Bonjour à tous. Je tiens à vous prévenir que j'ai remplacé les derniers chapitres. A partir de celui-ci, il y a de petits changements. Petits surtout dans ce chapitre, mais plus conséquent dans les deux prochains. Je vous conseille donc de reprendre votre lecture au moins à partir de ce chapitre-là pour ne pas être surpris par la suite.
Bonne lecture !
La deuxième étoile
Mon cher Gabriel,
Les yeux peuvent-ils se tromper ? Toutes les flammes de l'enfer ne peuvent assécher les larmes qui coulent d'un cœur brisé quand on croit avoir vu un être cher partir en fumée. Et même quand on n'a plus de larmes, on pleure encore, on pleure toujours parce qu'on ne peut empêcher notre cœur de croire qu'il existe quelque-part un Dieu capable d'accomplir un miracle… Tu ne crois pas ?
Gabriel, souviens-toi de ce jour-là… il y avait un petit oiseau mort au milieu de notre allée, il y avait une âme d'enfant qui pleurait, il y avait la voix réconfortante d'un grand frère qui consolait.
« La deuxième étoile à droite, et tout droit jusqu'au matin… ». Dans deux jours à compter d'aujourd'hui.
Souviens-toi de cette nuit-là, Gabriel… et comprends ceci : les Dieux sont cruels Gabriel… et les yeux peuvent se tromper.
GDB
Mon Lecteur Inconnu, t'attendais-tu à ce que je dévoile tout mon plan dans une lettre ? Impossible ! Qui sait entre quelles mains elle aurait pu tomber ? Bien que je fasse totalement confiance à Killian, je préférais prendre mes précautions. C'est en personne que je me devais d'expliquer mon plan à Camus. Je lui devais bien ça et de plus, je connais mon frère. Camus est sceptique. Une simple lettre ne suffirait pas à le convaincre.
Alors je lui ai passé un message.
Lorsque j'étais enfant, comme tous les enfants, je refusais d'aller au lit. Mon père alors, me prenait dans ses bras à la nuit tombée et me faisait voler à travers toute la maison. Puis parodiant un conte célèbre, il m'emmenait dans ma chambre toujours avec ces mêmes mots : « la deuxième étoile à droite, et tout droit jusqu'au matin. »
Ma chambre était la deuxième à droite dans le couloir, la première étant celle de Gabriel… et il me faisait voler tout droit jusqu'à mon lit. Je m'endormais bien volontiers après ce petit rituel.
J'avais oublié cet épisode heureux de mon enfance, jusqu'à ce jour, ce matin en Sibérie où blottie contre Camus qui remerciait le ciel d'avoir exaucé son souhait, je lui ai demandé quelle étoile il avait prié. Un petit sourire s'était alors dessiné sur ses lèvres lorsqu'il me répondit :
- La deuxième étoile à droite…
Non, Camus n'avait pas oublié ce tendre rituel et je savais qu'il comprendrait le message : rendez-vous au château de notre enfance à la tombée de la nuit.
Je savais également qu'avec ce message et malgré son scepticisme, il viendrait assurément. Qui d'autre que moi pouvait connaitre cette anecdote ?
J'avais bien entendu effectué quelques recherches avant de rédiger ma lettre. Hors de question de donner rendez-vous à Camus dans un endroit qui aurait éventuellement pu être habité. Mais le château était toujours là, inchangé depuis cette nuit… ruine majestueuse de nos années passées. J'avais eu le cœur serré la première fois que j'ai foulé des pieds les pierres dévorées d'une végétation folle qui pourtant jadis faisaient parties d'un ensemble baroque et harmonieux. Les hectares de vignobles ne représentaient plus aujourd'hui qu'une terre en friche, dévastée et sèche, attendant que la main de l'Homme ne vienne lui rendre la vie. Difficile pour des yeux étrangers d'imaginer l'imposante bâtisse qui trônait naguère, ni les couleurs verdoyantes que la nature généreuse offrait en ce temps aux regards gourmands d'une famille heureuse. Non, à présent, des années plus tard, la désolation régnait sur ces terres et l'on pouvait deviner aux regards fuyants des habitants aux alentours qu'un seul coup d'œil sur ce terrain leur rappelait une nuit où l'enfer s'était déchaîné.
