. Milo n'était pas aussi ingénu qu'il semblait vouloir le laisser paraître. Il était de ces chevaliers avec lequel il nous faudrait faire nos preuves. Et je devinais son impatience à nous défier à la première occasion juste pour voir par lui-même ce que valent les enfants sacrés. Je lui serrais franchement la main, appuyant mon étreinte comme une invitation à venir me défier. Il me sourit, comprenant que l'invitation était lancée.
Septième maison. La maison du chevalier d'or de la Balance. Dokho. Ancien survivant de la dernière guerre sainte ainsi que le Grand Pope. Sage et bienveillant. Amical.
Sixième maison, le temple de la Vierge. Son gardien étant avec nous, nous n'eûmes pas à nous y arrêter.
Cependant, Lecteur inconnu, force m'est de reconnaître qu'après avoir affronté un bon millier de marches, et même si c'était dans le sens de la descente, je commençais à remercier les Dieux de m'avoir donné pour maître, l'occupant du premier temple.
Cinquième maison. Aiolia, chevalier d'or du Lion. La puissance de son signe se faisait sentir à travers son cosmos. Bien plus sérieux que son frère, il semblait, malgré sa résurrection, marqué par le poids des épreuves qu'il avait eu à traverser. Lui aussi ferait partie des chevaliers avec lesquels il nous faudrait prouver notre puissance et notre courage pour gagner son respect. Néanmoins, contrairement à Milo, Aiolia semblait disposer à nous laisser faire nos preuves par nous même sans venir nous défier.
Quatrième maison. Angelo, dit Masque de Mort, le chevalier d'or du Cancer. Au sourire carnassier qu'il nous offrit, à la puissance de son cosmos et au regard amusé qu'il me lança, je sus immédiatement que ce chevalier allait nous défier à la première occasion. Je compris qu'il devait être du genre à tourmenter les apprentis. Je restais droite, impassible, refusant de me laisser entraîner par ses propos peu flatteurs à notre vue. Je savais qu'il cherchait querelle. Je la réservais pour un lieu et un endroit plus approprié. Gagner la confiance et surtout le respect de cet homme n'allait pas être une chose facile. Je ne voyais qu'une seule manière d'y parvenir : lui faire mordre la poussière.
A la sortie de son temple, mon maître nous mit en garde. Le Cancer nous avait prit pour proies et il allait désormais chercher la confrontation pour nous tester. Je me contentais de hocher la tête d'un air entendu, tandis que Sorrente, de son côté, affichait un grand sourire impatient. Nous n'étions pas le genre de guerrier à nous défiler devant l'adversité.
Troisième maison. Les Gémeaux, le signe double. Seul temple à être doté de deux gardiens. Ils s'avancèrent à notre rencontre dans un parfait synchronisme. Saga, l'ancien traitre, chevalier tourmenté par une double personnalité aujourd'hui disparue, et Kanon, l'homme qui s'était joué des Dieux. Les jumeaux maudits. Parfaitement identiques. Pourtant en y prêtant plus attention, on pouvait distinguer sur le visage de l'ainé, une bonté et un repentir sans borne. Et sur le visage du cadet, une fierté de chevalier toute nouvelle ainsi qu'une grande malice brillant dans ses yeux. J'eus immédiatement beaucoup d'amitié pour ces deux chevaliers, même si, je sentais qu'eux auss réservaient leur jugement à nos actes.
Deuxième maison. Aldébaran, le chevalier d'or du Taureau. On aurait presque cru qu'il avait calqué sa carrure sur l'animal que représentait son signe tant il était imposant de par sa taille. Un véritable colosse. Nous fûmes obligés de lever la tête pour le voir. Face à lui, je me sentis incroyablement petite, et pourtant, je n'avais pas à rougir de ma taille. Il nous accueillit dans son temple comme on accueille des amis de longues dates. Sincère et le cœur sur la main. Mon maître et lui semblaient être de grands amis et plus d'être voisins. Je me sentis instantanément en confiance avec lui. Aldébaran ne serait pas de ceux dont il faudrait gagner le respect. Il le donnait d'office ainsi que son amitié. Et je me jurais de ne jamais rien faire pour les perdre, ni l'un ni l'autre.
