A titre informatif, le titre, XO, est une abréviation en anglais de l'expression "Kisses and Hugs" (littéralement "baiser" (X,Kisses) et "étreinte" (O, Hugs)) que l'on place traditionnellement à la fin de lettres d'amour. Les deux initiales XO se prononcent donc séparés et à l'anglaise. Je vous conseille d'ailleurs d'écouter la chanson du même nom par le groupe « Fall out boy » qui m'a fait connaître l'expression en question.

Le nom du bar est écrit en italique. Celui de la personne en normal.

Après Salt Lake City, l'action prend place à Los Angeles.

2 : XO

a) La cité des anges

Los Angeles la nuit… Loin des paillettes, des stars richissimes, la cité des Anges paraissait sortir enfin de sa carte postale. Et pour la première fois de ma vie, je n'étais pas du côté des riches.

Il faisait chaud. Nous n'étions pourtant qu'au début du printemps. L'été promettait d'être chaud sur la côte ouest des Etats-Unis.

Depuis Salt Lake, j'avais bien bourlingué. J'avais quitté l'Utah en bus, suivant la route vers le sud, après une brève étape à Las Vegas, j'avais finalement décidé de m'arrêter à Los Angeles.

J'étais, sans un sou en poche, dans les rues de la ville qui incarnait le rêve américain.

J'aurais pu aller dans les quartiers sorciers de la ville. J'aurais pu. Mais c'est là que mon père m'aurait cherché en premier. Je ne voulais pas qu'on me reconnaisse. Bien que ma famille m'aurait sans doute apporté beaucoup d'aide de personnes haut placés, ce n'était pas de l'aide de ces gens là que je voulais. Et surtout, je ne voulais pas revenir en arrière.

J'étais à Los Angeles, la bouche sèche et le ventre creux, devant une enseigne qui aurait pu signifier ne rien signifier pour moi, mais dans laquelle s'est joué une partie de mon avenir.

Deux lettres majuscules, fait de néons roses clignotant par intermittence. Bien séparées. XO.

Des baisers et des étreintes.

Je n'avais pas hésiter. Obtenir du travail était mon seul espoir.

L'atmosphère du bar était chaude et confinée, bien qu'il soit désert. L'espace réservée aux clients était restreint et baigné dans une lumière rosâtre comme celle du néon.

« C'est fermé. »

Occupé à observer le décor autour de moi, je n'avais pas même pas remarqué que je n'étais pas seul dans la pièce. Un homme jeune, de dos, se tenait dans l'obscurité derrière le comptoir et astiquait un verre.

« Je viens pour l'annonce. »

Ce bar était l'un des seuls à recruter du personnel. Malgré son apparence exiguë, il devait être prospère.

« Je suis le propriétaire de bar. »

Je le prenais pour un barman. Heureusement que je n'eut pas le temps de faire de gaffe.

Mon peut-être futur patron continuait à astiquer son verre.

« Et pourquoi veux tu travailler ici ? »

Un entretien d'embauche est toujours une épreuve pénible et dans tous la plupart des cas, il vaut mieux être honnête. Je ne pensais pas que ma réponse plairait franchement à mon interlocuteur mais elle était vraie en tout point.

« En fait, je n'ai pas le choix. Je dois travailler si je ne veux pas mourir de faim, et cet établissement est le seul où les employés sont nourris et logés. »

« …contre un salaire plus que minable. », rappela l'homme.

C'était étrange. On aurait dit qu'il voulait me décourager de travailler pour lui

« Ce qui est ennuyeux si vous nourrissez des aspirations personnelles. », poursuiva t-il.

« Je n'en ai aucune. »

J'étais parti sans but.

A ma grande surprise, l'homme rit :

« C'est parfait. On travaille pas au XO parce qu'on le veut. On y travaille parce qu'on a pas le choix. »

Pour la première fois, tout en parlant, il se tourna vers moi.

Quelle surprise ! Je le pensais jeune mais pas à ce point. Il devait avoir juste quelques années de plus que moi, tout au plus. Ses cheveux mi-longs, d'un roux flamboyant, ondulaient légèrement. Ses yeux semblaient d'une couleur indéfinissable, entre le brun foncé et le vert. Ses traits étaient harmonieux bien que marqués par le soucis et une sorte de… résignation.

