Adieu mon Lecteur Inconnu
Mon Lecteur Inconnu, beaucoup de choses ont changé depuis que j'ai commencé à écrire ces mémoires il y a trois semaines, juste après que Saori nous ait banni du sanctuaire. Que de choses qui sont mortes... Que de choses qui sont revenues à la vie après une courte période d'amnésie...
Rien ne s'est passé comme je l'avais prévu.
J'ai commencé à écrire ce texte à ton intention, mon Lecteur Inconnu, juste après la Damnatio Memoriae. Trois semaines pendant lesquelles, cachée des yeux de tous au sein même de mon cher Paradis Blanc, j'ai trahi ma mère divine en te dévoilant ses secrets. Trois semaines à romancer, résumer, synthétiser des années de vie. Mon Lecteur Inconnu... Je ne t'ai jamais menti. Certains passages ont été faciles à écrire, d'autres... m'ont brisé l'âme, ont fait remonter ma colère, ont nourrit la rancœur que je porte encore aujourd'hui. J'ai stoppé le récit une première fois juste après notre bannissement afin de vivre les quelques jours que je te raconte en ce moment. Je stopperai une nouvelle fois le récit à la fin de ce chapitre. Je n'ai pas encore vécu l'ultime confrontation dans la grotte de Pottenstein.
Mais pour le moment il me reste une dernière histoire à te raconter...
…...
Ereintée par cette journée particulièrement éprouvante et riche en émotion, je me laissai tomber comme une masse sur le lit après le départ des chevaliers et ne tardai pas à sombrer dans un sommeil sans rêves. Je dormais sans savoir que dans l'ombre, le plan des Dieux se mettait en place lui aussi.
Quelques heures plus tard, je m'éveillai subitement. Un bruit venait de me tirer de mon sommeil. Le bruit d'une porte qui s'ouvrait doucement. Je cessai de respirer en sentant une présence étrangère dans la chambre. D'un bond, j'enflammai mon cosmos, sautai du lit et me tournai pour faire face à cet inconnu téméraire. Pour ce qui est de la surprise, j'en fus pour mon compte mon Lecteur Inconnu… je n'aurais jamais imaginé revoir un jour la personne qui se trouvait face à moi, un petit sourire sur les lèvres et qui, amusée, leva les mains en signe de non-agression… Poludéukis ! L'ange de Zeus, celui-là même qui nous avait accueillies, Saori et moi, lors de notre visite à la forteresse du Dieu des Dieux. Je restai un moment sans voix, le cœur encore battant je dois bien l'avouer, de la frayeur qu'il venait de m'infliger.
- Pardonne-moi Enfant Sacré, me sourit-il. Ce n'était pas dans mon intention de t'effrayer.
Je songeai un instant à nier mais la véritable expression de terreur qui s'était lue une seconde sur mon visage ne plaidait pas en ma faveur. Je tâchai de reprendre mon souffle… et accessoirement ma dignité.
- Poludéukis, m'exclamai-je surprise. Je dois avouer que tu es sans doute la dernière personne que je m'attendais à voir ici. A quoi dois-je l'honneur d'une telle visite ?
- Notre Seigneur Zeus prend très à cœur la mission qui est la tienne. Et à ce titre, il m'envoie te porter un présent…
Il marqua un temps de pause. Etonnée, j'inspirai profondément. Zeus n'était plus censé se mêler des affaires terrestres. Je pensai subitement à Mû ; recevoir un présent de la part d'un Dieu, m'avait-il dit un jour, n'est jamais un bon signe. Cela n'inaugurait rien de favorable mais je tâchais néanmoins de faire bonne figure face à l'ange. Il passa sa main derrière son dos et sembla en détacher une arme qu'il me tendit. Un arc. Un arc entièrement fait d'or…
- L'Arc d'Artémis, m'exclamai-je impressionnée.
Je pris l'arc à deux mains et mon inquiétude s'envola en fumée. L'arme était faite en un or fin, extrêmement léger et flexible. Il brillait de tous feux et de lui émanait une impressionnante sensation de vivacité et de force. De la même façon que Dynamis, cet arc était vivant lui-aussi.
