UNE FOIS ENCORE, cette rixe se retrouva dans l'édition du lendemain des Brèves de Poudlard. Les journalistes en herbe avaient même créé une rubrique spéciale nommée "Lion vs serpent", et avaient organisé un sondage où les élèves devaient estimer quand serait la prochaine dispute, et qui la gagnerait. Aria faillit avaler son jus de citrouille de travers lorsqu'elle ouvrit le journal au petit-déjeuner, ce lundi-là. Furieuse, elle reposa brutalement son verre sur la table, faisant sursauter quelques Serpentards autour d'elle qui n'étaient pas encore bien réveillés. Une quatrième année se décala même de quelques centimètres sur le banc afin de s'éloigner d'elle, juste au cas où. En face, Evelyn tenta de la calmer en lui assurant que Mars entrait dans sa douzième maison et qu'elle allait certainement gagner la prochaine confrontation qui arriverait, selon ses calculs, cinquante heures et dix-sept minutes plus tard. Aria n'y croyait pas une seconde mais hocha la tête en lui souriant légèrement, car elle essayait quand même de lui remonter le moral ; puis son regard croisa celui de Black à deux tables de là. Il lui offrit un superbe doigt d'honneur.

Les prédictions d'Evelyn s'avérèrent inexactes, au grand soulagement d'Aria. Elle ne voulait vraiment pas perdre son temps, son énergie ou sa concentration à se bagarrer avec Sirius Black. Mais, avide de vengeance pour avoir été privée de son sanctuaire et punie pour une bagarre qu'elle avait tenté d'éviter; elle avait tout de même pris la peine de lui lancer un sortilège inoffensif au détour d'un couloir un matin, le Cracbadabum, déchirant ainsi son sac pour en répandre tout le contenu à terre. La Serpentard s'était vite cachée avant que Black ne puisse comprendre qui lui avait lancé le sort et n'avait ainsi pas eu le loisir d'apprécier sa réaction, mais simplement l'entendre pester contre la terre entière lui avait mis un peu de baume au cœur.

Mieux encore, Potter laissa Aria tranquille durant leurs cours en commun. Il avait même cessé de la suivre dans les couloirs, et elle devina que Lupin avait agi en sa faveur et expliqué à son ami que cette situation la mettait plus en danger qu'autre chose. La jeune femme se demanda si elle devait le remercier, et comment elle allait bien pouvoir faire une telle chose. Elle ne connaissait pas du tout ce garçon, et il était difficile d'accès : avoir réussi à lui parler si longtemps quelques jours plus tôt avait été un coup de chance inouï. Il était toujours entouré de ses amis ou étudiait à la bibliothèque, lieu que la Serpentard n'avait plus le droit d'approcher jusqu'au 1er novembre. Elle avait bien tenté de révoquer cette interdiction en allant voir son directeur de maison, espérant que sa relation privilégiée avec ce dernier lui permettrait d'obtenir cette faveur particulière; mais Slughorn n'avait rien pu faire pour l'aider.


Vendredi 14 octobre 1977
Poudlard

Mère,

J'ai eu des nouvelles de votre frère, et malgré ses expérimentations qui me semblent tout sauf inoffensives, il a l'air de bien se porter. Il est au Canada, en ce moment ! Cela me semble être un très beau pays, j'espère pouvoir y voyager prochainement.

Ici, ma vie est un peu houleuse. Je n'ai aucun problème au niveau académique; mais j'ai beaucoup de différends avec Sirius Black, cette année. J'ai l'impression que nous ne parvenons pas à nous trouver dans la même pièce sans que nous ne nous sautions à la gorge ! Hier encore, le ton est monté et par sa faute, j'ai été bannie de la bibliothèque jusqu'au mois prochain ! Il voue de toute évidence une haine féroce envers les sang-purs, surtout les Sacrées; cela ne m'étonne guère qu'il ne veuille plus faire partie de sa famille. Mais il s'en prend à moi sans cesse, je n'en saisis pas la raison... Il y a d'autres membres des Sacrées à Poudlard !