Sans me prêter attention, il se jucha sur le bar, sortit un petit calepin et seulement après, il me jaugea d'un œil expert et demanda :

« Quel âge as-tu ? »

« Dix huit ans. »

« Tes parents ne te chercheront pas ? »

« Pas ici. »

Comme je regrette d'avoir un jour pu croire à ce mensonge !

« As tu des connaissances ? »

La question me surprit, si sérieuse, lancé ainsi dans cette étrange entretien d'embauche. Puis je me repris.

« Je suis instruis. », dis-je d'un air qui pouvait passer pour offensé.

Ce qui fit éclater de rire mon interlocuteur :

« On ne demandera pas de réciter du Platon en servant des verres. Du moment que tu sais lire, écrire et compter, ça me va. »

« Tout le monde sait ça. »

Son hilarité augmenta :

« Toi, tu es un gosse de richards. »

Puis il reprit son sérieux :

« Comme tu vois, je ne suis pas très exigeant. En fait la seule chose qui est vraiment capitale pour travailler ici, c'est…. »

Il observa mon expression, avide de voir si il avait produit un suspense suffisant. Je décidai de rester impassible.

Il descendit du bar avec nonchalance et se pencha sur moi pour me souffler à l'oreille.

« … la beauté. »

A quelques centimètres de mon visage, il en détailla les traits.

« Tu vois, un serveur d'aspect repoussant, ça rebute le client. Mais vu comment tu es mignon, tu n'auras pas de problèmes. »

Il me fit un grand sourire et s'éloigna enfin.

« Félicitation, tu es engagé. »

« Mais… Vous ne m'avez même pas demandé mon nom ! »

Il me regarda d'un air incrédule et dit sur le ton de l'évidence.

« Mais comment puis-je te demander ton nom alors que moi-même, je n'en ai pas ! »

« Alors, comment dois-je vous appeler ? »

« Tu peux m'appeler XO comme ce bar et tutoies moi. Je ne suis pas beaucoup plus âgé que toi, et ce n'est parce que je suis ton employeur que je peux te snober.

Alors comment veux tu que je t'appelle ? »

« Christian. »

« Hé bien Christian, je vais te montrer tes quartiers. »

XO, ce n'est pas un nom. Ce n'est pas un véritable pseudonyme. Mais même à cette époque, j'avais déjà compris que XO était une personne assez singulière autant dans son attitude que dans sa concurrence, et qu'il ne s'encombrait ni de bienséance, ni de qu'en-dira-t-on.

Le rez-de-chaussée du XO était minuscule mais cette première partie tout petite cachait un étage nettement plus grand réservé aux personnels.

XO frappa deux coups à la porte d'une des chambres. Ce qui laissait supposer que je ne serais pas seul.

« Amina ! Ouvre moi ! Ton nouveau colocataire vient d'arriver. »

J'entendis des bruits de pas précipités de l'intérieur, puis une grande fille noire à l'apparence négligée vint nous ouvrir. Elle portait en tout et pour tout une nuisette franchement décolleté. Ses cheveux noirs et crépus tombait en large mèches sur son visage et à ma vue, elle fut prise d'un fou rire aussi irrépressible qu'incompréhensible.

« Bonsoir, boss. », dit-elle à XO, en s'appuyant contre le chambranle de la porte.

« Bonsoir Amina. Je te présente Christian, ton nouveau colocataire. Christian, voici Amina. »

« Bonjour, Christian. », gloussa Amina.

« Bonjour. », dis-je sans grande conviction.

« Je vous laisse faire connaissance. », dit XO.

J'entrai dans ce qui allait être mon appartement pour plusieurs fois. Il était tout petit et très désordre. Le sol était jonché de vêtements de femmes. Il comportait en tout et pour tout deux lits, une armoire, une chaise et un pot de chambre.

« On pouvait dire que je ne m'y attendais pas ! Il y a tellement peu de monde qui passe les entretiens de XO ! »

« Ah bon ? »

Ca ne m'avait pas paru très ardu. Je pensais qu'on allait me demander de porter des tas de plateaux en même temps, de faire des cocktails. Mais tout ce qu'on me demandait, c'est d'être beau et de savoir lire.

Devant mon incrédulité, Amina gloussa encore et dit :

« Ca fait des lustres qu'il n'avait engagé personne. Tu as du lui taper dans l'œil. »

« Il est gay ? »

En guise de réponse, elle rit plus hystériquement que jamais.

Il devait y avoir un code. Un gloussement oui, deux gloussements non ?

