Les Amazones
La nuit fut courte et le lendemain matin avait dans mon cœur, une amère sensation de déjà-vu. Toutes les saveurs d'un paradis perdu ne m'enlevèrent pas l'arrière goût de cendre dans la bouche à me réveiller le corps collé contre celui de Camus. Ce n'était pas la première fois que je me réveillais contre son corps, mais le corps chaud et menu d'un grand frère étant enfant n'avait pas la même signification. Contre son corps d'homme par contre… le souvenir me revint violemment en mémoire au moment même où j'ouvris les yeux. Peut-être, quelque part, fallait-il en passer par là pour remettre les choses à leur place – ou pour les embrouiller davantage -… deux nuits de tendresse, mais la deuxième, c'est dans les bras de mon frère que je l'ai sciemment passée. Il y aurait pu avoir un moment de gêne, un instant d'incompréhension dans le flux des sentiments qui nous unissaient, si on avait pris le temps de s'y arrêter mais ni lui ni moi n'avions le désir d'une conversation gênante pour nous deux. Cependant, mon Lecteur Inconnu, ne nous voilons pas la face, la gêne était bien présente ! d'un accord muet, on est simplement passé outre.
Les enfants, le frère et la sœur avaient grandi… et loin l'un de l'autre, nous étions devenus des étrangers. Cela n'excuse pas la nuit, mais en diminue l'importance incestueuse sans doute… Freud aurait bien des choses à dire à ce sujet… Pour ma part, j'avoue surtout sans aucune honte, que la gêne éprouvée, était avant tout d'ordre morale. Je ne me suis jamais sentie coupable ou salie de cette fameuse nuit. Comprends par là, Lecteur Inconnu, que je n'ai pas, sciemment et consciemment « couché » avec mon frère, puisqu'à cette époque là, il ne l'était pas. Il n'était que Camus, chevalier d'or du Verseau et je n'étais à ses yeux que Swann, guerrière de la Lune d'argent. Une révélation, un soir lors d'une veillée peut vous ouvrir les yeux et changer un simple instant banal en pure magie - ou en cauchemar – mais elle ne peut vous rendre dix ans de perdu en une seconde. Gabriel et Gabrielle – les deux enfants qui jouaient dans un château de la Bourgogne – ne se rencontreront plus jamais. En nous faisant prendre à chacun une issue différente lors de l'incendie, le destin décida de notre sort. Le frère et la sœur se sont perdus à jamais. Swann et Camus s'aimeront tendrement, mais ce ne sera jamais la même chose.
Avec le temps, nous avons réappris à nous connaitre, nous avons réappris à nous aimer. Mais perdus, tous les deux, dans une situation nouvelle que nous n'avons jamais entièrement réussi à gérer. Nous n'étions plus des enfants. L'homme et la femme qui se firent face les années suivantes n'étaient plus frère et sœur. Le fruit défendu… nous l'avions déjà goûté. Et même si cette fameuse nuit ne s'est jamais répétée… certaines fois, dans la complicité de moments partagés ensemble… il nous ait arrivé d'outrepasser la fraternité…
Ne te choque pas Lecteur Inconnu. Mais je n'ai jamais réussi à considérer Camus comme mon frère perdu. Je n'ai jamais retrouvé dans son regard froid les yeux pétillants de malice de Gabriel qui m'ont tant manqué. Et je doute qu'il retrouva en Swann, la petite fille qu'il avait chérie dans ses tendres années. La vérité est que j'ai perdu mon frère, j'avais quatre ans j'ai vécu trois ans en orpheline, et on m'a appris à aimer trois autres frères durant les dix années suivantes… comment réagir alors quand le premier refait surface ? La réponse est simple : d'abord on s'émerveille, tous les espoirs d'enfants refont surfaces, puis on se heurte à la réalité. Le frère, le vrai, est un parfait étranger. On joue alors à faire semblant, on cherche à y croire… puis on fini par se résigner.
