Sincèrement désolée pour ce retard. Le fic n'est absolument pas abandonnée, mais je crois que j'ai battu des records de retard par ce chapitre.
Merci à tous pour votre patience. Merci à Mayava pour ton soutien.
...
Némésis
«Aurait-on pu être amies ? »…
La phrase roulait consciencieusement dans ma tête, détachant chacune des syllabes. El alors que je m'éloignais lâchement sans me retourner, je sentais un regard posé sur ma nuque. Une seule pensée tournait dans ma tête…
Mauvaise question…
Mauvaise réponse…
…..
La discussion que j'eue avec Shion ne fit que confirmer ce que mon maître m'avait déjà dit. Les chevaliers du Bélier avaient beau être des réparateurs émérites, ils ne pouvaient créer une armure du néant. Ils ne pouvaient que la réparer ou la modifier, mais le résultat n'était pas garanti, surtout si l'armure en question n'était pas une armure d'Athéna. Bref, pour ce sujet, rien de nouveau sous le soleil… Je soupirais longuement, je n'étais pas plus avancée.
Cependant, une avancée tout de même… Le sanctuaire d'Athéna possédait bel et bien une partie de l'armure sacrée : le bouclier.
Je refis mentalement le compte dans ma tête : la cuirasse était entre les mains des Amazones, le casque, au Paradis Blanc et le bouclier au Sanctuaire restaient les jambières, les brassards et l'épée. Quels étaient les autres divinités à avoir en leur possession ces parties de l'armure sacrée ? Poséidon ? Hadès ?
Shion ne pensait pas que Zeus puisse faire autant confiance à ses frères pour leur confier un tel bien. Après tout, ils étaient, après le Dieu des Dieux, les seigneurs de l'Olympe les plus puissants. Héphaïstos peut-être ?
Non. En y réfléchissant un peu… le sanctuaire d'Athéna, le Paradis Blanc et le Sanctuaire d'Artémis… Trois des six parties avaient été confiées à des divinités féminines. Zeus n'avait de toute évidence qu'une confiance relative envers les hommes de sa famille et il connaissait parfaitement leur ambition. Le Seigneur de l'Olympe, en bon macho qu'il était (que les Dieux me pardonnent ma franchise !) ne pouvait, au moment de distribuer Dynamis, pas imaginer qu'une femme aurait pu avoir l'ambition de la récréer. Il y a dix mille de cela, son raisonnement était sans aucun doute des plus sage, mais les temps changent, les hommes évoluent et les femmes aussi… y compris les divinités.
Je passais une partie de la nuit dans le cabinet du grand Pope. Aidé de Dokho, nous avons passé en revue toutes les divinités femmes pour nous arrêter finalement sur Aphrodite et Déméter, tombant tous les trois d'accord sur le fait que Zeus avait sans doute dû garder une partie de l'armure avec lui, probablement l'épée, symbole de pouvoir.
Restait la question épineuse de savoir comment découvrir si oui ou non, les sanctuaires en question, possédaient les parties manquantes. J'entrevis une nouvelle mission diplomatique s'ouvrir devant moi…
Il était tard lorsque je quittais enfin le cabinet du grand Pope, mais l'esprit empli de mille questions, nul sommeil ne pesait alors sur mes paupières. Mes pas me guidèrent d'eux-mêmes vers ma petite falaise où je me laissais glisser contre le vieil arbre avec délice. Je laissais mon regard clos errer sur les vagues et je me perdis dans mes pensées.
J'étais engagée dans une course contre le temps. A qui de nous deux, de Saori ou moi, allions retrouver en premier les parties manquantes… A qui de nous deux empêcherait l'autre de réussir son plan…
Cette course me plaçait dans une position délicate envers mon maître et, comme je te l'ai déjà dit, Lecteur inconnu, je n'ai jamais aimé lui mentir. Fort heureusement, mon maître avait décidé de sa propre initiative de rentrer au sanctuaire et je n'avais eu qu'à patienter quelques jours et rentrer avec lui. Pour le reste, je pouvais compter sur le soutien de Shion. Le grand Pope userait de son autorité pour m'envoyer en mission diplomatique dans les sanctuaires d'Aphrodite et de Déméter avec d'autres chevaliers. Pour le reste une fois sur place, à moi de me montrer discrète. Je dois avouer Lecteur Inconnu, qu'avoir le grand Pope de mon côté était un atout non-négligeable et un sacré soulagement pour ma conscience. Lui et Dokho m'étaient d'une aide précieuse et surtout d'un soutien sans faille dans un combat que je savais devoir mener seule malgré tout. Ils me couvraient aux yeux de mon maître…
A cette pensée, un doux sourire vint se placer de lui-même sur mes lèvres… comme ça, comme de sa propre volonté… juste à la pensée de mon maître. Depuis quelques mois, il avait changé. Petit à petit et sans que ce ne soit vraiment notable dans un premier abord, mais il avait changé. Changé à mon égard. Il m'incitait à le considérer comme un frère d'arme et non plus comme un maître, arguant qu'à présent, nous étions de forces égales et qu'il n'avait plus rien à m'enseigner. Je n'étais pas d'accord avec ça. Il était, il est et il restera mon maître jusqu'à ma mort, tel est le serment des enfants sacrés.