J'attendis patiemment qu'elle ait fini de se marrer. Elle répondit d'une voix rendue presque inaudible par ses gloussements.

« Disons qu'il s'est tapé la moitié du personnel, féminin et masculin. »

Elle entreprit de se démaquiller devant une petite glace de poche et me demanda :

« Ca te choque ? Ca te fait peur ? »

J'allais répondre : « Je suis puritain. » puis me rappelai que je ne l'étais justement plus et dit à la place : « Mes parents sont puritains. »

Ce qui semblait hilarant aux yeux d'Amina.

« Rassure moi, tu n'est pas une petite vierge ? », dit-elle, pliée en deux de rire.

« Non ! », dis-je d'un air insulté.

« Moi, je n'ai pas couchée avec lui, dit Amina, comme si je lui avait posé la question. Je ne suis pas trop son genre. Et puis, j'ai quelqu'un. Sauf si bien sûr, je craquais pour mon mignon colocataire… »

« Je suis gay. », coupai-je sans hésiter.

Amina prit un air faussement déçu tout en se tapotant les pommettes pour enlever le fond de teint puis éclata de rire.

« C'est le boss qui va être content. Il est déjà tout entiché de toi. »

Elle se mit à sauter à travers la pièce en gloussant en cadence comme si c'était une nouvelle tout à fait réjouissant qui la touchait tout particulièrement.

« Je m'apprêtais à me coucher. », m'informa t-elle en arrivant à se retenir de rire.

« Très bien. »

J'avais hâte de dormir enfin sur un lit, si dur soit-il.

J'espérais juste qu'Amina ne gloussait pas en dormant.

§§§

b) A kind of magic

Le lendemain, personne ne me réveilla. Amina m'expliqua, entre deux éclats, que la vie au XO se faisait la nuit et que le jour, la plupart des serveurs dormait.

Je les imitais tant j'étais harassé. Le seul fait notable fut ma rencontre avec XO qui me demanda comme ça se passait avec Amina. Il m'avoua à demi mot qu'il envoyait toujours les nouveaux dans sa chambre pour tester leurs nerfs tant elle était insupportable et m'assura que personne de sobre ne pouvait la supporter. Cela me mit du baume au cœur, de ne pas être le seul à remarquer le caractère horripilant des fous rire de ma colocataire.

Mais Amina avait au moins raison sur un point, il était clair que le « boss » me faisait des avances.

J'étais déterminé à ne pas y céder : je venais de sortir d'une histoire d'amour tumultueuse, je n'avais pas oublié Angel et me demandai toujours avec force ce qu'il était devenu et si il pensait à moi. Je ne voulais pas commencer une autre histoire surtout avec un homme que je connaissais à peine.

En fait, on ne pouvait connaître vraiment XO qu'en le voyant la nuit dans son bar, comme on ne peut connaître la vraie vie d'un animal qu'en l'observant dans son milieu naturel, et pas dans un zoo.

Hors, alors que le XO se remplissait en soirée, XO commençait vraiment à vivre. La journée, il n'était que l'ombre de lui-même. Comme une fleur qui ne s'épanouit que la nuit.

L'atmosphère du bar bondé était son élément. La lumière rosé des spots jouait dans ses cheveux roux, les faisant chatoyer. Ses yeux brillaient de toutes sortes de couleurs que j'aurais bien du mal à nommer. Son rire s'accordait avec le fond musical et la rumeur de la conversation du client. Il semblaient se gorger des rires gras des ivrognes comme des pleurs des déprimés, s'imprégner de toute cette vie, une vie qui semblait l'éclairer de l'intérieur. Il était toujours parfaitement souriant et joyeux, tantôt discutant avec les clients, riant avec eux, tantôt aidant au service, évoluant avec une grâce née de l'habitude au milieu des rangées de table.

La soirée se prolongeant, XO quittait parfois le bar. J'appris d'Amina qu'il avait des amis et connaissance dans tous les bars de ce quartier de Los Angeles et qu'il leur rendait souvent visite. Mais jamais il ne se passa jamais de nuit au XO sans que son propriétaire ne soit présent pendant quelques heures.

En un mot, il était parfait. Son aura me rappelait celle d'Angel, ce petit quelque chose d'indéfinissable qui vous donne envie de vous approcher de quelqu'un, de discuter avec lui.

Je crois que ce fut à ce moment que je compris pourquoi XO portait le même nom que son bar.

