Bonjour à tous et une fois de plus (ça devient une habitude^^), désolée pour ne pas avoir posté plus tôt, mais c'est une bonne nouvelle qui m'a retardé. Me voilà tante, pour la deuxième fois, depuis quelques jours. Un petit neveu ! Tout petit, tout mignon^^…
Merci à tout ceux qui me suivent. Alexandra, ton mp m'a bien fait rire, alors pour reprendre ton expression : carotte ou pas carotte ? ^^
Merci à Mayava et à Kotone no neko pour leur soutien !
J'espère que ce chapitre, un petit peu plus long que la normal répondra à certaines questions !
…
Le bal d'Aphrodite
La nuit de ma confession à Sorrente…
Il a réagi exactement de la manière que je craignais. Une pléiade d'expressions se sont dessinées sur son visage en quelques secondes : d'abord la stupéfaction, puis la soudaine compréhension de certains éléments passés, pour en finir avec la colère et le ressentiment. Colère envers moi pour ne pas lui en avoir parlé plus tôt et ressentiment, bien évidemment, envers Saori pour le rôle qu'elle avait choisi de lui faire jouer. Le rôle du voleur ! Le rôle du traître !
A l'instar de mes premières réactions, il me fallut user de toute ma force de persuasion pour le convaincre de ne pas se rendre séance tenante au Japon pour s'expliquer - de manière plutôt énergique - avec la réincarnation.
Shion avait immédiatement mis sur pied un rendez-vous diplomatique avec le sanctuaire de Déméter. Les convaincre de ne pas juger trop vite les apparences était sa priorité pour sauver la tête de Sorrente. Et surtout, Lecteur Inconnu, il fallait prendre les événements de vitesse avant que l'accusation ne soit portée en plus haut lieu, à savoir : le temple de Zeus.
Tu me diras Lecteur Inconnu, et effectivement ce serait logique, qu'il aurait sans doute été plus simple de dénoncer Saori devant le conseil des Dieux. Demander audience aux représentants du Dieu des Dieux et leur expliquer toute l'affaire… Oui, mais cela n'aurait fait qu'envenimer les choses car après tout, quelles preuves avions-nous ? Une prophétie ne peut se révéler être correcte ou fausse qu'une fois réalisée, jamais avant. Pour les événements présents, c'était la parole de Saori, réincarnation officielle et reconnue de la Déesse Athéna, fille chérie de Zeus, contre la mienne… Lecteur Inconnu, te rappelles-tu de mon statut officiel ? Un enfant sacré, une âme esclave des Dieux… l'enfant d'une titanide qui avait défié Zeus… En clair, pour les Dieux ma parole n'a pas la moindre valeur.
Mais pour que tu comprennes bien, poussons le scénario à son extrême.
Même si le Roi des Dieux m'aurait prêté une oreille attentive, que ce serait-il passé ? Saori mise hors d'état de nuire, que serait-il advenu de ses chevaliers ? Ils auraient été traités en paria. Certains, et c'est normal, auraient clamé l'innocence de leur Déesse alors que d'autres, peut-être, auraient douté. Ce schéma ne te rappelle-t-il rien ? Oui, Lecteur Inconnu, une autre guerre fratricide aurait fait son apparition. Et à cela, je refusais d'en être l'origine.
Je suis une enfant de la Lune… la nuit est mon royaume et l'ombre est ma meilleure traîne. En ne dévoilant jamais son jeu en public, Saori avait posé les règles et j'étais décidée à les suivre. De plus, c'est dans le noir qu'un coup bas possède une plus grande atteinte.
L'affaire avait trainé durant des mois. Shion attestait de la loyauté de Sorrente sans pouvoir fournir aux adeptes une explication satisfaisante. Finalement, il nous convoqua un jour pour nous soumettre une solution : le sanctuaire de Déméter demandait à Sorrente de se soumettre au jugement de la Vérité.
Pour t'expliquer cette pratique, Lecteur Inconnu, je vais faire un parallèle qui fera appel à tes souvenirs d'histoire.
Tu as sans doute entendu parler de la Sainte Inquisition ? L'inquisition avait pour habitude de soumettre les sorcières et sorciers à une épreuve divine pour déterminer si le diable était en eux. Ils plongeaient les malheureux dans l'eau durant plusieurs minutes. S'ils survivaient, c'étaient la preuve que le malin les possédait. S'ils mourraient, alors dieu leur avait pardonné. C'est absurde comme épreuve, je suis parfaitement d'accord, puisque dans tous les cas, le supplicié finissait par mourir.