La première fois, il m'a simplement pris par le bras, alors que je m'agenouillais comme à l'accoutumé pour le saluer… il m'a gentiment pris par le bras pour me relever. Il s'est placé devant moi et il a incliné la tête pour me saluer… comme il saluerait son égal, un autre frère chevalier d'or… et il a rit devant ma mine horrifiée.
- Ne pose jamais un genou à terre devant ton égal, m'a-t-il dit ce jour là.
- Mais maître, ai-je supplié, je ne suis pas votre égale.
Il a simplement secoué la tête, amusé.
Oui, ce jour là, mon maître m'a simplement prise par le bras pour me relever… et il l'a fait, patiemment, maintes fois, durant des semaines avant que j'accepte de simplement incliner la tête pour le saluer. Et cela m'a coûté cher, tu peux me croire sur parole, Lecteur Inconnu. Ensuite, il s'est mis en tête que je l'appelle par son prénom, mais à cela, je m'y suis toujours refusée.
Un doux sourire amusé naissait sur mes lèvres alors que mon regard se perdait au loin. Ce genre de sourire qui témoigne d'un doux souvenir que seul l'esprit et le cœur peuvent se partager.
- Qu'il est rare de te voir sourire ainsi…
Je sursautais. Je ne l'avais pas entendu arriver. Décidemment, lorsque je me perds dans mes pensées, j'ai toujours eu tendance à baisser la garde. Je devrais faire attention, cela pourrais me porter préjudice un jour… je suis toujours dans l'enceinte du sanctuaire mais tout de même.
Il me fit signe de rester assise alors que je m'apprêtais à bondir sur mes pieds. Il s'assit à mes côtés et me sourit à son tour.
- Mon armure pour tes pensées…, souffla-t-il doucement, malicieux.
- Maître…
Mais avant que je ne puisse avancer la moindre parole de plus, il me coupa gentiment en me pressant le bras de sa main.
- Mû !
Il se pencha légèrement en avant.
- Je m'appelle Mû…
Je secouais doucement la tête d'impuissance. Non, décidemment, je ne pouvais pas. Et je vis briller au fond de ses yeux, une lueur de déception, juste une seconde… peut-être même l'avais-je rêvée.
Je détournais la tête. Il soupira doucement.
- Je ne sais pas ce qui te préoccupe tant en ce moment, mais j'aimerais que tu aies assez confiance en moi pour me parler.
Je tournais la tête vers lui, intriguée et gênée. Il continua.
- Je le vois bien. C'est comme si tu n'étais plus toi-même en ce moment.
Puis il releva les yeux sur moi et posa sa main sur mon épaule.
- Je ne peux pas t'obliger…
Il s'arrêta un instant. Quoi qu'il s'apprêtait à dire, ce n'était pas vrai. Bien sur qu'il pouvait… Lui, plus que tout autre au monde pouvait…
Il reprit sa phrase en la modifiant.
- Je ne veux pas t'obliger à me parler. Mais sache juste que si tu as besoin d'aide… je peux t'aider, moi aussi.
Je tiquais sur les deux derniers mots. Jusqu'à quel point mon maître avait-il compris ?
Pour ne pas me dévoiler, j'inclinais simplement la tête en remerciement.
Il reporta son regard sur le lointain et je ne dis mot. Nous restâmes un court instant ainsi, avant qu'il n'esquisse un geste pour me rappeler à son attention.
- Il se fait tard, mais la Lune n'est pas encore couchée. Tu devais aller te reposer, tu n'auras que quelques heures à dormir avant l'entraînement.
Il se releva et je fis de même.