Je suis très partagée en ce moment. Il me semble qu'une horrible guerre se prépare; sorciers contre sorciers. Historiquement, nous nous sommes battus contre les Moldus, et sommes restés unis, mais les choses commencent à prendre la tournure d'une guerre civile. Aux nouvelles hier, je ne parvenais plus à lire la Gazette tant le nombre de disparitions et de morts "inexpliquées" m'horrifiaient. J'ai la sensation que ce journal atténue la gravité des choses en insistant sur le fait que tous ces évènements ne sont pas liés mais on sait bien qui est derrière tout cela… Je sais qu'ici nous sommes protégés; on peut dire tout ce qu'on veut d'Albus Dumbledore, mais cet homme sait être rassurant et je me sens en sécurité à Poudlard. Je ne me fais pas de soucis pour vous également, mais notre statut de famille Sacrée semble faire de nous des alliés idéaux aux yeux des serviteurs de Vous-Savez-Qui. Il faut garder l'œil ouvert...

Je tente en ce moment d'échapper aux pressions de mes camarades de Serpentard qui sont en lien avec les Mangemorts, afin de ne pas avoir à choisir de camp; mais c'est une entreprise compliquée lorsque l'on partage leurs dortoirs ! Je commence à me demander si toutes ces croyances liées au sang en valent réellement la peine. Nous en venons à nous liguer les uns contre les autres... Je n'aime pas cela. J'ose espérer qu'à mon échelle, je saurai changer les choses.

Une autre chose m'inquiète un peu en ce moment : William ne semble pas être dans son assiette. Bien sûr, elle ne le montre pas et a toujours le sourire aux lèvres, mais je crois qu'elle vit de plus en plus mal sa situation familiale. Concernant Athelstan Jr, il n'y a pas de doute, il fait bien partie des adeptes du mage noir. Il ne cesse d'écrire à Will afin de la faire rejoindre ses rangs. Mais par-dessus cela, Will écrit souvent à sa mère qui ne lui a encore jamais répondu. Nous sommes rentrés en cours depuis plus d'un mois désormais, et comme elle est majeure depuis cet été, elle craint d'avoir été mise à la porte sans en avoir été avertie...

C'est avec beaucoup d'inquiétudes que je termine cette lettre. J'espère que tout va bien de votre côté, j'ai hâte de vous retrouver pour les vacances !

Je vous embrasse,
Aria


Le ciel était noir et orageux, et une pluie battante s'écrasait avec fracas contre les vitres de la Grande Salle le samedi suivant. Manque de chance pour eux, c'était sous ce temps apocalyptique que les équipes de Quidditch de Gryffondor et Pouffsouffle devaient s'affronter ce matin-là. Alors que le petit déjeuner se déroulait dans une ambiance électrique teintée de rouge, d'or et de noir, William n'en menait pas large devant son bacon et ses oeufs brouillés. À ses côtés, James Potter, en bon capitaine, tentait de rassurer son équipe en leur rappelant que les Pouffsouffles avaient fini derniers du classement l'année précédente, et qu'ils sentaient le blaireau mouillé sous la pluie de toute manière. Malgré cette belle tentative, cela ne rendit pas le sourire aux joueurs, et chaque éclair qu'ils apercevaient par les fenêtres faisait tomber leur moral un peu plus bas.

- On a jamais joué par un temps pareil, se plaint Will.
- J'aime bien la pluie mais là... soupira Rupert Bonwick, un cinquième année qui jouait au poste de gardien.
- Allez les gars ! s'écria James en tapant du poing sur la table.

Will lui jeta un regard en biais.

- Et les filles ! rajouta-t-il. On a gagné la coupe cinq années d'affilée, par tous les temps, toutes les saisons, face à toutes les équipes !

Il se leva et porta la main à son coeur.

- Nous sommes des Gryffondors, que diable ! Nous sommes braves, fiers, confiants, nous sommes des gagnants et ne laissons jamais aucun obstacle nous barrer le chemin vers la victoire !

Ses joueurs lui sourirent faiblement. Mendez, la nouvelle attrapeuse de troisième année, plongea la tête dans son bol de porridge, verte de peur.

- Allez, je crois en vous ! Vous êtes pas des mauviettes ! Vous êtes la meilleure équipe de Quidditch que Gryffondor ait connu, je le sais, je le sens ! On s'est entraînés dur, des heures durant, vous allez pas me dire que c'est pour vous dégonfler juste avant votre premier match de l'année ?!

Les autres Gryffondors présents autour de la table l'applaudirent en sifflant, et ses joueurs sourirent plus franchement.

- Oui, c'est ça, je veux vous voir sourire ! Je veux vous voir contents ! Je veux vous voir motivés !