Je passai et repassai mes doigts sur sa courbure lisse. Il était parfait. Sa corde quant à elle, selon la légende, venait d'un crin du légendaire Pégase et elle était incassable. L'arme n'avait pas de flèche. Pas de carquois. Il suffisait de bander l'arc pour que le trait apparaisse. Avec célérité et précision, la flèche atteignait inexorablement son but et seuls les Dieux avaient la puissance nécessaire pour dévier un tir.
Emerveillée, je caressai l'arc avec des mains tremblantes.
- L'Arc d'Artémis, répétai-je.
Puis je revins à la réalité et relevai la tête pour faire face à Poludéukis.
- Je ne comprends pas, murmurai-je. Pourquoi notre Seigneur Zeus me ferait-il don d'une telle arme ?
- Considère plutôt ceci comme un prêt, rectifia l'ange, pour t'aider dans ton combat contre la réincarnation.
- Que cet arc ne m'était donné que pour cette bataille, je l'avais bien compris, souriais-je. Mais en quoi pourrait-il m'être utile ? Mon but n'est pas de tuer Saori, bien au contraire.
Poludéukis s'approcha alors de moi avec un petit sourire mystérieux.
- Cet arc, commença-t-il à énumérer, est une arme divine. A l'instar de Dynamis, il ne peut être manié que par une personne qui possède du sang divin.
Comme pour appuyer ses dires, l'ange posa sa main sur la mienne et la referma sur la branche de l'arc.
- Crois-moi, continua-t-il, si tu n'avais pas de sang divin, l'arme ne te permettrait même pas de la tenir en main.
Je pouvais sentir l'arme vibrer et presque respirer à travers mes doigts.
- Seul un Dieu pourrait te faire un tel présent et de cela, Saori en sera parfaitement consciente. Elle comprendra que si seul un Dieu peut t'autoriser à porter cette arme, seule une conscience divine pourra dévier le tir.
Et Saori finira donc par comprendre le véritable but de tout cela. Que ce n'était pas moi… Ça n'a jamais été moi…
- Bande cette arme dans sa direction, murmura-t-il en se rapprochant au creux de mon oreille, et elle n'aura d'autre choix que de laisser les rennes à Athéna. Elle seule ne pourra pas arrêter la flèche… épée de Zeus ou non.
Je caressai de nouveau l'arme des yeux. Un frisson glacé vint me parcourir l'échine. Peur, dégoût ou résignation… ? Je me passai l'arc en bandoulière et me tournai vers Poludéukis en m'inclinant, une main sur le cœur.
- Remercie, je te prie, le Dieu des Dieux pour ce présent et assure-le de ma dévotion toute entière. Je ne le décevrai pas.
- Le sort en est jeté Lune d'Argent, me répondit-il en s'inclinant.
Une fois restée seule, je repris l'arme dans mes mains. L'Arc d'Artémis… L'arc le plus puissant qu'il soit. J'eus une pensée amusée pour Miryna. Comment la reine avait-elle réagi lorsque l'ange était venu lui réclamer l'arc de sa Déesse ? Dans le fond, qu'importait sa réaction, on ne refuse pas quelque-chose à un envoyé de Zeus.
Je bandai l'arc et vis alors apparaitre une flèche d'or. Elle semblait prendre vie à mesure que j'étirai la corde et une lueur vive courait le long du tube, dévoilant toute l'impatience du trait à prendre son envol. La pointe luisait d'une étincelle. Aiguisée, si aiguisée qu'elle aurait pu transpercer du marbre. Quant aux plumes, elles semblaient avoir été ciselées dans l'or le plus fin.
Je ne tirai pas la flèche ce soir-là, par respect pour Artémis… mais je te garantis mon Lecteur Inconnu que ce n'était ni les envies, ni la curiosité qui me faisaient défauts.
…
Mon Lecteur Inconnu, j'ai beaucoup réfléchi. Je ne pouvais pas simplement aller et provoquer Saori comme j'en avais le plan initial. Cela n'aurait eu aucun sens. Pourquoi ? Pourquoi l'aurais-je provoquée ? Et surtout pourquoi maintenant ? Je devais faire extrêmement attention à ne pas me trahir. Il y avait des informations que je n'étais pas censée connaitre.