Première maison. Le temple de mon maître. Je n'en montrais rien mais soupirais intérieurement d'être arrivée à la fin de ces satanés marches et je plaignais sincèrement les mollets de ces chevaliers qui habitaient les maisons au sommet.
…..
Sorrente et moi avions été logés dans une sorte de petite maison située en contrebas du sanctuaire, près des temples.
Les entrainements avaient commencé dès le lendemain, discrètement, dans une petite arène à part. Il faut savoir que si les chevaliers ont pour habitudes de s'entraîner ensemble, ils n'ont pas, par contre, la volonté de se montrer la totalité de leurs attaques. Nos maîtres devaient tout nous enseigner, raison pour laquelle, ils avaient préféré se mettre à l'écart.
Une semaine après notre arrivée, j'avais obtenu de mon maître la permission de nous rendre aux arènes ensemble afin d'assister à l'entraînement des chevaliers d'or. Je n'avais pas eu vraiment le temps ni l'occasion de recroiser la plupart d'entre eux depuis la descente des marches et si nous devions être amenés à nous battre à leur côté et à devenir des frères d'armes, autant commencer par les connaître un peu mieux. Et je savais déjà par expérience que l'on apprend énormément d'une personne en l'observant combattre.
Comment expliquer cela Lecteur inconnu ? C'est assez simple en vérité. Lorsque l'on se retrouve en plein combat, même si celui-ci est amical, on se concentre sur son adversaire, totalement au point de faire abstraction du monde extérieur. On se retrouve plongé dans un cercle où seul notre adversaire prend vie à nos yeux. Rien n'existe, personne d'autre que celui qui nous défie. Et dans ces moments là, on se découvre vrai par nos choix, d'autant plus fortement que lorsqu'une attaque nous arrive dessus. C'est dans ces instants précis que la véritable personnalité prend le dessus. Les couards fuient ou paniquent. Les courageux restent debout sans même bouger un muscle attendant l'impact. Et les chevaliers eux, étudient, mesurent et finalement agissent. Certains parent l'attaque, d'autres l'esquivent, d'autre encore se protègent ou la renvoie. Tout cela permet de connaître et comprendre un peu mieux une personnalité.
Mais je n'ai même pas eu cette chance ce jour là de détailler les combattants, d'analyser leur techniques, de chercher à les découvrir un peu mieux. Non, ce jour là, il devait être écrit quelque part qu'avant de pouvoir connaître mes nouveaux compagnons, je devrais me dévoiler moi-même. C'est pourtant bien connu qu'il faut donner avant de recevoir. Je n'ai même pas eu le temps de voir qui se battait contre qui, ou même qui était présent.
J'ai à peine eu le temps de poser un pied sur les premières marches de l'arène qu'il venait déjà se planter face à mes yeux éteints, un sourire de défi sur les lèvres, comme s'il savourait déjà la défaite cuisante qu'il allait irrémédiablement m'infliger. Je maintenais ma posture droite et fière, même si je devais lever la tête pour le voir. Qu'importe, même si pour une femme je suis loin d'être petite, la plupart de mes frères me dépassent d'une bonne tête, alors j'ai l'habitude. Il se met à rire, déplorant haut et fort l'absence de Sorrente, il aurait aimé combattre un égal. Car combat, il y aura, il n'y avait même pas l'ombre d'un doute. Mais qu'importe, il se contentera de moi. Et les paroles fusent, masochistes, dans le but évident de me blesser, de me mettre en colère, de me faire perdre mon calme. Mais qu'est ce qu'il va s'imaginer ? Qu'il est le premier à avoir eut la brillante idée de s'en prendre à mon sexe pour me déstabiliser ? Je l'écoute s'époumoner sans sourciller, remarquant que la plupart des chevaliers, sentant une odeur de défi dans l'air, ont cessé leur entraînement et se sont rapprocher de nous.