Dans ce cas précis, l'épreuve imposée à Sorrente consistait à planter une graine de céréale qu'il devrait arroser de son sang. Si de cette graine naissait une plante couleur vermeil, alors la Déesse reconnaissait l'innocence du condamné. Le problème vois-tu, c'est que pour faire pousser une plante couleur vermeil, quelques gouttes de sang ne suffisent pas…
J'étais contre cette solution qui mettait en danger direct la vie de Sorrente malheureusement, il n'y avait pas d'autres alternatives pour mettre un terme final à cette affaire. L'épreuve était programmée pour le mois de juillet et nous étions début avril. Il fallait donc s'armer de patience. Je rongeais mon frein contre Saori, sans savoir qu'une nouvelle épreuve, et pas des moindres, m'attendait au tournant…
….
Un pas après l'autre… péniblement, voir même douloureusement, je tentais tant bien que mal de me maintenir debout. Je bandais mes muscles, serrais rageusement les poings. Toute mon énergie à ce moment même, était concentrée sur un point précis : marcher ! Je devais le faire. Il fallait que je le fasse. Au prix d'un précieux effort, je redressais la colonne vertébrale, relevais la tête, posais fièrement mes poings sur mes hanches… et je toisai avec haine celui qui me faisait face… et qui menaçait à tout instant d'éclater d'un éclat de rire sadique. Ce qu'il ne se priva pas de faire d'ailleurs…
- Aphrodite des Poissons, éructais-je avec rage, tu pourrais au moins me témoigner un peu de soutien !
Mon vis-à-vis sembla se calmer un peu et tendit ses bras juste à temps pour me rattraper alors que je perdais l'équilibre à nouveau. Je le regardais sévèrement et il eut le bon goût de rougir… légèrement. Derrière lui, Milo me tournait le dos, mais je pouvais aisément voir ses épaules s'élever et s'abaisser à cause du fou rire qui le secouait.
- Essaie encore, m'encouragea le Poisson. Enfin Swann, ce n'est pas la fin du monde. Ce sont juste des chaussures à talons.
- Des chaussures à talons « aiguille », le corrigeai-je rageusement.
- Elles ne sont pas bien hautes, remarqua-t-il. Je ne vois pas pourquoi tu as autant de mal à marcher avec.
- Oh désolée, répondis-je avec cynisme, c'est là une chose que, visiblement, mon maître a oublié de m'enseigner. Voilà ce que j'aurais dû lui dire : Maître, apprenez-moi à marcher avec des talons aiguille !
Milo éclata d'un fou rire sonore et sortit précipitamment de la pièce alors que je le fusillais du regard. Je titubais dangereusement vers la chaise la plus proche et m'y laissais tomber avec délice. Je croisais les jambes, croisais les bras sur mon torse et relevais un visage peu avenant vers le Suédois. Mon ami leva les bras devant lui en signe de paix et s'assit face à moi.
- Je t'écoute, me dit-il simplement.
Je pris une profonde inspiration. Je savais que ce n'était pas gagné d'avance…
- Je veux négocier des talons plats !
….
Quelle situation ridicule ! Lecteur Inconnu… tu te demandes sans doute comment en suis-je arriver là ? Pour être honnête, je me suis également posée la question au moment même où Aphrodite a débarqué chez moi, une robe de bal dans une main et les fameuses chaussures à talons aiguilles de l'autre…
Toute cette anecdote ne trouve de réponse qu'en trois mots : le bal d'Aphrodite. Aphrodite, la Déesse et non Aphrodite, l'incroyable chevalier sadique qui arguait en ce moment même qu'à vingt ans, une jeune femme se devait de savoir marcher – et danser – avec des talons.
Le bal d'Aphrodite…
Trois mots magiques et féeriques pour décrire mon actuel malheur…
J'ai dû patienter plus d'un an avant de voir s'entrevoir une nouvelle mission diplomatique, cette fois, dans le sanctuaire d'Aphrodite. Immédiatement, l'image des brassards de l'armure sacrée s'imposa à moi et avant que je n'eusse la possibilité de dire quoi que ce soit, Shion levait une main devant lui pour me faire taire.
- Il va de soi, me dit-il gentiment, que tu feras partie de cette expédition. D'ailleurs pour cette occasion spéciale, Dohko et moi nous y rendrons également.