À chaque fin de phrase, le capitaine tapait du poing sur la table, ses lunettes tombant un peu plus de son nez à chaque coup.

- On est qui ? chanta-t-il.
- Les Gryffondors ! s'écrièrent la quasi-totalité de la tablée, Sirius Black en chef de file.
- ON EST QUI ?! cria Potter en montant debout sur le banc.
- LES ROUGE ET OR !
- ET ON VA ... ?
- VOUS METTRE DEHORS !

Tous les Gryffondors présents dans la Grande Salle s'étaient levés, même l'équipe de Quidditch, et entonnèrent des chants de supporters, créant le chaos dans la Grande Salle. McGonagall s'était levée et se dirigeait vers le cœur de la tempête, furieuse, mais fut tout à coup entraînée dans une valse effrénée par Black et ne parvint pas à faire régner le calme. De leur côté, les Pouffsouffles s'étaient mis à chanter également pour défendre leur équipe, et le petit-déjeuner se transforma vite en bataille de nourriture que les professeurs eurent du mal à faire cesser.

Aria, qui avait assisté à toute la scène depuis la table des Serpentards où régnait un calme plat mêlé de condescendance et de mépris, se faufila parmi les toasts et haricots blancs volants afin de sortir de la salle. Will, un morceau de bacon coincé dans les cheveux, la rattrapa vite.

- Tu viens me voir jouer, Aria ? lui demanda-t-elle avec espoir.

Attendrie, Aria ne put retenir un sourire et Will sautilla tout autour d'elle.

- Tu vas voir, on va gagner ! J'ai une de ces patates !
- Potter est un sacré bon capitaine, remarqua Aria.
- Merci Justice, ce compliment me va droit au coeur !

Potter venait de se faufiler derrière elles, accompagné de son équipe et de ses trois acolytes; et attrapa le bras de Will.

- Maintenant, tu m'excuseras mais j'ai besoin de ma coéquipière de choc pour gagner ce match !
- À tout à l'heure ! cria Will à sa cousine alors qu'elle disparaissait dans une marée rouge et or.


Aria, vêtue d'une cape noire cachant ses vêtements aux couleurs de Serpentard, se faufila parmi les supporters de Gryffondor dans un des gradins du stade. Elle n'était pas la seule élève d'une autre maison à venir encourager les lions : elle repéra quelques Serdaigles sur les bancs voisins. Rassurée, elle s'assit et se tortilla sur place, tentant de trouver la position la plus confortable possible. La pluie s'amenuisait lentement et l'orage avait cessé : le ciel était plus clair et quelques rayons de soleil traversaient les nuages au loin; mais le vent soufflait toujours avec force. Les supporters des deux maisons étaient en liesse, et au vu du déroulement du petit-déjeuner, le match promettait d'être épique.

Soudainement, un groupe de filles de cinquième année à côté duquel Aria s'était assise se mit à murmurer frénétiquement et à glousser.

- Il est là, chuchota l'une d'entre elles avec excitation à ses copines.
- Par Merlin, j'en reviens pas qu'il vienne s'asseoir ici !

La jeune Gryffondor qui venait de parler sautillait sur place, et tentait d'arranger son bonnet sur ses cheveux emmêlés par le vent. Aria ne comprenait pas qui pouvait bien leur faire cet effet-là, et tourna la tête pour finalement apercevoir Black et ses amis faisant leur apparition dans les gradins. Elle soupira avec humeur. Il y avait toute une moitié de stade dédiée aux supporters de Gryffondor et il fallait justement qu'il vienne s'installer ici.

Une des filles à ses côtés se tourna vers elle, et remarquant qui elle était, devint livide. Elle tenta de signifier sa présence à ses amies d'une manière qu'elle jugea certainement discrète, mais cela n'échappa pas à Aria qui s'enfonça un peu plus dans le gradin, sa capuche occultant une bonne partie de son visage. C'était l'instant de gloire de sa cousine, et si elle et Black se mettaient à se disputer comme ils semblaient le faire à chaque fois qu'ils se trouvaient au même endroit, nul doute que cela ferait une fois encore la une du journal de l'école. Et volerait la vedette à quiconque gagnerait ce match.

Cependant, la nouvelle qu'une Serpentard se trouvait dans ces gradins se propageait rapidement, et Aria voyait tous ses espoirs de discrétion se réduire à néant. Soudainement, une des filles du petit groupe à ses côtés se pencha vers elle et l'interpella.

