Bonjour,
Nouveau chapitre comme promis (et dans les temps!). La dernière partie de l'histoire commence et la vie de Swann va prendre un virage radical. J'espère que ça vous plaira, n'hésitez pas à me donner vos avis en commentaires.
Merci à Sylnora et à LoveofmylifeHalsey pour leur message !
Bonne lecture !
Damnatio Memoriae
La Damnatio Memoriae, mon Lecteur Inconnu, est considérée comme étant le pire de tous les châtiments. Pratiquée depuis l'époque antique, à Rome, en Egypte et, bien sûr, en Grèce, cette punition consiste à faire disparaître de l'Histoire toute trace de la vie d'une personne. Aucun document, nulle part, ne mentionne votre nom. Votre existence toute entière est rayée de la carte. Vous n'existez plus… vous n'avez jamais existé.
Pourquoi je te parle de ce terrible châtiment, mon Lecteur Inconnu… Vraiment n'en as-tu aucune idée ?
….
Aussitôt après être parties du temple de Zeus, Saori m'a emmené directement au Japon. Je m'y attendais. Elle ne pouvait pas prétendre récupérer l'épée au sanctuaire.
Certes, j'aurais pu refuser de lui la donner, cette l'épée, et mettre ainsi fin à cette guerre. Mais Trinlay m'avait fait prendre conscience que les enjeux, en réalité, allaient bien plus loin qu'un simple vol ou que le fait de vouloir récréer une armure millénaire. Et soyons honnête mon Lecteur Inconnu, Saori n'en restait pas moins la réincarnation de la Déesse de la guerre. Elle avait largement le pouvoir de me contraindre par la force si nécessaire.
Dépassé le stade de maîtresse du monde, c'était de soumission dont il était à présent question. Saori l'ignorait, mais l'enjeu dorénavant… c'était elle. Le débat mystique qui consiste à savoir si l'on doit toujours courber le front face à un Dieu…
Mon Lecteur Inconnu, j'ai beaucoup repensé par la suite à cette question… Certes, je le confesse, la profonde antipathie ainsi que plusieurs fortes rancunes accumulées contre Saori ne m'aidaient pas à rester objective. Mais crois-le ou non, lorsque je me forçais à faire abstraction de sa personne et que je parvenais à considérer la seule problématique, je me surprenais alors à éprouver une sorte d'indulgence envers elle. Dans le fond peut-être était-ce simplement Athéna qui, au moment de choisir sa future réincarnation, avait fait le mauvais choix. Saori n'acceptait plus de courber le front. Et dans un sens, je pouvais la comprendre. Mais elle serait punie pour avoir voulu relever la tête. Les Dieux sont orgueilleux, mon lecteur Inconnu… les Dieux ne pardonnent pas.
Et lorsque je lui ai tendu cette épée, j'aurais presque voulu la mettre en garde. M'aurait-elle seulement écouté ? J'avais déjà essayé de la prévenir par le passé. En vain. Elle avait trop de rancune elle aussi. A présent, lui aurait-il été seulement possible de faire marche arrière ? Pour être honnête, je ne crois pas. Pas plus que je ne le pouvais moi non plus à cet instant-là. Il y avait à présent trop d'équations à prendre en compte dans la balance, trop de vies en jeu… Alors je n'ai rien dit. J'ai tendu l'épée. J'ai juste tendu l'épée…
- Pourquoi es-tu devenue mon ennemie Swann, l'entendis-je soupirer soudain.
- Parce que tu m'as créée Saori. Si tu étais restée Athéna… je serais restée ton chevalier.
…..
L'une après l'autre, interminablement, je monte les marches qui mènent au treizième temple et à mon destin. Le sanctuaire me semble vide aujourd'hui et je ne croise aucune âme qui vive le long de mon ascension. Sorrente m'attend en haut des marches, juste après le temple des Poissons. Nous ferons le reste du chemin ensemble. Je soupire profondément. Athéna m'avait prévenue que ce jour arriverait et je crois que j'ai pris la bonne décision. Seul le temps pourra me confirmer si la phase finale de notre plan fonctionnera.
…..
Sitôt repartie du Japon, je suis allée directement au Cap Sounion. Je suis allée parler avec Athéna. J'avais un plan précis en tête à lui soumettre.
