Un chapitre un rien plus court que de normal mais j'espère qu'il vous plaira tout de même.
Bises à Mayava et Dreamplume pour leur soutien!
Combat avec moi… mais ne me protège pas !
Mû venait de me protéger de son corps…
Je mis quelques secondes à réaliser ce fait, mais la chaleur de ses bras qui me serraient fort contre son torse et son corps légèrement courbé en avant par protection ne laissait guère de place au doute.
Mû venait de me protéger de son corps !
Ébahie, et je dois bien l'avouer, encore sous le choc de cette constatation, je relevais la tête qu'il m'avait forcé à baisser et je la vis, ma jumelle noire. Elle était encore debout, furieuse de son échec. D'un geste rapide, retrouvant mes esprits, je me retournai et lui lançai une attaque qu'elle ne put esquiver. Elle s'évapora dans un manteau de brume.
Elle s'était évaporée dans la nature… Un simple geste, une seule attaque et elle s'était évaporée dans les airs sans laisser la moindre trace derrière elle. Comment cela était-il possible ?
Je lui avais lancé le mur de cristal et elle avait résisté. Comment une simple attaque avait-elle pu avoir raison de ma jumelle ? Une seule réponse possible me venait à l'esprit : courage, fuyons ! Elle s'était dissoute volontairement et cela n'était pas pour me rassurer.
Contre moi, me tenant toujours fermement serrée dans ses bras, Mû était tout aussi stupéfié.
Je n'eus pas le temps de le rassurer. Un bruit de pas se fit entendre et Sorrente apparu en courant devant nous. Rapidement, je me dégageai des bras de mon maître et sans un mot, je tendis la cuirasse à la Lune de Bronze. Il comprit et ne me questionna pas. Il partit simplement en avant pour remettre la cuirasse à ses légitimes protectrices.
Je restai sans bouger, Mû à mes côtés. Tout s'était passé si vite !
Ce ne fut qu'une fois la surprise passée, alors que je me tournai vers lui que je percutai vraiment…
Mû m'avait protégé ! Mû m'avait protégé de son corps. Il avait pris le coup à ma place et même si, Dieux merci, il n'était pas blessé, il avait inversé les rôles et cela, je ne pouvais simplement pas l'accepter. J'avais failli dans mon rôle d'Enfant Sacré. Un maître ne protège pas son disciple. Pas chez les Enfants Sacrés ! Je serrai les poings de rage.
A mes côtés, Mû commençait à s'interroger à son tour. Je l'entendis s'approcher de moi, je sentis ses mains entourer mes épaules et brusquement, je me retournai, baissai la tête en signe de soumission et portai le poing à mon torse comme un chevalier pris en faute. Je tentai de maîtriser une colère qui, dans le fond, était plus dirigée contre moi-même que contre lui.
- Maître, articulais-je difficilement, je me doute que vous devez avoir mille questions à me poser, mais pour l'amour des Dieux, permettez-moi d'y répondre plus tard.
- Y répondras-tu sincèrement ? me demanda-t-il simplement, visiblement blessé par la froideur de ma réaction. Ou mettras-tu ce temps à profit pour chercher un semblant d'explication ?
Je secouai la tête tristement. Ô combien j'aurais souhaité pouvoir lui mentir, l'éloigner de tout cela…
- Un retour en arrière n'est plus possible, murmurai-je. Et nous serons quatre à vous fournir cette explication.
- Dans le bureau de mon maître au sanctuaire…
J'acquiesçais simplement d'un signe de tête et m'en retournais rejoindre Sorrente auprès de Miryna.
…..
Cette nuit-là fut une nuit de victoire pour les amazones et les Enfants sacrés. La cuirasse n'avait pas été volée. Le plan de Saori avait échoué et nous avions un début de piste sur ses potentiels alliés. Oui, cette nuit de Daïtis fut une nuit de victoire… pourtant dans mon cœur, je ne pouvais en dire autant…
Pour moi, cette nuit fut un échec. Je n'avais pas su préserver mon maître du secret.
Surtout pas lui, par tous les Dieux, si j'avais pu choisir… n'importe qui, mais surtout pas lui.
Je sais mon Lecteur Inconnu…
Je sais que j'ai moi-même imploré le Pope, avant notre départ pour le sanctuaire d'Artémis, de mettre mon maître dans la confidence.
