Je dédie ce chapitre à Bayas, parce que après tout, nous partageons toutes les deux le même rêve ...

3 – Shopping Trip

Je ferme les yeux, et je compte jusqu'à cent … en arabe d'abord, puis en allemand je passerais au tchèque plus tard, si les choses s'enveniment – j'ai demandé à Radek de m'apprendre juste pour avoir quelques munitions supplémentaires. Je n'ai aucun don pour les langues mais après avoir stationné plusieurs mois ici et là, vous finissez par retenir deux ou trois trucs, généralement, ce sont les jurons qui sont les plus faciles à retenir, pour moi, se sont les chiffres. J'adore les chiffres, yep, le génie des maths c'est moi et ….

Clang ! clang !

Eins, zwei, drei, vier … je reprends ma respiration et j'arrive à prononcer quelques mots, les dents serrées.

« Rodney, stop. »

Clang ! Clang !

« Quand est-ce qu'on arrive ? »

Fünf, sechs, sieben, … inspirer, respirer.

« Bientôt, alors arrête. »

Clang ! Clang !

« Quand bientôt ? »

Je sais qu'il le fait exprès. Ce n'est pas comme s'il ignorait le temps que met un Jumper pour atteindre le Continent, il a fait le voyage suffisamment souvent pour ça.

Je comprends mieux les crises de larmes et les cris dans les voitures. Comment font les parents pour ne pas devenir fous ou se transformer en brutes sanguinaires ? Cela ne fait que dix minutes que nous avons décollé, et dix minutes que Rodney s'amuse à taper dans le dos de mon siège … dix minutes que je viens de passer à développer différents scénarii de crimes parfaits.

« Alors ! »

Clang ! Clang !

Yep, je vais le tuer … dès qu'il n'y aura plus de témoins.

Je jette un coup d'œil à ma copilote.

Teyla fixe Rodney comme s'il était un ange, un petit sourire timide sur les lèvres, elle lui explique que nous arriverons d'ici quelques minutes. Et il le fait, la petite peste ! Il le fait ! Il se met à battre des cils, ses lonnnnngs cils noirs, qui – dixit, la peste en question – mettent en valeur le bleu de ses yeux, et il lui lance un de ses sourires mégawatts qui rendent gaga toutes les femelles de la base.

Il lui répond, sur un ton mi moqueur mi chantonnant.

« Merci Teyla ! »

Acht, neun, zehn, … JE-VAIS-LE-TUER … ou bien je pourrais aussi le torturer, genre, l'obliger à prendre son bain avant d'aller se coucher ou mieux, l'obliger à finir ses légumes verts !

Je sais, je suis une ordure sans nom …

Ronon lui ne dit rien, il se contente de fixer Rodney comme s'il s'agissait de son assiette.

Ronon a toujours cette intensité dans le regard lorsqu'il regarde ce qu'il y a dans son assiette, certainement une conséquence de ses sept années passées à fuir les wraith et à crever la dalle. Et donc Ronon fixe notre miniRodney comme s'il s'agissait d'un rôti … sans nulle doute, il doit se demander depuis quand les rôtis ont droit à la parole …

oOo

Nous voici enfin arrivés à destination.

Ronon et Teyla aident Halling à décharger le Jumper pendant que je m'occupe de Rodney.

Je m'agenouille devant son siège et commence à défaire la boucle de son harnais. Il fait la moue. Huhu, il est furieux parce qu'il ne peut pas défaire la boucle tout seul … motricité fine … à presque sept ans, ses doigts n'ont pas toute la motricité nécessaire pour défaire la boucle de la ceinture.

Ingénieux, non ?

Une idée de Kavanaugh … Je me demande parfois si ce n'était pas seulement un acte de vengeance contre ce chef qu'il déteste … et oui, Rodney est toujours le chef scientifique de l'expédition, sous la supervision de Radek, mais c'est quand même lui le Number One … bref, Kavanaugh aime travailler le cuir et il a proposé trèèèèès gentiment de confectionner ce petit harnais pour maintenir Rodney sur son siège. Il faut dire que notre premier vol s'est soldé par une entorse du poignet, avec un Carson furieux et un examen post mission particulièrement douloureux pour moi … en fait d'esprit vengeur, y'a pas à dire, Carson est celui qui détient tous les atouts !

Comme si c'était ma faute … Le problème c'est que Rodney refuse de rester assis tranquillement … quelqu'un a lancé l'idée d'un siège de voiture pour bébé et hop, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire Jumper One s'est retrouvé équipé d'un joli petit siège avec harnais en cuir.

« Et voilà » dis-je en libérant mon petit monstre.

Rodney pousse un bruyant soupir, se dégage du harnais et récupère son sac à dos. Le tout sans m'adresser la parole, bien entendu.

Je sais qu'il est furieux. Il ne voulait pas venir.

Rodney déteste faire du shoping. Et c'est exactement pour cela que nous sommes là.

oOo

« Bonjour Colonel et … oooooh, mais qui vois-je ? »

« Le père noël peut-être ? »

Rodney a dit ça sur un ton sec et ironique. Ma main vole et s'abat sur sa tête. C'est juste une petite tape, rien de bien méchant mais le regard qu'il me lance laisse clairement comprendre qu'il a l'intention de me dénoncer à plusieurs ONG pour mauvais traitements à enfants.

« Rodney … »

Je grogne, il soupire et finit par capituler.