Lorsqu'on se découvre subitement adultes - homme et femme de surcroît -, une simple caresse sur le visage, un baiser sur le front… n'est pas perçu de la même façon aussi bien pour celui qui le donne que pour celui qui le reçoit… surtout avec nos « antécédents ».
J'avoue Lecteur Inconnu, que je n'arrive pas trop à m'exprimer. J'espère juste que tu me comprends et que tu ne nous juges pas trop durement. Ce n'était rien d'autre qu'un mélange de tendresse et de fraternité que nous n'avons jamais réussis à doser justement. Les mains, les lèvres, les caresses dérapaient quelques fois… à nous brûler les ailes peut-être… mais nos ailes d'enfants, nous les avions perdues il y a bien longtemps.
…
A l'aube, le campement rangé, nous reprîmes notre route en direction des Amazones. Je marchais en tête. D'abord pour la sécurité du groupe, mais surtout parce que mon maître s'était placé à l'avant et que, consciente du danger que représentaient les Amazones, je jugeais que ma place était d'être devant lui; les Amazones étaient réputées expertes dans l'art du tir à l'arc. Je ne pus empêcher un léger sourire naître sur mes lèvres lorsque j'aperçus, fermant la marche et se laissant volontairement distancer de quelques pas, Camus et Milo qui marchaient côte à côte et devisaient à voix basse. Le visage du Scorpion irradiait de bonheur et celui du Verseau se permettait un petit sourire discret qui en disait pourtant long sur son humeur.
Nous avons marché ainsi durant quelques heures. Jusqu'à ce moment où, confirmant l'habilité que je leur avais prêté quelques lignes plus haut, une flèche venue de nulle part est venue frôler ma joue pour se planter dans un tronc d'arbre à mes côtés. Je n'avais pas vu le coup venir, personne ne l'avait vu. Nous nous sommes tous laissés surprendre.
Personne ne vint à notre rencontre mais la flèche indiquait l'itinéraire à suivre. Nous l'avons donc suivie et elle nous mena droit dans une clairière à quelques pas de là. La végétation était si dense, que nous ne l'avions pas vue quelques minutes auparavant. Les intentions des amazones me parurent claires à ce moment là : nous allions dans la mauvaise direction et elles nous invitaient à les rejoindre. Intuition qui me fut confirmée à l'instant même où je posai mon regard sur un groupe de femmes qui nous attendaient de pied ferme. Disposées en demi-cercle, elles étaient une douzaine à nous faire face.
Impressionnante vision de ces femmes, légendes vivantes des temps anciens, que j'eus alors. Elles incarnaient la force brute au féminin, alliant avec grâce majesté et robustesse. Les cheveux volant librement au vent, le visage se montrant sans le moindre masque, les muscles des cuisses se dessinant clairement sous des jupes courtes, le ventre ferme sans aucun vêtement pour le cacher et les mains tenant fermement soit des arcs soit des lances… impressionnantes ! Pourtant, habituée à la vision austère des femmes chevaliers du sanctuaire, je gardai une première impression presque obscène de cette liberté totale et féminine. Alors que c'était quasiment la même image que je devais renvoyer… ce que c'est que de grandir et vivre dans un univers masculin…
Elles nous dévisageaient sans la moindre gêne, la tête fièrement levée. Nous étions sans armure. Nous les portions sur nous mais dans leur box. Précaution pour ne pas paraître agressifs et éviter le déclenchement des hostilités... Précaution ratée. A peine avions-nous commencé à faire quelques pas dans leur direction qu'elles enflammèrent leur cosmos et qu'une volée de flèches vola sur nous. Cette fois-ci, nous n'eûmes aucune difficulté à les arrêter, mais le message était clair : nous n'étions pas les bienvenus.