Je m'y suis promenée, seule au milieu de mes fantômes, jurant apercevoir ici et là, de temps à autre, les silhouettes vaporeuses de mes tendres années. Et je savais que ce serait cette même épreuve que j'allais imposer à Camus… personne n'aime se promener au milieu des décombres de son passé.
Pourtant ce soir-là, au soir du rendez-vous, je m'y suis rendue avec la peur au ventre, force m'est de devoir l'avouer. Ce n'était pas la nostalgie qui m'étreignait le cœur mais l'appréhension de son regard. J'ai vécu tant d'années avec Camus, mais ce soir, j'allais retrouver Gabriel.
Gabriel, celui qui n'avait pas connu Swann. Pour cet homme-là, il n'y avait pas eu d'intermède.
….
J'arrivais un peu avant la tombée de la nuit et sondais discrètement la place. Camus était déjà là. Je pouvais percevoir son cosmos en alerte teinté cependant d'une pointe de nostalgie parfaitement compréhensible.
Une boule dans la gorge, je m'avançais dans l'allée centrale prête à pénétrer dans la maison, lorsque soudain, un cosmos puissant vint m'entourer et m'immobiliser.
Je ne résistais pas. Je m'y attendais à dire la vérité.
Sincèrement mon Lecteur Inconnu, ne me dis pas que tu ne l'avais pas vu venir ?
Pensais-tu vraiment que Camus, chevalier d'or du Verseau, allait se prêter si facilement au petit jeu des retrouvailles familiales et mystérieuses avec une petite sœur qu'il aurait pu jurer avoir vu brûler devant ses yeux presque vingt ans auparavant ?
Non, bien sûr que non, et je n'y croyais pas non plus. Mais je savais que ma lettre allait piquer au vif sa curiosité. Assez pour être certaine qu'il viendrait, mais je savais qu'il ne viendrait pas seul.
De bonne guerre, je laissais donc Milo me paralyser totalement avec la « restriction du Scorpion ».
Maintenant venait l'heure de l'interrogatoire pour décider si oui ou non j'étais une menace pour eux. Et j'y étais préparée. Ma soudaine réapparition dans la vie de Camus posait bien trop de questions, à commencer par la plus évidente pour lui : étais-je bien qui je prétendais être ?
J'avais beau avoir été bannie du sanctuaire, les règles ne changeaient pas pour autant pour moi. Un enfant sacré ne peut éteindre totalement son cosmos sous peine d'une absolue cécité. Donc l'un comme l'autre, ils avaient senti mon cosmos et pour autant qu'ils en sachent, la petite sœur de Gabriel n'était pas un chevalier.
Camus sorti de l'ombre, suivi de près par Milo qui me gardait museler sous son contrôle, me laissant simplement la possibilité de parler.
Le regard froid du Verseau me détaillait de la tête aux pieds. D'une main placée sous mon menton, il me fit relever la tête afin de mieux m'observer.
- Diminue l'intensité de ta restriction, demandais-je à Milo, afin que je puisse ouvrir les yeux.
Camus aurait besoin d'une preuve. Ce n'était pas la première fois que je faisais ça. Un regard d'interrogation en direction de Camus et je vis mon frère acquiescer de la tête.
- Non ! Pas encore. Elle possède un très puissant cosmos.
Je faillis défaillir en entendant cette voix. Camus n'était pas venu uniquement accompagné de Milo. Dans l'ombre et cosmos éteint, il y avait un troisième chevalier…
- Mû…
Je n'avais pu empêcher ce douloureux murmure de sortir de mes lèvres à l'instant même où j'avais reconnu sa voix. Et je serrai les poings en le voyant sortir de l'ombre, le cœur broyé de le voir me regarder avec ces yeux si froids, ce regard si détaché. Il s'aperçut aussitôt de mon trouble et se mit sur ses gardes. Camus resserra ses doigts sur mon menton, rapprochant son visage du mien, détaillant avec insistance chaque partie de mon visage. Je savais qu'il faisait un effort de mémoire, cherchant à reconnaître dans mes traits les souvenirs, sans doute biaisé par le temps, d'une petite sœur perdue.
- Qui es-tu ?
Sa voix à ce moment était hargneuse, comme s'il ne me pardonnait pas d'avoir emprunté une identité chère à son cœur.
