Confusion

Le ciel était tout simplement magnifique… et je me souviens à ce moment précis, alors que je l'admirais debout, sur le rebord de ma petite falaise, d'avoir vu une petite étoile qui brillait plus fort que les autres dans la nuit étoilée. Ma Déesse brillait elle aussi de mille feux, ronde et belle… un diamant à la pureté jamais égalé. Et j'étais bien… j'étais si bien, si tranquille. Debout sur le rebord, la main gauche négligemment posée sur le vieil arbre, un pied en avant et un autre en arrière… presque comme si je m'apprêtais à prendre mon élan pour voler… les yeux farouchement ouverts et émerveillés.

- As-tu trouvé ton étoile ?

La voix me sortit de ma contemplation et je me retournais, heureuse et souriante.

Il était là, debout à quelques pas derrière moi. Vêtu d'une vieille tunique d'entraînement et ses cheveux lâchés volaient au grès du vent. Je lui souris, avançais de quelques pas dans sa direction.

Il n'aurait pas dû se trouver là, au beau milieu du sanctuaire. Ce n'était pas sa place. Il n'avait rien à faire là et pourtant …. Que faisait-il ici ? Je ne me suis même pas posée la question. Sa présence me paraissait tellement naturelle…

- Tristan !

Heureuse, je lui souris et lui ouvris les bras comme j'avais coutume de le faire. Mais il n'avança pas vers moi. Il n'esquissa pas le moindre geste. Il resta immobile, le regard froid et le visage de marbre. Lui aussi avait les yeux ouverts, et il me fixait durement. Je me reculais et repris ma place au bord de ma falaise replongeais mon regard dans le ciel.

Je l'entendis se déplacer derrière moi. Doucement et avec des gestes d'infinis douceur, sa main vint caresser le vieil arbre, tendrement. Et je le vis sourire.

- Tu as grandi mon vieil ami, murmura-t-il. Tes branches se jettent dans le vide à présent.

Puis il reporta son regard sur moi.

- Tu as toujours aimé cette falaise, me dit-il comme une évidence. Elle te calme, apaise ton caractère impétueux… elle te comprend.

Je hochais simplement la tête.

- As-tu trouvé ton étoile ? redemanda-t-il.

Non, je ne l'avais pas trouvé. Pourquoi était-ce si important ?

- Tu ne la cherches pas au bon endroit, me dit-il, levant à son tour les yeux au ciel.

Mais où alors ? La place d'une étoile est de briller dans le ciel. A quel autre endroit pourrais-je en trouver une ? Trouver la mienne… ?

Je me retournais pour le voir. Il avait un regard nostalgique à présent.

Un faible sourire éclaira son visage. Le sourire d'un homme amoureux. Il se tourna vers moi.

- Dis-moi, Gabrielle… Pourquoi l'amour ne pourrait-il pas être éternel ?

- Tu l'aimais ? lui demandais-je simplement.

- Non, répondit-il en plongeant son regard dans le mien.

Il posa doucement une main sur mon cœur.

- Je l'aime encore…

…..

Une fois de plus, je me réveillais en sursaut au beau milieu de la nuit. J'ai passé des mois à me réveiller en sursaut… et toujours avec le même rêve. Toujours ce rêve frustrant… toujours à attendre un nom qu'il ne prononçait pas.

Une fois de plus, je me levais de mon lit en sueur et d'une humeur massacrante. Je me levais en maudissant cette gitane et son étoile introuvable. En maudissant une partie de moi-même qui, vraisemblablement, voulait la croire.

Ce rêve hantait mes nuits depuis une semaine à présent. Depuis que nous étions descendus, Killian et moi au village, depuis que mon maître m'avait fait remarquer que cette petite ligne tracée à l'intérieur de ma paume - cette petite et insignifiante ligne, cause de mes cernes sous les yeux – était la ligne du cœur. Je serrais rageusement les poings. Je ne suis pourtant pas sentimentale et encore moins fleur bleue, mais mon inconscient trouvait cette situation très drôle de toute évidence. Assez drôle en tout cas, pour tenter de me faire passer un message durant la nuit. Car je ne suis pas, non plus, stupide au point de ne pas avoir compris que ce n'était pas là un message divin. Swann n'était pas revenu, comme par magie, de mon propre passé pour venir me parler à travers mes rêves. C'était à moi, et à moi seule, que je m'adressais toutes nuits… Que je tentais de convaincre ?...