- Une occasion spéciale ? demandais-je curieuse.
Il n'était pas dans les habitudes du Pope de se rendre en mission diplomatique. Il sourit.
- Tous les vingt-cinq ans, expliqua-t-il, au printemps, la Déesse Aphrodite donne un grand bal dans son sanctuaire et il est de coutume pour elle de convier certains représentants d'autres sanctuaires. Les chevaliers d'Athéna sont à l'honneur cette année ainsi que les marinas de Poséidon.
Pourquoi les marinas de Poséidon, te demandes-tu Lecteur Inconnu. Et bien, depuis la fin de la guerre, il se trouve que Poséidon, lui aussi, tendait aux autres sanctuaires, une main amicale et fraternelle. La réconciliation entre les deux Dieux avait été spectaculaire.
L'heure avait donc sonné. En plus du grand Pope et de Dohko, nous irions accompagnés de mon maître, bien évidemment, d'Aphrodite et de Kanon. Ce dernier ayant été marinas également puis finalement pardonné par Poséidon lors de cette fameuse réconciliation, il semblait logique qu'il soit présent.
J'avoue Lecteur Inconnu, que je tiquais sur le mot « bal », mais perdue dans mes pensées concernant les brassards, je n'y prêtais guère plus d'attention.
Mais quelques jours plus tard, alors que je partageais tranquillement un verre avec Milo, parlant de tout et de rien, et que je vis arriver comme une furie le chevalier des Poissons avec les bras chargés, je palis.
…..
Je ne réussis pas à négocier des talons plats, mais au moins des talons plus carrés. Après plusieurs jours de guerre intense, je m'estimais satisfaite.
Connaissant le goût imparable du chevalier des Poissons en matière d'élégance, Shion avait commis l'erreur de lui laisser les rennes en ce qui concernait la présentation des chevaliers pour ce fameux bal. Il nous fallait donner, en cette occasion spéciale, la meilleure impression possible.
C'est pour cela qu'Aphrodite avait fait, durant les premiers jours, de ma tenue, sa priorité. Puis il s'attaqua aux restes des chevaliers… et le Pope s'en mordit les doigts.
Lecteur Inconnu, je garderais longtemps en tête le souvenir du visage paniqué de Kanon, cherchant à se cacher à tout prix de son collègue. Le sanctuaire durant les semaines précédant ce fameux bal, devint un immense terrain de cache-cache avec, d'un côté Kanon, Dohko, Mû et même le grand Pope lui-même, et d'un autre, un chevalier des Poissons survolté courant derrière ces congénères en brandissant menaces et costumes-trois-pièces.
Mais si Aphrodite est entêté, il faut lui reconnaître un goût certain en matière d'habillement. S'occuper de Kanon, chevalier ô combien débraillé entre tous, ne fut pas une mince affaire et sans doute la plus grande victoire du monde de la mode.
Et s'occuper de moi… garçon manqué manquant de grâce par excellence… je te laisse imaginer. Je n'ai jamais été, Lecteur Inconnu tu le sais bien, fière de mon corps de femme que je cherche à camoufler en toute occasion. Mais, force m'est de l'avouer, lors de l'essayage final – robe et coiffure - lorsque je suis sortie de ma chambre et que j'ai vu dans les yeux de Camus, Milo et Sorrente, cette jolie lueur de stupéfaction… je me suis sentie fière pour la première fois. Et curieusement, Lecteur Inconnu, ma première pensée en me découvrant moi-même devant un miroir fut de me dire que si cet amour tant recherché existait vraiment alors… « Ainsi, je lui plairais surement. »
….
Le jour du grand départ arriva finalement. Sorrente déplorait de ne pouvoir nous accompagner. Sans doute aurait-il voulu m'appuyer dans ma recherche des brassards, mais n'étant pas encore blanchi de l'accusation lancée par les adeptes de Déméter, nous ne pouvions décemment pas l'emmener.
Je fermais les yeux de concert avec mes compagnons et me concentrais sur notre destination. Lorsque je les rouvris, je fus au premier abord… désappointée.
Le sanctuaire d'Aphrodite n'était pas ce que je m'étais imaginée. J'avais imaginé un lieu enchanteur, paradisiaque… ce n'était qu'un sanctuaire. Un sanctuaire comme les autres.