Et surtout, si j'avais, comme je prévoyais de le faire dans mon plan initial, défié Saori avec mon propre cosmos pour lui prouver que je pouvais le faire et qu'elle n'était donc pas une Déesse, j'aurais immanquablement attiré les chevaliers divins qui lui servaient de garde.
Fort heureusement, en venant me remettre l'Arc d'Artémis, Poludéukis m'avait donné alors une raison suffisante pour faire un chantage à ma Némésis. J'avais un plan…
Toujours de nuit… toujours seule. Toujours dans le jardin et toujours à côté du même banc… J'étais venue pour faire une dernière visite au Japon. Je m'étais enroulée dans la même cape que celle que je portais le jour de notre visite à la forteresse de Zeus, mais cette fois, c'était l'Arc d'Artémis que je dissimulais dans mon dos. Certains pourraient y voir une symbolique intéressante… je me contentais de ne pas y penser.
Et elle est arrivée, comme flottant dans les airs, toujours aussi belle, l'air toujours aussi fragile… pour qui ne la connaissait pas. Son sourire rayonnant sur son visage ; vraiment j'aurais presque pu croire qu'elle était sincèrement ravie de me revoir.
- Swann ! s'exclama-t-elle en s'avançant vers moi.
- Saori ! lui souriais-je poliment en retour.
Elle s'avança un peu pour m'examiner de la tête aux pieds.
- Comment vas-tu depuis tout ce temps ? Tu as l'air en pleine forme.
Je décidais de couper court aux mondanités et de laisser tomber les masques. Je connaissais Saori. Avec elle, ce petit jeu de dupe et de politesse pouvait durer longtemps et je ne voulais pas la laisser mener la danse. Si je voulais l'inquiéter, je devais me montrer agressive d'emblée.
Je levai donc une main agacée devant moi pour lui couper la parole et changeais le ton de la conversation.
- Arrêtons-nous là dans ce petit jeu Saori, veux-tu ? lui crachais-je avec violence sur un ton sec. Ni toi, ni moi ne sommes ici pour prendre le thé.
Pour une fois, la douche froide ne fut pas pour moi. Je vis avec satisfaction son sourire se figer brusquement quelques secondes puis réapparaitre, plus sincère, plus sournois. Elle aimait ce changement de ton.
- Pourquoi sommes-nous là dans ce cas ?
Je m'avançai d'un pas vers elle, le même sourire aux lèvres.
…
C'est assez curieux mon Lecteur Inconnu, mais c'est vraiment à cet instant, à ce moment précis que je n'avais plus rien à perdre que je commençai à savourer ce petit jeu également. Auparavant, Saori représentait la réincarnation de la Déesse dont j'étais le chevalier. Avec elle, j'avais toujours une épée de Damoclès qui pendait au-dessus de ma tête. Me taire… avaler les couleuvres en baissant la tête… mais plus maintenant. L'épée avait fini par tomber. Saori avait elle-même tranché le fil qui retenait mes dernières réserves, me libérant paradoxalement de son emprise. C'était stupide, et je m'en rendais compte à cet instant précis, alors que je la contemplais avec l'Arc d'Artémis dissimulé dans mon dos… c'était surtout un mauvais calcul de sa part. Rien n'est plus dangereux qu'une personne qui n'a plus rien à perdre.
…..
Je restais muette une seconde de plus, avançant d'un autre pas, accentuant mon sourire.
- Mais pour te dire merci tout d'abord, répondis-je en m'inclinant faussement.
Et comme je vis qu'elle soulevait un sourcil d'incompréhension, je décidai d'éclairer sa lanterne.
- Tu m'as libérée de ton emprise. Mes pairs ne me connaissent plus. Je ne suis plus l'un de tes chevaliers… je peux donc agir à ma guise à présent.
- Tu as perdu Swann, me fit-elle remarquer. Je t'ai chassée du sanctuaire et ton propre maître ne te reconnaitrait plus.
Je haussai les épaules l'air faussement détachée.
- Il y a des sacrifices qui étaient nécessaires.