- Eh, Justice !

Aria ne répondit pas dans un premier temps, mais la petite blonde aux lunettes rondes réitéra son appel avec plus de vigueur et Aria se retrouva forcée de se tourner vers elle. Elle haussa un sourcil avec ennui, l'incitant à parler.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ?!
- Will est ma cousine, pour ton information. Je viens juste l'encourager.
- C'est ça, pesta une autre, une petite rousse replète. On sait bien que tu veux juste te rapprocher de Sirius !

Aria la fixa avec choc, une grimace de dégoût se dessinant lentement sur ses lèvres.

- Pardon ?!
- C'est sûr que toutes tes petites provocations c'est juste pour attirer son attention, mais on nous la fait pas à nous !

Enorgueillies par leur amie, les trois autres filles du groupe approuvèrent. Aria les regardait avec une incompréhension grandissante. Elle commençait à croire que tous les Gryffondors étaient placés dans cette maison en raison de leur stupidité.

- Mais enfin... commença-t-elle.
- Tu réussiras jamais à l'avoir, sale puriste, il déteste tous les gens comme toi et il te déteste toi en particulier !
- Il ne fait que t'insulter en salle commune, de toute manière.
- C'est peine perdue, ma pauvre fille, tu ferais mieux d'abandonner tout de suite.

Aria les regardait d'un air blasé, ne sachant quoi répondre. Quelles étaient ces accusations ridicules ? Elle abhorrait tout ce qui touchait de près ou de loin à cet énergumène écervelé, et rêvait très souvent de le noyer au fond du Lac Noir. Évidemment, il avait un certain charme que personne ne pouvait nier, mais Aria trouvait que sa personnalité l'enlaidissait.

- Si vous suiviez un minimum l'histoire, vous sauriez que tout chez cet idiot m'exècre. Je ne vois vraiment pas ce que vous lui trouvez.
- Tu veux rire ? Il est parfait ! s'extasia la brune à lunettes.
- T'as vraiment pas les yeux en face des trous, lui répliqua la rousse.

Aria se contenta de lever les yeux au ciel, et de reporter son attention sur le terrain où les joueurs venaient de faire leur entrée. Fort heureusement, Black n'avait toujours pas remarqué sa présence, trop occupé à animer les gradins avec des chants en faveur de sa maison. Aria espéra que cela serait ainsi durant tout le match.

Le commentateur était un Serdaigle de quatrième année, Jonathan Jones, qui faisait partie de l'équipe des Brèves de Poudlard. Il prit la parole, l'attention de tout le stade se tournant alors vers le terrain.

- L'équipe de Gryffondor entre dans le stade, menés par leur capitaine et poursuiveur James Potter ! Suivi de Justice ! Barnes ! McLloyd ! Stevens ! Bonwick ! Et leur nouvelle attrapeuse Mendez !

Les supporters de Gryffondor s'époumonèrent à l'annonce de leurs joueurs, qui faisaient un tour de terrain sous les applaudissements de la foule.

- Et voici les joueurs de Pouffsouffle ! s'égosilla Jones. Menés par leur capitaine et gardienne qui n'est autre que ma chère grande sœur Katherine Jones ! Mullet ! Larrens ! Shivet ! Martins ! Rowens ! Et leur attrapeur Willis !

L'équipe fit elle aussi un tour de stade sous les acclamations de leurs supporters.

- Madame Bibine s'avance sur le terrain pour le coup d'envoi !

La jeune professeure de vol et arbitre de Quidditch, qui venait de commencer à enseigner à Poudlard, s'avançait sur le terrain, balai en main, la caisse contenant les balles sous le bras.

Elle cria quelque chose que seuls les joueurs purent entendre, la pluie et le vent rendant ses paroles inaudibles pour les spectateurs.

- Mme Bibine rappelle les règles de bienséance aux joueurs, et libère le vif d'or et les cognards !

Aria aperçut deux formes noires s'élancer dans les airs, mais le vif d'or était trop petit pour être repéré à cette distance. Elle était bien contente que sa cousine ne soit pas l'attrapeuse de son équipe; avec ce temps, cela s'annonçait compliqué de réussir à repérer la petite balle dorée.

- Le souafle est lancé, et le match commence !