Ici, pas de colline, ni d'interminables marches d'escalier. Le sanctuaire s'étalait sur la longueur, alignant les temples en une série de trois cercles. Pour le cercle le plus à l'extérieur, les bâtisses des gardes. Pour celui du milieu, les maisons et temples de petite importance des gardiens « secondaires ». Puis pour finir, en rang serré et majestueux, les temples principaux des gardiens « premiers ». Il était indispensable de franchir tous ces obstacles pour parvenir à voir enfin la magie de ce lieu… le château d'Aphrodite. Et quel château, Lecteur Inconnu ! Un véritable palais de conte de fée. L'édifice, d'un blanc immaculé, surplombait des jardins dignes de Cendrillon. Et il y avait en son centre, quatre tours immenses ornées de sculptures représentant les quatre éléments primaires d'Aphrodite, à savoir : la fraternité, le désir, la passion et la beauté. Au milieu des jardins trônait une immense statue de la Déesse, nue, le regard envoûtant, une main tournée vers le ciel brandissant en signe de victoire, la pomme de la fameuse légende.
….
Une fois installés - tous dans le même bâtiment, excepté Shion qui bénéficiait du privilège d'être le représentant d'Athéna en profitant d'une luxueuse suite au sein même du palais – je décidais de me balader un peu pour découvrir le sanctuaire d'Aphrodite plus dans le détail. Kanon se joignit à moi et nous partîmes en excursion entre les trois cercles. En tant que chevaliers d'Athéna et invités officiels du grand bal, il nous était permis de nous déplacer librement, excepté dans le palais même où certaines pièces restaient closes.
Profitant du beau temps, nous avions décidé de nous aventurer dans les jardins, après avoir fait un détour par les arènes où, ce jour-là exceptionnellement, les gardiens ne s'entraînaient pas. Aphrodite avait beau ouvrir les portes de son sanctuaire à ses armées étrangères, elle n'en restait pas moins prudente. Hors de question pour elle de dévoiler les entraînements de ses troupes. Déçus, mais pas étonnés, nous nous étions rabattus sur les jardins.
J'aimais la compagnie de Kanon. Il était très drôle et ne manquait jamais de placer dans une phrase cette petite pointe d'humour qui vous faisait sourire immanquablement. Mais j'aimais aussi son côté sauvage et féroce. Kanon était un homme violent et je l'appréciais pour cela aussi. Comprends bien, Lecteur Inconnu, quand je parle de violence, je parle de son caractère, de sa manière d'être, de ce petit chaos qu'il avait dans la tête et qui égalait le mien. Je ne parle pas de violence physique – hors du combat, cela va de soi –. Kanon n'avait pas un tempérament querelleur et il ne levait jamais la main sur ses frères.
Le deuxième Gémeau me faisait plutôt penser à ces anges que l'on voit dans les vitraux anciens de certaines cathédrales. Ces anges que les artistes de l'époque représentaient en tenue de soldat romain. Kanon était ainsi. Un ange non-pacifique… mais un ange quand même… à sa manière.
Nous nous promenions, parlant de tout et de rien, admirant la beauté de ces splendides jardins, lorsque je la remarquais pour la seconde fois.
La première fois, lors des présentations protocolaires dans la salle du trône du palais, elle était légèrement en retrait derrière un pilier. Le corps courbé drapé dans une très grande cape de couleur rouge qui lui cachait même le visage, elle semblait se cacher. Tout dans son attitude indiquait qu'elle n'avait pas le droit de se trouver là. Je l'observais tandis que Shion et le Ministre d'Aphrodite se congratulaient mutuellement avec des phrases pompeuses et choisies.
Cette fois, elle se cachait derrière un arbre. Toujours le corps courbé, toujours la même grande cape. C'était curieux comme attitude. Elle se cachait sans vraiment prendre de précaution. Et je me fis la réflexion qu'en un sens, elle se cachait surement… mais à en juger son visage tourné dans ma direction, elle ne se cachait pas de moi.
Je n'eus pas le loisir de pousser la réflexion plus loin qu'un cri venu de notre gauche attira notre attention.
- Kanon !
C'était une exclamation amicale, de celle qu'on lance dans une foule lorsqu'on se retrouve face à un ami de longue date. Je tournais la tête et vis alors une jeune femme s'avancer vers nous dans un petit pas de course et faisant des signes de la main. Puis subitement, je sentis le bras de Kanon venir s'ancrer fermement autour de mes épaules alors qu'il répondait avec un accent de joie hypocrite qu'elle n'entendit pas.