Je vis avec satisfaction qu'elle commençait à s'inquiéter.
- Et quels sont donc tes plans ?
Son sourire ne mentait pas. Bien qu'inquiète, je voyais qu'elle aussi s'amusait de la situation. D'égale à égale… pour de vrai cette fois.
Mais je dois bien avouer que je ne suis pas aussi douée que Saori à ce genre de petit jeu de joute verbale. Si je voulais contrôler la situation, je ne devais pas perdre plus de temps. Je ne devais pas lui donner l'opportunité de diriger la conversation.
Je m'éloignais d'elle de quelques pas. Puis en me retournant pour lui faire face, d'un geste, je rejetai ma cape en arrière et pris l'arc dans mon dos. Je le bandai, prenant bien soin de diriger la flèche droit sur son cœur.
Son visage se décomposa subitement. Elle se recula vivement, prise d'un mouvement de peur réelle. La surprise qui se lut alors dans ses yeux n'avait rien de feinte.
Je souris. Un point pour moi ! Vraiment, elle ne s'y attendait pas.
- L'Arc d'Artémis, bredouilla-t-elle. Mais c'est impossible !
Puis la colère sembla prendre le pas sur la panique.
- Comment as-tu pu te le procurer ? Seuls les Dieux peuvent le toucher.
Je ne répondis pas. Restant muette à dessein, laissant le cheminement se faire naturellement dans son esprit.
…
Mon Lecteur Inconnu… Je n'oublierai jamais cet instant-là. Ce moment où, dans le fond de ses yeux, j'ai vu qu'elle avait finalement compris.
J'ai d'abord vu l'interrogation dans son regard, puis ses yeux se sont agrandis. Sa bouche s'est ouverte dans un « o » muet juste avant qu'elle ne vienne placer sa main devant. Son visage tout entier s'est alors paré du fard d'une complète terreur. Je pouvais entendre son souffle s'entrecouper, voir sa main commencer à trembler devant ses lèvres. Sur ses joues, ce sont des larmes de panique qui ont commencé à couler…
Oui Saori, à ce moment précis, tu comprenais enfin les conséquences de ce que tu avais toujours pris comme un jeu. Que ce soit la vie de tes chevaliers ou la mienne… dans ta tête ce n'était pas réel, n'est-ce pas ?
Tu réalisais à présent… uniquement à présent que c'était ta propre vie qui était menacée…
…..
Mais elle se reprit assez vite, je dois bien l'admettre.
Je ne bougeais pas, l'arc toujours bandé dans mes mains. Tout cela n'avait pris que quelques secondes. Elle se reprenait à présent. Je la vis inspirer profondément, fermer les yeux, puis je retrouvai la Saori que j'avais toujours connue.
- Il me suffit d'enflammer mon cosmos pour prévenir les chevaliers divins, me prévint-elle.
Perdue pour perdue… elle jouait la carte de la provocation. Je souris en retour en secouant la tête.
- Il me suffit de lâcher la corde, lui répondis-je. Tu seras morte avant qu'ils n'arrivent. Nous savons toi et moi que la flèche ne rate jamais sa cible…
Je marquai un temps de pause volontaire et accentuai un sourire narquois.
- Et que seul un véritable Dieu peut l'arrêter…
Pour le coup, ce fut un regard de haine qu'elle me lança mais elle n'osa pas bouger le moindre muscle tant que je la tenais en respect. Elle n'osa pas me défier davantage.
- Que veux-tu de moi ? finit-elle par demander.
Nous y voilà. Petit à petit je l'amenai exactement là où je voulais qu'elle soit. A présent, je devais la presser. Je relevai la tête mais je la gardai en joue par prudence.
- Je te donne trois jours Saori, annonçai-je. Trois jours pour rendre à chaque divinité les parties de l'Armure Sacrée que tu leur as dérobées. Tu peux le faire anonymement ou chercher une excuse, ce n'est pas mon problème. Mais je pense que tu as déjà compris que les Dieux étaient au courant. C'est ta dernière chance.
Elle était paralysée par la colère. Tout son plan venait de s'écrouler en quelques minutes. Tout ce pour quoi elle avait travaillé. Tous ces plans qu'elles avaient échafaudés depuis la fin de la dernière guerre sainte. Elle en tremblait de rage.