Je me levai silencieusement, attrapai les premiers vêtements qui me passèrent par la main et sortis du château de Jamir. Une fois dehors, je me mis à courir… à courir à en perdre haleine. J'avais besoin d'évacuer ma colère, ma frustration. M'imagines-tu, Lecteur Inconnu, arriver dans la cuisine le matin, d'une humeur massacrante, et envoyer promener Kiki et mon maître s'ils venaient à m'adresser la parole sous prétexte que je n'ai pas bien dormi ? J'avais besoin d'un exutoire. Alors cette nuit là, comme toutes les nuits depuis une semaine, je sortais courir. Je ne revenais qu'au lever du jour, lorsque commençait à poindre l'aurore. Je revenais à pas lents au château, voyant le bâtiment se dessiner doucement sous mes yeux tandis que je montais la colline, alors que le soleil commençait lentement à percer la falaise devant moi. Ce jour là, j'avais couru plus que d'habitude et le château se réveillait sans moi. Je m'adossais à un arbre une minute pour reprendre mon souffle et je tournai mon regard vers l'édifice de pierre blanche.

Tranquillement adossé à la balustrade, une tasse de café fumant à la main et les yeux encore fermés de sommeil, mon maître profitait de l'aube. Il était vêtu d'un simple pantalon de pyjama, le torse nu et les cheveux un peu en bataille. J'aurais pu jurer, si je l'avais vu de plus près, que sur sa joue se dessinait la marque de l'oreiller. Subitement, je me cachais derrière un arbre, ne voulant pas me faire réprimander à être déjà debout et dehors de si bon matin. Et je me surpris à rire moi-même de ma première impulsion. Je n'étais plus une enfant. Mû n'allait sans doute pas « me gronder » pour être si matinale, quoi qu'il en serait surpris, surement.

Je ne suis pas ce qu'on peut appeler « une lève-tôt » ou du moins, je le suis par obligation. Je serais plutôt à classer dans la catégorie des « couches-tard ». Voila un fait qui n'est sans doute pas génétique quand on songe aux habitudes de Camus. Mon frère, précis comme une horloge, pose irrémédiablement le pied hors du lit dès six heures du matin. Et pour l'anecdote, Lecteur Inconnu, je le sais de Milo, qui un jour, en plaisantant, m'avait demandé s'il pouvait venir dormir avec moi pour pouvoir faire une grasse matinée. Ce à quoi, mon aîné avait répondu, gêné, qu'il avait prit cette habitude en Sibérie, avant de nous raconter une vieille légende russe – légende dont Sorrente m'avait parlé lui aussi. Une légende enfantine…

Il est dit, Lecteur Inconnu, que les aubes sibériennes ont en elles, une part de magie. Que si l'on s'endort le soir en faisant un souhait, et qu'on le réitère le matin en regardant l'aube… alors le souhait s'accomplit. Et j'ai compris que Camus priait pour un miracle… il priait depuis des années. Je l'ai compris lorsqu'un jour, alors que j'étais avec lui en Sibérie, il me tira de mon sommeil avant l'aube, m'habilla chaudement avant de me mener hors de son isba, au milieu des plaines de glaces éternelles… et lorsque les premiers rayons du soleil vinrent illuminer la plaine dans un spectacle féerique, il tendit la main vers le ciel, me désignant le point à regarder : une aurore boréale… la première qu'il m'eut été donné de voir. Je ne pouvais détacher mes yeux du ciel, fascinée, un sourire de petite fille sur les lèvres. Alors il me prit simplement dans ses bras… tendrement… doucement… collant son torse contre mon dos et frottant mes bras pour que je n'aie pas froid. Et j'ai entendu un murmure, comme un souffle de vent, un petit mot jeté au ciel alors qu'il resserrait son étreinte.

«Merci »…

Sans doute se sentait-il un peu ridicule, mais je peux te jurer que ce jour là, blotti dans la sécurité des ses bras, je n'ai pas ri… je crois même que j'ai remercié le ciel avec lui.

J'ai raconté cette petite histoire à Sorrente, mais… à en voir le regard blessé qu'il me jeta ce jour là… lui, attend toujours son miracle…

Mais revenons à cette aube dans la montagne de Jamir, alors qu'adossée et camouflée par cet arbre, je me dissimulais aux yeux de mon maître, craignant une réprimande et riant sous cape de ma propre stupidité… je ne pus empêcher mes yeux de découvrir une chose que je n'avais alors jamais vue…

Un léger sourire sur les lèvres… une brume de sommeil dans les yeux… les cheveux défaits et le torse nu… je pris soudain conscience pour la première fois de ma vie… que mon maître était un homme. Juste un homme. Qu'un homme se cachait derrière l'armure de chevalier…

… Juste un homme…

La phrase sonnait pourtant à mes oreilles comme une pure hérésie.