- Je voulais juste te souhaiter…
Il se tourna vers moi et me sourit doucement posant à nouveau sa main sur mon bras, il se pencha en avant.
- Bon anniversaire, murmura-t-il dans le creux de mon oreille avant de déposer sur ma joue un rapide et chaste baiser.
Je restais un moment abasourdie par ce geste qu'il n'avait jamais eu auparavant. Mes joues sans doute rougies de sa hardiesse, et un sourire timide sur le visage, je pressais sa main toujours sur mon bras.
- Merci… Mû, murmurais-je à mon tour en détournant la tête.
Il inclina la tête et s'en fut rapidement.
… C'était la nuit, la Déesse de la Lune, bien qu'incomplète, rayonnait à l'aube de mes dix-neuf ans. Et mon cœur, pour la première fois, battait la chamade d'une incompréhensible chaleur qu'un simple et chaste baiser sur la joue m'avait provoquée.
Mon anniversaire… je l'avais complètement oublié…
…..
Les lendemains de confusions ont un goût de cendre sur les cœurs incertains…
Je retrouvais mon maître les jours suivants, mais je ne revis pas Mû. Pas celui qui un soir, s'était permis de poser ses lèvres sur ma joue. Peut-être n'avait-ce été qu'un rêve, une hallucination ? Ou peut-être avais-je entrevu une fois de plus une fissure dans un masque bien figé ?
Je me plais à croire que sous la Lune, les âmes se découvrent sincères. Oh que oui, maudit soit le jour… sous la Lune, on ne peut tricher ! Et sous sa lumière, j'ai découvert chez mon maître… que sais-je ? Peut-être une tendresse ? Peut-être un mirage d'amitié ?
Je suis un enfant de la Lune. C'est sous la Lune que les cœurs pour moi se révèlent. C'est écrit. C'est ainsi que ça doit être. C'est pour ça aussi, que lorsque j'ai reçu son message, je ne me suis pas étonnée…
De nuit disait le message… de nuit et seule.
Je n'ai pas réfléchit. J'y suis simplement allée.
…..
A nouveau, je me suis adossée contre cet arbre attendant dans l'ombre, dissimulant mon cosmos à la perception des autres pour ce rendez-vous secret.
J'attendis sans savoir. Pourquoi ce rendez-vous ?
Puis elle arriva. Doucement et sans un bruit. Je la regardais s'avancer, cette femme qui portait ma perte au creux de sa main. Alors que Je la détaillais, je ne pus empêcher un soupir… La Déesse n'était pas là. Athéna avait perdu ce combat. Malgré tout, elle était si belle. L'air si fragile pour qui ne la connaissait pas. Un visage de porcelaine et des yeux immenses de poupées. Le corps tendu et si frêle qu'il se dessinait à la perfection sous chaque pas que sa robe faisait voler. Et soudain, je me sentis bien gauche, grossièrement taillée, moi la guerrière sous ma toge de guerrier. Elle avait les cheveux qui volaient gracieusement à la brise légère, les miens étaient figés, emprisonnés dans une tresse sévère. Elle avait les mains blanches et délicates, j'avais les mains rugueuses et la peau râpée. Arrêtons là la comparaison… il n'y a rien à comparer. Je suis un guerrier et elle… elle est une poupée. Il n'y a rien à comparer… Si un jour quelqu'un d'autre racontait cette histoire, elle aurait la place star. Je ne suis rien d'autre qu'une ombre, un personnage secondaire. C'est ma place… d'ailleurs, j'anticipe sur l'histoire, Lecteur Inconnu, mais c'est un rôle… que je lui ferais jouer. On parlera de la fantastique histoire de Saori et d'Athéna… mon second rôle, je vais moi-même y veiller….
Cette fois, elle ne s'attarda pas sur ce petit banc. Elle vint directement se planter devant moi. De toute sa hauteur, elle me narguait ouvertement. Nous avions la même taille, je n'ai pas baissé les yeux pour voir les siens briller. Et ils brillaient méchamment.
- Saori.
Je me contentais de la saluer d'une simple inclination de la tête. « Ne pose jamais un genou à terre face à ton égal » m'a dit un jour mon maître. J'obéis. Je ne suis pas face à une divinité.
Elle grimaça, me rendit mon salut de mauvaise grâce en rivant ses yeux dans les miens.
- Swann.
Elle me sourit ironique.
- Merci d'être venue.
- Je suis curieuse, répondis-je en faisant un geste vague de la main.