- Comment nous connais-tu ?
La voix de Mû était plus posée.
Je soupirais. La partie était loin d'être gagnée. Je m'y attendais. Cependant je dois bien avouer qu'il y a une chose que, vraiment, je n'avais pas prévue. Pourquoi Mû avait-il accompagné Camus ? Milo, oui. Milo, je comprenais. Mais Mû ? Le Verseau et le Bélier, bien qu'en bonne entente, ne sont pas et n'ont jamais été de grands amis. Pourquoi Camus avait-il ressenti le besoin de quérir une troisième aide auprès de mon maître ? Cela vraiment, je ne l'avais pas prévu… et j'avais le cœur serré.
- Une chose à la fois. Répondons d'abord à ta première question, répondis-je doucement à Camus. Milo, abaisse ta restriction je te prie.
Bien qu'il sembla surpris que je connaisse son prénom, Milo obéit. Sans pour autant me libérer totalement de son emprise, il consentit à en diminuer l'intensité pour me permettre une légère liberté de mouvement. A ses côtés au contraire, je sentis le cosmos de Mû augmenter, alerte aux moindres de mes gestes. Cela me fendit le cœur mais je tâchais au mieux de ne pas trop y prêter attention pour le moment. Après tout, Mû agissait de façon tout à fait normal. Amie ou ennemie ? Pour l'instant, ils ne savaient pas.
Mettant à profit cette relative liberté, je relevai la tête vers Camus.
- Qui je suis ? lui demandai-je en français. Et bien juge par toi-même…
Et j'ouvris alors les yeux. Je les plantai dans les siens.
- Cette nuit-là Gabriel, tu as fui vers l'entrée principale et moi, je n'ai dû mon salut qu'à la porte de derrière. Je t'ai cru mort durant des années…
Puis je souris mélancoliquement et ajoutai :
- Le reste est une longue, une très longue histoire…
La main de Camus vint dériver vers ma joue et je pouvais voir dans son regard se jouer un combat entre ses sentiments et sa raison. Désespérément, je sentais qu'il avait envie de me croire. Qu'il avait besoin de me croire, mais il lui manquait quelque-chose… peut-être les nombreuses années d'aventures communes que nous avions eu ensemble et dont moi seule gardait le souvenir en mémoire. Dans un élan de rage, il se détourna de moi pour regarder ses pairs. Je refermais les yeux. Je savais qu'il lui faudrait du temps. C'était trop gros à avaler. Que vingt ans plus tard, une parfaite inconnue vous envoie une missive dans laquelle, grosso modo, il était écrit « hey, je suis ta petite sœur disparue »… c'était définitivement trop gros à avaler. Moi-même à sa place, je ne sais pas comment j'aurais réagi.
…
Mon Lecteur Inconnu… sais-tu ce qui me brûlait les lèvres à ce moment-là ? C'était la vérité. Leur dire purement et simplement la vérité. Leur expliquer toute l'histoire, sans rien omettre, sans rien cacher. Mais je ne pouvais pas… Pas encore…
Camus, Mû, Milo…. sont des chevaliers d'Athéna. Et moi dans tout ça ? Rien, juste une parfaite inconnue à leurs yeux. Même pour Camus.
Comment auraient-ils réagi à ton avis, si je leur avais expliqué que nous nous étions connus ? Que Saori m'avait effacé de leur mémoire ? Que j'avais été bannie du sanctuaire par la réincarnation d'Athéna ?
En chevalier… Ils auraient réagi en chevalier face à un ennemi d'Athéna.
Voilà pourquoi je me mordais les lèvres. Mais voilà pourquoi, je ne parlais pas.
Je sais ce que tu vas dire, mon Lecteur Inconnu, ou du moins je me l'imagine… Tu vas me dire que j'aurais dû prévenir Mû ou Shion, plutôt que de prévenir Killian, que Saori allait nous lancer la Damnatio Memoriae et dans un sens tu aurais raison… Il aurait été en effet plus simple, voir même plus avisé, de bâtir un plan directement avec l'un d'entre eux. J'aurais pu donner le collier à Mû. Je me serais assurée d'un allié de taille… et j'aurais pu garder son amour. Ce n'est pas un manque de confiance qui m'a poussé à agir comme je l'ai fait, loin de là. Au contraire, si j'ai fait ce que j'ai fait, c'était pour le protéger. Saori a bien des défauts, mais la stupidité n'en fait pas partie. Elle connaissait mon amour pour Mû. Elle allait le surveiller de très près après la Damnatio Memoriae. Je ne pouvais simplement pas lui faire courir un risque aussi énorme. Le laisser dans l'ignorance, à ce moment-là m'avait paru être le meilleur moyen de le protéger… même si je t'avouerais qu'à ce moment-là, à le voir me regarder avec un regard si froid, un cosmos si alerte, je m'en suis mordue les doigts.