Tout simplement parce que le XO, c'était XO. Il était l'esprit de ce bar, il lui donnait vie. Personne d'autre que lui ne pourrait le posséder. D'où venait la chaleur qui émanait de cette pièce minuscule ? Qu'est-ce qui attirait le client ? Simplement cet homme.

Je compris aussi pourquoi XO voulait à ce point s'entourer de beauté. Car si il était le pilier central de son bar, il devait être assisté de subordonnés à son image, éclatants de jeunesse et de beauté. Le XO devaient resplendir et le client pouvoir fantasmer sur une image éphémère et fugace de perfection.

Moi, j'étais de ceux là. Et comme je n'avais pas de but dans la vie, je commençai à m'attacher à ce bar, aux personne que je fréquentais. Cela XO l'avait prévu aussi. Pour quelqu'un dont la vie est toute cabossée, il est toujours rassurant de faire partie d'une véritable équipe. C'est pourquoi il ne prenait que des gens désespérés. Pour que dans leur vie sans rien de transcendant, ce bar, ce travail deviennent important, qu'ils leurs soient fidèle, sans aucune autre préoccupations personnelles.

Je remplissais tous ces critères à la perfection. Le métier de serveur n'avaient rien de sorcier. Je sentais que les clients m'aimaient bien. Ils me trouvaient mignon.

Cet adjectif m'a toujours poursuivi. Je serais éternellement un mignon petit adolescent même à trente ans.

Quoi qu'il en soit, XO était très satisfait de mon travail. Et puis lui aussi m'aimait bien. Je lui plaisais.

Hors si il y a une chose qu'on sait au XO, c'est la suivante : on ne touche pas à la part du patron.

Comme si en quelque sorte, j'étais destiné à tomber dans ses bras, tôt ou tard.

Il y a quelque chose en tragédie qu'on appelle la fatalité. Elle désigne une forme particulièrement retorse du destin. En gros, le héros essaie désespérément d'échapper à son sort mais à chaque tentative d'évitement il ne fait que s'en rapprocher. Fatalement.

Ma vie n'est pas une tragédie grecque malgré que les gens que j'aime ont une étrange tendance à connaître une mort violente ou d'autres sortes de misères diverses et que récemment ma vie a pris un tournant tellement abject que j'aimerais tuer les responsables d'une telle injustice. Néanmoins, la fatalité s'est toujours acharné sur moi et les seules fois où j'ai pu échapper à mon sort, j'en ai payé un prix terrible.

A cette époque, j'essayais encore de me convaincre du contraire mais tout au fond du moi, je savais que je tomberais dans les bras de ce bien trop séduisant patron. Tôt ou tard.

§§§

c) Le temps retrouvé

Cela se passa environ un mois après que j'ai commencé à servir au XO. Un jour, contrairement à l'habitude, XO n'ouvrit pas le bar au client pour la soirée mais resta seul au bar. On me glissa que le patron tombait dans la déprime environ une fois par mois et qu'il se saoulait en pensant au passé.

Jamais XO n'avait évoqué auparavant un seul souvenir, heureux ou malheureux. Il semblait vivre pleinement l'instant présent et regarder l'avenir sans crainte.

Mais même lui avait des failles.

Cette air résigné que je lui avais trouvé, était celui de quelqu'un qui sait qu'il doit renoncer aux années passés, mais qui ne peut s'empêcher d'y penser.

Tout comme moi.

Ce soir-là, c'est moi qui servit ses verres à XO. Il me le demanda, et il était évident que je ne pouvais pas refuser. XO était doux avec ses employés mais personne ne contestait son autorité.

« Je délire, Christian. Je délire. »

« Vous buvez trop surtout. »

« Je t'ai déjà dit de me tutoyer. »

XO me lança un regard nullement vague. Il tenait bien l'alcool. C'était peut-être pour ça qu'il buvait autant.

« Tu vois, mon petit Christian, tout tourne sans relâche dans ma tête. Tout…s'est passé il y a bien longtemps. Ils m'ont beaucoup trop porté aux nues, beaucoup trop. Mon charme les a aveuglé. »

« Et où sont vos années passés ? Que sont-elles devenues ? »

« Oh, ça je le sais. Elles sont là où elles ont toujours été. »

Une réponse qui ne voulait strictement rien dire et il le savait.