- Thétis ! Quelle joie de te revoir ma jolie sirène.
Je réprimais un fou rire et interrogeais mon frère d'arme d'un signe de la tête, auquel il répondit par un regard assassin : « si tu me laisses seul avec elle, je te tue ! ». Je hochais la tête en me mordant la lèvre tandis qu'elle s'approchait. Galant, Kanon se fit un devoir de faire les présentations avant que la jeune demoiselle ne puisse ouvrir la bouche.
- Thétis, je te présente Swann de la Lune d'argent, dit-il en raffermissant sa prise sur mes épaules.
Je lui tendis la main, elle la serra. Dans un éclair de mémoire, je me remémorai qui était cette femme. Kanon m'en avait déjà parlé. Je décidais de m'amuser un peu de la situation.
- Tu es Thétis de la Néréide, n'est-ce pas ? demandais-je avec un grand sourire.
- Kanon nous a tellement parlé de toi, ajoutais-je malicieusement.
Un éclat de joie furtive parut dans ses yeux et un grand sourire se dessina sur son visage tandis qu'à mes côtés, mon infortuné compagnon se raidissait.
- Vraiment ? me demanda-t-elle, ravie.
- Vraiment, lui assurais-je.
Oui vraiment… « cette femme est vraie plaie » - « mais qu'ai-je bien pu faire aux Dieux pour qu'elle pose son regard sur moi ? » - « vous n'avez pas idée à quel point elle cuisine mal »-
Thétis posa un regard de pure adoration sur Kanon qui me planta en représailles les ongles dans le bras.
- J'ai aussi entendu parler de toi, Swann, me dit-elle d'un air condescendant. Tu es la nouvelle « petite sœur » des chevaliers d'or.
- Oh, mais Swann est bien plus qu'une petite sœur, affirma Kanon en me caressant doucement le bras.
Et le sourire de Thétis se figea un instant. Puis elle reprit la parole.
- Alors Kanon, voilà bien longtemps que je ne t'ai pas vu. Quoi de neuf dans ta vie ?
Il sourit faussement.
- Oh pas de grand-chose, répondit-il en faisant un vague geste de la main. Tu sais, la routine.
La tension de ce moment était palpable mais je m'en amusais… jusqu'à ce qu'il ajoute.
- Mais heureusement, la présence de Swann me rend le quotidien tellement plus… délectable.
- Je vois, ajouta Thétis en réussissant l'exploit de me sourire tout en me fusillant du regard. Il semblerait que tu ais trouvé chaussures à ton pied.
Je lui souris à mon tour.
- Je ne crois pas que Kanon soit l'homme d'une seule femme, même si celle-ci est une très bonne amie, dis-je en me désignant du doigt.
Puis avant que l'un de nous trois ne puisse ajouter quoi que ce soit, un second cri vint me sauver.
- Swann !
Je tournai la tête pour voir Aphrodite me faire signe de le rejoindre de la main. Sauvée par le Poisson, pensais-je. Je me dégageai de l'emprise de Kanon, m'approchais de Thétis pour lui serrer à nouveau la main. Je me penchais à son oreille.
- Je crois qu'il n'a jamais réussi à t'oublier, lui murmurais-je doucement.
Elle resserra son étreinte sur ma main dans un élan de joie et je m'éclipsais sous le regard furieux de Kanon. Voilà qui lui apprendra à être un homme à femme, pensais-je en riant tandis que je rejoignais Aphrodite.
Lecteur Inconnu, attends un peu avant de me juger et sache que Kanon et moi n'en étions pas à notre première « vacherie » mutuelle, que nous prenions tous les deux d'ailleurs, comme un jeu et qui renforçait notre amitié.
Une heure plus tard, dans ma chambre, mon ami finissait de me coiffer et mettait la dernière touche à mon maquillage.
- Tu es magnifique, me dit-il avec émotion. Et je ne suis pas peu fier du résultat.
- Tu peux bien être fier, vu que tu contemples ton œuvre, lui répondis-je amusée.
Il me prit par la main et m'amena au miroir de la salle de bain pour que je puisse me voir.
- Tadaaa ! lança-t-il théâtralement en allumant la lumière.