Je baissai l'arc. Commençais à reculer sans baisser ma garde. Je lui lançai la dernière pique, celle qui allait la décider…
- C'est bête, murmurais-je. Tu étais si près du but. Il ne te manquait que le casque…
Et je disparus.
….
Mon Lecteur Inconnu, à l'heure où je t'écris, elle n'a pas rendu les parties de l'Armure Sacrée…
Saori aurait pu éviter tout cela. Faire marche arrière et tenter une amende honorable mais nous savions, toi et moi, qu'elle ne le ferait pas.
En lui montrant l'Arc d'Artémis, en lui donnant un délai aussi court, je l'ai acculée contre le mur. Elle n'a plus le choix. Elle est parfaitement consciente qu'à présent, c'est elle contre tous et que si elle veut survivre à cette folie, il n'y a qu'une chose qu'elle puisse faire, juste une… elle doit finir de recréer Dynamis. Elle doit trouver le casque.
….
Conformément à ce que nous avions décidé, en quittant le Japon je suis allée directement en Russie. Dans les steppes sauvages de la Sibérie, dans une petite cabane que je connaissais bien. C'est là que mon frère m'attendait.
Par tous les Dieux, j'aurais aimé pouvoir m'attarder avec Camus. J'aurais voulu rester dans cette cabane avec lui mais ça n'aurait pas été prudent.
Saori ne va pas perdre de temps elle non plus, et je doute qu'elle attende la fin du délai pour contrattaquer. Au plus vite Camus lui dévoilera l'emplacement du casque, au plus vite elle cherchera à le récupérer. Et même si elle flaire un piège, elle n'a plus vraiment le choix. Son salut réside dans le casque, et elle le sait parfaitement.
J'ai rapporté notre conversation à Camus, je lui ai montré l'arc afin qu'il ne soit pas surpris et qu'il prévienne Milo. Je lui ai fait part de mon plan. C'est à lui de jouer à présent ! C'est à lui de convaincre Saori d'aller à la grotte de Pottenstein. Mais je ne suis pas inquiète. Camus est bon acteur, il saura trouver les mots.
Je l'ai serré dans mes bras en partant. Ce n'est qu'un au revoir… n'est-ce pas ? Le plan est en marche. Tout se passera bien. Nous sommes des chevaliers après tout. Le futur ne nous est jamais garanti…
Au revoir donc mon frère… Athéna annulera la Damnatio Memoriae. Tu retrouveras tes souvenirs et nous reviendrons au sanctuaire. Tout se passera bien… Au revoir donc mon frère.
J'ai tourné les talons très vite. Je ne voulais pas qu'il voit mes mains trembler.
Trois jours… ce même délai que j'ai donné à Saori me prend à la gorge moi aussi. J'ai si peu de temps devant moi et tellement de choses à faire. Mon lecteur Inconnu, lorsque tu lis ces pages, tu ne t'en rends sans doute pas compte, mais le simple fait de t'écrire pour te relater ces derniers jours depuis la rencontre en Bourgogne jusqu'à aujourd'hui me prend déjà beaucoup de temps, je te l'assure. Heureusement tout est déjà organisé avec mes frères. Il ne nous reste qu'à attendre.
