Chapitre 10: Tellement vous

aimez le carnage et la mort.

Nébuleuse du serpent, Citadelle, 07 mars 2560:

Jane se redressa brusquement dans sa couchette. Son cœur cognait à en rompre sa poitrine. Ses vêtement, chauds, poisseux et fétides, lui collaient la peau. Une douleur atroce lui vrillait le crâne. Les images revenaient inlassablement à l'assaut, laissant leurs traces brûlantes dans son lobe frontal.

Elle se leva, fébrile, ses jambes la portant à peine, chaque pas lui demandant un effort surhumain, insurmontable. Elle arriva enfin à son bureau. Elle ouvrit le tiroir d'un coup sec, avant d'y plonger sa main, palpant maladroitement son contenu, jusqu'à enrouler ses doigts autour d'un tube salvateur.

Elle attrapa le premier récipient passant à portée de main, un pot à crayon dont elle jeta le contenu à travers sa cabine, avant d'y faire tomber un cachet. Elle se saisie de la gourde d'eau qu'elle laissait toujours sur son bureau. Il lui fallut quelques secondes pour dévisser le bouchon, ses doigts trempés de sueur glissant sur le plastique.

L'eau, claire et pure, s'écrasa au font du pot. Le cachet, à son contact, se mis à bouillonner, quittant le monde solide pour rejoindre celui des liquides. Elle fit tournoyer le tout, avec ses doigts, avant de porter le pot à sa bouche. Elle ignora la partie du liquide qui s'échappa par les côté, pour tomber sur sa poitrine et le sol. Elle voulait juste que ça s'arrête.

Le liquide ambré, caché entre deux glaçons, les narguait presque, brûlant leurs gorges et embrumant leurs esprits. L'inspecteur Shepard et le capitaine Anderson, avachis dans le bureau de ce dernier, tâchaient de faire de leurs mieux pour ignorer le breuvage. Appuyé contre la cloison, Toombs, les bras croisés, fixait John du regard.

Le capitaine du Normandy soupira, avant de poser son verre, pour briser le silence pesant.

-Vous vous souvenez de l'arche, John?

Toombs sourit, une lueur de nostalgie dans les yeux.

-Un sacré spectacle, hein sergent?

-La galaxie, au dessus de nos têtes. Si petite, à la merci des Covenants. Ils avaient presque détruit notre monde pour l'atteindre.

Anderson regarda les glaçons fondre lentement.

-Quand on m'a annoncé la mort du prophète de la vérité, je n'ai pas réellement comprit ce que cela signifiait. Et quand nous étions revenus sur Terre, lorsqu'on nous a annoncé que la guerre touchait à son terme, je n'ai pas osé y croire.

Il releva les yeux, les posant sur John.

-Trente longues années, Shepard. Toute ma carrière. Toute ma vie.

Il enroula ses doigts autour du verre.

-La paix... la paix était quelque chose que j'avais oublié.

Il souleva le verre, sans pour autant le porter à ses lèvres, se contentant de le serrer contre sa poitrine. Son regard dériva jusqu'à un cadre, sobre et discret, posé sur un coin du bureau.

Il se pinça l'arrête du nez, essayant de retenir les larmes perlant dans ses yeux.

-J'ai fait tellement de choses... pour que cette guerre soit véritablement la dernière.

Toombs ricana. John se sentait terriblement fatigué. Il comprenait, mieux que quiconque, le sentiment d'Anderson.

La guerre. Cette créature capricieuse et croqueuse d'homme, jamais, ne lâchait ses amants. Sa battre, encore et toujours. Pour un carré de terre, pour une quelconque matière, pour le pouvoir, pour la survie. Inébranlable, inéluctable, marchant de concert avec son seul et véritable amour: la mort.

Sergent-artilleur. Un grade aux origines anciennes. Sergent, lui même, à sa racine latine, renvoyait à la notion de service. Un sergent était un serviteur, voué à la guerre. Un sergent d'arme. La moitié d'un chevalier, ceux que l'on considérait, jadis, comme l'élite et le commandement d'une force militaire. Avec le temps, le sergent devint un soldat d'expérience, un second, un leader. L'artilleur, lui, renvoyait au noble art, consistant à envoyer d'immenses masses de métal, projetées par de fulgurantes explosions.

La jonction de ces deux termes naquis, vraisemblablement, dans l'infanterie de marine d'une nation de l'ancien monde. Un spécialiste, qui devint un chef respecté. Un symbole de professionnalisme, d'autorité et de militarité.

Ashley Williams avait autrefois été cela. Mais son unité n'existait plus. Réduite en pièce pendant la bataille d'Eden Prime. Quel genre de chef ne ramenait pas ses hommes en vie?

Sèches et froide, elle enfonçait les cartouches dans les chargeurs, luttant contre un ressort qui lui résistait toujours un peu plus. La sergente-artilleur et l'armurerie. Elle était, ici, dans son élément. Les choses étaient simples, calmes. Une arme n'était qu'un ensemble de morceaux de métal. Les règles étaient claires et facile à suivre. Prévisibles.

Ashley avait toujours apprécié les armureries. C'était l'endroit rêvé pour être seul avec soit même. Réfléchir. L'humour militaire voulait qu'un marine soit bête à manger des crayons. Mais un soldat, en ces temps modernes, plus encore un sous-officier, se devait de réfléchir.

Elle n'avait pas pu sauver ses hommes. Mais elle avait survécu. Ce n'était pas une fatalité, mais une opportunité. Une opportunité pour demander justice. Lex taliones. Un œil, pour un œil...