Mais je ne pouvais l'en empêcher… Ce matin là, Mû ne portait son masque d'éternelle sévérité. Son corps ne se cachait pas derrière d'amples tuniques et ses yeux ne montraient pas cette froide indifférence dont il était coutumier. Juste un homme… à cette heure et sans aucun regard… Mû n'était que Mû. Pas le chevalier d'or du Bélier…

Telle était la magie de Jamir…

….

Une journée de plus venait de passer. Entraînement, repas, leçons pour Killian… rien qui ne mérite d'être conté dans le détail. Le repas du soir terminé, Kiki était monté se coucher, je restais seule avec mon maître. J'avoue, Lecteur Inconnu, intriguée par ma découverte de ce matin, je ne pus m'empêcher de passer la journée à détailler mon maître. Sa façon d'être, de parler, de bouger… Il était assis à présent, comme il en avait l'habitude quelque fois, dans un grand fauteuil devant la cheminée. Il lisait. Un livre épais et ancien, couvert de symboles que je ne comprenais pas. Je l'avais vu montrer ce livre à Kiki pour le lui faire étudier. Sans doute était-il écrit dans une langue tibétaine.

Je parlais un peu le tibétain. Juste quelques phrases et je le comprenais mieux que je ne le parlais. Mon maître me l'avait quelque peu enseigné. C'est utile quand on se rend au village pour acheter des provisions. Mais c'est pour cela que généralement, je m'y rends toujours avec Killian, pour qu'il me serve d'interprète au cas où. L'enfant avait adoré ces séances où Mû avait tenté de m'apprendre leur langue. S'octroyant le rôle de professeur, il riait de mes maladresses et se moquait gentiment de mon épouvantable accent. Un jour, il était même parti dans un fou-rire à en perdre haleine alors que Mû riait doucement. Je continue à me poser la question… qu'ai-je donc bien pu leur dire pour les faire rire à ce point ? En échange, je lui apprenais quelques bases de français et Mû venait certaines fois se joindre à ces drôles de leçons. « Bonjour, au revoir, s'il-vous-plait et merci ». Je riais à me tour de les voir se dépatouiller avec une langue qui n'était pas la leur… ma petite vengeance. Mais en me souvenant subitement de mon maître qui, un matin, alors qu'il était dans la cuisine avec son apprenti, m'avait salué avec un petit sourire d'un « Bonyourr Madmoasel »… je me demande - comment ai-je fais pour ne pas voir avant que mon maître était simplement un être humain lui aussi ?

Mais pour l'heure, je le regardais simplement lire, guettant le bon moment pour l'interrompre, une question sur les lèvres.

Il dû se sentir observé et releva les yeux de son livre pour les poser sur moi, penchant la tête sur le côté dans une interrogation muette.

- Pardon Maître, lui répondis-je, je ne voulais pas interrompre votre lecture.

- Tu ne me déranges pas Swann, me dit-il en refermant le livre. Y-a-t-il quelque chose dont tu voulais me parler ?

« Oui, je voulais savoir depuis quand étiez-vous humain ». Je me mordis les lèvres à cette pensée pour m'empêcher de rire et avançais de quelques pas vers lui.

- En fait, je me demandais simplement si vous pourriez satisfaire ma curiosité.

Je ne savais pas comment mettre le sujet à plat sans lui mettre la puce à l'oreille. Intrigué, il hocha la tête et me fit signe de m'approcher. Je m'agenouillais à ces pieds.

- Je t'écoute, me dit-il simplement.

Je pris un moment de réflexion en m'asseyant, pour formuler ma question. Dans le fond, le mieux étant sans doute de poser la question naturellement.

- Maître, lui demandais-je, comment sont fabriquées les armures ?

S'il fut surpris, il ne le montra pas. Après tout, je ne t'apprendrais rien j'imagine, Lecteur Inconnu, en te disant que Mû était le réparateur des armures. Même si cette technique ne s'enseignait que de Bélier en Bélier, ma question pouvait passer pour de la simple curiosité.

Il réfléchit un instant à sa réponse.

- Les armures sont fabriquées par le Dieu Héphaïstos, me répondit-il. Lui seul possède la technique pour les créer. On raconte qu'il se sert de poussières d'étoiles et de lave de volcan. Qu'il puise les matériaux dans les confins du ciel ou de la terre, et que les dernières armures qu'il a créées furent les armures d'or pour les enfants sacrés.

