Merci beaucoup à Sylnor pour avoir pris le temps de me laisser un commentaire. J'espère que la suite te plaira.
Le plan d'Athéna
Le sourire carnassier d'Hécate fut plus qu'éloquent.
Les deux Déesses s'étaient à présent éloignées de nous. Nous n'entendions plus leur conversation mais je sentais qu'Athéna avait clairement prit l'avantage dans ces négociations.
Quant à Hécate, je la sentais moins inquiète. Athéna avait dû la rassurer d'une manière ou d'une autre. Peut-être lui avait-elle fait une promesse, je ne savais pas. Mais quoi qu'il en soit, cette partie-là de l'histoire ne nous concernait pas. Seuls les Dieux peuvent parlementer entre eux. Nous n'étions que de simples intermédiaires et notre rôle était fini… en ce qui concernait la Déesse Hécate du moins.
Après quelques minutes à discuter entre elles, Hécate se tourna vers nous et je ne pus m'empêcher de remarquer que même son aspect semblait alors différent. La Déesse paraissait apaisée. D'un rapide signe de tête, elle nous salua puis disparue dans la brume.
Nous restâmes seuls avec Athéna.
Je commençai à m'inquiéter. Je me souvenais que lors de notre dernière conversation, Athéna m'avait clairement expliqué qu'elle ne pouvait pas prendre le risque de se montrer dans la réalité à cause de Saori.
- Altesse, demandai-je. Saori ne risque-t'elle pas de sentir votre cosmos ?
- Sois sans crainte, me répondit-elle. Nous sommes suffisamment éloignés pour qu'elle ne se doute de rien. Le vrai risque serait de me montrer au sanctuaire.
Rassurée, je n'ajoutais rien.
La Déesse resta un instant silencieuse, comme préoccupée. Puis elle me demanda :
- Tu as tendu un piège à ton Doppelgänger au sanctuaire des amazones, n'est-ce pas ?
J'acquiesçai d'un mouvement de tête. J'aurai dû m'en sentir fière… cependant, quelque chose dans la voix de la Déesse trahissait un certain agacement.
- Oui Altesse. Nous avons manœuvré avec la reine pour diminuer la garde autour de la cuirasse et permettre ainsi à mon double d'opérer sans être inquiétée. C'était le seul moyen pour nous d'identifier les alliés de Saori.
Athéna ne dit rien, se contentant d'écouter mes explications, hochant la tête pour me signifier qu'elle m'avait entendu. Elle resta quelques secondes en réflexion.
- Donc, reprit-elle finalement, Saori n'est pas entrée en possession de la cuirasse… ?
Je pâlis soudain.
Non, Saori n'était pas entrée en possession de la cuirasse. Et c'était là l'inverse total des ordres qu'Athéna m'avait donnés quelques mois auparavant. Ne pas combattre les alliés de Saori… Ne pas entraver ses plans… Lui laisser croire qu'elle avait gagné…
Démasquer les alliés, oui. Empêcher le vol… non !
J'aurais dû laisser ma jumelle noire partir avec la cuirasse, quitte à affronter le courroux de Miryna par la suite.
Je sentis une boule étreindre ma gorge. Perdue dans mon désir de justice, j'avais complètement oublié cette partie du plan.
Calmement, la Déesse se tourna vers mon maître.
- Mû, retourne au sanctuaire. Je dois parler avec Swann.
Surpris et même s'il était clairement réticent, mon maître n'eut d'autre choix que d'obéir. Une fois seules, Athéna se dirigea vers moi. Je restais, un genou à terre, le visage baissé en signe de respect et je frémis. Je craignais les reproches que la Déesse ne manquerait pas me faire. A juste titre… j'avais failli à ma tâche. La sentant alors se rapprocher de moi, je posai les deux genoux à terre, posai mes mains tendues sur le sol et courbai davantage la tête.
- Altesse, murmurai-je. Je vous demande pardon. Je vous ai déçue. J'ai manqué à ma tâche.
Je restai sans rien dire, attendant son verdict, mais il ne vint pas. Athéna semblait muette.
Je sursautai soudain en sentant la main de la Déesse se poser sur mon épaule et en l'entendant murmurer dans un soupir :
- Swann… vraiment je suis désolée…
Surprise, je relevai brusquement la tête.
Athéna, penchée sur moi, me regardait avec des yeux dans lesquels je pus lire toute sa tendresse, toute sa bonté mais aussi une indéniable tristesse.