« Mais toi, Christian, l'as tu déjà ressenti ? »

« Ressenti quoi ? »

« La brûlure de la haine. Elle aussi appartient aux années passées. Ce bar est tout ce que j'ai, mon nom, ma maison, ma vie, je l'aime mais lui ne m'aime pas. »

« Ce n'est pas vrai. Tu es l'âme de ce bar, sans toi, il ne pourrait pas exister ! »

XO parut réellement touché du compliment. Je continuai :

« La brûlure de la haine, je l'ai ressenti, moi aussi. Mais toi, tu as quelque chose désormais. Moi, je n'ai plus rien. Tout ce que j'ai aimé me paraît bien loin. »

XO eut un petit sourire :

« Tu es jeune, beau et en pleine santé, Christian. La vie ne t'a pas encore offert tout ce qu'elle pouvait t'offrir. »

« Ca vaut aussi pour toi. »

« Tu as raison, Christian, je ne devrais pas me lamenter sur mon sort. Ni t'embêter avec ces vieux souvenirs sans importances.

Parle moi donc de ce que tu aimais. De celui que tu aimais. »

Je ne pus m'empêcher de rougir à l'évocation d'Angel. Plus que jamais, ma vie à Salt Lake City me semblait celle d'un autre.

« C'est quelqu'un de merveilleux. Comme sans doute tant de gens que tu as connu, que tu as aimés mais comme eux, Angel appartient aux années passés. Je ne le reverrais sans doute jamais. »

XO poussa un soupir.

« On dirait que même ton ange gardien t'a laissé tomber. »

Puis il dit dans un murmure presque inaudible :

« Quelle dommage de laisser tant de beauté et de talents s'évanouir dans les abîmes du désespoir. Tu mérites d'avoir le choix, Christian. Le choix d'avoir un autre avenir. »

« Toi aussi. »

Il rit.

« Non, contrairement à toi, j'ai choisi le XO. Désormais pour moi, il n'y a pas d'ailleurs. Mais je profite de la vie. Non, je ne suis pas à plaindre. »

Il rit de plus belle :

« Je pensais passer une soirée déprime et voilà que grâce à toi, je positive. Tu es une perle, Christian. Une perle que je ne laisserai pas s'étioler plus longtemps. »

Il me tendit la main :

« Viens avec moi et je te montrerais des choses que tu n'as jamais vu. Le monde de la nuit à Los Angeles est d'une incroyable richesse, et c'est parfois dans les ténèbres les plus profonde qu'on trouve une étincelle d'espoir. Je serais ton guide. »

Je savais ce que sous-entendait cette proposition.

« J'aime quelqu'un… »

Les yeux de XO flamboyèrent.

« Et pourtant tu es seul. Aussi seul que moi.

Être amoureux, ce n'est pas se regarder l'un l'autre mais regarder ensemble dans la même direction.

Angel et toi, vous vous retrouverez peut-être un jour, vous vous aimerez peut-être mais pour l'instant même si vos pensées sont tournés l'un vers l'autre, vous êtes seuls.

Réfléchis-y. Aimerait-il que tu gâches ta jeunesse, que tu te prives de bonheur ? J'ai des regrets, Christian, de terribles regrets, mais je vis.

Et même si ce que j'aime ont disparu dans le néant, rien, rien ne pourra effacer le souvenir des moments passés avec eux. »

Je pris la main qu'il me tendait et sentis ses lèvres chaudes s'emparer des miennes, avec grand plaisir.

§§§

d) My world down

Le lendemain, je rentrai au petit matin dans la chambre que je partageai avec Amina. Elle m'accueillit en me gloussant à la figure.

« Toi, tu as couché avec le patron ! »

Ses crises de rire n'empêchait pas Amina de se montrer très maligne et ses remarques frappaient souvent juste.

Je ne répondis rien, mais rougis un peu, ce qui suffit à Amina pour comprendre qu'elle avait deviné.

« Alors, c'était comment ? »

Je lui lançai un regard désabusé. Elle se mit à me harceler de question. Au bout de cinq minutes, je craquai.

« Je te raconte, si tu ne promets de ne pas rire. »

Amina prit un air sérieux, que gâchait légèrement son rictus réjoui.

Malgré son côté horripilant, j'aimais beaucoup Amina. Elle était ma seule confidente, et semblait porter le même intérêt à ma vie qu'une fan pour son feuilleton télévisée préférée : elle suivait tous les épisodes avidement, sans en manquer un seul et elle y vouait une sorte de culte hystérique.