Les joueurs s'activèrent sur le terrain.

- Et c'est Potter qui récupère le souafle, le passe à Justice qui attaque directement vers les buts de Jones ! Elle évite un cognard lancé par Rowens, et passe la balle à Barnes, qui ne parvient pas à la rattraper !

Les supporters de Gryffondor huèrent alors qu'un Pouffsouffle rattrapait la balle.

- Les conditions météorologiques sont évidemment très difficiles aujourd'hui, le vent rend les passes très compliquées, expliqua le commentateur. Et c'est Larrens qui a rattrapé le souafle et s'élance vers les buts de Gryffondor ! Le passe à Mullet, Shivet, puis encore Larrens ! Les Pouffsouffle font une avancée remarquable vers les buts, Bonwick se prépare à parer l'attaque... Mais Larrens perd le souafle, déstabilisé par un cognard de McLloyd ! Et c'est Potter qui récupère la balle ! Et pendant ce temps, les deux attrapeurs semblent avoir du mal à trouver le vif d'or, et on les comprend, cette pluie rend la visibilité très réduite !

Une grande clameur s'éleva du côté des supporters de Pouffsouffle, alors qu'un de leurs poursuiveurs rattrapait Potter, toujours en possession du souafle. Puis les choses s'accélérèrent, Jones tentant tant bien que mal de suivre le rythme effréné des passes.

- Nous avons des joueurs en forme malgré la météo désastreuse ! Potter passe à Justice, qui passe à Barnes, qui repasse à Justice ! Elle vole à toute vitesse vers les buts de Pouffsouffle... BLOQUE-LA KATHY !
- Jones ! entendit-on dans le micro.

McGonagall se trouvait derrière le commentateur, et le réprimandait de prendre parti.

- Pardon Professeur ! Jones se prépare à arrêter le souafle, et... NON !
- JONES !
- Gryffondor marque dix points, grommela-t-il.

Les supporters rouge et or firent vibrer les gradins de leurs cris de joie, et firent une hola en l'honneur de leurs joueurs. Potter, Will et Barnes firent le tour du terrain à toute vitesse, les poings levés en signe de victoire.
Le match reprit, et bien vite les buts se suivirent; une demi-heure plus tard, Gryffondor menait 50 à 40.

- C'est un match très serré ! Mais nos joueurs ne se fatiguent pas, et continuent d'attaquer !

Le souafle était en possession des Pouffsouffles, et grâce à un cognard bien visé, Potter réussit à rattraper la balle lâchée par le joueur adverse sous le choc. Ce dernier faillit perdre l'équilibre sur son balai, mais reprit vite contenance. Potter montait en chandelle, le souafle à la main, et deux poursuiveurs de Pouffsouffle se mirent à le suivre. Soudainement, il lâcha la balle et Will la rattrapa, quelques mètres plus bas.

- Et c'était une magnifique feinte de Porskoff que Potter vient de nous faire ! Elle a permis à Justice de récupérer le souafle, mais voilà qu'elle se fait talonner par Shivet !

Aria retint son souffle. Elle ne se souvenait pas avoir déjà assisté à un match si mouvementé, et fut agréablement surprise de voir que sa cousine s'était considérablement améliorée par rapport à l'année précédente. Son jeu était vif, précis, et elle volait à merveille. Potter pouvait être fier de lui, son équipe était très douée. On eut dit qu'ils avaient joué ensemble toute leur vie.

- Justice passe le souafle à Potter, qui... marque ! Nous en sommes à 60-40 ! Mais.. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Alors que Potter faisait son tour de stade habituel sous les acclamations de la foule, quelque chose d'étrange se déroulait dans les gradins face à celui où était Aria. Des personnes en capes noires semblaient semer le chaos parmi les Pouffsouffles, et Aria ne mit pas longtemps à comprendre que c'étaient des élèves de sa maison. Des étincelles vertes et argentées s'élevaient au-dessus des sièges, tandis que les joueurs s'arrêtaient en plein vol afin de mieux regarder ce qu'il se passait.

- Il semblerait que des élèves soient attaqués par d'autres du côté Pouffsouffle ! Mais pas d'inquiétudes à avoir, les professeurs sont partis gérer la situation !
- Encore des Serpentards ça ! vociféra Black.

