Première partie
Toshio Awayuki âgé de trente ans père
d'un petit garçon de deux ans savait qu'il était
temps de faire son deuil et de songer au futur, cette occasion lui
avait été offerte par une personne. Une seule femme
était capable de lui ravir son cœur, elle l'avait déjà
fait, il y avait plus de douze ans. Il l'avait revu, et depuis, il
ne pensait qu'à elle.
Il l'avait perdu de vue quand
leurs orientations les avaient conduit dans deux universités
loin l'une de l'autre. Lui avait eu la chance d'être
admis à Todaï qui se situait à une cinquantaine de
kilomètre de Tokyo. Il avait réussi de justesse
l'examen d'entrée mais ce qui comptait c'est d'y être
entré. Doué d'un esprit d'analyse hors du commun et
d'une communication hors pair il s'était naturellement
orienté vers des études de journalisme.
C'était un dimanche d'automne, cela fait
déjà neuf ans qu'ils vivaient dans le même
appartement. Kaori prit la décision de vivre pleinement et
surtout de ne plus être célibataire pour ses trente ans,
quoi qu'en pense le nettoyeur la jeune femme avait besoin de vivre
pleinement sa féminité et c'était pour cela
que depuis quelques mois déjà elle s'habillait de
façon à faire deviner ses formes harmonieuses et même
si elle ne portait pas de talon trop haut pour pouvoir courir plus
vite sans torturer ses pieds, elle avait opté pour des
tailleurs avec jupes ou pantalon. Il est onze heures, la partenaire
de city Hunter avait un rendez-vous, aussi s'était-elle
préparée avec soin pendant près de deux heures.
Elle n'avait pas oublié de préparer le déjeuné
de Ryo, rituel né d'une longue cohabitation ou la monotonie
égrainait le cœur de la jeune femme.
Ses massues étaient
toujours présentes bien que de moins en moins lourdes afin de
retenir les ardeurs de son partenaire face à leurs clientes,
en revanche, elle ne cherchait plus à intervenir dans la rue.
Elle était de moins en moins jalouse cet état de fait
commençait à inquiéter une certaine
personne.
Pour Ryo au début, il pensait que ce n'était
rien et qu'au contraire c'était une bonne chose si elle
partait. Mais les mois passant, il avait commencé à se
faire du souci et surtout sa jalousie si longtemps réfrénée
se distillait peu à peu. Même si la perspective qu'elle
voit un autre homme l'agaçait, qu'aurait-il bien pu faire
? Ils n'étaient que des partenaires et il était hors
de question pour lui de changer quoi que ce soit même s'il se
rendait peu à peu compte que les habitudes prises étaient
en train de changer doucement. Ou étaient les massues ou toute
la colère et la jalousie de sa partenaire transparaissaient ?
Quand il entendit la porte d'entrée se
fermer, sa partenaire était sortie sans lui infliger sa massue
matinale. Son cœur battit à tout rompre et déjà
il filait vers la chambre de sa partenaire pour vérifier
qu'elle ne le quittait pas définitivement.
D'un côté
il cherchait à la chasser et de l'autre il appréhendait
le jour ou elle en aura vraiment marre de lui. Une fois constaté
que les deux éléments essentiels de la chambre de Kaori
sont en place, à savoir la bague et la photo de son frère,
le nettoyeur soupira de soulagement, visiblement ce n'était
pas aujourd'hui qu'elle l'abandonnerait. Il se dirigea le cœur
léger vers la cuisine où sur la table se trouva en
évidence un petit mot gribouillé.
« Le déjeuner et le dîner sont dans le frigo, ne m'attends pas »
« Kaori… »
Il secoua la tête, il voulait qu'elle prenne
sa totale indépendance mais un goût amer dans la gorge
l'imprégna. Une drôle d'impression prit le dessus et
c'est le pas vif mais la main tremblante qu'il franchit à
la hâte le seuil de la chambre de la jeune femme. Il
connaîssait par cœur la garde robe de sa partenaire malgré
les derniers achats qu'elle avait fait, il savait même le
nombre exact de sous-vêtements qu'elle possédait (nda
: quel obsédé celui-là… c'est pas parce
qu'il ne prend pas sa lingerie fine qu'il ne la visite pas
discrètement '). Mais ce n'était pas pour le
moment ce qui l'inquiétait, il constate avec effroi qu'il
manquait un petit sac de voyage, il n'en fallut pas plus pour le
nettoyeur que son imagination s'enflamme et le petit mot « ne
m'attend pas » se transforme en « je dors à
l'extérieur chez un homme », il fallait dire que Miki
l'avait prévenue que sa partenaire fréquentait depuis
quelques mois un homme fort sympathique au dire de l'ex-mercenaire.
Sur le coup il était resté stoïque il n'avait
rien laissé paraître et était reparti une heure
plus tard se saouler dans un cabaret ouvert 24H/24 noyer cette
perspective dans l'alcool. Il était vrai qu'il avait pris
vaguement consciente que la jeune femme s'embellissait davantage
pour sortir, et quand il pensait la rejoindre au Cat's Eyes elle
brillait par son absence.