Au bout de quelques minutes d'insultes lancées dans les airs, je ne peux empêcher un de mes fameux petits « sourires à la Joconde » se peindre sur mes lèvres. Oui, il est très drôle, et il parle beaucoup. Il voit mon sourire et se fige. Il croit que je me moque de lui… et il a parfaitement raison. Il change alors de tactique et décide de s'en prendre à mon maître, lui crachant que seul un chevalier comme lui pouvait se voir confier une femme comme disciple. De toute évidence, ces deux là n'étaient pas amis. La tactique est bonne cette fois-ci et je perds immédiatement mon sourire. Dans un reflexe, je me place devant mon maître. Qu'il m'insulte moi, si ça lui fait plaisir, mais je suis un enfant sacré, et personne ne touche à mon maître, pas même en parole. Alors pour lui faire comprendre, je lui envoie purement et simplement mon poing dans la figure. Un sourire de pure félicité s'inscrit sur son visage. Il a trouvé mon point faible et il ne va pas se priver d'en user.
Je sens soudain une main se poser sur mon épaule pour m'inciter au calme et je frissonne devant le contact. Je n'aime pas être touchée. Je ne suis pas quelqu'un de très tactile. Mais c'est le premier contact physique qu'à mon maître à mon égard, et j'en frissonne d'autant plus fort. Je ne sais même pas pourquoi. A ce moment là, je n'ai pas poussé la réflexion. Un regard en direction du chevalier du Bélier, et j'accepte le défi avec son accord. De toute façon, il ne m'était pas venu à l'esprit de le refuser, je l'ai déjà dit, je ne suis pas le genre de guerrier à me défiler. Je prends un plaisir sadique à voir que mon adversaire, quel qu'il soit, me dénigre et me pense faible. J'aime le détromper.
Je le suis alors dans l'arène qui s'est subitement vidée et je lui énonce les règles. Ce sera un combat au corps à corps. Je ne connais pas encore les attaques du Bélier et je n'ai pas le droit de me servir de ceux de la Lune. Alors s'il veut me battre, ce sera avec ses poings, ses jambes, rien d'autres. Il acquiesce toujours avec son sourire qui, si c'est possible, s'est élargie. Je le vois très bien en ce moment, en train de s'imaginer m'enfonçant le visage dans le sol avec ses mains.
Il recule pour ôter son armure, et je profite de ce moment pour détailler rapidement l'assistance. Je vois les chevaliers d'or assis sur les gradins, et mon maître, debout sur la première marche. Son regard est serein et je devine qui s'il me laisse lire ainsi dans ses yeux, c'est pour me témoigner confiance. Je continue rapidement mon inspection, je vois divers visages que je ne connais pas. Sans doute des gardes ou des chevaliers d'argent ou de bronze. Je vois assis côte à côte, le chevalier du Scorpion et celui du Lion qui discutent, pariant surement sur le vainqueur. Et puis, tenu en retrait, debout sur la marche la plus haute, le chevalier du Verseau, Camus. Debout, majestueux, imperturbable. Son regard de glace posé sur moi ne trahissant pas la moindre de ses pensées. Camus me détaille entièrement, je le sens, je le vois. Il ne juge pas… pas encore. Il attend le combat pour le faire, cherchant à me découvrir, de la même manière que moi, je voulais venir dans ces arènes pour découvrir les chevaliers d'or. Mais les rôles sont à présent inversés. C'est moi qui dévoile, c'est lui qui apprend à connaître. Alors, imperceptiblement, je serre les poings. Je vais gagner. Je dois gagner. Pour une lueur de stupeur dans les yeux de Camus, je gagnerais. Pour une étincelle autre que cet indéchiffrable regard, je gagnerais. Pour tout… sauf cette lueur moqueuse que l'on réserve aux perdants.