Puisque cette guerre était en deux dimensions, puisque les autres Dieux ne voulaient pas s'en mêler… alors qu'ils ne s'en mêlent pas. A partir de maintenant, Saori allait logiquement suivre son plan, à savoir « découvrir » les vols des autres artefacts et accuser les enfants sacrés. Je voulais lui couper l'herbe sous le pied. Je priai donc Athéna d'intervenir auprès d'Artémis, d'Aphrodite et de Déméter pour qu'elles nient avoir été victimes de vol. Sans plaintes, Saori n'aurait plus aucune excuse pour nous destituer et pour exiger le retour du casque.
De plus, personne ne m'ayant vu voler l'épée au sanctuaire de Zeus, et le Dieu lui-même ne réagissant pas, elle ne pouvait légitimement nous accuser sans éveiller une méfiance.
Si aucun Dieux ne se plaignait d'avoir été volé, comment Saori pourrait-elle être au courant des vols… comment pourrait-elle découvrir les parties dérobées… à moins d'avoir elle-même tout commandité ? Elle serait forcée d'agir à visage découvert et donc de se mettre en danger.
Mon Lecteur Inconnu, je t'avoue surtout que l'idée qui me traversa l'esprit à ce moment-là était de forcer Saori à dévoiler sa vraie nature face à ses chevaliers. Je voulais l'obliger à nous attaquer de front. Le Paradis Blanc était le dernier bastion qui lui tenait tête. Elle avait besoin d'un prétexte pour exiger le casque et elle avait un plan. Mais éliminons ce prétexte, elle serait alors forcée de déclarer la guerre à ses propres alliés si elle voulait récupérer l'artefact. Et c'était exactement ce que je voulais la forcer à faire.
Je voulais… je voulais simplement ouvrir les yeux de mes pairs sans que nous ne passions pour des traîtres. Et je pense qu'Athéna le comprit fort bien. Elle accepta. Elle irait parler avec les autres Déesses. Les vols ne seraient pas signalés. Les autres sanctuaires agiraient comme si rien ne s'était passé.
Il se passa plusieurs mois avant que Saori ne commence à s'inquiéter du silence étrange des Dieux. Cela nous laissa un peu de temps… jusqu'à ce qu'Athéna ne revienne me parler un soir… Saori avait compris que son plan était à l'eau. Et elle allait se venger…
…..
Mon Lecteur Inconnu… je continue à monter. J'ai peur. Je connais le châtiment qui m'attend.
Damnatio Memoriae…
Saori va effacer les Enfants Sacrés de la mémoire de tous les chevaliers. Depuis notre première venue, alors que nous n'avions que quatorze ans jusqu'à aujourd'hui… Rien, absolument rien ne sera gardé de notre passage au Sanctuaire d'Athéna. Le grand Pope lui-même ne pourra échapper à cette purge des souvenirs. Personne… pas même nos maîtres… pas même Mû n'en réchappera !
Dans quelques instants, chacun sera persuadé que cette génération d'Enfants Sacrés n'a jamais existé.
J'ai peur ! Mais en même temps, un sourire perfide commence à se dessiner sur mes lèvres. Ô Saori, si tu savais ce que j'ai fait…
Athéna m'avait prévenue ! Je savais à quoi m'attendre de ta part et je t'ai déjà devancée.
Une nuit, dans le plus grand secret, il y a quelque temps déjà, je suis allée voir mon ultime allié et je lui ai confié une mission…
…..
Il pleuvait cette nuit-là. Un orage terrible se déchaînait sur le sanctuaire plongeant les temples dans une obscurité totale. Le bruit de la pluie et du tonnerre couvrait celui de mes pas et je faisais de ce tintamarre mon complice pour dissimuler ma présence à quiconque pourrait tendre l'oreille. J'ouvrai doucement la porte de sa chambre et j'entrai. Il dormait à poing fermé. Je le réveillai précautionneusement en lui caressant tendrement le visage. Il ouvrit les yeux de stupeur et je m'empressai de couvrir sa bouche de ma main pour l'empêcher de parler. Je lui souris pour le rassurer et lui fis signe de rester muet. Je me penchais à son oreille.
- Ne fais pas de bruit Killian, murmurais-je en retirant ma main. Je dois te parler, c'est très important.
Killian acquiesça d'un hochement de tête et il se releva dans son lit pour mieux m'écouter.