-Williams?

Elle s'interrompit, reposant la cartouche qu'elle avait entre ses doigts. Elle se retourna. Le lieutenant Alenko venait d'entrer dans l'armurerie.

Dans un réflexe pavlovien, ses talons claquèrent l'un contre l'autre, ses jambes se raidirent et ses mains claquèrent sur ses cuisses.

-Repos Gunny.

Entendant le surnom de son grade, elle se détendit, plaçant ses mains dans son dos et écartant légèrement ses jambes. Un repos maintenu et discipliné, comme on lui avait apprit.

-J'ai appris que vous désiriez être transféré hors du Normandy?

-Oui, mon lieutenant.

Alenko laissa passer un blanc, invitant implicitement Ashley à développer.

-Permission de parler franchement, mon lieutenant?

Alenko hocha la tête.

-Ma présence, à bord du Normandy, n'est plus nécessaire, mon lieutenant. Ma place est dans une unité de combat. Surtout avec la guerre qui se prépare.

L'officier croisa les bras. Pensif.

-Je comprend ce que voulez dire, Gunny.

Le Normandy était un Prowler, un navire dédié à la collecte de renseignement et à l'infiltration. Ashley était un fantassin. Et la phase diplomatique était désormais passée. Son utilité, en tant que témoin des faits, n'était plus pertinente.

-Mais je doute que l'ONI vous laisse repartir dans une unité, après ce qu'il s'est passé sur Eden Prime.

-Sauf votre respect, mon lieutenant, nous sommes en guerre. L'UNSC va avoir besoin de tout le monde.

Kaiden sourit.

-Sous-entendez vous que mon équipe se tourne les pouces?

Un sentiment de honte envahit Ashley. Elle aurait dû tenir sa langue.

-Toutes mes excuses, mon lieutenant, je ne voulais pas...

Kaiden se mis à rire.

-Détendez vous, Williams.

Il s'adossa à une pile de caisse de munition.

-J'ai lu vos états de service. Sergent-artilleur, à votre âge, en temps de paix, peu de soldats peuvent s'en vanter.

Elle secoua la tête.

-Je ne sais pas si c'est vraiment mérité, mon lieutenant. Eden Prime...

-Eden Prime n'était pas de votre faute, Williams.

Il s'était redressé, il la fixait droit dans les yeux. Elle détourna le regard.

C'est ce qu'elle essayait de se dire depuis le début. Que l'ennemi avait l'effet de surprise, les surclassait dans presque tout les domaines. Pourtant, si c'était le cas, pourquoi avait-elle survécu? Face au silence, Kaiden comprit.

Il soupira et hésita, quelques secondes.

-Ashley. Ce n'était pas votre faute.

Il posa une main sur l'épaule du sous-officier.

-Vous êtes un soldat d'exception. Malgré tout ce que vous avez subis sur Eden-Prime, vous avez su continuer à aller de l'avant, à nous guider, avec la commandante, vers notre objectif.

Elle avait redressé la tête, soutenant son regard.

-J'aimerai vous proposer une place dans mon équipe.

Le visage d'Ashley afficha une certaine confusion. Kaiden sourit.

-Bien sûr, si vous désirez retourner en unité régulière, je comprendrais. Mais, réfléchissez-y, d'accord?

Il s'écarta d'elle, avant de la laisser à la simplicité et à la sérénité de l'armurerie.

Udina avançait d'un pas rapide, flanqué du capitaine Bailey, le responsable de la sécurité de l'ambassade. Ils progressèrent jusqu'au bout du corridor, arrivant jusqu'à la porte sécurisée du centre de sécurité. Bailey posa sa main sur le verrou biométrique. Une seconde plus tard, la porte s'ouvrait.

Le centre de sécurité était une petite pièce ultra sécurisée. Une demi-douzaine de militaires y étaient affairés, exploitant les renseignements transmis en temps réel par les systèmes de sécurité de l'ambassade. Une table holographique trônait au centre de la pièce. Elle projetait l'hologramme d'un homme vêtu d'un costume sombre, tel qu'on en voyait dans la plupart des bureaux d'affaire sur Terre. Fait notable, l'hologramme arborait une moustache.

L'hologramme se tourna vers Bailey et Udina.

-Capitaine. Ambassadeur. Il y a du nouveau.

Il claqua des doigts et une image en trois dimension d'un turien apparu sur la table.

-Qui est-ce?

-Nihlus Kryik. Répondit l'hologramme. Agent du Bureau Spécial de Tactique et de Reconnaissance, ou, Spectre.

L'hologramme du second turien décédé, apparu sur la table. Les turiens étaient très difficile à différencier. C'était la raison pour laquelle ils portaient des peintures faciales. Et celles du mort correspondaient en tout point avec celle du spectre.

-Et, accessoirement, notre mystérieux turien sur Eden Prime.

Bailey arqua un sourcil. Il savait ce que a voulait dire.

-On en est sûr?

L'hologramme hocha la tête.

-J'ai recoupé les bases de donnée des spectres et du SSC, ainsi que plusieurs fichiers médicaux sur la station. Le profil ADN correspond à cent pour cent. Et si leurs communications n'étaient pas cryptées, c'était comme si le conseil et le conseil le criaient sur tout les toits.

Un sourire mauvais s'étira sur les lèvres d'Udina. Les protocoles de sécurité informatique de la citadelle étaient complètement surclassés par les intelligences artificielles de l'UNSC.

-Cette fois on les tient.

Un sourire torve s'étira sur les lèvres de l'ambassadeur.