Quelques regards se tournèrent vers Aria, qui se recroquevilla sur son siège. Il ne manquait plus que ça ! Black et d'autres Gryffondors de sixième et septième année, prêts à en découdre, se décidèrent à aller voir ce qu'il se passait d'eux-mêmes et descendirent des gradins pour aller en face.

Les filles à côté d'Aria s'extasièrent devant la bravoure de Black, puis se tournèrent vers Aria.

- Tu as de la chance de ne pas être là-bas, Justice, Sirius t'aurait mis une raclée !
- Si ça se trouve, elle était là pour faire diversion pendant que ses potes attaquaient en face...

Des murmures s'élevèrent tout autour d'Aria, qui commençait à se sentir mal à l'aise. Elle tenta de garder son calme.

- Vous êtes épuisants ! Je n'y suis pour rien dans tout ça !

Elle ne convainc personne et les regards suspicieux se multiplièrent.

- Et puis, ne put-elle s'empêcher d'ajouter, le jour où Sirius Black me mettra une raclée n'est pas près d'arriver !

Alors que des murmures indignés se faisaient entendre autour d'elle, Aria décida de déclarer forfait et de rentrer au château : elle faisait le poids face à un Black énervé, mais pas contre une trentaine de Gryffondors en furie. Elle se leva dignement, avec un pincement au cœur en pensant à sa cousine, puis descendit du gradin les bras croisés et la tête haute. Alors qu'elle se dirigeait vers les escaliers de bois situés sous les bancs, elle entendit plusieurs insultes à son encontre. Elle feint de ne pas y prêter attention, mais une fois qu'elle fut seule, elle soupira lourdement.

Certes elle était à Serpentard, certes elle était une sang-pur, mais cela ne justifiait pas qu'on la traitât de la sorte. Elle savait qu'elle n'avait pas toujours été correcte durant sa scolarité envers les autres, mais elle avait toujours pensé que sa proximité avec Will et sa distance avec les Serpentards à problèmes l'avaient mise hors du radar des querelles de maisons. Elle savait pertinemment qu'elle était loin d'être populaire et se contrefichait de ce genre d'étiquettes, mais son nombre d'amis proches était quasi-nul et elle passait plus de temps à mépriser les gens en silence que se lier d'amitié avec eux. Elle comprit qu'elle avait adopté la mauvaise marche à suivre, et ce depuis des années; car lorsque ce genre de situation arrivait, elle était finalement seule contre tous et n'avait personne à qui se confier. Sa cousine avait beau être la personne de laquelle elle était la plus proche, elle avait aussi son lot de problèmes et Aria jugeait malvenu de lui faire part des siens, surtout que Will n'avait aucune difficulté à se faire des amis.
Elle entendait encore, derrière, des Gryffondors pester contre elle et ne put retenir une larme solitaire qui roula le long de sa joue.


Aria avait passé le reste de la journée dans son dortoir, et n'était descendue dans la Grande Salle que quelques minutes durant le repas du soir, pour manger en vitesse et disparaître à nouveau dans son lit. Elle eut cependant le soulagement de voir que le match s'était terminé sans encombre, et que Gryffondor avait battu Pouffsouffle à plate couture. Mais sa prise de conscience de l'après-midi l'avait mis dans un état léthargique duquel même Evelyn Tewn, avec ses prédictions rocambolesques qui la faisaient généralement bien rire, ne parvenait à la faire sortir.

Était-il trop tard pour changer la donne ? Et d'ailleurs, comment faire ? Elle savait qu'elle entretenait beaucoup de relations plus ou moins cordiales avec les autres septième années, mais elle avait passé tant de temps à prévoir sa carrière future qu'elle en avait oublié l'essentiel : même au plus haut point, elle aurait besoin d'amis pour la soutenir. Et même si elle avait, durant toutes ses années à Poudlard, lié des camaraderies avec certains en cours, ou très souvent discuté avec d'autres au détour de la bibliothèque; elle restait une solitaire.

Cela ne l'avait jamais dérangée auparavant, et tous ceux qui la connaissaient un tant soit peu le savaient et la laissaient tranquille; pour son plus grand plaisir. Cela lui suffisait de n'avoir que Will comme confidente; mais après s'être autant rapprochées l'une de l'autre depuis quelques mois, Aria commençait à envier sa cousine et ses innombrables amis.