Son sourire s'accentua sans gêne.
- Tu ne vas pas le regretter, me promit-elle.
Je haussais les épaules, sceptique.
- Alors ? demandais-je. Que me veux-tu ?
- Comment se porte la vie au sanctuaire ? demanda-t-elle sans préambule.
Et pour le coup, je restais un instant coite. M'avait-elle vraiment fait venir pour me demander des nouvelles du sanctuaire ?
- Comment se porte ta vie japonaise ? sifflais-je rageusement. La vie au sanctuaire ? Tu le saurais si tu venais de temps en temps prendre des nouvelles de tes chevaliers.
Son regard brilla de victoire et elle a ri.
- Tu démarres toujours au quart de tour à ce que je constate.
Me voyant sur le point de protester, elle leva les mains devant elle en signe de paix, me faisant taire sur le coup.
- Je plaisantais, me dit-elle.
- Ton sens de l'humour est hilarant, répondis-je, acide. Ravie de te voir de si bonne humeur.
- D'ailleurs, comment pourrais-tu me donner des nouvelles du sanctuaire puisque tu as passé ces dernières semaines à Jamir ?
- Me voila donc surveillée ? notais-je amèrement. Bon à savoir.
- Tu ne pensais tout de même pas que j'allais te laisser aller à ta guise ? répliqua-t-elle d'un ton doucereux.
Je haussais les épaules, dégouttée. Non, je n'avais pas envisagé cette possibilité.
- Je me fatigue de ton petit jeu Saori, lui dis-je. Que me veux-tu exactement ?
Elle se retourna, me tourna le dos et s'éloigna de quelques pas. Intriguée, je la suivis. Elle s'arrêta devant le petit étang de la propriété et se retourna à nouveau pour me faire face, une lueur de défi dans les yeux.
- J'ai trouvé les jambières, me lança-t-elle fièrement.
Je m'efforçais de rester impassible et encaissais la nouvelle sans un mot, attendant la suite. Mais elle ne vint pas. Saori attendait patiemment ma réaction.
- Félicitation, finis-je par lâcher moqueusement. Tu m'excuseras de t'épargner la « standing ovation ».
Elle ne releva pas la moquerie.
- Où étaient-elles ? finis-je par demander.
Elle haussa les épaules, indifférente.
- Le sanctuaire de Déméter, répondit-elle.
Bon point pour Shion, songeais-je furtivement.
- Ce fut facile d'y accéder autant que de les prendre, continua-t-elle. Un vrai jeu d'enfant.
- Contente pour toi, répliquais-je. Mais cette victoire facile ne te fait pas gagner la guerre pour autant.
Elle approuva simplement d'un signe de tête, les yeux rivés sur l'étang.
- Je sais, se contenta-t-elle de répondre.
Puis d'un geste, elle se retourna, brusquement, rapidement, la main tendue dans ma direction, comme une invitation.
- Joins-toi à moi !
Je haussais un sourcil, incertaine d'avoir bien entendu.
- Je te demande pardon ? demandais-je.
- Joins-toi à moi, répéta-t-elle plus fort, le regard brûlant.
- Tu te moques de moi ?
- Non, répliqua-t-elle. Joins-toi à moi. Ta puissance et la mienne combinée peuvent mettre le monde à genoux. Ensemble, nous pouvons tout éviter définitivement.
Elle se rapprocha de moi et posa ses mains sur mes épaules comme pour donner plus de poids à ses paroles insensées. Je réprimais un geste de recul.
- Réfléchis Swann ! Réfléchis ! Imagine ce qu'on pourrait faire toi et moi. Imagine ! Plus de guerres, plus de massacres. Tu prendrais la tête de mes armées et…
- Et j'amènerais tes chevaliers à la mort par moi-même ! m'écriais-je. Saori, t'entends-tu seulement parler ?
- Non ! se défendit-elle. Tu ne comprends pas. C'est la seule manière de tout faire cesser une fois pour toute. Le monde sous une seule domination n'aura plus à souffrir le partage des Dieux égoïstes.
Je secouai vivement la tête. Comment ne voyait-elle pas qu'un tel plan était obligatoirement voué à l'échec ? Comment pouvait-elle, un seul instant, croire que les Dieux la laisseraient bien gentiment mener ses idées à bien ?
Je le lui dis, mais elle ne m'écouta pas. Perdue dans sa folie vengeresse, elle ne voulait croire que ce que bon lui semblait.