- Mon cœur, lui murmurais-je, j'ai une mission à te confier.
Curieux, il m'interrogea du regard mais ne dit rien, attendant que je parle. Je pris sa main et ôtai le collier que je portais autour du cou. Ce même collier qu'Athéna en personne m'avait offert et qui avait tant intrigué Mû. Je le glissai dans le creux de sa paume.
- Je veux que tu gardes ce collier constamment sur toi. Tu ne dois jamais t'en séparer car très bientôt, ce collier te permettra d'échapper à une malédiction qui touchera le sanctuaire dans son entièreté.
Killian baissa les yeux et une bouffée de fierté me submergea lorsque ses yeux s'arrondirent et qu'il en reconnu la matière.
- C'est de l'orichalque ! s'exclama-t-il en examinant le bijou.
Digne disciple de son maître… Mû n'avait pas mis plus de temps à comprendre ce que cela signifiait.
- Maman, demanda-t-il à voix basse, d'où tiens-tu ce collier ?
- C'est un présent de la Déesse Athéna, lui répondis-je. Mais aujourd'hui, je veux que tu le conserves.
Je lui passai le collier autour du cou et le cachai dans le col de son pyjama.
- Personne ne doit le voir et surtout pas notre maître, l'avertis-je. Garde le caché du regard des autres mais toujours contre ta peau.
Je pressai le collier de ma main contre sa poitrine.
- Ecoute-moi bien Killian, le pressai-je. Un jour, le plus lointain possible j'espère, une terrible malédiction s'abattra sur le sanctuaire et Sorrente et moi seront oubliés de tous. Un jour, tu te réveilleras et tu constateras que pour le reste de l'ensemble des chevaliers, y compris notre maître et le Pope, les Enfants Sacrés n'ont jamais existé. Nous aurons été effacés des mémoires.
Killian ouvrit les yeux d'effroi à cette révélation mais il secoua la tête, incrédule.
- Voyons maman, tenta-t-il de me rassurer, comment notre maître pourrait-il t'oublier ? Comment l'ensemble des chevaliers pourraient-ils soudain occulter le souvenir de tant d'années de vie commune avec les enfants sacrés ?
Il souriait, tellement cette idée lui paraissait incongrue.
- Les ennemis des chevaliers ne sont pas le commun des mortels, lui répondis-je, et ils ont des pouvoirs que tu ne peux pas encore imaginer. Mais quelle que soit leur puissance, ce collier te protégera et tu éviteras ainsi cette malédiction.
Le regard de Killian s'enflamma.
- Alors j'irai voir le Pope, s'exclama-t-il, j'irai voir notre maître, j'irai voir Saori et tous les chevaliers d'or et je leur parlerai de toi et de Sorrente. Je les forcerai à retrouver la mémoire.
- Non ! m'exclamai-je à mon tour. Non… Killian, ils ne te croiront pas. Seul contre tous, il serait dangereux pour toi de prétendre te rappeler de nous.
Je le coupai alors qu'il voulut protester. Il ne comprenait pas. Mon Lecteur inconnu… comment aurait-il pu comprendre ? Comment aurait-il pu savoir que la seule mention de mon nom face à Saori signerait sa perte à ce moment-là ?
Je vis son regard se perdre dans la douleur et cela me brisa le cœur. Mais je ne devais rien lui dire. Je me devais de le protéger.
- Un jour, continuai-je, alors que tu ne t'y attendras pas, tu sentiras un grand vide submerger ton cœur, comme s'il se vidait soudainement. A ce moment-là, je veux que tu prennes ce collier entre tes mains et que tu le serres très fort. Je veux que tu luttes de toutes tes forces contre l'oubli. Tu sauras alors que le moment est venu. Puis tu feras comme les autres. Tu prétendras ne m'avoir jamais connue. Tu prétendras m'avoir oubliée.
Je lui pris le visage entre les mains et je pressai mon front contre le sien avec ferveur.
- Killian, lui murmurai-je à l'oreille, je sais que ce que je te demande n'est pas facile. Mais j'ai confiance en toi. Tu ne devras jamais mentionner ni mon nom ni celui de Sorrente en face de qui que ce soit. Pas même de Saori !
Surtout pas de Saori ! aurais-je voulu crier… mais je m'abstins.