Le lendemain, dans l'après-midi, Aria décida d'aller travailler dans la salle commune afin de socialiser un minimum; ou, en tout cas, de se mêler un peu plus aux gens qui l'entouraient. Elle savait qu'elle avait plutôt intérêt à se lier d'amitié avec des Serpentards, mais ce qui arriva par la suite l'en découragea quelque peu.

La salle commune était bondée en ce dimanche pluvieux, et Aria avait du mal à se concentrer. Elle était plongée dans un devoir de Métamorphose lorsqu'une explosion tonitruante lui fit lever la tête. Le groupe des Serpentards de septième année et leurs suiveurs s'amusaient à tester des sortilèges sur le chat d'une pauvre première année. Bien qu'ils ne le blessaient pas à proprement parler, ils le torturaient en prenant un malin plaisir à démontrer l'étendue de leur savoir en magie : ils l'affublaient d'oreilles en plus, changeaient la couleur de sa fourrure ou le faisaient aboyer. L'explosion ayant déconcentré Aria avait été causée par Evan Rosier, qui avait un sourire mauvais aux lèvres. Au vu de l'état dans lequel se trouvait le fauteuil qui fut touché par le sort, Aria fut soulagée que le chat n'en ait pas été la victime. Elle voyait plusieurs de ses comparses regarder le groupe d'un air choqué, mais personne n'osait aller à leur encontre. La jeune propriétaire du chat pleurait en silence dans un coin, tandis que le groupe d'amis de Rosier riait grassement. Aria se leva, en colère.

- Vous avez fini ?!

Rosier se retourna vers elle, et haussa les épaules.

- T'as un problème, Justice ? lui demanda Rodolphus Lestrange, l'air mauvais.
- Figure-toi que oui, Lestrange. Vous ne voulez pas aller faire mumuse ailleurs ? En évitant de vous attaquer à des êtres vivants, de préférence ?

Jasper Wilkes, autre membre de la bande, s'approcha d'elle baguette à la main.

- Tu veux vraiment jouer à ce jeu-là, Justice ?
- Non mais franchement... râla Aria, en le regardant d'un air désabusé.

Elle attrapa le chat qui s'était terré dans un coin, tremblant de peur, et le rendit à sa propriétaire qui s'enfuit vers son dortoir en courant.

- Tout le monde vous craint déjà assez, ça ne sert à rien de vous mettre votre propre maison à dos en plus !

Les garçons éclatèrent de rire. Parmi eux, Severus Rogue restait cependant silencieux, les bras croisés.

- On s'en fiche de ça, lui répondit Rosier. On a plus rien à faire ici, on passe juste le temps en attendant de servir la vraie cause.
- Le Seigneur des Ténèbres compte sur nous, clama Lestrange en bombant le torse.

Ses amis lui jetèrent un regard noir, ressemblant à un rappel à l'ordre.

- Peu importe qui compte sur nous, continua Rosier, on fait ce qu'on veut et c'est pas parce que t'es une Justice que tu vas nous la faire à nous !

Ses amis ricanèrent à sa blague, tandis qu'Aria trouva ce jeu de mots désolant. Elle haussa les épaules et alla rassembler ses affaires. Au moins, elle avait essayé. Ce faisant, elle croisa le regard de Regulus Black, le petit frère de Sirius, qui était en sixième année. Il faisait aussi partie de ce groupe, mais était resté à l'écart cette fois-ci et lisait un livre sur un rebord de fenêtre. Aria eut l'impression qu'il s'excusait pour le comportement de ses amis. Mais il ne faisait rien pour les en empêcher, alors elle l'ignora froidement. Elle dépassa le groupe de futurs mangemorts qui était déjà passé à autre chose, et commençait à descendre les escaliers menant à son dortoir lorsque quelqu'un la retint par le bras.

Aria fut surprise de se retrouver face à Severus Rogue, qui la regardait fixement, le teint livide.

- J'ai... Ehm... Vu que tu traînais avec Potter récemment.

Aria sentit son rythme cardiaque s'accélérer. Que répondre ? Elle ne voulait pas devenir l'espionne attitrée de leur maître; mais en même temps, elle savait qu'elle ne pourrait jamais lutter contre eux, ils étaient trop nombreux, et connaissaient trop de magie noire pour qu'elle puisse rivaliser.

- Je ne traîne pas avec Potter, il me colle, c'est tout. J'y ai mis fin, déjà.
- Ah, d'accord. Et... Euh... Tu sais si Lil...Euh, Evans et... Potter… Euh...