Quant à Shion, et bien cela parait logique... Même si, à ma connaissance Saori n'avait pas la moindre preuve qu'il me soutenait, elle devait fortement s'en douter au vu de la froideur avec laquelle elle avait commencé à le traiter. Elle était revenue quelques fois au sanctuaire. Elle aurait forcément fini par sentir la présence du collier. Sentir un divin présent sur moi était normal. Elle savait que j'avais Athéna de mon côté. Sur Shion par contre… Je ne pouvais la laisser se douter de quelque-chose. Saori est trop imprévisible.
Voilà pourquoi j'ai choisi Killian, même si je ne suis pas fière du danger auquel je l'ai exposé. Pour Saori, Killian n'était encore qu'un apprenti. Elle ignorait le lien qui s'était tissé entre nous puisque jamais, face à personne, il ne m'avait appelé « maman ».
De plus, à toi mon Lecteur Inconnu je peux bien l'avouer, j'étais certaine que Killian exécuterait mes instructions à la lettre. Pour Mû, Shion ou Dohko, il y avait un facteur d'incertitude que je me suis refusée à jouer. Trop de surveillance… trop de danger.
….
Je regardais Camus s'éloigner de moi en serrant les poings. Je le voyais de profil, lever un regard nostalgique vers le château de notre enfance, cette ruine du passé. Je le vis faire un signe de tête à Milo et je me retrouvai soudain libérée de la restriction, libre de mes mouvements tandis qu'immédiatement les cosmos du Scorpion et du Bélier s'enflammèrent en guise d'avertissement. Camus se retourna vers moi.
- La deuxième étoile à droite… murmura-t-il en français.
Puis se rapprochant de moi, il tendit la main en direction du château en une invitation.
- Montre-moi !
…
Mon Lecteur Inconnu… le jour où j'avais effectué ma reconnaissance des lieux, je m'étais contentée de rester à l'extérieur. Je n'avais pas eu le courage de pénétrer à l'intérieur de ces murs noircis et délabrés.
Vingt ans sans fouler le sol de cette bâtisse chère à ma mémoire… et pourtant j'en reconnaissais chaque pièce sans même lever les yeux.
La grande salle où la famille se réunissait pour manger, se blottir au coin du feu et chanter. Ce fauteuil où s'asseyait ma mère pour nous lire des poèmes. Du fauteuil, il n'en restait rien. Lui aussi avait péri par les flammes, mais je ne résistais pas à l'envie de me rapprocher de ses cendres. Au milieu des décombres, je posai un genou à terre en recueillement. Derrière moi, Camus me regardait faire sans un mot.
- Te souviens-tu de Rimbaud, Gabriel ?
- « Le dormeur du Val », acquiesça-t-il en un souffle dans mon dos. Ma tante nous le lisait souvent…
Je hochais la tête en silence, caressant tendrement le parquet d'une main tremblante. Je me souvenais de ma mère. Ma mère mortelle… A force de jouer les enfants sacrés, j'avais presque oublié que j'en avais eu une faite de chair et de sang… Une vraie mère. Une mère qui me prenait dans ses bras, qui me murmurait des mots tendres et qui me racontait des histoires… une maman. Je refrénais la boule qui me montait à la gorge, me relevais et me tournais pour faire face à Camus. D'un geste, je pointais le doigt en direction de la cuisine.
- Ma tante à moi nous préparait des gâteaux… lui dis-je dans un sourire nostalgique.
Je vis alors son regard errer vers les fourneaux, cherchant sans doute le fantôme de sa propre mère, et je sentis son cœur se tordre d'une douleur que je comprenais fort bien.
- Continuons, le pressais-je soudain en sortant de la grande salle. Je n'aime pas me perdre dans le passé.