Lecteur Inconnu, pour cette fois, c'est moi qui restais bouche bée. Le maquillage était discret et léger, mais il rehaussait mon visage d'une jolie manière. Le chignon était légèrement lâche avec des mèches coiffées à l'anglaise qui retombaient souplement. Aphrodite avait choisi pour moi une robe bustier de couleur gris perle dont la jupe me tombait aux chevilles et fendu à mi-cuisse sur le côté, complété par un long foulard qui tombait sur mon dos.
Je me sentis comme une princesse de conte de fée. Pour être honnête avec toi, Lecteur Inconnu, si je n'avais pas eu plus quinze années d'entrainement pour savoir me maîtriser, j'aurais été capable de sauter d'excitation comme une petite fille. Et crois-moi qu'à ce moment précis, les quinze années ne furent pas de trop…
Je me regardais dans le miroir sous toutes les coutures et pour la première fois… je me plaisais.
Aphrodite me laissa un moment pour aller se préparer lui-même et je me mis en quête de la dernière touche à ma tenue, mes chaussures.
Je regardais dans le sac de voyage, dans la salle de bain, sous le lit… impossible de les trouver. Je retournais littéralement ma chambre sans pouvoir mettre la main dessus. A bout de patience, je sortie chercher Aphrodite. Dans le grand salon de la maison que nous partagions tous, je me trouvais nez à nez, assis sur le canapé à discuter, avec mon maître et Dohko. Mû me tournait le dos, mais lorsqu'il m'entendit, il se leva et se retourna… et je restais muette de stupéfaction.
A dire vrai, Lecteur Inconnu, nous restâmes muets tous les deux.
Mû portait un costume trois pièces gris anthracite. Jamais encore, je n'avais eu l'opportunité de le voir dans des vêtements différents que sa tunique d'entrainement, mais le costume lui allait à merveille. On aurait juré qu'il avait été taillé pour lui. Il avait coiffé ses longs cheveux en arrière, en queue de cheval, retenu par un ruban bordeaux sur sa nuque, ce qui lui donnait une allure d'aristocrate du siècle dernier.
- Swann, finit-il par me dire les yeux brillants. Tu es superbe !
Et je rougis sous le compliment. Je souris légèrement. J'allais lui répondre… je ne sais pas. Je ne savais pas trop quoi répondre, ni comment lui dire que lui aussi était superbe quand Aphrodite fit son entrée.
Un costume en queue de pie blanc, si étroit qu'il semblait peint à même la peau et les cheveux lâchés sur ses épaules… le chevalier des Poissons étaient à couper le souffle de beauté. Vraiment, il me sembla à ce moment même, que si la Déesse Aphrodite elle-même, avait pu descendre pour danser avec son homonyme, ils auraient formé un couple parfait.
Il jeta un regard satisfait sur ses pairs avant de se tourner vers moi.
- Mais Swann…, où sont tes chaussures ?
A ce moment-là et dans un parfait unisson, je vis mon maître et Dohko baisser les yeux sur mes pieds nus. Je rougis de plus belle.
- Je ne les trouve pas, répondis-je. Où les as-tu mises ?
- Je les ai trouvé, répondit une voix dans le couloir.
Avec un très mauvais pressentiment, je tournais la tête pour apercevoir mon ange belliqueux, adossé contre la porte de sa chambre… une paire de chaussure à talons aiguille dans les mains. Ses yeux flambaient d'une expression amusée que je ne compris que trop bien : vengeance !
Je n'ai pas su comment Kanon s'était procuré ces maudites chaussures (mais je reste persuadée qu'il avait prémédité son acte !), je ravalais une réplique cinglante – après tout, je l'avais bien cherché – pris les chaussures de ses mains et filais dans ma chambre pour les enfiler.
En prenant une profonde inspiration, je me mis debout, cherchais mon équilibre et sortis de la chambre avec toute la dignité que je possédais, priant intérieurement tous les Dieux de l'Olympe de ne pas me fouler une cheville avant la fin du bal… ou pire, de ne pas tomber en marchant !
Kanon s'avança vers moi à la sortie de la maison et dans un sourire… angélique comme lui seul savait les faire, il me tendit galamment son bras.
Je le pris avec le même sourire et me penchais pour lui murmurer :
- Je te jure que je me vengerais…
Son sourire s'accentua et nous nous mîmes en marche pour le palais.