Le regard de mon maître posé sur moi, je retins un sourire. Non, les dernières armures créées par le Dieu ne furent pas uniquement nos armures d'or, mais aussi les surplis pour nos frères… mais ça mon maître ne pouvait pas le savoir.

- Moi, continua-t-il, je me contente de les réparer. Je ne peux pas créer à partir du néant. Il me faut une base sur laquelle travailler.

Ouvrant son livre, Mû commença à me montrer certains schémas détaillant les armures. Je me rapprochais et posais mes bras sur l'accoudoir de son fauteuil pour avoir une meilleure vue. Je ne comprenais pas les symboles qui étaient écrit, mais mon maître me montrait des dessins dont certains me rappelaient des outils que je lui avais déjà vus à la main. Je ne comprenais pas tout, mais retenais l'essentiel : Mû ne pouvait pas créer une armure.

- Pouvez-vous modifier les armures ? demandais-je prise d'une soudaine inspiration.

Il fronça les sourcils et je pris peur qu'il ne soupçonne quelque chose. Mais il me répondit simplement.

- Oui, mais en apparence uniquement. Je ne peux pas donner, par exemple, à une armure d'argent les caractéristiques d'une armure d'or. Ni la force, ni la résistance. Juste l'apparence. Et il ne faut pas oublier que les armures ont en quelque sorte, une volonté propre. N'oublie pas que ce sont elles qui choisissent le chevalier, et non l'inverse. Pour modifier une armure, encore faut-il que celle-ci soit… d'accord.

Il avait manifestement cherché le mot juste pour me faire comprendre son raisonnement.

Il continua dans ses explications techniques, se servant largement de son livre pour étayer ses dires. La nuit filait presque sous mes yeux. C'est pourtant connu qu'il ne fait jamais interroger un passionné sur sa passion… sous peine d'y passer des heures. Le visage de mon maître avait perdu de sa froideur. Il s'illuminait tandis qu'il se perdait dans ses explications et ses yeux brillaient d'une lueur nouvelle.

Mais pendant ce temps, mon cerveau marchait à pleine vitesse et je remarquais un détail finalement. Un détail important.

- Pardonnez-moi Maître, en profitais-je pendant qu'il tournait les pages à la recherche d'une figure précise. Mais sur votre livre, je ne vois que les armures des chevaliers d'Athéna. Qu'en est-il des surplis ou des écailles ? Pouvez-vous les réparer aussi ?

Et j'insistais bien sur ce mot pour qu'il oublie la partie « modification ».

Il releva la tête et me regarda, agréablement surpris.

- Kiki ne m'a jamais posé ce genre de question. Tu as l'air de t'intéresser au sujet plus que lui.

- Kiki est jeune, lui répondis-je dans un sourire, l'alarme rouge venant de sonner avec virulence dans ma tête à sa dernière remarque.

- Quoi qu'il en soit, je me souviens pourtant que c'était là exactement une des premières questions que j'avais posé à mon maître au temps de mon apprentissage. Et les Dieux savent que j'ai attendu qu'il me pose la question à son tour.

Je soupirais intérieurement de soulagement.

- Que vous a-t-il répondu ?

Je tentais de prendre une voix, la plus innocente possible.

- Et bien en théorie, oui. Le chevalier du Bélier est capable de réparer une armure servant un autre Dieu. Mais en pratique, c'est surtout une question de cosmos.

Voyant que je fronçais les sourcils à mon tour, il m'expliqua.

- A chaque armure, correspond un cosmos particulier. Dans le cas des chevaliers d'Athéna : bronze, argent ou or. Notre cosmos ne brille pas de la même façon et celui qui les répare doit accorder son cosmos à la puissance de l'armure. Tu comprends jusque là ?

- Je crois oui. Je suppose également que c'est la raison pour laquelle seul un chevalier d'or peut réparer une armure.

Mû eut un sourire ravi.

- Absolument. Il est plus facile de baisser son cosmos pour réparer une armure de bronze, que de se surpasser à vouloir réparer une armure d'or. Cela demande une très grande concentration. Et pour en revenir aux écailles ou aux surplis, j'ai beau avoir une force égale à celle d'un juge d'Hadès par exemple ou à celle d'un général du sanctuaire sous-marin, mon cosmos ne brille pas de la même façon. L'aura n'est pas la même et l'armure sentira la différence. Elle peut parfaitement refuser mon aide sentant en moi, l'aura d'Athéna.

Les choses n'étaient finalement pas aussi simples que je les avais envisagées.

- J'imagine, repris-je, qu'il en va de même pour le sang ?

Mon maître hocha la tête.