Je me détachai alors du lot et avançai vers elles. Jusqu'alors, continuant à me placer devant mon maître, d'autres chevaliers s'étaient placés devant moi… peut-être ne m'avaient-elles pas vu au départ. J'en fus sûre lorsqu'un bruit se fit entendre derrière nous et que nous retournant pour en voir l'origine, je vis une demi-douzaine de femmes qui sortaient de la jungle, dont certaines armées d'arc. Ce devait être elles qui avaient tiré la première flèche. Le second groupe ne devait pas savoir qu'il y avait une femme parmi ces hommes. Quoi qu'il en soit, nous étions à présent encerclés.
Je me détachai du lot, et leur réaction fut instantanée. Elles baissèrent d'un geste leurs armes mais gardaient leur cosmos en alerte.
- Paix mes sœurs, m'écriai-je levant les bras devant moi. Nous venons de la part de la Déesse Athéna.
Mais leur réaction ne fut pas celle escomptée. Leur cosmos se raviva à mes paroles. Et le cercle qu'elles formaient se resserra autour de nous. Je compris à cet instant que si les amazones étaient armées, ce n'était que pur folklore. Elles n'avaient nullement besoin d'armes, leur cosmos n'ayant rien à envier au notre.
- Paix, m'écriai-je à nouveau. Nous ne sommes pas des ennemis. Nous sommes des chevaliers d'or.
A ces mots l'une d'entre elles, sans doute une sorte de supérieure, s'approcha de moi et se mit à me dévisager.
- Tu n'es pas un chevalier d'or, me dit-elle. Il n'y a pas de femme parmi les chevaliers d'or.
- Je suis un guerrier de la Lune au service d'Athéna.
Et j'enflammai mon cosmos à mon tour pour lui tenir tête, priant les Dieux que mes compagnons n'aient pas la bonne idée de faire de même. Moi, je pouvais me permettre cette hostilité étant femme. Je voulais lui prouver que nous parlions d'égale à égale, de guerrière à amazone. Mais pour les chevaliers, cela aurait interprété comme une marque d'agressivité qu'elles n'auraient sans doute pas appréciée. Elle sembla apprécier cette démonstration de force de ma part et l'humilité de mes frères, me laissant mener le dialogue à leur place. Elle plaça sa main sur mon épaule et me sourit.
- Une Enfant Sacrée… J'en avais déjà entendu parler, mais jamais nous ne les avions rencontrés.
J'avoue, je tiquai sur l'utilisation du féminin pour mon titre… mais c'est une chose à laquelle je devais m'habituer. Après tout, les amazones n'allaient pas me nommer au masculin.
Elle reporta son regard sur mes compagnons, un regard méprisant, et s'avança vivement vers eux dans une attitude clairement pugnace. Voyant qu'elle fonçait droit sur Mû, je m'interposai brutalement.
- Ce sont des ambassadeurs d'Athéna. Leurs intentions ne sont nullement hostiles envers la Déesse Artémis. Ils ne sont que des émissaires de bonne volonté.
Puis posant une main sur son épaule et la détournant légèrement de sa cible désignée…
- Considère-les comme mes frères.
Elle se détourna de mauvaise grâce et me fit face à nouveau. Elle plaça sa main droite sur son cœur et s'inclina légèrement vers l'avant dans un salut respectueux.
- Je m'appelle Antiope, je suis la chargée des gardes de la reine. Je vais vous mener au seuil de notre sanctuaire. Tu pourras rentrer y séjourner si tu le souhaites, mais les hommes n'y sont pas admis. Ce sont les ordres et le souhait de notre Déesse.
Je plaçai ma main droite sur le cœur et m'inclinai à mon tour.
- Je te remercie Antiope. Je me nomme Swann et je suis l'Enfant Sacré de la Lune d'Argent.
Puis désignant mes compagnons d'un geste de la main :
- Voici Mû, Milo, Aiolia, Camus et Shura, chevaliers d'or du Bélier, du Scorpion, du Lion, du Verseau et du Capricorne.
A leur tour, les chevaliers s'inclinèrent respectueusement.
J'échangeais un regard avec eux et me tournais vers Antiope.