Il pressa son pas derrière moi.
Nous empruntâmes un large couloir qui débouchait sur un escalier central, aujourd'hui impraticable. D'un geste leste, je sautai, prenant appui sur le mur, évitant les marches pourries par le temps pour me retrouver à l'étage puis je continuai ma route, Camus sur mes talons.
Un autre couloir, tout aussi large qui distribuait les chambres d'un côté et de l'autre. La deuxième chambre sur la droite, je la lui désignai d'un geste de la main. Elle n'avait plus de porte. Ses murs étaient noircis. Je tournai la tête pour ne pas la voir.
- Le lit était au fond de la chambre, contre le mur, face à la fenêtre, murmurais-je à Camus. Pour le reste… ne me demande pas d'y entrer.
Je m'étonnais moi-même de ma mémoire. Après tout, je n'avais que quatre ans lorsque cet incendie était venu tout ravager. Mais je me souvenais de la disposition des meubles, des scènes familières se rejouaient face à mes yeux clos je revivais le passé. C'est peut-être vrai… une tragédie marque les mémoires bien plus que des moments heureux.
- Veux-tu voir ta propre chambre ? lui demandais-je tandis que nous repassions en sens contraire.
Il ne put s'empêcher de tourner un regard douloureux dans cette direction puis secoua la tête.
- Non. Ces ruines ne sont plus ma maison.
Je me contentai de hocher la tête. Nous redescendîmes à l'entrée où Mû et Milo, cosmos toujours alerte, nous attendaient. Avant d'en franchir le seuil pour ne plus jamais y entrer, je me tournai vers Camus.
- Gabriel, demandai-je la voix cassée… où sont enterrés nos parents ?
Il parut hésiter un instant comme s'il avait toujours un doute sur mon identité, puis sans un mot, il me prit par la main et me mena vers les vergers. Je m'étonnais. Il n'y avait pas de cimetière par ici. A cet endroit, auparavant, la terre généreuse étalait des hectares de vignes. Aujourd'hui, je l'ai déjà dit, cette même terre était en friche. D'un geste large, il me désigna le sol.
- C'est ici que le prêtre a fait jeter leurs cendres. Il m'a dit que c'était le meilleur endroit où ils pourraient reposer.
Je serrai la main de Camus très fort dans la mienne et sans même m'en rendre compte, je laissai mes larmes couler.
Camus s'en aperçut. Son bras vint se poser autour de mes épaules dans un geste de réconfort et nous restâmes quelques minutes en silence en recueillement. A quelques pas derrière nous, Milo et Mû respectaient cet instant sans pour autant baisser leur garde.
Camus tourna la tête et vint la poser contre la mienne.
- Gabrielle, murmura-t-il, je suis prêt à te croire. Mais il y a des choses que j'ai besoin de comprendre…
- Je sais, lui murmurai-je en réponse.
Il me lâcha et se recula légèrement, comme pour mieux m'examiner.
- La restriction est levée depuis un moment, constata-t-il. Pourquoi n'ouvres-tu pas les yeux ?
Je savais que tôt ou tard, on me poserait cette question. Même pour les chevaliers, il n'est pas courant de garder constamment les yeux fermés, même pour Shaka. Mais je n'eus pas le loisir de répondre.
- Parce que c'est un Enfant Sacré… murmura une voix derrière nous.
A ces mots, Milo marcha subitement vers moi et m'attrapa par le bras.
- Les Enfants Sacrés sont les guerriers de la Lune ! me dit-il. Comment se nomme votre sanctuaire ?
Je ne comprenais pas cette urgence si soudaine mais je lui répondis néanmoins.
- Le Paradis Blanc. Le sanctuaire de Séléné s'appelle le Paradis Blanc.
L'atmosphère changea soudainement du tout au tout. Je les vis alors se regarder les uns les autres avec inquiétude.
- Le Paradis Blanc… répéta Camus d'une voix blessée. Gabrielle… Ce n'est pas un hasard que tu aies voulu me voir aujourd'hui, n'est-ce pas ?
Je n'eus pas le loisir de répondre. Je n'eus même pas le loisir de comprendre l'implication de cette question que brusquement je sentis le cosmos de Mû venir m'envelopper avec violence, et je sombrai dans le noir.