Le bal était réussi en vérité. La salle était immense, illuminée par des gigantesques lustres en argent qui semblait tomber du ciel. Un orchestre placé sur une estrade régalait les oreilles des mélodies les plus romantiques. Au fond de la salle, en montant quelques marches, s'étendait un immense balcon de marbre formant un demi-cercle.
Le Pope, habillé d'un traditionnel et élégant costume de cérémonie pourpre nous attendait à l'entrée. Nous fîmes notre entrée au milieu des Marinas, déjà présent, et des gardiens et prêtres d'Aphrodite.
Nous nous séparâmes pour aller nous présenter de groupe en groupe. Salutation, poignée de main – les gardiens d'Aphrodite me baisaient galamment la main en s'inclinant – et phrases bien tournées. Je discutais avec un groupe lorsqu'une forme particulière capta mon attention sur un côté isolé de la salle, près de la porte principale. Une forme rouge…
La vieille femme des jardins.
Je m'excusais auprès de mes compagnons et me dirigeais vers elle.
Tapie derrière un pilier, elle ne fit aucun geste en me voyant arriver. Elle m'attendait. Au fur et à mesure que je me rapprochais, je m'aperçue que sa silhouette était trompeuse. Ce n'était pas du tout une vieille dame comme je l'avais supposé, mais une femme – une très belle femme, j'allais m'en apercevoir – à laquelle je donnais une trentaine d'années. Une fois que je fus face à elle, elle se redressa et dévoila une partie de son visage, le reste étant caché par la pénombre.
Je la dévisageais sans vraiment y parvenir mais avant que je ne puisse lui parler, elle tendit sa main vers moi et saisit la mienne. Elle me parla. Sa voix était grave et profonde. Je ne saurais décrire une telle voix. Je ne saurais décrire une telle femme. Pour le peu que je l'ai vu, la qualifier de belle, de superbe ou de magnifique, serait une insulte faite à sa beauté. Non, elle était tellement plus que ça…
Elle saisit ma main dans la sienne.
- As-tu trouvé ton étoile ? me demanda-t-elle en laissant son doigt errer dans ma paume.
Je restais muette, incapable de prononcer le moindre mot. Elle secoua la tête, amusée.
- Non, tu ne l'as pas encore trouvé, reprit-elle doucement. Mais tu la trouveras bientôt, fais-moi confiance.
Elle leva la tête et j'aperçue clairement ses yeux. Ces yeux… je ne les voyais pas pour la première fois.
- Vous êtes la gitane du marché, murmurais-je.
Elle sourit amusée. Elle hocha la tête.
- Pourquoi ? lui demandais-je dans un souffle.
- Parce qu'il y a bien longtemps, me répondit-elle en me caressant la main avec bienveillance, une âme, sur le fleuve du Styx m'a formulé une prière.
Elle pressa doucement ma main.
- Je ne fais que l'exaucer.
Elle me sourit tendrement, lâcha ma main puis disparut dans la pénombre du pilier. Je restais une seconde coite et contournais le pilier.
- Attendez… soufflais-je.
Mais il était trop tard. Derrière le pilier, je ne retrouvais à terre qu'une vieille cape rouge… Je me penchais pour la ramasser. Intriguée, je la portais contre mon cœur et sentis une douce aura m'envelopper. Je souris. Je comprenais…
Lecteur Inconnu, je venais de rencontrer la Déesse Aphrodite.
Je passais la partie suivante du bal dans un délicieux état second. Comme si mon esprit était empli de brouillard. Je me souviens du Pope qui me tendit la main pour la première danse, me guidant sur la piste où commençait à danser le Ministre d'Aphrodite en compagnie de ce que je supposais être une gardienne ou une prêtresse et de Sorrento de la Sirène Maléfique, général représentant des marinas de Poséidon avec Thétis. Je me laissais aller au son de la musique. Oubliées ces infernales chaussures qui se rappelleraient à moi bien assez tôt, perdue cette peur de trébucher, je me laissais simplement guider.
Une danse, puis une autre… je remplissais mon carnet de bal. Je reprenais doucement mes esprits après ma rencontre avec la Déesse. La danse se finissait, j'applaudissais de concert. Une personne me touchait doucement l'épaule, je me retournais, une main se tendait, un visage souriait. J'acceptais la main sans y prêter attention, me laissais guider une nouvelle fois. Je songeais à Camus qui avait passé des heures à m'apprendre à danser et je l'en remerciais silencieusement. J'émergeais doucement du brouillard et me rendit compte que je dansais à présent avec le Général en chef des troupes de Poséidon, Sorrento. C'était un homme délicat. Il menait la danse avec souplesse et douceur. Il souriait comme un ange, d'un sourire si tendre et si doux. Je regardais son visage et je me laissais guider dans un sourire.