Il s'était alors convaincu que
c'était une bonne chose et n'avait pas cherché plus
loin bien qu'il se soit mis peu à peu à boire
davantage sans pour autant devenir alcoolique.
Cependant son cœur se refusait lui à la voir s'éloigner, un conflit sans pareil faisait fureur dans son corps. Il décida de sortir pour suivre sa partenaire.
Kaori ne sentit pas la présence de son
partenaire mais c'était aussi parce qu'elle ne s'attendait
pas du tout à ce qu'il la suive, ils vivaient en parallèle
l'un de l'autre et ne se croisaient que lors des repas ou quand
ils avaient exceptionnellement une cliente…
Peu à peu
ils se détachaient l'un de l'autre, comme si ce lien qui
était si fort se distillait peu à peu.
Arrivée au lieu de rendez-vous, elle le
trouva là, bouquet de roses rouges à la main lui
adressant un sourire radieux, il était grand et bien battit,
une veste bien coupée, son nom : Toshio Awayuki.
Ça
faisait déjà plusieurs années qu'elle le
connaissait mais c'était par hasard qu'elle l'avait
rencontré dans le parc alors qu'elle vidait son esprit des
dernières paroles blessantes de son partenaire il y a
seulement quelques mois…
Il s'était arrêté
puis agenouillé devant elle, il l'avait reconnu et voulait
lui faire une surprise. La jeune femme avait la tête baissée
et pour être surprise, elle le fut. Il avait faillit se prendre
un énorme maillet sur la tête intitulé «
abattre les pervers ». Enfin sur le coup il n'était
pas rassuré, puis peu à peu Kaori l'avait remise et
avait fait disparaître instantanément son arme et ses
joues s'étaient colorées de gène et de
confusion. Et finalement la Kaori toute timide s'était
effacée pour laisser place à Kaori la meilleure amie
qui ne se fit pas prier pour sauter au cou de cet ami que la vie
avait éloigné loin d'elle.
- Toshio ! Ça fait tellement longtemps,
lui-avait-elle dit en reprenant contenance en s'écartant de
son meilleur ami.
- Kao ! je suis content de te revoir !
Ils s'étaient assis tous les deux comme deux collégiens sur un banc se racontant ce qu'ils avaient fait ces dernières années.
Aujourd'hui plus charmeur que jamais, il voulait
la conquérir et elle le savait, elle le voyait dans son
regard. A l'époque, elle s'était confiée à
lui en lui disant qu'elle était amoureuse du meilleur ami de
son frère, elle avait alors dix-sept ans. Quand elle lui avait
apprit que son frère était décédé
il avait été malheureux pour elle. En revanche, il la
trouvait un peu secrète sur son travail, mais il ne voulut pas
insister.
Elle saisit le bouquet avec les joues légèrement
rouges, et murmura :
- Merci mais fallait pas.
- Bien sur que si.
Allez ! allons déjeuner.
- Avec plaisir.
Toshio la prit par la taille et l'entraîna vers un petit restaurant.
Dans l'ombre, Ryo qui est très bien
dissimulé regarda le couple s'en aller, un poids silencieux
s'abattit sur lui. Ces regards entre sa partenaire et cet homme ne
détrompaient pas, ils se plaisaient et s'attiraient
mutuellement.
Dépité, il n'avait même plus
envie de la suivre et le dos voûté il retourna jusqu'à
l'appartement.
Une fois à l'intérieur, dans son
chez lui, il s'allongea sur le canapé essaya de trouver du
réconfort dans ses lectures préférées
mais en vain. Excédé, il balança sa revue avec
rage dans le salon, cette dernière atterrit contre un vase qui
tomba à même le sol ou il s'explosa.
A peine
conscient, il descendit jusqu'à la salle de tire ou il
s'enferma pendant des heures maltraitant sans vergogne les cibles
en carton.
Le nettoyeur tira sans cesser vidant chargeur sur
chargeur, essayant de calmer la colère sournoise qui grondait
de plus en plus fort en lui. Il en voulait à cet instant là
au monde entier, autant à lui-même qu'à sa
chère Kaori.
Comment pouvait-elle lui faire ça ! De
quel droit se permettait-elle de tomber amoureux d'un bellâtre
qu'il avait déjà vu dans des journaux, il pouvait
d'ors et déjà mettre un nom sur son rival : Toshio
Awayuki.
En même temps il était tout à fait
conscient que c'était lui et lui seul qui avait amené
sa propre déchéance.
Au moment de sortir du parc, Kaori eut un drôle
de sentiment, comme si la colère et la jalousie traînaient
dans le coin, elle n'en était pas très sure cela
avait été tellement fugace. Il lui avait même
paru sentir la présence de son partenaire. Mais quand elle
s'était retournée pour scruter l'horizon elle
n'avait pas vu Ryo.
Elle haussa alors les épaules
pensant que son instinct était quelque peu déréglé
mais elle se rabroua en se disant que son partenaire ne s'intéressait
plus du tout à elle. Ils en étaient même arrivés
à ne communiquer plus que par petits messages, et il est vrai
que l'apparition de son meilleur ami y était pour beaucoup.