Je sais que j'ai moi-même demandé à ce que Mû nous accompagne aux Daïtis, tout en sachant très bien quels étaient les risques.
Je sais tout cela…
Mais maintenant, maintenant que je me retrouvais devant le fait accompli… je n'avais qu'une envie, celle de revenir en arrière. J'aurais voulu continuer à lui mentir pour le protéger.
…...
Nous marchions en silence, retournant à cette petite maison où nous attendaient les autres chevaliers. Sorrente n'était pas stupide. Il avait parfaitement compris que la présence de Mû, tout à l'heure à l'orée de la forêt, allait désormais changer la donne. Il avait compris qu'il nous faudrait désormais compter mon maître parmi les détenteurs du secret.
- Que vas-tu dire à ton maître ?
Je soupirais. Quel autre choix avais-je ? Les dés avaient été lancés…
- Nous lui dirons la vérité dès notre retour au sanctuaire, murmurais-je.
Il acquiesça sans mot dire.
Nous continuâmes à marcher en silence et alors que la petite maison commençait à se dessiner à notre vue, une silhouette, familière, sortie de la nuit elle aussi. Mû venait à notre rencontre.
Sorrente continua sa marche tandis que je m'arrêtais à quelques mètres de la maison. Mû me rejoignit.
- Je ne suis pas venu exiger des explications, me dit-il en devançant ma pensée et en m'entraînant quelques pas plus loin, hors de portée de vue de nos pairs.
A l'abri des regards indiscrets, son attitude changea et il me prit doucement la main.
- Swann… j'aimerais savoir ce qu'il se passe, mais j'attendrai. Tu m'as promis une explication sincère et je te fais confiance. Pour l'heure, ce que je voudrais connaitre… ce sont les raisons de ta colère… Qu'ai-je fais pour te blesser ?
Il n'avait pas compris la froideur de mon comportement à son égard quelques heures plus tôt. Il avait parfaitement senti mon ressentiment envers lui mais il ne comprenait pas pourquoi. Il avait besoin de comprendre. Je serrai les poings et baissai la tête. Au moins cela, je me devais de lui expliquer.
- Maitre comprenez-moi…
Je pris une profonde inspiration et posai un genou à terre devant lui.
- Vous m'avez protégé !
Soudain son visage changea.
- C'est donc cela, murmura-t-il, qui te perturbe tant.
- Un maître ne doit pas défendre son disciple, lui répondis-je en courbant la tête et en serrant les dents.
- Mais un homme peut …
- Non !
Je secouai obstinément la tête, refusant de relever les yeux pour le regarder, refusant de le laisser finir cette phrase.
- Pas vous… répondis-je. Pas moi.
Il se baissa pour être à ma hauteur et je consentis finalement à relever vers lui un visage froid et déterminé.
- Vous ne devez jamais me protéger ! lui annonçais-je durement.
Une ombre passa sur son visage. Je sentis mon cœur se serrer alors que je me relevais et m'éloignais de lui.
Je me doutais bien, qu'un jour, une situation de ce genre ferait son apparition. Une situation où le cœur de Mû ne serait plus capable de faire la différence entre l'amante et la disciple, mais pour son bien et surtout maintenant, je me devais de ne pas faire l'amalgame entre l'amant et le maître.
Saori… sa cible principale sera toujours moi, jamais lui
…...
De retour au sanctuaire le lendemain, Shion n'avait pas eu d'autre choix que celui de mettre son disciple dans la confidence. J'avais pu voir qu'il l'avait fait la mort dans l'âme. Comment aurait-il pu en être autrement ? Une partie de moi-même se sentait soulagée de ne plus avoir à mentir à mon maître, mais une autre, à l'instar du Pope, tremblait de le voir maintenant impliqué au sein d'une guerre clandestine et létale. Une guerre qui était et sera tout sauf loyale.
Ô combien j'ai maudis cet instant dans le bureau du Pope… Cet instant où, agenouillée face à Mû, les deux genoux à terre, les mains posées à plat devant moi, la tête baissée en soumission… je lui ai dévoilé la face cachée de Saori. Je n'avais pas choisi cette posture au hasard. C'était ma façon de lui demander pardon. Pardon de le mettre en danger en le mettant dans la confidence. Pardon de ne pas avoir su le soustraire à ce péril.