C'est drôle comme ce jour là, à bien y réfléchir, j'ai combattu pour mon maître, mais j'ai gagné pour Camus. Cette rage de vaincre, elle m'a été donné par les yeux glacés d'un homme avec qui j'avais échangé une seule phrase depuis mon arrivée. Car j'ai gagné, n'en doute pas Lecteur inconnu. Mais ce ne fut pas une victoire remportée haut la main, je le reconnais. Le chevalier d'or du Cancer est un adversaire des plus coriaces. Et même si lui a prit du temps à me témoigner son respect, il a gagné le mien dès la fin de cette rencontre. Le combat a duré plus d'une heure et demi. Et comme prévu, il a fait l'erreur de me sous-estimer au début… au début seulement.
Les coups fusaient, et force m'est de reconnaître que les siens étaient des plus puissants. Je tentais de compenser sa force par ma vitesse, mais à de nombreuses reprises, ce ne fut pas suffisant. Et je m'en suis prit des coups. Dans le visage, dans le ventre, dans la poitrine… il m'a jeté à terre cent fois, et cent fois je me suis relevée, car telle était ma rage de vaincre.
Même pas pour lui prouver que j'en étais capable, même pas pour faire honneur à mon maître, même pas pour défendre les couleurs de enfants sacrés… juste pour un regard. Un regard d'acceptation. Un regard qui dirait « bien joué ! ». Juste pour un foutu regard de la part d'un chevalier des glaces, d'un compatriote. Juste pour un regard qui valait à mes yeux à ce moment là plus que tous les trophées, sans que je sois capable de me l'expliquer. Alors pour ce regard, j'ai senti mes os craquer, mon sang couler, mon corps se tordre de douleur, mais je n'ai pas renoncé.
Une chose, une seule chose a pu faire la différence finalement après plus d'une heure et demi de combat : ma résistance. J'ai donné autant de coups que j'en ai reçus. J'ai concentré mes forces et j'ai frappé. J'ai tout oublié : cette arène, les chevaliers, mon maître… Je me suis concentrée sur mon adversaire, sur mes poings, et j'ai frappé, esquivé, paré et encaissé. Concentrée, calme, tout mes sens en place dans un seul but. Pour faire mal, pour blesser, pour jeter à terre. J'ai tout oublié, tout… sauf ce regard glacé. Alors j'ai serré les poings une nouvelle fois, et j'ai frappé encore et encore. Et finalement, j'ai frappé une dernière fois et il s'est écroulé. La seule différence entre lui et moi, était que moi, je n'avais jamais porté une armure pour me protéger. J'avais l'habitude d'offrir mon corps en seul rempart face à l'adversité. Le Cancer, lui, porteur de l'armure d'or depuis de nombreuses années avait simplement perdu cette habitude, et c'est cela même qui lui avait valu cette défaite.
Je le regardais, à terre, moi-même ayant beaucoup de mal à tenir sur mes jambes. Il me lança un regard à la fois content et haineux. Je lui souris à nouveau.
- Tu apprendras bien assez tôt à me considérer comme un frère d'arme, lui crachais-je au visage en me penchant vers lui.
Sur ce, je tournais les talons et mon regard chercha immédiatement le visage du Verseau. Il était toujours là, immobile, mais ses yeux avaient changé. Cette lueur ! C'était pour cette lueur que j'avais gagné. Pas un sourire, ni un mouvement de la tête, juste une lueur qui valait plus pour moi que toutes les acclamations que je pouvais entendre. De toute évidence, le Cancer n'était pas parmi les chevaliers les plus appréciés. Je ne m'attardais pas dans cette arène, et après avoir salué mon maître, je sortis précipitamment et aussi vite que mon corps douloureux put me le permettre en direction de la petite cabane. Je dois avouer que ce jour là, je n'ai même pas eu le courage d'ouvrir la porte. Après m'être assuré qu'il n'y avait pas de regards indiscrets dans les environs, je m'écroulais littéralement à terre.
Pour un coup, juste un coup de plus, et la victoire aurait sans doute changé de camps.