Elle n'avait pas osé se renseigner sur lui, mais elle
savait éperdument que Miki le ferait d'elle-même pour
s'assurer que sa meilleure amie ne risquait rien.
Dès
leur troisième rencontre, il lui avait parlé du petit
garçon dont il était le papa, elle l'avait même
déjà rencontré, dès le premier coup d'œil
elle avait reconnu en lui son père.
Elle qui adorait les
enfants était comblée de devoir s'en occuper de temps
en temps mais un peu blasée car consciente que le bonheur
d'être mère ne serait pas là pour elle. Jamais.
- Qu'est ce qu'il y a ? demanda tout à
coup Toshio voyant une larme couler sur les joues de son amie.
-
Hein ?
- Tu pleures…
Se rendant soudain compte de cette larme solitaire, elle l'essuya en adressant un sourire d'excuse au journaliste et le rassura.
- Ce n'est rien, une pensée douloureuse.
Apposant son bras autour de la taille d'un geste protecteur mais également possessif, il lui embrassa la tempe, surprise, elle se tourna vers lui pour le dévisager sans vraiment comprendre. Mais quand elle vit son regard, elle ne put s'empêcher de rougir.
- Désolé, j'en mourrais d'envie.
Le repas de midi se passa très bien, l'après-midi seize heure arriva très vite, ils durent récupérer son fils, Daïsuké à la garderie. Le dîner se passa dans une ambiance familiale, entre rire et sourire face aux mimiques amusantes du petit garçon de deux ans. Qui aurait pu croire qu'un simple plateau repas devant un petit film d'animation aurait autant de charme ?
Il était environ onze heures du soir quand la
jeune femme se fit raccompagner malgré ses protestations de
cette dernière sur le fait qu'il ne fallait pas réveiller
le petit bonhomme. Mais en fait le transport ne le gêna même
pas, il dormait comme un véritable petit ange.
Toshio
voulait la raccompagner jusqu'à son étage mais la
jeune femme refusa poliment, aussi, il se contenta de la déposer,
non sans l'avoir embrassé dans un chaste baiser que la jeune
femme attendait en même temps qu'elle l'appréhendait.
Il attendit qu'elle rentre dans l'immeuble, il fixa la porte bien
cinq minutes, démarra et partit.
Ryo n'était pas sorti ce soir-là, il
était assit sur le bord de la fenêtre attendant le
retour de la jeune femme, quand il vit une voiture s'arrêter,
il ne lui fallut pas deux secondes malgré la nuit et
l'éloignement pour savoir que c'était elle. Que
c'était son ange ! Mais voilà la scène qu'il
surprit grâce à la lumière des phares et des
lampadaires le laissèrent pantois.
Comment sa partenaire
pouvait-elle se laisser embrasser de la sorte ?
Il était resté là longtemps
immobile dans le noir, fixant la scène qui ne se jouait à
présent plus devant les yeux. Il ne se retourna pas quand la
porte du salon s'ouvrit. Sa partenaire alluma la lumière et
fut surprise de voir Ryo là, immobile même si elle avait
sentit sa présence.
Que fixait-il ainsi ?
Elle posa
son bouquet de fleurs sur la table du salon et voulu prendre le vase
posé initialement sur une petite étagère.
C'est
là qu'elle découvrit le massacre et le vase écrasé
sur le sol. Elle s'agenouilla par terre, devant le vase comme si
elle voulait prier devant une stèle. Les larmes lui montèrent
aux yeux. Elle ramassa les bouts, ne fit même pas attention au
fait qu'elle se coupa. Des sanglots montèrent et doucement
elle hoqueta.
Ce vase représentait beaucoup, c'était
le seul souvenir qu'elle avait de son père adoptif, il ne
payait pas de mine mais elle y tenait et pour elle s'était
comme un sacrilège. En effet, son père aimait beaucoup
le travail de l'argile et avait un certain don en la
matière.
Pourquoi avait-il cassé ce vase ?
Elle se releva les trois bouts du vase dans les
mains, et elle posa le cadavre sur la table du salon. Elle ne chercha
pas plus loin, spontanément elle prit un autre vase dans un
placard, le rempli d'eau et y déposa les fleurs.
Elle
retourna poser ce grand verre à l'endroit du défunt
vase.
Tout le temps de tout ça, elle ignora le regard du
nettoyeur posé sur elle.
Elle tourna les talons et s'enferma dans sa chambre. Elle sera contre elle son oreiller alors que ses larmes coulaient encore. Epuisée par cette journée hors norme elle finit par sombrer dans le sommeil.
Toujours dans le salon, le regard de Ryo se posa sur
le vase possédant les fleurs. Il alluma les lumières et
pu, constater qu'il s'agissait de rose rouge, symbole de l'amour
passionnel.
Il passa devant la chambre de sa partenaire et
entendit ses sanglots.
Il monta dans sa chambre ou il resta éveillé une bonne partie de la nuit, il ne s'endormit qu'aux premières lueurs de l'aube.