Elle m'exposa alors son plan…
…
Mon lecteur Inconnu… je crois que c'est à partir de cette discussion avec Athéna que j'ai compris pour la première fois une chose essentielle. Une chose que je n'avais encore jamais vraiment saisie totalement avant ça. Je crois que c'est à partir de cette discussion que j'ai compris quel serait le dénouement de cette guerre entre Saori et moi. Et ce jour-là, j'ai compris que je n'en sortirai pas vivante…
….
De retour au sanctuaire, je me dirigeai directement dans le bureau du Pope où je savais être attendue.
Du plan de ma Déesse, pour le moment mon Lecteur Inconnu, je ne t'en parlerai pas. Tu finis par me connaitre un peu, n'est-ce pas ? J'aime ménager mon suspens et mes effets de surprise. Et puis franchement, de toi à moi, quel goût auraient ces mémoires si je te dévoilais tout en une seule page ?
La discussion fut longue ce soir-là. Je leur exposais le plan d'Athéna.
Les Doppelgängers des chevaliers allaient être détruits. Athéna avait réussi à convaincre Hécate de faire marche arrière. Seuls les nôtres, celui de Sorrente et le mien, resteraient pour permettre à Saori de dérober la cuirasse au sanctuaire des amazones. Il nous fallait en avertir Miryna au plus vite. Qu'elle ne s'oppose pas au vol. Après quoi nos doubles noirs disparaîtraient également.
Je n'en avais rien su mais Athéna m'avait appris que Saori était déjà entrée en possession des brassards. Il semblerait que quel que soit le Doppelgänger responsable de ce vol, il s'était montré plus discret que les autres.
Sachant que Saori allait forcément être mise au courant de la disparition des doubles noirs, Athéna avait fait en sorte qu'un seul nom ressorte à ses oreilles, le mien. Il ne fallait, en aucun cas, mêler le nom de Mû à tout ça. En entendant cela, mon maître pâlit. Saori chercherait à se venger et Mû le savait très bien. Mais c'était ainsi que les choses devaient se passer. Depuis le départ, les choses avaient été très claires.
« Combats avec moi dans l'ombre… » lui avais-je dis. Je pense qu'il ne mesurait pas la portée de ces mots à ce moment-là.
…
Nous restâmes plusieurs semaines dans l'expectative du résultat de nos actions. Je m'attendais à tout moment à recevoir un message de la part de Saori me demandant de la rejoindre dans sa villa au Japon pour l'un de nos rendez-vous secrets comme par le passé. Mais il n'en fut rien. Je me rongeais les sangs à attendre de voir quel serait son prochain coup et Mû, bien qu'il ne me dit rien, angoissait à mes côtés.
Il vivait mal le fait de me savoir exposée à la rancœur de Saori.
Il avait vécu sa rencontre avec la Déesse Athéna comme un véritable miracle. Le fait d'avoir pu la voir et d'avoir pu l'entendre sans l'intermédiaire d'un corps mortel avait été pour lui le renforcement de sa détermination à contrer Saori. Comme nous tous, il lui gardait la rancœur de cette bataille clandestine. Trois guerres s'étaient écoulé… trois guerres à présent finies et elle risquait d'en déclencher une quatrième.
Seule une missive de Miryna nous appris quelque temps plus tard que, conforme à nos prédictions, la cuirasse avait été volée. La reine était inquiète. Elle n'avait pas cherché à empêcher ce vol, fidèle à nos instructions, mais elle n'approuvait pas pour autant. Cela dit, la Déesse Artémis avait dû, elle aussi, donner sa bénédiction à ce vol, sans quoi Miryna n'aurait jamais laissé commettre un tel acte.
Je poussai un soupir de soulagement. A présent que Saori avait obtenu ce qu'elle voulait, les Doppelgängers des enfants sacrés allaient être détruits à leur tour à son insu. Enfin les choses allaient commencer à bouger.
Je reprenais courage. Cette guerre évoluait si lentement...
Je n'aime pas l'attente, mon Lecteur Inconnu. Je suis impulsive, tu le sais bien.
Nous étions tous d'accord sur un point. Le prochain coup de Saori ne pouvait être que le Paradis Blanc. Techniquement, le bouclier lui appartenait déjà puisqu'elle en était la gardienne.
Cependant, les choses n'évoluèrent pas aussi rapidement que Shion, Dohko, Mû, Sorrente et moi-même l'avions prévu. Saori ne pouvait ignorer la destruction de ces doubles noirs. Et elle ne pouvait ignorer non plus qui en était la cause. De toute évidence, elle prenait son temps pour me répondre.
La réponse fut à la hauteur de notre attente…
Les semaines passèrent sans que nous n'ayons aucune nouvelle de la réincarnation puis un beau jour, le grand Pope nous convoqua d'urgence dans son bureau pour nous apprendre une nouvelle pour le moins surprenante.