Et ce plan, mon Lecteur Inconnu, peut-être est-il temps que je t'en parle, tu ne crois pas ? Tu en connais déjà les grandes lignes, mais je vais te l'expliquer en détails. Ce n'est pas très compliqué. Le secret réside en une particularité que possède la grotte de Pottenstein. Comme tu le sais déjà, la grotte jouxte de très près le royaume d'Hadès. Ce n'est pas tout à fait le territoire du Dieu des Enfers, mais une sorte de frontière et en tant que telle, le cosmos d'Hadès y est présent. Indétectable, mais présent, et il a la particularité de bloquer une très grande partie du cosmos de ceux qui y pénètrent afin de prévenir tout risque d'invasion. C'est là un point que Mû, Milo et Aiolia ont déjà expérimenté par le passé lors de la dernière guerre sainte. Dans le château d'Hadès, à la frontière de son royaume, ils furent vaincus tellement facilement par Rhadamanthe. Un tel exploit ne fut possible que grâce au cosmos d'Hadès qui bloquait celui des chevaliers d'or… n'en déplaise au spectre du Wivern qui ne fut pas en mesure de renouveler sa prouesse face à un Kanon en pleine possession de ses capacités…
Et donc, comme tu peux t'en douter, c'est cette même restriction que nous allons mettre à contribution pour piéger Saori. Pas elle exactement, pour être précise, mais plutôt et une fois de plus, les chevaliers d'or qui l'accompagneront… et c'est là que Tristan et Virgo interviendront. Dans l'ombre, ils se tiendront prêts et immobiliseront les ors lorsque ceux-ci seront tous dans la grotte. Saori se retrouvera ainsi privée de son armée, obligée de se battre elle-seule. Elle face à moi. Diminuée toutes les deux par le cosmos d'Hadès, nous serons néanmoins toujours à égalité. Saori ne sera pas en mesure de détecter le cosmos du Dieu des Enfers. Elle ne comprendra pas ce qu'il se passe. De ce fait, la seule vue de l'arc devrait la faire paniquer suffisamment pour qu'elle rende les rênes à Athéna.
Voilà le plan sur le papier, mon Lecteur Inconnu. Es-tu déçu ? Imaginais-tu un combat dantesque ? Ce n'est pas possible, et tu le sais. Saori reste l'enveloppe charnelle de la Déesse Athéna. Je ne peux pas prendre le risque de la blesser. Cependant, je demeure bien consciente d'une chose, son imprévisibilité…
….
Mon Lecteur Inconnu… le temps est venu de te faire mes adieux à toi aussi…
Je te l'ai dit depuis le départ. Je ne sais pas comment cette histoire va se finir, simplement car pour moi, elle n'est pas encore finie.
Je te demande pardon mon lecteur Inconnu. Cette fin va te paraitre un peu bâclée mais c'est le mieux que je puisse faire vu le temps et les circonstances.
Dans quelques minutes, je dois partir pour Chypre. Je dois revoir Mû à Kouklia. S'il a choisi de m'y donner rendez-vous, cela ne peut signifier qu'une seule chose : Camus a parlé à Saori et l'attaque est donc prévue pour demain. Un jour avant la fin du délai… je savais que Saori ne respecterait pas l'échéance.
Mû, mon maître, mon amour... Je suis si contente que les Dieux me permettent de le revoir avant la bataille finale. J'espère qu'il pourra venir avec Killian mais je préfère éviter de me faire de douces illusions.
...
Mon Lecteur Inconnu, ma sœur imaginaire… j'avoue que je ne sais pas trop comment conclure. Je me sens un peu stupide et j'ai la main qui tremble, la vision qui se trouble. C'est comme dire adieu à un ami de longue date.
On en a vécu des aventures toi et moi. Je me suis dévoilée à toi comme jamais je n'ai osé le faire avec personne. C'est tellement plus facile lorsqu'on écrit... Mais je te l'ai déjà dit et je le répète, jamais je ne t'ai menti. J'ai cherché dans ses mémoires à être aussi vraie que possible, aussi franche et aussi sincère. Toi seul m'as connu de cette manière.
Mon Lecteur Inconnu promets-moi que tu te souviendras des Enfants Sacrés et des Chevaliers.
Mon Lecteur Inconnu, promets-moi que tu te souviendras de moi...
Je ne sais pas de quoi demain sera fait et je pense que je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie... Quoi qu'il en soit, c'est la volonté des Dieux à présent...
Merci d'avoir partagé tous ces moments avec moi. Merci d'avoir été là pour me lire.
C'est le moment de poser ma plume. Mû va m'attendre et je ne te cache pas que j'ai hâte de le retrouver...
Adieu mon Lecteur Inconnu... que dire de plus qui n'a pas déjà été dit à travers toutes ses pages. Quoi que je puisse ajouter, tu le sais déjà, n'est-ce pas ?
Mon Lecteur Inconnu… ce fut un privilège et un honneur !
Pour toi à jamais,
Swann