Le teint habituellement pâle de Rogue se teintait de rose.

- S'ils sont ensemble ? clarifia-t-elle, étonnée.

Il détourna le regard et hocha brièvement la tête.

- Aux dernières nouvelles, non. Will ne m'en a pas parlé.
- Oh, William... marmonna Rogue plus pour lui que pour son interlocutrice. Je l'avais oubliée, elle.

Aria haussa un sourcil. Rogue et Evans avaient été très proches durant leurs premières années à Poudlard, mais comme Evans était une née-moldue et que Rogue l'avait insultée devant toute l'école plus d'un an auparavant; elle pensait qu'il ne lui portait tout simplement plus aucun intérêt. Elle semblait être à l'exact opposé de ses valeurs.

- Oui, William Justice, ma cousine, qui partage son dortoir. Elle la connaît mieux que moi, mais si tu veux je peux lui demander de ses nouvelles pour toi...

Rogue ne répondit rien mais hocha à nouveau la tête.

- Que me proposes-tu en échange ? demanda Aria, heureuse d'avoir le dessus dans cette conversation.
- Si tu veux, tu peux avoir mon manuel de Potions.
- J'en ai déjà un, merci bien.
- Tu ne t'es jamais demandée pourquoi je parvenais toujours à te battre en Potions ? lui demanda Rogue d'un air mystérieux.

Aria fut tout à coup tentée par sa proposition. Que contenait ce livre ? Des recettes améliorées ? Puis elle se ressaisit. Quelles qu'étaient les raisons du talent de Rogue en Potions, elle le battrait sans tricher.

- Ce n'est pas de la triche, lui dit tout à coup Rogue.
- ... Que... Comment...
- Peu importe. Si tu préfères, je peux essayer de les calmer, en échange.

Il fit un signe de tête vers ses amis, qui ricanaient encore bêtement pour une raison inconnue au milieu de la salle commune. Aria n'hésita pas un seul instant, et lui tendit sa main. Il la serra rapidement, puis s'en alla. La jeune fille continua sa descente en s'essuyant contre sa robe. Ce garçon avait les mains incroyablement moites. Et comment diable avait-il deviné si précisément ce qu'elle pensait ?


Mercredi 19 octobre 1977
Stonehaven, Aberdeenshire

Ma belle Aria,

Je suis fier d'avoir une fille à l'esprit si ouvert, mais n'oublie pas tes origines : tes grands-parents s'évanouiraient en lisant tes mots. Pour eux, il n'y a pas de meilleure race que les sang-purs, tu le sais bien. Mais je crains que tu n'aies raison; une guerre civile est en marche. Le monde extérieur est de plus en plus dangereux, bien sûr nous ne serons pas touchés mais il n'empêche que nous aurons certainement à choisir un camp... Nous en parlerons plus tranquillement quand tu rentreras. En attendant, garde un profil bas, comme toujours. Nous ne nous faisons pas de soucis quant à ta sécurité, Poudlard est un endroit aussi sûr que Gringotts, dors sur tes deux oreilles.

Je suis désolé pour William, j'espère que tu restes à ses côtés. Ses parents peuvent être si durs, parfois... J'en parlerai à Athelstan Sr., mais il n'aime pas que je me mêle de ses affaires. Nous serons ravis d'accueillir ta cousine durant votre semaine de vacances, si elle le souhaite.

Concernant Sirius Black, nous ne le connaissons pas assez pour prétendre tout savoir de lui, mais il doit traverser une passe difficile. Couper tout lien avec ceux qui l'ont élevé doit l'affecter, quoiqu'il en dise. Ses parents ne tarissent pas d'éloges sur son frère Regulus et semblent avoir complètement oublié leur aîné. Ils ont toujours affiché une préférence certaine pour leur cadet, comme tu dois t'en souvenir, mais désormais c'est comme si Sirius n'existait tout simplement pas. Sois magnanime avec lui, même si ses attaques envers toi te semblent injustifiées, reste digne et juste; tu es une Justice, et ce n'est pas un Black qui te dictera ta conduite !

Nous avons récemment eu des nouvelles d'Elphias, nous aussi. Il semblait mener une vie mouvementée, mais sans dangers apparents. Nous espérons l'avoir au manoir pour Noël.

Prends soin de toi ma fille, ta mère t'embrasse.
Percival Justice