- Nous resterons à l'extérieur du sanctuaire. Nous ne sommes pas là pour enfreindre les lois de la Déesse Artémis.
Antiope parut se radoucir quelque peu. D'un geste, elle nous invita à la suivre et c'est sous bonne escorte que nous parcourûmes les lieux qui nous séparaient du sanctuaire de Diane.
Si je m'attendais à voir un sanctuaire ressemblant au notre, j'en fus quitte pour une bonne surprise. Le sanctuaire d'Artémis, contrastant étrangement avec l'impression de force qui se dégageait de ses gardiennes, respirait l'harmonie et la beauté. Un enchantement de couleur et de verdure s'étalait sous mes yeux éblouis. Un petit paradis sur terre qui respirait la paix et la sérénité. Je n'aurais jamais pus croire qu'un tel lieu puisse exister. Même mon Paradis Blanc, auquel je vouais un véritable culte, ne dégageait pas cette atmosphère là.
Nous nous arrêtâmes, émerveillés, au pied de la colline pour profiter de cette vue paradisiaque. Antiope nous mena ensuite vers une sorte de petite maison que surplombait un temple de moindre importance.
- Voici les quartiers réservés aux invités masculins. Vous pourrez séjourner dans cette demeure. Et voici le temple où la reine vous recevra plus tard.
Puis elle marqua un temps de pause et se tourna vers moi alors que je m'apprêtais à la remercier.
- Viens avec moi. La reine sera heureuse de te rencontrer avant tes compagnons.
Un regard d'interrogation envers mon maître et j'acquiesçai. Je déposai donc mes affaires et laissai mes frères pour aller rencontrer la reine. Tout en suivant Antiope hors de la maison, je ne pus m'empêcher de me demander comment Saori avait-elle pu omettre de rajouter une femme à cette expédition. Les chevaliers n'avaient pas eu le loisir de prononcer le moindre mot jusqu'à présent et sans ma présence, toute modestie mise à part, je me demande comment ils s'en seraient sortis. Je n'avais pas manqué de remarquer, à mon grand amusement d'ailleurs, qu'ils n'avaient gardé bouche close qu'à contrecœur. Et les discrètes œillades assassines de Milo ou Aiolia, à l'égard des amazones et de leur mépris clairement affiché envers eux, ne m'avait pourtant pas échappés.
Je suivis Antiope et nous pénétrâmes au sein du sanctuaire. C'était la première fois que je mettais les pieds dans un univers entièrement composé de femmes et j'avoue que ma curiosité était à son comble. Des jardins entourant les temples, des parterres de fleurs à faire rougir d'envie Aphrodite, des fontaines… l'endroit ne manquait vraiment pas de charme. L'ambiance qui régnait en son sein était vraiment… féminine, je ne trouve pas de mot plus juste. Douce, tendre, rassurante… et pourtant, je n'arrivais pas à m'y sentir à l'aise. Je m'y sentais étrangère. Il y manquait à mes yeux un soupçon de violence, de chaos. Peut-être, réalisais-je amèrement, ai-je trop de violence en moi pour apprécier cet univers de paix. Je continue à le croire encore Lecteur Inconnu, mais j'ai appris à faire avec.
- Qui est cet homme ? me demanda subitement Antiope en me faisant sortir de mes réflexions personnelles.
- Quel homme ? lui demandai-je.
- Celui pour qui tu t'es interposé. Celui que tu as consulté avant de me suivre.
Elle parlait de mon maître.
- Cet homme a une influence sur toi, je peux le sentir.
Plus qu'une influence, cet « homme », comme elle le nommait, avait droit de vie ou de mort sur moi… mais cela, je me gardais de lui dire.
- Mû du Bélier est mon maître.
- Ton maître ? Es-tu donc encore apprentie ?
- Non, je suis un guerrier et un chevalier confirmé. Mais Mû est celui qui m'a formé aux enseignements de la chevalerie d'Athéna.
- Il n'est donc plus ton maître si tu es confirmée.