- Je viens de recevoir un message de Saori, nous dit-il. J'en ferai part à tous les chevaliers cet après-midi mais je tenais à vous en informer avant.
Assis sur nos chaises, aucun de nous quatre n'osa prononcer le moindre mot. Nous attendions fébrilement que le Pope nous fasse part des dernières nouvelles avec un étrange sentiment de soulagement. Enfin… les choses commençaient à bouger !
- Saori va venir au sanctuaire…
Il marqua un temps de pause étrangement long.
- Et donc… ? l'encouragea Dohko.
- C'est tout. Le message ne donne pas plus de précisions. Elle se contente de m'annoncer sa venue pour dans deux jours.
Un soupir de frustration s'échappa de toutes les lèvres. Saori gardait ses cartes en réserve. Sa venue au sanctuaire ne pouvait certainement pas être anodine.
- Grand Pope, demanda soudainement Sorrente, il est déjà arrivé plusieurs fois que Saori nous rende visite, mais ne vous annonce-t-elle pas en général le but de sa visite ?
- Effectivement Sorrente. Ce détail m'a également intrigué lorsque j'ai reçu son message.
Il s'interrompit un instant, pensif.
- Normalement Saori m'explique le but de sa venue. Rendre visite aux chevaliers par exemple, ou vérifier le bon fonctionnement du sanctuaire… Mais ce message était plutôt froid et impersonnel. Ce n'est pas son genre.
Et cela ne présageait rien de bon. Saori devait commencer à se méfier du Pope.
Deux jours plus tard, elle arriva au sanctuaire.
Conformément au protocole que je t'ai déjà expliqué, elle entama sa montée des marches, passant par chaque temple pour faire honneur à ses chevaliers d'or. Ce jour-là, Sorrente et moi l'attendîmes à l'entrée même du sanctuaire pour effectuer la montée des marches avec elle. Après tout, nous étions nous-même des chevaliers d'or, nous n'avions simplement pas de maison à notre signe.
Je te laisse imaginer, mon Lecteur Inconnu, le degré d'hypocrisie de cette scène.
Revêtus de nos armures, un genou à terre, le front courbé en respect, Sorrente et moi attendions que la réincarnation s'avance vers nous. Dans cette position, elle ne put voir nos mâchoires serrées de colère, ni les jointures de nos mains blanchies à force de serrer les poings.
Lors de nos rencontres secrètes au Japon, j'avais refusé de m'agenouiller face à elle et voilà qu'elle se dirigeait vers moi, me toisant de toute sa hauteur. Sa jubilation était visible à mes yeux.
Avec une apparente bienveillance, elle s'approcha de nous, posa sa main sur notre front, nous dit quelques paroles aimables. Je courbai le front, remerciai la « Déesse » de sa gentillesse à mon égard. Pour des yeux extérieurs, ce n'était rien de plus qu'une émouvante image d'une Déesse et de son fidèle chevalier.
Puis elle entama sa montée des marches…
Mû et Dohko furent parfaits dans leur rôle de protecteurs dorés, ainsi que Shion dans celui du grand Pope qui accueille à bras ouverts sa divinité bien-aimée.
Elle s'entretint avec le Pope du bon fonctionnement du sanctuaire, eut une parole aimable pour chacun des chevaliers. Elle aussi, fut parfaite dans son rôle.
Saori convoqua les chevaliers d'or cet après-midi-là. La première chose que je remarquai lorsqu'elle se présenta face à nous pour prendre place sur son trône fut la présence de Shaina à ses côtés. Cela défiait le protocole du sanctuaire. Un chevalier d'argent n'avait pas sa place dans une réunion de chevaliers d'or, cependant elle semblait ne pas s'en soucier. Fière et hautaine, la serpentaire trônait elle aussi, debout à quelques pas en retrait de sa divinité. Une fois installée, la réincarnation nous fit signe de nous relever, puis prit enfin la parole pour nous révéler le but de sa visite.
- Comme vous le savez, commença-t-elle, depuis la fin de la guerre notre sanctuaire s'efforce de tendre une main bienveillante et amicale aux autres divinités. J'ai envoyé la plupart d'entre vous en mission spéciale dans ce noble but.
Nous acquiesçâmes en silence. Dans ma tête, je faisais la liste :
Le sanctuaire d'Artémis = la cuirasse
Le sanctuaire d'Aphrodite = les brassards
Le sanctuaire de Déméter = les jambières
Les autres missions auprès des autres Dieux n'avaient été que de la poudre aux yeux pour détourner les soupçons. Ses soi-disant « missions diplomatiques » n'avaient eu pour autre but que de dérober les parties de Dynamis.