Auparavant, je n'aurais pas su trop en quoi ma vie pouvait entraîner tant de passion. Mais XO n'avait cependant pas menti, il m'entraîna dans son sillage vers une existence faîte de plaisirs, de rires et d'exubérance, et c'était ces récits qui passionnaient Amina.

XO me montra tous les bars et boîtes de nuit de Los Angeles qu'il connaissait, il me présenta tous les amis qu'il s'y était fait, m'enseigna comment profiter de cette vie nocturne au maximum, sans toutefois oublier toute prudence. Il m'apprit à me méfier des gifts donners, ces membres de la communauté homosexuelle de Los Angeles, qui transmettent volontairement le SIDA.

J'aimais XO. Je l'aimais d'une façon différente de la façon dont j'aimais Angel. Pour ce dernier, j'avais l'adoration d'un enfant envers son mentor, l'amitié sans faille qui unit deux amis exclusifs et l'amour de sa beauté, de son charme et de son caractère si différent du mien.

Angel m'aimait, avec tendresse, comme on aime un ami tout dévoué, un petit animal qu'on a sauvé de la noyade, une fleur qu'on a vu s'épanouir et dont on apprécie à présent le parfum.

J'avais été séduit par le charme de XO (qui me rappelait celui d'Angel) mais je me voyais en lui, en ses expériences qui ressemblait aux miennes, j'avais l'impression qu'il me comprenait et que moi je le comprenais aussi. Et d'une certain façon, j'avais aussi de l'admiration pour lui car même avec des regrets, il semblait resplendir, contrairement à moi. La séduction que le caractère de XO exerçait sur moi était forte.

Être amoureux, ce n'est pas se regarder l'un l'autre mais regarder ensemble dans la même direction.

Cette phrase qu'il m'avait dite décrivait mes sentiments à son égard. XO m'avait tendu la main et nous marchions ensemble dans la même direction.

Je ne savais pas trop ses sentiments à mon égard mais je pensais que j'étais précieux pour lui, une perle qu'il ne laisserait pas s'étioler selon ses propres mots.

Après la disparition d'Angel, ma fuite, loin de ce que j'avais toujours connu, j'avais perdu espoir. Au XO, je ne pensais pas trouver le bonheur. Pourtant auprès de son propriétaire, j'étais heureux.

Il y a quelque chose en tragédie qu'on appelle la fatalité. Elle désigne une forme particulièrement retorse du destin. En gros, le héros essaie désespérément d'échapper à son sort mais à chaque tentative d'évitement il ne fait que s'en rapprocher.

Fatalement.

Pendant des semaines, j'avais vécu comme un Moldu. J'avais même oublié que j'étais un sorcier.

Mais le destin, lui, ne l'avait pas oublié.

Je n'étais pas au XO, ce jour là, autrement je pourrais parier sans risque que je ne serais pas en train d'écrire ces mots en ce moment, à la terrasse d'un café londonien.

Deux lettres majuscules, fait de néons roses clignotant par intermittence. Bien séparées. XO.

Des baisers et des étreintes.

Mais les néons ne clignotaient plus.

Morts. Ils étaient tous morts. Sans exception. Sans aucune trace de la cause de leur mort.

Les médecins légistes se casseraient les dents dessus. Mais moi, je savais qu'il s'agissait de l'Avada Kedavra.

Finalement, Angel avait bien de la chance d'être en vie, quelque part. Car ni XO, ni Amina ne riraient désormais.

Ma famille était venue me chercher, et comme j'étais absent, il m'avait laissé un message.

Ce n'est pas la peine de t'acharner à échapper à ton destin. Car même si tu arrives, ceux que tu aimes paieront le prix de ta folie.

Encore une fois, je fuyais. Je quittais tout ce que j'avais aimé vers une horizon qui ne m'avait jamais paru aussi sombre.

Que m'avait dit XO ?

« Et même si ce que j'aime ont disparu dans le néant, rien, rien ne pourra effacer le souvenir des moments passés avec eux. »

Alors que je voyais son visage pour la dernière fois, je gravais ses mots dans ma mémoire. C'était mon seul espoir désormais.

Malgré la fatalité, malgré les ténèbres les plus noires, ces moments heureux, rien ne pourra les effacer, car eux, sont immortels.

A la fin de ce chapitre, j'allais limite fondre en larmes. C'est la première fois que ça m'arrive.