J'ai observé ses yeux se voiler d'une tristesse impénétrable à mesure que mes révélations se faisaient et je serrai les poings davantage. Je connaissais ce voile… Chacun d'entre nous et moi la première, avions vu ce voile descendre dans nos yeux et dans nos cœurs. Je sais… ça fait mal de se rendre compte que nous allions désormais avoir à nous défier de celle qui, dans nos cœurs, avait toujours été l'image de notre Déesse.
Pour cela aussi, pardon mon amour. Pardon de t'avoir brisé le cœur… Pardon d'avoir dû briser tes illusions.
Je restais à genoux en silence face à lui alors que, à leur tour, Shion, Dohko et Sorrente achevaient de briser le cœur de mon maître en lui ouvrant les yeux sur certains points, agrémentant mon histoire de leurs récits et accréditant mes dires par des détails d'atroce vérité.
Mû ne bougeait pas. Assis sur une chaise, les poings serrés, la mâchoire fermée, il encaissait simplement le choc de ces révélations sans mot dire.
Compatissant, Shion ne nous donna pas de mission immédiate, laissant à son disciple le temps de digérer sa déception. Mais il le retint à la fin de la réunion pour une discussion privée.
Une conversation qui devait se faire entre maître et disciple à huit clos. J'espérais que le Pope trouverait les mots pour mettre un peu de baume au cœur de son ancien apprenti.
C'est tout de même curieux, mon Lecteur Inconnu… Mû était le premier de nous cinq, quand on y repense, à apprendre la vérité de cette façon. Pour nous quatre, et chacun à notre manière, nous avions été impliqués dans cette histoire de force, mis devant les faits accomplis sans retour en arrière. Mû, pour sa part, n'était pas destiné à ouvrir les yeux. Il ne l'avait fait que par amour pour moi…
Le cœur lourd, nous sortîmes du bureau du Pope. Un regard de la part de Sorrente, et je sus que nous avions en tête la même idée. Nous devions discuter. Nous prîmes congés de Dohko et nous nous dirigeâmes vers notre petite maison en contrebas des temples.
…...
Cette idée me hantait depuis que je l'avais vue, ma jumelle noire. Elle me ressemblait en tout point, étant même allée jusqu'à duper Sorrente lors des Daïtis, l'empêchant de faire la différence entre son cosmos et le mien.
Laisser courir dans la nature mon parfait sosie n'était définitivement pas une bonne idée.
Certes elle s'était évaporée dans la brume après ma dernière attaque mais mon instinct me soufflait de ne pas m'y fier. Elle n'avait pas été vaincue. Elle avait été rappelée.
Nous devions également prendre en compte un autre fait important : nous ne savions pas où était le jumeau noir de Sorrente.
Poussons le scénario catastrophe à son extrême et imaginons qu'ils puissent avoir l'idée de se substituer à nous au Paradis Blanc. Prendre le casque ne serait alors pour eux qu'une simple formalité. Cette idée me terrorisait. Nous devions mettre le casque à l'abri. Nous devions mettre le casque hors de portée de nos doubles noirs. Et pour cela, une solution folle me venait à l'esprit : faire appel à nos frères pour sortir le casque du Paradis Blanc et le confier aux spectres. Il fallait à tout prix l'éloigner de Sorrente ou de moi.
Pour le moment, tous les indices pointaient en direction de Saori et d'Hécate, il n'y avait aucune raison pour qu'Hadès soit impliqué.
L'idée était risquée, je l'avoue, mais j'avais une confiance totale en Tristan et Virgo pour trouver une solution.
Cependant en attendant de pouvoir leur parler, mettre le casque en sécurité pour ces prochains jours était une priorité. Sorrente partit donc immédiatement pour le Paradis Blanc donner des instructions très précises aux prêtres. En aucun cas, ils ne devaient nous laisser, Sorrente ou moi, sortir le casque de l'enceinte sacrée. Et pour l'heure, tant que nous n'avions pas parlé avec nos frères, le casque devait être protégé jour et nuit.
Mais avant tout… avant tout, il fallait réunir plus d'informations sur ces doubles noirs.