- Tu continueras à vivre normalement, comme si rien ne s'était passé. Mais un jour…
Je lui lâchais le visage et m'éloignai un peu de lui. Je glissai la main dans une poche dissimulée de mon vêtement et j'en sortis une lettre.
- Un mois exactement après cet événement, continuai-je en appuyant chacune de mes paroles, je veux que tu ailles voir Camus et que, dans le plus grand secret, tu lui remettes cette lettre.
Et je lui tendis une lettre cachetée de cire sur laquelle il était simplement écrit « Seigneur du Verseau ».
Killian prit la lettre entre ses mains comme s'il eut s'agit d'un trésor. Il la tourna et la retourna entre ses doigts tentant de percer les mystères d'un secret que je ne lui dévoilais pas. Mais il comprenait l'importance de cette mission que je lui assignais et il se contenta de hocher la tête et de garder la lettre entre ses mains. Je lui faisais confiance. Je savais que malgré sa curiosité, il s'interdirait d'y toucher ou de l'ouvrir et de toute façon, la lettre était rédigée en français et Killian ne la comprendrait pas.
- Killian, lui dis-je en prenant ses mains dans les miennes, je veux que tu comprennes que mes ennemis peuvent devenir les tiens et que seul le secret te permettra de rester en sécurité. Ne parle de ça à personne et personne ne doit savoir que tu possèdes cette lettre et ce collier. Pas même notre maître ! Tu devras te taire pour le protéger…
Soudain conscient de l'importance de la mission que je lui confiai, son regard se fit plus dur et je sus à ce moment-là qu'il ne me décevrait pas.
- Mais maman, me demanda-t-il ensuite, je ne te reverrai pas ?
Quel contraste, mon Lecteur inconnu. La voix d'un enfant effrayé qui sort de la bouche d'un homme. Je le pris et le serrai contre moi de toutes mes forces. Je lui embrassai le front, les joues, et je le serrai encore alors qu'il s'accrochait désespérément à moi comme s'il avait dix ans à nouveau. Ma voix se brisa alors que je continuai mes instructions.
- Une fois cette lettre remise à Camus, et le jour même si cela t'est possible, va m'attendre à Jamir. Pas dans le château de notre maître, il sentirait l'intrusion et ne la comprendrait pas, mais au village. Et si les Dieux auront été cléments, alors je pourrais t'expliquer pourquoi je t'ai demandé de faire ça.
Je le sentis me serrer contre lui en pleurant et j'autorisai mes larmes à couler librement.
- Je n'aurais pas besoin d'explications, me répondit-il la voix hachée par les sanglots, du moment que je pourrais te revoir et m'assurer que tu vas bien.
Il s'interrompit un instant pour reprendre son souffle et calmer sa voix. Il se recula pour me regarder et me sourit. Il baissa la tête pour murmurer tout en me serrant très fort les mains :
- Swann… je ne me souviens pas de ma mère, ni de mon père. J'ai vécu des moments terribles comme lorsque j'ai perdu mon maître pour la première fois… mais ce dont je me souviens, alors que j'avais dix ans… c'est d'avoir rencontré un ange qui m'a pris dans ses bras. J'ai vraiment compris, un jour de fièvre, ce que voulait dire le mot « maman »… et je l'ai compris lorsque tu m'as répondu : « je suis là ».
Par tous les Dieux mon Lecteur Inconnu, cette nuit-là, mes larmes coulèrent comme jamais dans ma vie. J'aurais voulu hurler de bonheur et de douleur à la fois.
Bonheur d'avoir un fils qui me reconnaissait comme sa mère véritable…
Douleur de savoir que le compte à rebours était enclenché… et que le temps des adieux n'allait pas tarder.
Si les Dieux me l'avaient permis, mon Lecteur Inconnu, cette nuit-là, j'aurais pris Killian dans mes bras et je l'aurais emmené loin, très loin de tout ça… Mais nous sommes des chevaliers. Notre destin, aussi beau ou aussi cruel soit-il ne nous appartient pas. A cette heure, seules les Moires savent ce qu'il est advenu, ce qu'il advient ou ce qu'il adviendra de nous…
….