- Il restera à jamais mon maître, même s'il a fini de me transmettre son savoir, répliquai-je avec ferveur.
Elle s'arrêta subitement et me regarda avec curiosité. J'imagine qu'à ses yeux, je venais de dire une absurdité.
- Les chevaliers ont de drôles de coutumes. Ici, nous n'utilisons pas le mot « maître » mais professeur. Et une fois le statut d'amazone acquis, professeurs et élèves deviennent des égales. Leurs puissances se valent.
Je lui souris. Dans le fond, elles avaient raison. Mais je ne suis pas une amazone.
- Ce ne sont pas les coutumes des chevaliers, mais celles des enfants sacrés. Mon maître restera mon maître et je le considérerais ainsi jusqu'à ma mort.
Elle paraissait sincèrement étonnée de mon dévouement.
- Pourquoi t'interposer dans ce cas ? Pourquoi m'avoir interdit son accès ?
- Pour le défendre, répondis-je naturellement.
Puis face à son ahurissement, je lui expliquais.
- Pour un guerrier de la Lune, le maître est sacré. Nous ne laissons personne inquiéter nos maîtres sans nous interposer. Pour eux, nous sommes prêts à risquer nos vies… et à la perdre, ajoutai-je sous son expression ébahie.
Elle resta un moment immobile et silencieuse. Puis secoua la tête d'un air presque amusée.
- Voila un dévouement bien extrémiste.
Et elle ne se rendait pas compte à quel point elle avait raison…
- Est-ce lui qui t'empêche de garder les yeux ouverts ?
- Non, répondis-je sobrement.
Et nous continuâmes notre marche.
- Comment vivez-vous dans ce sanctuaire ? lui demandais-je curieuse. Quelles sont vos hiérarchies ?
J'avoue que j'avais du mal à imaginer comment pouvait vivre une communauté entièrement composée de femmes.
- Il existe plusieurs catégories d'amazones, me répondit-elle. Au somment de notre hiérarchie vient se placer la reine. C'est la prêtresse principale de la Déesse Diane ainsi que l'amazone la plus aguerrie. Viennent ensuite les prêtresses majeures et mineures. Puis les chargées des gardes, comme moi. Chacune dans sa catégorie. Moi je suis la chargée des gardes de la reine, la garde la plus redoutable du sanctuaire. Il y a les chargées des gardes des prêtresses majeures, et les chargées des gardes des prêtresses mineures. Puis les gardes en générales, celle du sanctuaire.
Chemin faisant, elle me désignait certaines de ses compagnes. Les hiérarchies, apparemment, se reconnaissaient aux ornements qu'elles portaient sur le front. Des sortes de couronnes portant une ou plusieurs pierres selon leur rang. Celle qu'Antiope portait était ornée de trois pierres vertes.
- Etes-vous toutes des guerrières ? Même les prêtresses ?
Des prêtres, nous en avions aussi au Paradis Blanc, mais ils étaient bien incapables de se battre.
- Bien sûr. Après notre reine, les prêtresses majeures sont les combattantes les plus émérites, me dit-elle comme une évidence.
- Et pour vivre au quotidien ? Vous êtes coupées de toutes civilisations au milieu de cette jungle, remarquai-je.
- C'est vrai, admit-elle en souriant. Mais cela ne nous empêche pas d'aller de temps à autre vers la ville la plus proche pour nous procurer ce dont nous avons besoin. Nous ne sommes pas non plus complètement asociales. Mais pour ce qui est des tâches quotidiennes, elles reviennent aux apprenties ou aux femmes ayant échouées à devenir amazones.
Cette fois, voyant mon air curieux, elle expliqua :
- Elles ne peuvent pas rentrer chez elle, la plupart sont orphelines et ne connaissent rien excepté le sanctuaire. Elles restent donc ici, et s'occupent de tâches plus modestes.
Orphelines… c'est donc le lot de tous ceux qui furent désignés par un doigt divin pour servir.