« Désolé … moi aussi je suis très content de vous voir. »

Voilà qui est mieux … encore que le ton condescendant qu'il utilise, ainsi que le fameux battement de cils, me paraissent encore plus impertinents que sa remarque sur le père noël. Je laisse passer pour cette fois … après tout, Rodney est … et bien, Rodney, la taille ne change pas grand-chose et malheureusement, l'âge non plus.

Kaelia est la sœur cadette de Charin et c'est aussi une couturière hors pair. Malheureusement, tout comme Charin avec la cuisine, Kaela a échoué dans ses tentatives pour apprendre la couture à Teyla et comme nous n'avons aucun docteur Es activités ménagères sur Atlantis, nous avons été obligés de nous reposer sur Kaelia pour vêtir Rodney.

Bien sûr, le Daedalus lors de son premier voyage après la petite transformation de Rodney, a ramené deux ou trois choses, mais les militaires étant ce qu'ils sont, ils lui avaient préparé un trousseau spartiate : tout en trois exemplaires. Ce qui était loin d'être suffisant, d'autant que Rodney semble prendre un malin plaisir à trouer, brûler ou tacher de manière indélébile évidemment, tee-shirt et pantalon. Bref, nous avons du nous résoudre à demander de l'aide à Kaelia en attendant la nouvelle « commande » du Daedalus.

Et nous voici donc en cette jolie journée de juin, en train de faire nos emplettes chez les Athosiens.

« Viens par ici mon Trésor … déshabille toi que je prenne tes mesures ... Je reviens tout de suite. »

Kaelia sort.

Rodney regarde à gauche, regarde à droite, et rougit jusqu'à la racine de ses cheveux. L'index de sa main droite se retrouve immédiatement dans sa bouche, et il commence à le mâchouiller énergiquement.

Oho …

« Un problème Rodney ? »

Il lève les yeux vers moi et son regard fait à nouveau le tour de la petite hutte de Kaelia.

« Où je me déshabille ? »

Aaaaah, c'est donc ça … MiniRodney, mais toujours Rodney.

Rodney, à 38 ou à 7 ans, est une des personnes les plus pudiques que je connaisse … lui demander d'enlever ses chaussures et ses chaussettes dans un lieu publique, revient presque à le violer ! Sauf lorsque c'est lui qui offre spontanément le spectacle des dits pieds nus (5).

« Viens par ici … »

Je saisis une sorte de large plaid posé sur ce qui ressemble à un divan et je le tend devant Rodney, comme un paravent. Je l'entends pousser un petit soupir de soulagement. Il se déshabille et je l'enroule dans le plaid dès qu'il se retrouve en petite tenue.

C'est étrange … il est si fragile, si frêle … j'ai du mal à imaginer que je l'ai vu ce matin, admonester vertement un des ingénieurs – un type d'une quarantaine d'années – pour avoir fait une misérable erreur de calcul dans je ne sais plus trop quoi. Il était debout sur la petite estrade que lui a fabriquée Ronon – tout en bois, avec trois petites marches – terrorisant littéralement le pauvre homme … c'était Rodney, celui d'avant Rotgard mais là … là, c'est mon Rodney, celui dont Epimétheus m'a confié la charge.

Je résiste à l'envie d'enfoncer mon nez dans son cou … il sent … je ne sais pas … cette odeur caractéristique de l'enfance … entre le shampoing pour bébé et le chocolat …

Kaelia revient, les bras chargés de tissus, un petit coffret à la main.

« Ah, voilà nous y sommes. Viens par ici Trésor ! »

Rodney ouvre la bouche, certainement pour dire à Kaelia ce qu'elle peut faire de ses « trésors » puis il réfléchit et me regarde … je fronce les sourcils genre « gare-à-tes-fesses-si-tu-dis-un-seul-mot-déplacé » … il soupire, genre « quelle-plaie-les-adultes » puis trottine jusqu'à Kaelia tenant fermement le plaid contre lui.

« Huhu Trésor, il faut enlever ça si tu veux que je puisse travailler. »

Nouveau soupir, mais il obtempère.

oOo

Je me suis installé sur le pseudo divan et j'observe Kaelia prendre les mesures de Rodney avec un mètre … et je me rappelle brusquement de notre retour sur Rotgard, à Elisabeth et à moi.

Nous y sommes retournés, quelques jours après … et bien après la cure de jouvence made in Ancien de Rodney. Epimétheus nous a reçus à bras ouverts, et bien sûr, il n'était nullement surpris de notre visite. Elisabeth a essayé de plaider la cause de Rodney … en vain.

La leader de Rotgard s'est ensuite entretenue avec Elisabeth sur notre traité de coopération scientifique et je suis resté seul avec Epimétheus. Son sourire me suivait partout, un peu comme Mona Lisa.

« Et vous Colonel ? »

Huhu, et moi quoi ? Epimétheus étant ce qu'il est – à savoir comme tous les Anciens, un voyeur sans aucun sens de l'intimité – il a répondu alors que je n'avait pas posé la question à voix haute …

« Appréciez vous le cadeau que je vous ai fait ? »

Elisabeth est entrée juste à ce moment là, m'évitant de répondre à cette étrange question.

C'est amusant parce que maintenant, et même si Rodney peut être une peste de la pire espèce, je connais la réponse … je murmure, au cas où …

« Oui, merci … »

Je ne sais pas si c'est le vent ou mon imagination, mais je suis à peu près sûr d'avoir entendu une réponse, quelque chose sonnant vaguement comme « y'à pas de quoi ».

Fin de la troisième partie …

(5) Episode Suspicion, Saison 1. Rappelez vous, il met son pied sur la table de conférence ! Un tout mignon petit pied d'ailleurs … à croquer !