Les Dieux lui avaient-ils donc fait tant de mal pour qu'elle veuille se venger à ce point ? Je contrecarrai ses arguments et réduisis à néants ses plans sans qu'elle n'en tienne compte. Elle n'en démordait pas. Jusqu'à ce que je me fatigue d'argumenter dans le vide. Je lui fis face.
- Je ne te suivrais pas Saori. Tu ne cherches pas à m'avoir à tes côtés mais simplement à prouver aux yeux des Dieux la validité de tes ambitions en y enrôlant les enfants sacrés.
Elle écarquilla les yeux, surprise, puis son regard se fit haineux. Je levais la tête, hautaine.
- Pensais-tu vraiment m'avoir avec tes arguments ? Je ne suis pas stupide Saori et je sais le symbole que nous sommes aux yeux des Dieux.
- Vous n'êtes que des âmes esclaves, cracha-t-elle subitement.
- C'est vrai, répondis-je, masquant de mon mieux à quel point cette vérité me faisait mal. Esclaves, peut-être… mais pas les tiens, mets-toi ça dans la tête.
Des âmes guerrières et immortelles comme les nôtres étaient symboles de pouvoir pour les Dieux. Zeus avait fait là un don précieux à sa fille préférée lorsqu'il nous plaça définitivement sous ses ordres. De même que pour équilibrer la balance, il avait fait le même présent à son frère ténébreux. Mais cela, Athéna et Saori ne le savaient pas.
Elle me toisa d'un regard haineux puis se radoucit tout à coup. Elle s'assit le regard perdu dans le vague.
- Athéna t'aime beaucoup sais-tu ? dit-elle subitement. Vraiment, je ne comprends pas pourquoi.
Je restais un instant déconcertée par ce brusque changement de ton. Saori excellait vraiment dans l'art de souffler le chaud sur le froid.
- Sans doute parce que je lui ressemble, répondis-je finalement, un peu rêveuse. Je lui ressemble bien plus que toi.
Elle hocha la tête sans un mot, se perdant une minute dans un silence introspectif.
- L'aimes-tu ? reprit-elle finalement.
Il me fallut quelques secondes pour comprendre qu'elle faisait allusion à la Déesse.
- Je lui ai juré mon âme et ma vie, répondis-je dans un souffle.
Puis je me tournais vers elle et relevais la tête. Je la défiais du regard.
- Je ne la trahirais pas.
Et Saori me sourit… Par tous les Dieux que ce sourire me fit mal. Mal… tellement il était sincère. Finis les doubles-sens et les non-dits. Terminés les guerres froides. Saori me souriait simplement, affectueusement presque. Ses lèvres s'entrouvrirent dans un sourire complice.
- Je comprends, me dit-elle simplement. Chacune dans son camp et que la meilleure gagne. Aucune de nous deux ne baissera les armes, n'est-ce pas ?
Je secouais la tête doucement. Je lui rendis son sourire.
- Non.
Inutile de la faire changer d'avis. Inutile de chercher à la raisonner. Elle n'y était pas parvenue avec moi non plus. Chacune dans son camp et que la meilleure gagne. La guerre est donc déclarée, pensais-je amèrement.
« Drôle de guerre », devais-je songer à plusieurs reprises plus tard. Une guerre sans merci d'où nous ne sortirions pas indemne, ni elle, ni moi. Mais une guerre secrète où tous les coups seront permis. Une guerre que nul ne devait soupçonner.
Elle baissa la tête, vaincue. Et elle m'apparue alors si fragile sous le poids de sa destinée. Pourquoi avoir voulu me voir ? Pourquoi avoir voulu me parler ? Elle savait d'avance ma réponse pourtant. La solitude qui pesait sur ses épaules me sauta aux yeux, soudainement. Qui mieux qu'un ennemi pourrait la comprendre ? Qui mieux que sa Némésis, en cet instant, saurait l'écouter ?
Elle me tendit la main et murmura
- Bonne chance…
Je la pris et la serrais fortement.
Alors que je commençais à disparaître à la faveur de la nuit… alors que je m'éloignais d'elle doucement… elle se retourna brusquement dans un élan désespéré.
- Aurait-on pu être amies ?
Une pointe d'espoir transperça dans sa voix et je me retournais pour lui faire face. Je secouais doucement la tête de droite à gauche tandis que je m'éloignais de sa vue à reculons…
- Non…
Puis je murmurais, sans doute plus pour moi-même...
- Je suis désolée...