- Le cosmos circule dans le sang. Les armures sont vivantes. Imprégnées à la base du sang de leurs Dieux, elles sentent quand le sang n'appartient pas à la même loyauté.

Et qu'en était-il pour Dynamis ? Je n'osais décemment pas poser la question.

Sentant que la discussion était close, et qu'il ne pouvait m'en apprendre davantage, n'étant pas destinée à lui succéder dans son titre de réparateur d'armure, Mû referma son livre et se leva pour aller le ranger. Je restais assise à ma place, calant ma tête contre mes bras et ruminant mes pensées. J'avais pensé à substituer l'armure sacrée par une autre, une copie. Si ce n'était pas l'armure entière, alors au moins une partie. Pour que l'armure fonctionne, il lui fallait être entière. J'avais songé au casque, étant le seul qui m'était accessible sans éveiller de soupçons. La cuirasse aussi, peut-être. Je ne pensais pas que les amazones me poseraient de problème, mais elles refuseraient de me confier leur partie. Elles voudraient la garder cacher, et le problème resterait le même, celui que la véritable cuirasse soit découverte. Non, décidément, le casque restait la meilleure solution. Mais si Saori avait apprit l'existence de Dynamis, elle savait probablement où étaient dissimulées les différentes parties de l'armure. Je devais m'attendre à la voir, un jour, tenter de s'approprier le casque en pénétrant le Paradis Blanc… mais le savait-elle ? Que savait-elle exactement ?

J'avais le sentiment désagréable de nager dans le brouillard et pour être honnête, ce n'était pas qu'une impression. C'était une course contre la montre. Je devais trouver les parties avant elle.

Brusquement, je pris conscience d'une autre chose. Est-ce que le sanctuaire d'Athéna détenait une de ces parties ? Et si oui, laquelle ?

Soupirant profondément, je listais mes priorités.

Premièrement, je devais parler à Shion. Le grand Pope était pourtant le maître de mon propre maître… Comment n'avais-je pas pensé à lui poser, à lui, toutes ces questions ?... plutôt que de risquer d'éveiller les soupçons de mon maître.

Je me repris. Si Mû connaissait l'existence de l'armure sacrée, il ne connaissait pas l'existence de la prophétie. Il ignorait tout des intentions de Saori. Il ne ferait sans doute pas le lien avec mes questions.

Mais pour être honnête, j'avais apprécié cet intermède passé avec lui. Moi qui l'avais découvert humain quelques heures plus tôt, j'avais apprécié voir son visage perdre de son indifférence et s'illuminer le temps de mes questions.

Je me rabrouais mentalement. Continuons la liste.

Deuxièmement, je devais parler avec Miryna. La reine pouvait m'aider à savoir si les divinités gardiennes savaient où se trouvaient les restes de l'armure. Peut-être pourrais-je aussi poser la question aux prêtres du Paradis Blanc ? Je décidais que oui. Deux réponses valent mieux qu'une.

Troisièmement…

Je sursautais violemment en sentant une main venir se perdre dans mes cheveux. Et je pris conscience du visage de mon maître proche du mien. Il avait un air attendri et un sourire tendre sur les lèvres. Je me rendis compte qu'ainsi immobile et les yeux fermés, je devais donner l'impression de m'être assoupie. Il recula et je rougis de m'être ainsi donner en spectacle. Je suis un enfant sacré. Je dois veiller sur mon maître et non pas m'endormir devant lui. Il sourit gentiment en me tendant la main pour m'aider à me relever.

J'acceptais, confuse.

La nuit est bien avancée. Nous avons beaucoup parlé, me dit-il doucement. Va te reposer. Demain tu dois continuer l'entraînement de Killian.

Je hochais simplement la tête et me dirigeais vers ma chambre. Mû me suivait. En ouvrant la porte, je me retournais alors qu'il partait dans la pièce d'à côté.

- Maître… commençais-je.

Il se retourna, passant une main lasse sur son visage aux traits tirés.

« Humain » pensais-je dans un sourire. Et curieusement, cela ne sonna plus comme une hérésie dans mon esprit.

Il me regardait simplement, attendant que je finisse ma phrase, le visage fatigué mais redevenu impassible.

- Bonne nuit, lui murmurais-je simplement.

Il hocha la tête et me fit un signe de la main.

Une fois dans ma chambre, je m'appuyais contre le mur en restant dans la pénombre.

Troisièmement ? …

Ah oui, troisièmement… trouver une excuse pour m'éloigner de Jamir et donc mentir à nouveau à mon maître.

Je me frappais le front de ma main.