Je continue ma lente ascension alors que je me remémore cette nuit-là. Killian a caché la lettre et je l'ai gardé serré contre moi jusqu'à ce qu'il se rendorme. Puis je suis retournée me coucher au côté de Mû. Dieux merci, il dormait et n'avait pas remarqué mon absence. Je me suis glissée sous les draps, je me suis collée contre son corps. Instinctivement dans son sommeil, il m'a pris contre lui, il m'a pris dans ses bras. Mais je n'ai pas pu dormir cette nuit-là…
Je continue à monter et je prie les Dieux que Killian ait le collier sur lui. C'est maintenant ou jamais qu'il lui sera utile.
Enfin, le treizième temple commence à se dessiner sous mes yeux et au fond, je revois l'imposante statue d'Athéna. Je lui adresse un sourire rassurant. Le plan va bien. Ma dernière carte contre Saori va se jouer dans un mois. Et ma dernière carte… c'est Camus.
Ô Saori, comme tu prends mal la peine de connaitre ceux qui pour toi donneraient leur vie. La Damnatio Memoriae est un plan parfait. Tu n'auras plus besoin d'excuses pour te désolidariser de nous puisque nous n'aurons jamais fait partie de ton armée. Tu as le pouvoir de l'épée de Dynamis. Et je te fais confiance, tu auras la verve nécessaire pour convaincre tes chevaliers de monter une expédition, contre un sanctuaire inconnu, pour aller récupérer le casque.
Oui, la Damnatio Memoriae est vraiment un plan parfait… à une seule exception…
Tu vas nous faire disparaître de la mémoire des chevaliers… Les Enfants Sacrés n'auront jamais mis un pied au sanctuaire, n'est-ce pas ? Dans ce cas qui pourrait nous croire ? Vers qui pourrions-nous nous tourner pour demander de l'aide ? Vers personne! N'étant jamais venus au sanctuaire, personne ne nous connait.
Mais dis-moi Saori... dans ton plan parfait, qu'en est-il de celui qui m'a connu avant mon arrivée au sanctuaire ? Dans quelques instants, Camus n'aura jamais rencontré Swann. Mais Gabriel et Gabrielle se connaissaient déjà…
Et je suis Gabrielle !
Je suis cette petite fille qui jouait dans un château au milieu des vignobles avec son frère.
Mon lecteur Inconnu…
Je suis Gabrielle ! Je suis née en France au milieu de la Bourgogne. J'ai passé les premières années de ma vie comme dans un rêve bohème. J'avais l'habitude de m'asseoir avec mon frère au pied d'un grand fauteuil où s'asseyait ma mère pour l'écouter nous réciter des vers de Rimbaud. Je me faufilais souvent dans les cuisines pour aider ma tante à confectionner les plus délicieux gâteaux que je dégustais ensuite avec mon frère. Et je garde en moi comme de précieux souvenirs ces instants passés dans le salon où mon père prenait sa guitare pour nous chanter des chansons et que nous chantions alors tous en chœur, famille atypique réunie au feu de la cheminée.
Je me souviens d'une petite hotte que mon père m'avait confectionnée pour aller faire les vendanges. Comme j'étais fière en ces temps bénis de ces quelques grappes que je parvenais à porter et qui me semblaient alors bien lourdes à mon dos d'enfant.
Oui, je suis Gabrielle. Celle qui, par une journée d'enfer, a vu son château de princesse tomber en cendre et qui a hurlé dans son cœur durant des années le prénom d'un frère qu'elle croyait mort.
Celle qui a été emmenée quelques années plus tard dans un Paradis Blanc et qui s'est endormie au pied de la statue de sa Déesse mère.
Gabrielle, celle qui avait juré de ne plus sourire, de plus sentir, de s'anesthésier de toute émotion humaine. Celle qui, pour ne plus souffrir, avait décidé de ne plus vivre… de ne plus se nommer.
Je suis devenue Swann… celle qui a appris à défier les forces de la nature, à pousser son cosmos à son paroxysme et à faire trembler et ciel et terre.
Swann… celle qui n'a jamais su n'être ni homme ni femme. Celle qui défie les Dieux en secret.
Et qui t'a défié toi, Saori… toi réincarnation de la Déesse des Hommes.
Je me suis improvisée champion de mes pairs et seul l'avenir me dira si ce sera un échec ou un succès, mais je suis sûre d'une chose : j'ai eu raison de le faire !
Et puisque Swann, aujourd'hui, va disparaître, garde une chose en tête Saori… Je m'appelle Gabrielle et par tous les Dieux… tu n'as aucune idée de qui je suis…
…..