La soirée continua, la danse se finit, je reprenais mes esprits et les chaussures se rappelèrent brusquement à moi. Soudain, j'avais mal aux pieds. Soudain j'avais chaud. Je baissais légèrement la tête dans un salut à l'intention de mon cavalier et me dirigeais d'un pas, le plus souple possible, en direction de la terrasse que je voyais déserte. L'air frais vint me claquer le visage et cela me fit du bien. J'avais totalement repris mes esprits à présent.
Regardant furtivement sur ma gauche puis sur ma droite pour m'assurer que personne ne se trouvait dans les parages, je m'adossais contre la rambarde de marbre puis dans un soupir extatique, j'ôtais mes chaussures.
Lecteur Inconnu, tu ne peux imaginer le bien que je ressentis à ce moment-là. Je poussais un soupir de soulagement et m'adossais pour admirer ma Mère Divine faire ressortir les jardins dans un superbe paysage fantasmagorique. Je profitais de la fraîcheur ambiante avec délice et je sentis soudain une présence derrière moi. Je me retournais lentement, je savais qui était derrière moi à ce moment précis.
Mon maître me regardait, amusé. Il vint s'adosser à la rambarde à mes côtés. Il resta un moment silencieux puis il se tourna vers moi.
- As-tu encore de la force pour accorder une danse à ton vieux maître ? me demanda-t-il dans un sourire.
Surprise, je hochais la tête avec plaisir et il tendit la main. Je glissais ma main dans la sienne. Il me conduisit au milieu de la terrasse.
- Ici ? lui demandais-je surprise.
- A moins que tu ne veuilles remettre tes chaussures, me répondit-il malicieux.
Je m'empourprais subitement. J'avais complètement oublié que j'étais pied-nus. Sans mes chaussures et face à mon maître, j'étais soudainement beaucoup plus petite que lui, mais qu'importe, je réprimais une envie de rire et secouais doucement la tête de droite à gauche.
- Non, lui dis-je. Ici, ce sera très bien.
Il sourit. La musique commença. Une valse. Il enroula sa main autour de ma taille, je posai la mienne sur son épaule et levai le regard vers lui.
Depuis quand mon maître savait-il danser ? fut la première question qui me passa par la tête.
Mais il savait, Lecteur Inconnu, il savait même très bien. Guidant mon corps d'une main de maître, il me faisait tournoyer au rythme de la musique. Puis je ne pensais plus à rien… je me laissais guider, simplement guider par cet homme qui aurait pu mener cette danse jusqu'en enfer…
Mon maître souriait doucement, les yeux ancrés dans mes yeux fermés. Dans la pénombre de ce balcon, à l'abri des regards, j'avais l'impression de flotter dans le ciel. La Lune éclairait notre danse d'un air complice, d'une lueur tendre, et nos ombres voltigeaient à nos côtés avec grâce.
Il n'y avait aucun autre endroit sur terre, Lecteur Inconnu, où je voulais me trouver en ce moment. Aucun endroit autre que sur ce balcon, à danser une valser à quatre temps dans les bras de mon maître. J'aurais voulu que cette danse ne prenne jamais fin.
Mû resserra sa prise sur ma taille et me fit tourner une fois de plus, puis, dans un élan, je décollais du sol. Mû m'avait prise par la taille de ses deux mains et me faisait tourner avec lui. Riant doucement, je posais mes mains en appui sur ses épaules tandis qu'il tournait en souriant. Et alors je l'ai vu…
Cet éclat dans les yeux de mon maître… ce magnifique et si doux éclat que j'avais déjà vu il y a quelques années déjà…
Cet éclat qu'il avait déjà eu alors que je l'avais emmené au Paradis Blanc et qu'il remerciait la Déesse de la Lune…
Lecteur Inconnu… cette nuit-là, il y a eu une danse…
Lecteur Inconnu… cette nuit-là, j'ai vu briller une étoile dans les yeux de mon maître…
Cette nuit-là, j'entendis la voix du chevalier des Poissons, et je compris cette phrase qui hantait mon subconscient depuis quelques mois…
- « Dis-moi petite sœur, n'aimes-tu pas ton maître ?... »