Il fallait parler au Phoenix.
Il fallait parler avec Athéna.
Miryna avait raison… Déchue ou non, Hécate restait une Déesse. Nous ne pouvions la confronter directement et encore moins sans preuves tangibles.
…...
Une fois Sorrente partit, je tournai mon regard vers la maison du Bélier. La faible lumière que j'y discernais me fit comprendre que l'entretien entre Mû et Shion avait fini et que mon maître était de retour à son temple. J'hésitai un instant puis rassemblai mon courage et me dirigeai finalement vers Mû. Je le trouvai assis dans le salon, la tête entre les mains, digérant toutes les informations. Je m'arrêtai un instant pour l'observer. J'aurais pu lister les émotions par lesquelles passait son cœur en me basant sur ma propre expérience.
D'abord l'incrédulité, puis le déni suivi par la résignation et enfin la colère.
Oui, je connaissais ces différentes étapes. Je les avais vécues, moi aussi.
Je m'avançai lentement vers lui, il releva la tête et je vis dans ses yeux qu'il était perdu. Jamais encore, il ne m'avait été donné de voir dans les yeux de mon puissant maître un tel regard de détresse.
Il tenta un faible sourire.
- Lorsque j'ai commencé à me douter que tu me cachais quelque-chose, soupira-t-il, j'ai imaginé mille et un scénarii possibles…
Et sa tête retomba entre ses mains.
- Mais pas ça…
- Je sais, lui répondis-je faiblement.
Je m'avançais un peu plus et m'agenouillais face à lui. Je lui pris les mains entre les miennes. Il ressemblait presque à un enfant. Je portai doucement ses mains à mes lèvres et les embrassais tendrement. Je posai mon front sur ses mains.
- Pardonne-moi…
Je serrai ses mains davantage dans les miennes.
- Pardonne-moi de t'avoir caché la vérité. Pardonne-moi de t'avoir embarqué là-dedans.
Il releva la tête à nouveau sous le coup de la surprise. Jamais encore, malgré notre relation, je ne m'étais permis de le tutoyer.
- Je comprends pourquoi tu as menti.
- J'aurais tant voulu ne pas ouvrir tes yeux. J'aurais tant voulu te garder dans l'innocence… et en sécurité…
Il sourit doucement.
- Swann… me dit-il en me relevant la tête, je ne suis pas un enfant. Laisse-moi être à tes côtés.
J'acquiesçai imperceptiblement d'un signe de tête mais ne pus empêcher mon corps de trembler.
- Mû, lui murmurais-je tendrement. Je refuse que tu sois blessé par ma faute. Cette guerre n'est pas la tienne.
Et voyant qu'il s'apprêtait à rétorquer, je l'arrêtais d'un signe de la main.
- Pas directement.
Je me rapprochais de lui, passai une main derrière sa tête et posai mon front contre le sien.
- Oublie, continuai-je. Oublie l'Athéna que tu connais. Saori ne lui ressemble pas. Elle n'hésitera pas à te prendre pour cible si elle pense pouvoir m'affaiblir à travers toi.
Puis je murmurai douloureusement.
- Je te rappelle qu'elle l'a déjà fait…
Je le sentis acquiescer à contrecœur.
- Comment puis-je t'aider alors ?
- Combat avec moi dans l'ombre. Tu me seras un allié précieux.
- Combattre contre ma propre Déesse… murmura-t-il soudain effrayé.
- Non !
Avec force, je lui relevais le visage et le forçai à me regarder.
- Non ! répétais-je. Tu ne combats pas contre Athéna mais avec elle. Pour elle. Je sais que c'est difficile mais tu dois te forcer à dissocier l'image d'Athéna de celle de Saori.
Je me libérai une main de son emprise pour ôter mon collier et le glisser dans le creux de sa paume.
- Athéna est de notre côté… lui-dis-je en lui refermant la main sur le bijou.
Il resta un moment les yeux fixés sur sa main puis je sentis son poing serrer avec force le pendentif. Il poussa un soupir et sourit douloureusement en relevant ses yeux sur moi.
- Je savais que c'était un cadeau divin.
Puis levant les yeux au ciel, il ajouta :
- Et je savais que ce n'était pas un bon signe…