Le bouclier étant déjà au sanctuaire d'Athéna, j'étais impatiente de voir comment la réincarnation allait s'y prendre pour pénétrer le Paradis Blanc… surtout maintenant qu'elle n'avait plus ses doppelgängers pour lui prêter main forte. La Déesse de la Lune n'est pas une Déesse guerrière, ni même une Déesse active à proprement parler parmi les Dieux. Ses enfants étant déjà au service d'Athéna, rien ne pouvait justifier une mission diplomatique auprès de Séléné.
Je brûlais d'impatience de connaître la raison qu'elle allait avancer tout en jubilant intérieurement de sa futur déconfiture. Quoi qu'elle choisisse d'entreprendre, le casque n'était plus au Paradis Blanc.
- Cependant, continuait-elle, pour la prochaine mission, j'ai choisi de m'y rendre moi-même…
Nous y voilà, pensais-je.
- … car je souhaite faire honneur à mon père.
Le souffle me manqua pendant un instant. Visiblement, je ne fus pas la seule surprise par cette révélation.
- Altesse, intervint Shion. Projetez-vous une mission diplomatique auprès du sanctuaire de Zeus ?
Saori eut un léger rire, telle une actrice qui connait parfaitement son rôle.
- Pas une mission diplomatique grand Pope, répondit-elle en souriant. Je dirais plutôt une visite de courtoisie.
Puis elle se tourna vers nous.
- C'est pourquoi je ne sollicite pas votre présence. M'entourer d'une armée de chevaliers pour aller rendre visite au Dieu des Dieux, mon père bien aimé, n'est pas nécessaire et serait inapproprié.
- Altesse, insista Shion. Pardonnez-moi mais une Déesse de votre rang se doit d'être escortée.
D'un geste de la main, elle l'arrêta dans sa lancée.
- Shaina m'accompagnera lors de ce déplacement.
Elle souriait avec bonté, et nous pouvions sentir la chaleur de son cosmos caresser nos âmes. Cependant ne nous voilons pas la face, c'était là une véritable insulte que Saori venait de faire à ses chevaliers d'or. Préférer la protection d'un chevalier d'argent à celle d'un chevalier d'or… Derrière elle, le chevalier du serpentaire en rayonnait d'arrogance.
Shion était pieds et poings liés. Il ne pouvait pas contredire un ordre de la réincarnation et insister n'aurait fait qu'attiser la méfiance que Saori lui témoignait déjà.
Dans ma tête, mon cerveau avait déjà fait le calcul. Une fois au sanctuaire de Zeus, Saori chercherait à s'emparer de l'épée, mais n'ayant plus les chevaliers noirs à sa disposition, elle enverrait Shaina. Et si Shaina échouait et était découverte, ce serait alors le début d'une guerre terrible. Zeus n'est pas un Dieu particulièrement connu pour sa clémence…
D'un seul élan, je m'avançai subitement en direction du trône et posai un genou à terre face à Saori.
- Altesse, permettez-moi d'insister. Un chevalier d'argent ne peut, selon votre propre protocole, escorter notre Déesse bien-aimée dans un déplacement quel qu'il soit.
« notre Déesse bien-aimée »… Tu n'imagines pas, mon Lecteur Inconnu, à quel point ces quelques mots me brûlèrent l'orgueil…
- La Déesse des Hommes se doit d'être accompagnée par l'élite de sa chevalerie. Cependant, si vous ne souhaitez pas vous entourer d'une grande armée…
- Je t'écoute Swann, m'encouragea-t-elle dans un sourire. Quelle solution me proposes-tu ?
- Permettez-moi alors de vous faire escorte. Moi et moi seule.
Son sourire s'accentua à cette dernière phrase et j'eus soudain la très désagréable impression que c'était là exactement ce qu'elle voulait.
- Accordé, me concéda-t-elle. Nous partirons donc ensemble, entre filles, rien que toi et moi.
Mon impression se renforça.
- Grand-Pope, demanda ensuite Saori en se tournant vers lui. Cela vous rassure-t-il ? Je partirai avec le chevalier de la Lune d'argent.
Puis elle me fit signe de me relever et descendit de son trône pour venir se placer face à moi. Elle leva une main vers mon visage et me caressa tendrement la joue, l'air bienveillant, les yeux remplis de tendresse et de fierté.
- L'élite de ma chevalerie, répéta-t-elle.
Je regrettais déjà mon impulsion alors que je sentais le piège se refermer sur moi.
J'ai toujours été impulsive… foutue impulsivité !