Nous arrivâmes bientôt au temple principal. Il était majestueux et imposant. A son seuil se tenait, fièrement dressée, une énorme statue d'Artémis. Les yeux levés vers le ciel, son arc pointé sur les étoiles… je découvrais le visage de la Déesse pour la première fois. La statue était cuirassée dans une impressionnante armure de marbre qui lui recouvrait le corps jusqu'aux genoux. Antiope s'approcha et posa un genou à terre. Je l'imitai aussitôt et présentai mes hommages à la Déesse. Nous nous relevâmes et pénétrâmes à l'intérieur du temple. Je fus frappée de son austérité. Des teintures pourpre ou vert olive, des vitraux cachant presque la lumière, le temple majeur contrastait incroyablement avec l'univers quasi féerique du reste du sanctuaire. Vers le fond, s'étalait un autel où s'affairaient, des prêtresses, j'imagine. Antiope s'avança et je restais légèrement en retrait. Elle posa un genou à terre et interpella l'une d'elles.
- Miryna, ma reine, les étrangers qui s'aventuraient sur nos terres ont été identifiés. Ce sont des chevaliers de la Déesse Athéna.
La dénommée Miryna tourna la tête vers elle et Antiope me désigna de la main.
- Voici leur représentante que j'ai autorisé à entrer dans le sanctuaire. Les hommes sont restés à l'extérieur.
Je m'approchai alors, et posai un genou à terre tandis que la reine s'avançait vers moi. Au sanctuaire d'Athéna, il est coutume d'attendre la permission du Pope pour parler. Je supposai qu'ici je devais faire de même, j'attendis donc que la reine me parle.
- Soit la bienvenue. Comment te nommes-tu ?
- Majesté, je m'appelle Swann et je suis le chevalier de la Lune d'Argent au service de la Déesse Athéna.
Un sourire amusé sur les lèvres, la reine me fit signe de me relever.
- Bienvenue Swann. Considère-toi chez toi dans ce sanctuaire, me dit-elle. Mais il n'est pas nécessaire ici que tu parles de toi au masculin, ajouta-t-elle malicieusement.
Ne sachant que répondre, je me contentai de hocher la tête et de me relever.
La reine Miryna était une très belle femme. Jeune, elle ne devait pas avoir plus de trente ans. Une grande sensation de force et de majesté se dégageait de sa personne. De très haute taille, elle avait le corps parfaitement proportionné et une cascade de cheveux sauvages et foncés venaient souligner un visage fin où luisaient des yeux noirs profonds. Elle était la parfaite incarnation de l'image des anciennes amazones. Une sorte de sauvagerie bestiale pouvait parfois se déceler dans son attitude féline.
D'un geste, elle fit signe à ses amazones de nous laisser seules. Et elle me conduisit dans une petite pièce adjacente. Bien plus confortable que le temple en lui-même, cette chambre était pourvue d'une multitude de petites tables et de coussins. La reine prit place au centre sur un coussin puis me fit signe de m'asseoir à ses côtés. Elle m'offrit un rafraîchissement.
- Dis-moi Swann la raison de votre venue. Que peuvent bien nous vouloir des chevaliers d'Athéna ?
Je lui expliquais alors que nous étions venus en territoire amazone en tant qu'ambassadeur de bonne foi envers la Déesse Artémis.
- Je t'écoute. Quel est donc ce message de paix que nous délivre la Déesse Athéna ?
- Pardonnez-moi Majesté, répondis-je, mais je ne peux parler au nom d'Athéna. Mes compagnons sont ceux qui peuvent transmettre ce message.
Et c'était vrai. Dans sa hâte à m'envoyer rejoindre les chevaliers, Shion ne m'avait pas délivré le message à transmettre aux amazones.
La reine parut contrariée. Elle ne souhaitait peut-être pas rencontrer des hommes me dis-je, mais parlant avec elle, je me rendis vite compte que ce n'était pas les hommes qui la contrariait… c'était Athéna.
